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 Herman Melville

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Snark
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MessageSujet: Herman Melville   Herman Melville EmptyDim 28 Oct 2007 - 16:41

Herman Melville Melvil10

Présentation de l’auteur

Herman Melville est né à New York le 1er août 1919. En 1842, il publie son premier roman, Typee, qui remporte un grand succès. C’est un récit d’aventures que Melville désavouera par la suite, car ce n’est que dans Moby Dick (1951), que le « vrai Hermann Melville » s’exprime. Dans cette œuvre monstre, il traite en profondeur les problèmes qui l’accablent (le mal, la vérité, critique radicale de l'idéologie américaine). Cette œuvre sera toutefois incomprise par ses contemporains. Elle ne se vend pas et la critique la bombarde (la fait couler socialement).
Cet échec signifie le refus de reconnaître le vrai Melville, et le désole (il coule, également). Il ne s’en remettra jamais. Âgé seulement de 37 ans, il n’écrit plus, laisse tomber la mer et se condamne à l’échec en devenant inspecteur des douanes du port de New York. Il vécu solitaire, marginal, maudit. Sa vie de famille ne lui apporta pas plus de bonheur. Au contraire, sa femme ne le comprenait pas, et il rejeta le rôle typiquement américain de père.  

Ce que je me sens le plus poussé à écrire m’est interdit… mais écrire de l’autre façon, je ne peux pas. Et c’est ainsi que le résultat final est un beau gâchis… (Lettre à Hawthorne, 1851)
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Snark
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyDim 28 Oct 2007 - 17:06

Herman Melville 13510

Moby Dick
Ahab : Comment le prisonnier pourrait-il s’évader… sans percer la muraille? Pour moi, cette Baleine Blanche est cette muraille, tout près de moi. Parfois je crois qu’au-delà il n’y a rien.

Résumé ce chef-d’oeuvre de la littérature américaine est tâche impossible. Il est écrit et construit d’une manière très sophistiquée. D’innombrables genres constituent sa texture : le scientifique et le pseudo-scientifique, l’érudition et la parodie de l’érudition, la description, l’abstrait analytique, le poétique ou le poético-lyrique, le style documentaire, le comique, etc. Il arrive qu’on passe d’un interminable plaidoyer pour l’honneur de la chasse à la baleine à une suite d’aventures vives et entrainantes...

Ahab, vieillard farouche, méditatif, mutilé, forcené, déterminé et digne ayant la crucifixion écrite sur sa face, dirige en seigneur, dictateur suprême et maître, l’équipage du Péquod, afin d’exécuter un « immuable décret »: poursuivre Moby Dick, la cause de sa souffrance, à travers les océans inexplorés de l’esprit.
Ainsi lancé, frété de sauvages, chargé de feu et brûlant un cadavre en plongeant dans les noires ténèbres, le Péquod semblait le double de l’âme de son capitaine fou.

On voit bien l’enjeu métaphysique de sa quête. Moby Dick représente un au-delà. L’origine de la souffrance, du mal, de la vie :
Éprouver une telle fureur, se venger d’une bête brute qui n’a frappé que par instinct aveugle, me semble blasphématoire (, dit Starbuck)… (Mais Achab: ) Toutes les choses visibles, homme, ne sont que masques de carton. Mais dans chaque évènement, dans l’acte vivant, l’action incontestée, quelque chose d’inconnue, mais pourtant qui raisonne pousse le moule de ses traits derrière le masque sans raison. Si l’homme veut frapper, qu’il frappe à travers le masque. Comment le prisonnier atteindrait-il l’extérieur à moins de passer à travers le mur? Pour moi, la Baleine Blanche est ce mur, poussé contre moi… Cette impénétrabilité, voilà ce que je hais!

Interprétation de l’œuvre :
Achab, à l’image de Melville, est un « lunatique du Non »* . Il refuse les vérités admises, il refuse l’ordre prôné par la société de son époque, il refuse le concept de personne, il refuse le christianisme. En deux mots : il dit non à toutes les formes de la transcendance. Mais au surplus, il refuse la part de désordre ou de hasard qui est venu le frapper (perte d’une jambe, souffrance). Figure du Diable poussée par son orgueil, il défie l’ordre de la Nature en essayant d’aller au-delà. Il méprise même le libre arbitre des membres de son équipage : « Vous n’êtes pas d’autres hommes mais seulement mes bras et mes jambes ». Ceux-ci ne sont que ses instruments. De cette manière, il envahit les hommes ordinaires de son énergie satanique. D’où son impiété humaine. Et à l’égal du Diable, la nature n’est plus une source de joie : « Cette tendre lumière, elle ne m’éclaire pas. Tout ce qui enchante n’est qu’angoisse, puisque la joie m’est interdite ». Le refus de Dieu, de la nature et des hommes « est pour lui à la fois un châtiment inéluctable, et un destin farouchement embrassé » .

Pourquoi cherche-t-il à tuer Moby Dick? Le Non total étant assumé, il reste une force positive: l’intention fixe et diabolique de tuer la Baleine Blanche. C’est une force visant un but au-delà de toute volonté humaine. C’est d’ailleurs cette fixité qui se manifeste lorsque Achab refuse d’aider le Rachel à rechercher ses enfants perdus en mer. Car cette dure intention est plus forte que toute volonté humaine. Achab espère voir de quoi la nature est faites. Il recherche une révélation. Et Moby Dick est cet absolu qui, suppose-t-il, révèlera l’univers d’un au-delà.
*Cette courte étude repose sur l’article : Un lunatique du Non, Enrique Vila-Matas, publiée dans le Magazine littéraire de septembre 2006.

Je vous recommande vivement ce roman à proportion biblique. Le lire, c'est s'engager tout entier dans un voyage homérique et enivrant. Very Happy
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyDim 28 Oct 2007 - 19:22

Sursaut de Moby Dick
Soudain les eaux autour d'eux s'élargirent en vastes cercles, puis se soulevèrent rapidement comme si elles glissaient autour d'un iceberg immergé montant rapidement à la surface. Un grondement sourd se fit entendre, un bourdonnement souterrain, et tous suspendirent leurs souffles. Une vaste forme dépenaillée par les lignes, les harpons et les lances qu'elle remorquait, jaillit obliquement de la mer. Enveloppée d'un mince voile de brume, elle plana un instant dans l'air irisé, puis retomba lourdement dans la mer. Les eaux giclèrent à trente pieds de hauteur comme autant de fontaines, puis se brisèrent en fine averse, encerclant la baleine marmoréenne d'une mousse de lait frais.
- En avant ! cria Achab aux canotiers et les pirogues foncèrent à l'attaque. Mais Moby Dick, enragé par les fers de la veille qui lui fouillaient la chair, semblait possédé par l'armée des anges déchus. Sous la peau transparente de son front, ses tendons saillaient en nœuds épais ; il s'élança, la tête la première, et la queue fouettante parmi les baleinières, les séparant une fois de plus, et jeta à l'eau les harpons et les lances des deux seconds comme il frappait l'extrême de leur avant. Il laissa celle d'Achab sans une égratignure.
Cependant que Daggoo et Queequeg aveuglaient les interstices entre les bordés et que la baleine en s'éloignant d'eux révélait l'un de ses flancs en se retournant, un cri bref s'éleva. Lié au dos du poisson, garrotté par les tours innombrables de la ligne que la baleine avait enroulée durant la nuit, on vit le corps à demi déchiqueté du Parsi, son vêtement noir en lambeaux et ses yeux exorbités fixés droit sur le vieil Achab.
Le harpon lui en tomba des mains.
- Trahi ! J'ai été trahi ! dit-il en prenant faiblement un long souffle. Oui, Parsi ! Je te revois... Oui, et tu pars le premier... et ceci, ceci alors est le corbillard que tu as annoncé. Mais je te tiens au dernier mot de ta prophétie. Où est le second corbillard ? Seconds, retournez au navire ! Ces baleinières sont maintenant hors d'usage, réparez-les à temps si vous le pouvez et rejoignez-moi. Sans cela, il suffit qu'Achab meure... Assis, hommes ! A la première velléité de sauter de la baleinière, je vous harponne. Vous n'êtes plus des hommes, vous êtes mes bras et mes jambes, aussi obéissez-moi... Où est la baleine ? A-t-elle sondé à nouveau ?
Mais il regardait trop près de la pirogue. Moby Dick maintenant nageait régulièrement en avant, comme s'il n'avait d'autre souci que de s'enfuir avec le cadavre qu'il portait, comme si cette dernière rencontre n'était qu'une halte de son voyage sous le vent. II avait presque dépassé le navire - qui jusqu'alors suivait le cap opposé - et maintenant avait mis en panne. II semblait nager aussi vite que possible dans la seule intention de poursuivre son chemin dans l'Océan.
- Oh ! Achab, s'écria Starbuck, il n'est pas trop tard, même en ce troisième jour, pour renoncer. Vois, Moby Dick ne te cherche pas ! C'est toi, toi seul qui le cherches dans ta folie!
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyDim 28 Oct 2007 - 21:12

Moby Dick est un livre que j'ai ouvert vers 12-13 ans ? (rien n'est moins sûr) et que j'ai vite refermé après seulement quelques pages. ce n'était pas un livre qui m'attirait et bizarrement ça ne m'attire toujours pas.

ce qui ne m'empêche pas de me demander si ce n'est pas une erreur persistante de ma part scratch
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyDim 28 Oct 2007 - 21:28

Ce qui est curieux, c´est que souvent, lorsque l´on interroge les grands auteurs contemporains sur les lectures auxquelles ils reviennent toujours, il y a souvent MELVILLE. Jonathan Littel, pour ne pas chercher plus loin. study
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyMar 30 Oct 2007 - 16:33

animal a écrit:
Moby Dick est un livre que j'ai ouvert vers 12-13 ans ? (rien n'est moins sûr) et que j'ai vite refermé après seulement quelques pages. ce n'était pas un livre qui m'attirait et bizarrement ça ne m'attire toujours pas.

ce qui ne m'empêche pas de me demander si ce n'est pas une erreur persistante de ma part scratch
p-ê est-ce le caractère pompeux de son œuvre qui te déplait? En effet cela peut lasser. Mais en mm temps, si on croit en la quête d’Ahab, l’effet peut être inverse, passionnant!
Melville a une vision de la mer qui mérite le détour, crois-moi. Wink


Un autre court extrait :

Achab, faire front au vent

Pendant cette période de ténèbres, Achab, bien qu'assurant le commandement sur le pont glissant et dangereux montra une ombrageuse réserve, adressant moins que jamais la parole à ses seconds. Par de pareilles tempêtes, lorsque tout est assuré tant sur le pont que dans la mâture, il n’y a plus rien à faire qu’à attendre qu’elles passent. Le capitaine et son équipage devenaient fatalistes. De sorte que, sa jambe d’ivoire fixée dans son trou de tarière comme à l’accoutumée, une main agrippée à un hauban pendant des heures et des heures, Achab se tenait debout, le regard au vent, tandis que, parfois, une rafale de neige fondue soudait de gel ses cils. Pendant ce temps, les hommes chassés du gaillard d’avant par les paquets de mer qui passaient par-dessus les pavois, s’alignaient le long du bastingage de la coursive et pour se mieux protéger des lames ils s’assuraient dans des boulines fixées aux râteliers des haubans qui leur faisaient une ceinture lâche. On ne disait mot ou presque et le navire réduit au silence, comme s’il était monté par des matelots de cire peinte, s’arrachait, jour après jour, à la folie et à la joie démoniaque des vagues. La nuit, les hommes opposaient un mutisme pareil aux cris aigus de l’Océan ; taciturnes, ils étaient bercés dans leurs boulines et sans mot dire, Achab faisait front au vent. Même lorsque la nature semblait réclamer une trêve, il n’allait pas chercher le repos de son hamac. Jamais Starbuck n’oublierait l’aspect du vieil homme, lorsqu’il descendit une nuit dans la cabine pour regarder le baromètre, et le vit assis tout droit sur sa chaise rivée au plancher, les yeux fermés, son chapeau et son caban qu’il n’avait pas ôtés dégouttant d’eau et de neige fondue ; sur la table, près de lui, le rouleau d'une carte des courants et marées dont nous avons parlé. Dans sa main crispée, son fanal se balançait. Bien qu'il fût assis avec raideur, sa tête était rejetée en arrière de sorte que ses yeux clos étaient dirigés vers l'aiguille de l'axiomètre pendu au plafond.
« Terrible vieil homme ! pensa Starbuck en frissonnant, tu dors dans la tempête et pourtant ton regard reste impla-cablement fixé sur ton but ! »

(p. 264- 265)
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyMar 30 Oct 2007 - 16:46

Je ne l'avais pas lu pendant l'enfance et c'est seulement il y a quelques années que je me suis attaqué à ce beau roman. J'ai adoré (je sais c'est un peu court comme commentaire mais cette lecture remonte à quelques années)
Il existe aussi des nouvelles comme "Benito Cereno" qui méritent largement le détour et que je conseille à qui veut découvrir Melville sans s'attaquer de front à la baleine blanche.
Je suis aussi d'accord avec Snark, la description que Melville fait de l'élément marin est d'une force et d'une puissance rarement égalées.
Je trouve aussi que le combat d'Achab contre la baleine prend dans ce récit des résonnances bibliques.
Tiens c'est terrible, tout cela me donne envie de le relire...
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyMar 30 Oct 2007 - 19:32

De Melville, je n'ai lu que Bartleby le scribe( le fameux, I would prefer not...) qui est un chef d'oeuvre d'opposition passive, et l'opposition passive fait partie de ma philosophie de vie depuis toujours...

Une phrase extraite:

Rien n'affecte autant une personne sérieuse qu'une résistance passive. Si l'individu qui rencontre cette résistance ne manque pas d'humanité et s'il voit que l'agent de la résistance est parfaitement inoffensif dans sa passivité, il fera, dans son humeur la plus favorable, de charitables efforts pour exposer à son imagination ce qui demeure impénétrable à son jugement.
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyMer 31 Oct 2007 - 3:04

Toujours à propos de Bartleby, voici une interprétation psychanalytique assez fouillée.. Il ne faut pas oublier que Melville était un très grand dépressif...

Le choix de Bartleby ou la pulsion de mort selon Hermann Melville
Catherine Lazarus-Matet

Paris • Français



Les aliénistes savaient que certains états maniaques, persécutifs ou mélancoliques pouvaient conduire un individu vers la mort. Hermann Melville a eu, quant à lui, le génie d'imaginer la force de la pulsion de mort chez un homme coupé de toute dialectique, un homme sans histoire, sans passé et sans avenir, tout entier résumé dans une unique phrase qui plonge son interlocuteur dans un abîme de curiosité et de perplexité. Bartleby, copiste chez un notaire qui cherchera à saisir son secret, le secret de son attitude si étrange, Bartleby, donc, répond à toute demande par un "Je préférerais ne pas", ou, selon les traductions "J'aimerais mieux pas", façon inébranlable de dire non, refus systématique qui l'entraînera vers la mort.

La vie de Bartleby est contenue dans son activité de copiste dans laquelle il est exceptionnel. Refusant invariablement de faire quoique ce soit d'autre qu'écrire, n'ayant pas le moindre échange avec ses collègues, il désarme son patron par la forme même de sa réponse. "I would prefer not to" n'est vraiment pas un refus ordinaire. Ce n'est pas un non direct, c'est une manière ferme de dire sa décision tout en étant doux et courtois. Le lecteur pourrait croire, comme le notaire, que l'usage du conditionnel appelle une suite, une explication au moins, une adresse à l'autre, mais lorsque Bartleby dit qu'il "aimerait mieux pas" quand il est sommé de rendre compte de son refus, alors le lecteur et le notaire entrent dans l'univers de silence et l'infinie solitude de Bartleby.

Le notaire, pourtant touché, fasciné par son copiste, cherchera à s'en défaire en déménageant son étude ("J'aimerait mieux pas", avait dit Bartleby quand on lui intima l'ordre de trouver un emploi ailleurs). Mais toujours intrigué, il le retrouvera, interné. Voulant améliorer son ordinaire, il lui rendra visite, lui offrira de bons repas. Mais Bartleby "aimerait mieux pas" manger. Il vit sans manger, dira-t-on au notaire. Et la mort viendra.

Le lecteur reste sur sa faim. C'est l'autre trouvaille de Melville. L'énigme de cette existence ne sera jamais levée. Jamais on ne saura pourquoi Bartleby était dans un tel rapport à l'Autre. Le lecteur saisira seulement que la réponse à l'énigme se loge dans la réponse énigmatique même de Bartleby. Aucune autre explication de son destin ne serait plus juste que cette phrase où se conjoignent le choix du sujet et son enfermement même. Bartleby apprend au notaire que la pulsion de mort s'inscrit là dans la réduction extrême du langage. L'existence de Bartleby ne pouvait se loger que dans le grand livre des signifiants à recopier, condition vitale exclusive. Bartleby n'avait pas à répondre à des questions toujours inutiles, sa vie se déroulait hors signification, hors interprétation, hors explication. Le sujet mort était tout entier dans son énoncé unique, survivant dans l'écriture inlassable des mots des autres.

Maurice Blanchot écrivait que ""J'aimerais mieux pas" appartient à l'infini de la patience où vont et viennent les hommes détruits" (cf. "Discours sur la patience"). Peut-être, car l'attente infinie est du côté de la mort. Mais surtout, Melville a su magistralement établir le contraste et le lien entre la puissance mortifère d'un tout petit énoncé et le non-sens infini de l'Autre du langage. Pas d'interprétation, puisque pas de sens.
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptySam 3 Nov 2007 - 17:51

Benito Cereno, merci pour la suggestion Bilbliomane, je note. Je crois que Melville a écrit cette nouvelle juste après Moby Dick, alors qu’il n’avait pas encore abandonné tout espoir d’obtenir un certain succès. Pour répondre un peu à ton message, Marie... Que Melville fut un grand dépressif avant l’échec social de Moby Dick, je ne le crois pas.* J’ai lu Bartleby. Ai aimé la force quasi mythique du personnage Bartleby, sa résistance passive à la doxa, et l’écriture impeccable de l'auteur, mais en général, l’ai trouvé « mort », ce récit (la vie y étant de toute part contenue. Et j’avoue avoir eu plus de plaisir à lire l’extraordinaire analyse de Gilles Deleuze (publié dans Critique et clinique, je crois) qu’à lire la nouvelle.
Après avoir lu Moby Dick, j’ai cru avoir trouvé « mon » auteur, tant la lecture m’a traversé de part en part. Mais en lisant quelques œuvres ultérieurs, j’ai été très déçu. Que des pages qui sentent (de manière plus ou moins implicite) la tristesse, le ressentiment de l’échec, encore. Rien à voir avec la puissance torrentielle de Moby Dick. Qui sait ce que Melville aurait écrit s’il aurait triomphé auprès de la critique?
Inestimable perte que sa chute…

*iétait plutôt un ardent! Voir sa correspondance avec N. Hawthorne… Melville le décontenançait par son ardeur excentrique. C’est qu’il était homo, le Melville, et l’idéologie américaine, de laquelle il ne s’est jamais vraiment libérée, l’a amené a refoulé cela. Seule sa dernière œuvre traite ouvertement le thème.
Description du livre qu’il a achevé peu de temps avant sa mort, Billy Budd:
Comment un jeune matelot qui était l'innocence même, ayant frappé un sous-officier pervers qui l'accusait faussement de sédition, devint coupable selon les Articles de la Guerre et fut pendu parmi les vergues par la volonté d'un capitaine qui en était venu à l'aimer comme un père : tel est le mythe intime - homosexuel et christique - qui s'est lentement cristallisé à partir d'un ancien fait divers et selon les hantises de Melville dans les cinq dernières années de sa vie. (Pierre Leyris, traducteur)
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyLun 5 Nov 2007 - 14:31

Cela fait bien longtemps que Moby Dick est inscrit dans ma liste des classiques qu'il faut absolument que je lise - au même titre que Don Quichotte d'ailleurs. Mais pour le moment, pas encore fait. Cependant javais lu il y a quelque temps Bartleby the Scrivener et ce roman court, ou cette nouvelle m'avait vraiment enthousiasmée. Cela fait partie des textes que l'on tourne et que l'on retourne, en trouvant toujours une facette différente à exploiter.
Bartleby est un personnage insondable, qui incarne l'ultime dans la résistance passive, une volonté profonde et imperturbable de ne pas prendre part jusqu'à ne plus exister. Bartleby c'est le refus incommensurable d'être assimilé au système mais aussi la compassion et la dignité, tout cela avec l'utilisation subtile du non moins subtil modal anglais 'would' : 'I would prefer not to.', dit Bartleby. Un refus humble, calme mais ferme et définitif, il n'y aura pas de suite à ce 'to'...... C'est un refus solitaire, en bloc, un refus qui interpelle les autres, la société.

Je pense que Bartleby est un petit chef d'oeuvre dont il ne faut pas se priver, et je crois d'après ce qu'à écrit Snark, que son thème rejoint certains de ceux qu'il évoque dans Moby Dick.
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyLun 5 Nov 2007 - 23:49

Pénétrante, votre analyse sur Bartleby. Vous y avez vue bien des éléments qui m'ont échappé..
J’ai très hâte de lire votre point de vue sur Moby Dick ! alien
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyMar 6 Nov 2007 - 0:18

Citation :
Bartleby c'est le refus incommensurable d'être assimilé au système mais aussi la compassion et la dignité, tout cela avec l'utilisation subtile du non moins subtil modal anglais 'would' : 'I would prefer not to.', dit Bartleby. Un refus humble, calme mais ferme et définitif, il n'y aura pas de suite à ce 'to'...... C'est un refus solitaire, en bloc, un refus qui interpelle les autres, la société.

cheers Voilà ce que j'aurais voulu savoir écrire!
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyMar 6 Nov 2007 - 10:17

Merci Marie ! sunny
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MessageSujet: Re: Herman Melville   Herman Melville EmptyVen 16 Nov 2007 - 21:25

Tiens, je viens de lire Moby-Dick, alors Melville est très drôle et toute son histoire est bien intéressante.
Cela dit les 2/3 du livre est quand même constitué de classement entre les différents types de baleines (et si je ne me trompe sans préciser une seule fois leur nature de mammifère). Mais aussi de l'utilisation des harpons, des contenances de baleiniers, des têtes de cachalots, de l'attribution du salaire suivant le poste, de l'utilisation de l'huile de baleine etc etc...
C'est intéressant (et amusant) au départ, mais ça devient quand même très vite, très pénible.

Sinon, je suis assez impressionné cyclops par l'analyse et l'intérêt de Snark pour le caractère du capitaine Achab, ne l'ayant personnellement considérée que guère mieux que comme un fou dangereux égoïste et mystique. Mais son acharnement dépasse tout ça.
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