Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Pedro Juan Gutierrez [Cuba]

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Hank
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MessageSujet: Pedro Juan Gutierrez [Cuba]   Pedro Juan Gutierrez [Cuba] EmptyLun 20 Sep 2010 - 14:04

Pedro Juan Gutierrez [Cuba] Pedrojuangutierrez_photo

Pedro Juan Gutierrez
Né en 1950


Biographie :

Né à Cuba, Pedro Juan Gutierrez a exercé différents métiers - marchand de glaces, coupeur de canne à sucre, dessinateur industriel -, tout en faisant parallèlement des études de journaliste à l'université de La Havane.

Avec Trilogie sale de La Havane, il rencontre un succès international. Son deuxième livre, Animal tropical, a quant à lui remporté, parmi cent treize romans candidats, le prestigieux prix Alfonso Garcia-Ramos.

Egalement sculpteur et poète, Pedro Juan Gutierrez collabore aujourd'hui à plusieurs revues en Amérique latine et aux Etats-Unis, et vit toujours à La Havane.

Après Le roi de La Havane, son dernier roman, Le nid du serpent, a paru aux éditions Albin Michel en 2007.


Dernière édition par Hank le Lun 20 Sep 2010 - 14:28, édité 1 fois
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MessageSujet: Trilogie sale de La Havane, de Pedro Juan Gutierrez   Pedro Juan Gutierrez [Cuba] EmptyLun 20 Sep 2010 - 14:20

Pedro Juan Gutierrez [Cuba] Pedrojuangutierrez_trilogiesaledelahavane

Trilogie sale de La Havane

Ce premier livre du Cubain Pedro Juan Gutiérrez n'est pas réellement un roman, ni même un recueil de nouvelles, il y a bien un lien entre la plupart des textes courts qui le composent, et un ordre chronologique, mais chaque texte peut facilement être lu indépendamment des autres. Gutiérrez y décrit la vie à La Havane dans les années 90, et plus exactement sa vie. Celle d'un quadragénaire dont le seul but est de survivre dans la misère d'un pays exsangue ravagé par des décennies de castrisme et d'embargo économique. Dans le Cuba que dépeint Gutiérrez, le fait est que tout manque à la population : nourriture, eau courante, médicaments, tout, excepté le sexe qui sans être au centre du livre, en constitue une bonne part. L'utilisation qu'en fait Gutierrez peut choquer certains lecteurs, sous sa plume, il n'est pas toujours dénué de tendresse, mais l'amour n'y a pas vraiment sa place. L'acte est un peu le dérivatif censé combattre l'ennui et le désespoir.

Une grande part de la force de Gutiérrez tient dans sa capacité à raconter sa vie âpre sans jamais s'apitoyer sur lui-même, sans chercher la compassion dans l'oeil du lecteur, et c'est l'un des traits communs qu'on peut lui trouver avec Bukowski (à qui il est souvent comparé). Pour tout dire, bien des choses rappellent l'écrivain américain dans le style de Gutiérrez ; outre ce détachement, cette légèreté étonnante, la prose du Cubain est manifestement très influencée par Bukowski (qu'il cite d'ailleurs furtivement dans un de ses textes), bien plus à mon sens que Henry Miller, à qui le quatrième de couverture le compare. La référence est pour moi indéniable, et en même temps, elle ne prend pas des accents de plagiat, on sent un Gutiérrez à l'aise dans le style, sincère, authentique. Ce ton est le sien, il ne paraît pas chercher à faire du Bukowski, et s'en distingue même à certains moments, comme lorsqu'il évoque le semblant de spiritualité - héritage d'une culture où la religion et les superstitions sont encore bien ancrées dans le quotidien des gens - qui l'anime encore par instants, assez mollement il est vrai, mais dont on ne trouve pas trace chez Bukowski. Bref, il ne s'agit pas d'un ersatz, mais bien d'un auteur à part entière, de la trempe de ceux - devenus rares - qui portent un regard sans complaisance sur leur vie, leurs motivations réelles, leur personnalité, capables d'aborder tous les sujets - et surtout les plus intimes - sans tabou.

Quelques extraits :

"(...) En plus de vingt années de travail dans la presse, je n'ai jamais pu écrire une ligne qui ne soit pas une offense à mes lecteurs. Même pas un minimum de respect pour l'intelligence d'autrui, non. J'ai toujours été forcé de faire comme si j'étais lu par des imbéciles auxquels il fallait injecter de force des idées dans le cerveau. Mais j'étais en train d'abandonner tout ça, d'envoyer au diable la prose élégante et mesurée, celle qui évite tout ce qui pourrait ressembler à une atteinte à la morale et aux bonnes manières. Le respect, je n'en pouvais plus. Et faire sans cesse bonne mine : souriant, poli, bien habillé, rasé de près, fleurant l'eau de Cologne, la montre toujours à l'heure... En se répétant que c'est immuable, que c'est pour la vie. Mais non. Ce que j'apprenais, à cette époque, c'est que rien n'est pour la vie. (...)

"A l'époque, j'étais un type poursuivi par la nostalgie. Je l'avais été depuis toujours et je ne savais pas comment me débarrasser de mes souvenirs pour vivre enfin tranquillement.
Je n'ai pas encore appris. Et je doute que j'apprenne un jour. Mais j'ai compris au moins une chose : on ne peut pas se débarrasser de la nostalgie, parce qu'on ne peut pas se débarrasser de la mémoire. On ne peut pas tirer un trait sur ce qu'on a aimé, c'est impossible. Ca vous reste à jamais. Vous désirez sans cesse revivre les bons moments, tout comme oublier et détruire le souvenir des mauvais. Effacer les saletés que vous avez commises, abolir la mémoire des personnes qui vous fait du mal, rejeter les chagrins et les périodes de tristesse.
La nostalgie fait donc totalement partie de la condition humaine et la seule solution est d'apprendre à vivre avec. Et peut-être, par chance, cessera-t-elle d'être quelque chose de triste et de déprimant pour devenir une petite étincelle qui nous fait redémarrer, nous pousse à nous consacrer à un nouvel amour, à une nouvelle ville, à une nouvelle époque. Meilleurs ou pires, on n'en sait rien et peu importe. Différents, c'est sûr. Et c'est ça que nous cherchons tous, jour après jour : ne pas gaspiller notre vie dans la solitude, rencontrer quelqu'un, nous engager un peu, fuir la routine, goûter notre petite part de fête. (...)"

"(...) La seule chose que je puisse déjà dire, c'est que les rêves sont une vaste fumisterie. Nous, les humains, nous devrions les rejeter, les rêves, poser les pieds au sol et déclarer : « Putain, là d'accord ! Là, je suis bien ancré. Les tempêtes peuvent toujours venir. » C'est la seule manière de parvenir au bout sans trop de naufrages et sans faire eau de toutes parts, ou disons au moins avec seulement un peu d'eau sale dans la sentine. (...)"

"(...) J'étais heureux, alors, sauf que je ne l'ai jamais su. On n'a conscience de sa chance que quand elle vous quitte. (...)"

"(...) Le pauvre, ou l'esclave - c'est du pareil au même - , ne peut pas se permettre d'avoir des principes moraux trop complexes, ni de se montrer trop exigeant sur le plan de la dignité. Autrement, il mourra de faim. « Si tu me donnes rien qu'un peu, ça me suffit et je t'aime », voilà tout. En général, les femmes assimilent ça dès l'enfance et s'arrangent avec. Mais nous, les hommes, il faut qu'on complique les choses avec la révolte, la rectitude morale, ce genre de grands mots. Et à la fin on comprend aussi, juste un peu plus tard qu'elles. (...)"

"(...) les bourgeois ne comprennent rien à rien. C'est pour ça qu'ils ont peur de tout, qu'ils veulent sans cesse savoir ce qui est bien et ce qui est mal, et comment on peut corriger ci, et comment on peut empêcher ça. Tout est anormal, pour eux. Ca doit être terrible, d'appartenir à la classe moyenne et de vouloir tout juger de l'extérieur, de loin, sans risquer son cul. (...)

"(...) Finalement, c'est comme ça qu'on vit, par petits bouts qu'on emboîte les uns aux autres, à toutes les heures, jour après jour, à chaque étape, à empiler les gens d'ici ou là en soi. Et pour terminer on se retrouve avec une existence en forme de casse-tête chinois. (...)"

" Dans ma vie, il n'arrive jamais à tenir, ce satané triangle que forment l'amour, la santé et l'argent. L'amour est un mensonge, le fric un oiseau volage et la santé se détruit en une minute. (...)"

"(...) il'époque était différente, il y a quarante ans : chacun avait son emploi et en vivait. J'ai l'impression qu'alors les gens savaient quelle était leur place et s'y tenaient, sans avoir tant d'ambitions, sans trop se compliquer la vie. Aujourd'hui, au contraire, ça part dans tous les sens. Personne n'a l'air de connaître ses limites, ni ses devoirs, ni ce qu'il veut vraiment, ni la direction à prendre, ni l'endroit où il est. Tous, nous errons à la poursuite de l'argent, désespérés, nous sommes prêts à n'importe quoi pour gratter quelques pièces puis nous passons à une autre combine, et encore à une autre. En fin de compte, tout ce à quoi nous sommes arrivés, c'est à une grande confusion d'individus qui se disputent et se battent entre eux. (...)
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MessageSujet: Re: Pedro Juan Gutierrez [Cuba]   Pedro Juan Gutierrez [Cuba] EmptyLun 20 Sep 2010 - 18:32

Il est sur ma liste, je le lirais sans doute. Un jour. Je ne sais pas trop quand.
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Chamaco
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MessageSujet: Re: Pedro Juan Gutierrez [Cuba]   Pedro Juan Gutierrez [Cuba] EmptyMar 17 Juin 2014 - 12:54

Pedro Juan Gutierrez [Cuba] 26651710Pedro Juan Gutierrez [Cuba] 1101110Pedro Juan Gutierrez [Cuba] 11101010Pedro Juan Gutierrez [Cuba] 21a10110Pedro Juan Gutierrez [Cuba] Avt_pe10

Si j'ai ramené une chose qui vaille la peine de Cuba, c'est la rencontre d'un auteur Pedro Juan Gutierrez, né à Matanzas (grande ville à l'est de La Havane). Cet homme a exercé de multiples métiers pour survivre, tout en poursuivant des études de journaliste à l'Université de La Havane, il est sculpteur, il est poète. Le livre que j'ai lu de lui à ce jour est "Trilogie sale de La Havane", il est le premier de ses livres à avoir été publié en France.

c'est ce que j'ecrivais il y a quelques années, depuis j'ai appris à vivre avec Gutierrez....
voici un résumé d'un autre de ses ouvrages :

-----Résumé de "Le Nid Du Serpent"

Autobiographique sans l'être, le nouveau roman de Pedro Juan Gutiérrez renvoie à des scènes fondatrices. Comment un adolescent du Cuba des années 60, fils d'un marchand de glaces, devient-il écrivain? Avant les mots et la culture, l'initiation sexuelle (une vieille prostituée, une fascinante voisine nymphomane et perverse) et l'épreuve militaire forcée de la milice... Le tout passé à la moulinette de la déformation onirique, de l'imagination délirante développée a posteriori par le romancier. Pourtant -et c'est ce qui fait la force et la crédibilité de l'entreprise-, cette extravagance mêlant sexe, rhum et salsa s'appuie sur un incontestable socle de réel : un Cuba délabré après moins de dix ans de révolution, une jeunesse coincée entre la fascination pour le yéyé et le volontarisme castriste, sans parler d'une soif de lectures inassouvie. Cette confession d'un enfant du siècle version " réalisme sale " éclaire le parcours fulgurant d'un homme coincé entre deux mondes, celui de la culture et celui de la dépravation, en clair celui des livres et celui des " putes ", celui du savoir et celui de l'annihilation de la pensée par l'alcool et la came. Sans compromis, avec le brutal égoïsme de tout écrivain, mais aussi une grande lucidité quant aux avantages d'avoir eu un papa glacier et petit-bourgeois, l'auteur trace ainsi, l'air de rien, la saga de l'entrée de Cuba dans la modernité.
Pedro Juan Gutierrez [Cuba] 2747_j10Pedro Juan Gutierrez [Cuba] 10131110Pedro Juan Gutierrez [Cuba] Arton210

Extrait de « Trilogie sale de La Havane » :

---« Une jeep verte passait en trombe sur San Lazaro, avec deux drapeaux rouges et deux haut-parleurs. Ils faisaient de la propagande mais allaient si vite qu’on n’entendait rien, sinon des bouts de phrases tronquées : « …nous écrivons l’histoire… », « …l’entrée de l’université… », « … répond toujours présent… »
Quand elle a disparu comme un bolide, la rue a retrouvé le calme et le silence de midi, sous un soleil implacable, un ciel sans un nuage.
En bas du Malecon, les gamins du quartier s’amusaient dans l’eau sale du littoral, un peu de mer mélangée au pétrole et au cambouis des bâteaux , à la merde et à l’urine des égouts. La ville a beau déverser ici ses eaux usées, les gosses se baignent quand même, et certains adultes aussi. Ils passent des heures au soleil, à boire du rhum et du granité, indifférents à l’odeur pestilentielle.Ils s’amusent. Lorsque les touristes les prennent en photo, ils s’immobilisent, hypnotisés, ou bien ils font quelque clownerie devant l’objectif, en riant. Après chaque cliché, la scène se ranime et les petits courent quémander des pièces.
Je suis resté un moment à les regarder, mais il n’y avait rien pour retenir mon attention. Rien que des femmes maigres, hirsutes, gueulardes, couvertes de marmots. Je me suis attardé, pourtant, parce qu’il peut apparaître quelque chose d’appétissant, des fois. Un homme seul dans la jungle doit rester continuellement en chasse. Jour après jour. Il n’a pas de gros besoin : un peu de rhum, de quoi bouffer, quelques rasades de rhum, deux ou trois cigares et une femme. Le manque de nana me plonge dans la névrose. D’un autre côté, si j’en ai une idiote et vulgaire en permanence avec moi, ça finit par m’irriter et me lasser. Parce qu’elles veulent toutes la même chose. Elles commencent par baiser allégrement, à picoler et à rigoler de tout ce qu’on leur dit. Très tendres et très sympa. Et puis après elles exigent tout ça et en plus qu’on s’échine matin et soir pour trouver à les nourrir, elles et les trois ou quatre gosses laissés par les trois ou quatre maris qui leur sont passés dessus avant de poursuivre leur chemin. »

Ce n'est pas réellement un roman, ni même un recueil de nouvelles, il y a un lien entre la plupart des textes courts qui le composent, et un ordre chronologique, mais chaque texte peut facilement être lu indépendemment des autres. Gutiérrez y décrit la vie à La Havane dans les années 90, et plus exactement sa vie.

Autres extraits...
"(...) les bourgeois ne comprennent rien à rien. C'est pour ça qu'ils ont peur de tout, qu'ils veulent sans cesse savoir ce qui est bien et ce qui est mal, et comment on peut corriger ci, et comment on peut empêcher ça. Tout est anormal, pour eux. Ca doit être terrible, d'appartenir à la classe moyenne et de vouloir tout juger de l'extérieur, de loin, sans risquer son cul. (...)
"(...) En plus de vingt années de travail dans la presse, je n'ai jamais pu écrire une ligne qui ne soit pas une offense à mes lecteurs. Même pas un minimum de respect pour l'intelligence d'autrui, non. J'ai toujours été forcé de faire comme si j'étais lu par des imbéciles auxquels il fallait injecter de force des idées dans le cerveau. Mais j'étais en train d'abandonner tout ça, d'envoyer au diable la prose élégante et mesurée, celle qui évite tout ce qui pourrait ressembler à une atteinte à la morale et aux bonnes manières. Le respect, je n'en pouvais plus. Et faire sans cesse bonne mine : souriant, poli, bien habillé, rasé de près, fleurant l'eau de Cologne, la montre toujours à l'heure... En se répétant que c'est immuable, que c'est pour la vie. Mais non. Ce que j'apprenais, à cette époque, c'est que rien n'est pour la vie. (...)
"(...) La seule chose que je puisse déjà dire, c'est que les rêves sont une vaste fumisterie. Nous, les humains, nous devrions les rejeter, les rêves, poser les pieds au sol et déclarer : « Putain, là d'accord ! Là, je suis bien ancré. Les tempêtes peuvent toujours venir. » C'est la seule manière de parvenir au bout sans trop de naufrages et sans faire eau de toutes parts, ou disons au moins avec seulement un peu d'eau sale dans la sentine. (...)"
"(...) Le pauvre, ou l'esclave - c'est du pareil au même - , ne peut pas se permettre d'avoir des principes moraux trop complexes, ni de se montrer trop exigeant sur le plan de la dignité. Autrement, il mourra de faim. « Si tu me donnes rien qu'un peu, ça me suffit et je t'aime », voilà tout. En général, les femmes assimilent ça dès l'enfance et s'arrangent avec. Mais nous, les hommes, il faut qu'on complique les choses avec la révolte, la rectitude morale, ce genre de grands mots. Et à la fin on comprend aussi, juste un peu plus tard qu'elles. (...)"
"(...) l'époque était différente, il y a quarante ans : chacun avait son emploi et en vivait. J'ai l'impression qu'alors les gens savaient quelle était leur place et s'y tenaient, sans avoir tant d'ambitions, sans trop se compliquer la vie. Aujourd'hui, au contraire, ça part dans tous les sens. Personne n'a l'air de connaître ses limites, ni ses devoirs, ni ce qu'il veut vraiment, ni la direction à prendre, ni l'endroit où il est. Tous, nous errons à la poursuite de l'argent, désespérés, nous sommes prêts à n'importe quoi pour gratter quelques pièces puis nous passons à une autre combine, et encore à une autre. En fin de compte, tout ce à quoi nous sommes arrivés, c'est à une grande confusion d'individus qui se disputent et se battent entre eux. (...)

Et enfin une critique tres réaliste de "Trilogie sale de la Havane"



Les Cubains ?... Ils s’entassent dans des palais en ruine, sans eau, sans électricité... Ils élèvent des cochons dans des arrière-cours fétides, partagent à dix des toilettes bouchées, s’inventent des métiers aussi improbables qu’indispensables pour trouver le dollar qui les fera survivre. Et le pire devient normal parce qu’on s’habitue à tout... A la misère, à la faim, à vivre sans projets, sinon celui du prochain repas, à ce que les journées ne soient qu’un parcours d’obstacles à la recherche du minimum vital. Mais surtout parce qu’il y a une chose que personne ne pourra leur enlever, c’est le sexe !

La Trilogie sale de La Havane, ce sont trois volets, comme des instantanés entre histoires fantastiques, portraits et autobiographie. C’est l’image truculente d’une ville à la dérive où tout est soluble dans le rhum et la fesse, surtout le désespoir. Les femmes sont rondes, chaudes et généreuses, et les hommes ont tous de quoi les satisfaire ! Les Cubains par leur simple anatomie, bien sûr, les gringos par leurs dollars... faute de mieux ! Les femmes cherchent fortune sur le Malecon en combinaisons lycra marché noir, les hommes optimisent leur anatomie à la sortie des hôtels de luxe.

Pedro Juan Gutiérrez nous jette sa ville à la tête, de plein fouet, sans ménagement, dans une langue crue, libre, étourdissante. Sa Havane à lui c’est celle du corps ! La faim, l’insalubrité, les heures perdues à la recherche d’un dollar ou d’un morceau de pain, la promiscuité, la prison, quand on a la malchance de tapiner au mauvais endroit. Et puis il y a le plaisir, la jouissance des corps, une des dernières choses en libre circulation, au paradis castriste. Alors ils baisent, furieusement, compulsivement, parce que ça fait du bien, parce que c’est gratuit ! Et d’ailleurs, Pedro Juan a cessé de se poser des questions. Il prend ce qui arrive comme ça arrive, en essayant de ne pas penser ! Il a ses bonnes adresses, pour le "bizness", pour la nourriture, et pour le cul ! Pour le reste, on essaie de ne pas tomber dans la déprime...

La Trilogie sale de La Havane, c’est un peu comme un juste retour des choses, comme pour équilibrer l’image, certes séduisante mais un brin trop sucrée, de papis-chanteurs ou d’une révolution idéale. C’est une grosse claque de quotidien, balancée à toute volée, arrachée à la vraie Havane, et ça sent encore la merde, le foutre et la sueur.


Catherine Le Ferrand
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MessageSujet: Re: Pedro Juan Gutierrez [Cuba]   Pedro Juan Gutierrez [Cuba] EmptyMar 17 Juin 2014 - 13:07

Pour mieux entrer dans son univers voici une vidéo-interview de l'auteur filmée chez lui au centre Habana

http://www.havana-cultura.com/fr/int/literature-cubaine/pedro-juan-gutierrez/ecrivain-cubain#/1916
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MessageSujet: Re: Pedro Juan Gutierrez [Cuba]   Pedro Juan Gutierrez [Cuba] EmptyDim 13 Juil 2014 - 13:11

un commentaire trouvé sur le forum Cuba du Routard.com à propos de Gutierrez :

"Salut,
La bibliothèque, la cinémathèque, la discothèque, la pastèque d'un individu reflètent souvent son être. J'en connais qui sont d'accord avec la secte de Rome pour mettre à l'index Montaigne, Spinoza, Sartre, Beauvoir et j'en passe. Par contre il est intéressant
de constater que jamais l'église vaticane n'a mis Mein Kampf à l'index. C'est une habitude des aficionados de la pulsion de mort de vouloir tailler dans les corps, de castrer la raison, de combattre les individualités. Déjà, Platon voulait bruler les écrits de Démocrite.
La vulgarité est nécessaire. Elle permet une juste évaluation de notre morale, de nos valeurs, de notre mise à distance, de notre politesse. Trouver Coluche vulgaire en dit autant sur la personne qui proclame cette sentence meurtrière que le bulletin de vote cacheté au fond de l’isoloir. Reiser (qui me manque), Wolinski, Charb, Luz, Cavanna, Siné (il me gave souvent) font danser les corps et jouir les esprits. Desproges nous manque aussi.
Ironiques, sarcastiques, libertaires, tragiques, leurs débordements ont du sens.
Il n’y a que Bigard qui pète pour ne rien dire.
Dans un livre de Zoe Valdes, de Gutierrez ou de notre ami Nes (en librairie bientôt), les corps s’expriment et Cuba est soulagé avant d’être libéré."
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