Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Friedrich Dürrenmatt [Suisse]

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MessageSujet: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 30 Jan 2008 - 21:29

Friedrich Dürrenmatt [Suisse] Durren10

Friedrich Dürrenmatt

est un écrivain, dramaturge et peintre suisse. Il est né le 5 janvier 1921 à Konolfingen dans le canton de Berne et mort le 14 décembre 1990 à Neuchâtel.

Citation :
Petit-fils de Ulrich Dürrenmatt, un célèbre satiriste, poète et politicien bernois, Friedrich Dürrenmatt en recevra un esprit d'interrogation qui caractérisera ses travaux ultérieurs. En fait, la mémoire de son grand-père a inspiré Dürrenmatt tout au long de sa carrière. Il écrira plus tard, « Mon grand-père a été envoyé en prison pendant dix jours à cause d'un poème qu'il avait écrit. Je n'ai pas encore été ainsi honoré. Peut-être est-ce ma faute, ou peut-être le monde a-t-il tellement périclité qu'il ne se sent plus même insulté lorsqu'il est sévèrement critiqué. »

Après une enfance mouvementée, pendant laquelle il a eu des problèmes d'alcool, il réussit finalement à passer l'examen de maturité en 1941 et continue ses études à l'université et de Berne. Il y étudie la littérature allemande et l'histoire de l'art, mais aussi la théologie et la science. C'est à cette époque qu'il s'intéressa pour la première fois à la dramaturgie après être devenu un client régulier des opérettes. Aristophane et Thornton Wilder comptent parmi ses dramaturges préférés.

Après un bref passage à l'Université de Zurich, où il étudie la littérature allemande et la philosophie, Dürrenmatt interrompt ses études en 1946 et s'essaie à la dramaturgie en s'inspirant de Brecht, Kafka et de Lessing. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il a 24 ans. Il écrit alors sa première pièce de théâtre Les Fous de Dieu (Es steht geschrieben), une comédie lyrique et apocalyptique qui provoque un scandale après sa première, le 19 avril 1947, ce qui le rend connu bien au-delà des frontières suisses. En 1946, (le 11 octobre) il épouse l'actrice Lotti Geissler, avec qui il aura trois enfants : Peter (1947), Barbara (1949), et Ruth (1951).

Au cours des quelques années suivantes, il lutte pour gagner sa vie comme écrivain et surmonter un diabète handicapant. Il se met à écrire des nouvelles, des romans policiers, et des pièces radiophoniques pour subsister, mais il n'a jamais renoncé à écrire des pièces de théâtre. C'est pendant ces années que voient le jour Le Juge et son bourreau (Der Richter und sein Henker) et Le Soupçon (Der Verdacht), qui paraissent sous forme de feuilleton dans des journaux. Il perce en 1952 avec la comédie Le Mariage de Monsieur Mississippi (Die Ehe des Herrn Mississippi) dans laquelle il commence à formuler son propre style théâtral, une obscurité, un monde irréel peuplé par des caractères qui, bien qu'effroyablement vrais , sont souvent déformés par la caricature. Le dramaturge a trouvé que cette comédie sombre était le moyen le plus efficace d'exposer la nature grotesque de la condition humaine. Le Mariage de Monsieur Mississippi provoque de fortes réactions de la part du public de Dürrenmatt et l'établit comme l'un des plus beaux auteurs dramatiques européens de son époque. Ces œuvres de jeunesse contiennent de nombreux éléments macabres et sombres, traitent de meurtre, de châtiment et de la mort et se terminent souvent avec une pointe.

En 1956, il atteint pour la première fois, avec La Visite de la vieille dame (Der Besuch der alten Dame), un public international. La pièce est montée entre autres à New York, Rome, Londres et Paris et se voit décerner de nombreux prix dont le Drama Critics' Circle Award et le prix Schiller.

Le 19 février 1962, en pleine guerre froide, Friedrich Dürrenmatt publie sa pièce qui deviendra un grand classique : « Les Physiciens » (Die Physiker). En 1966, il connaîtra également le succès avec une autre pièce de théâtre : Le Météore (Der Meteor).

Les œuvres de Dürrenmatt regorgent de critique sociale, satire et exagérations absurdes. Il était d'avis que seule la comédie peut encore venir à bout des rapports embrouillés et complexes du XXe siècle et que une histoire n'est que pensée à bout lorsqu'elle a pris la tournure la plus désastreuse possible, qui était imprévisible et ne surgit que par hasard. Dans les années 1970 et 1980, Dürrenmatt s'implique dans la politique et tient de nombreux discours devant un public international. Il visite les É.-U., Israël, la Pologne et le camp de concentration Auschwitz.

Dramaturge mondialement reconnu, Dürrenmatt est également un peintre inconnu : "l'écriture est sa profession, et la peinture sa passion".

En 1983, sa femme Lotti meurt. L'année suivante il épouse l'actrice, régisseuse et journaliste Charlotte Kerr. Le 14 décembre 1990 s'éteint Friedrich Dürrenmatt dans sa propriété de Neuchâtel à la suite d'une crise cardiaque. Bien qu'aujourd'hui, il soit surtout connu pour ses romans policiers, il se considérait essentiellement comme dramaturge. En 2000 et conformément à ses dernières volontés, le Centre Dürrenmatt Neuchâtel  est créé, pour exposer non seulement son œuvre littéraire mais aussi son œuvre picturale, méconnue du public.
source : wikipedia


Bibliographie

Citation :
Index: (cliquez sur les numéros de page pour y accéder directement)

Romans et récits
1943 Noël, premier récit
1943 Le bourreau,
1943 La Saucisse,
1943 Le Fils,
1945 Le Vieux,
1945 L'Image de Sisyphe,
1943 Le Directeur de théâtre,
1946 Le Piège,
1946 Pilate,
1947 La Ville et autres proses de jeunesse,
1951 Le Chien,
1952 Le Tunnel,
1952 Le Juge et son bourreau, Pages 1, 4,
1953 Le Soupçon,
1955 Grec cherche Grecque,
1956 La Panne, Pages 2, 4, 5
1958 La Promesse, Pages 2,  5, 6,
1971 La Chute d'A,
1985 Justice, Pages 2, 3, 4,
1986 La Mission, Pages 3, 4,
1967-1987 Le Vallon de l'Ermitage,
1985 La Ballade du Minotaure,
1989 Val Pagaille, Pages 1, 5,

Notes d'un gardien et autres récits, Pages 3,
Mister X prend des vacances précédé de Le Fils, La Saucisse, Pages 4,
La Mort de la Pythie suivi de Minotaure, Pages 5,

Pièces de théâtre
1942 Le Bouton,
1947 Les Anabaptistes (Les Fous de Dieu), Page 3,
1948 L'Aveugle,
1948 L'édification de la Tour de Babel,
1949 Romulus le Grand,
1952 Le Mariage de Monsieur Mississippi,
1953 Un Ange vient à Babylone,
1956 La Visite de la vieille dame, Page 1,
1959 Frank V, opéra d'une banque privée,
1962 Les Physiciens, Pages 1, 4,
1962 Hercule et les écuries d'Augias,
1966 Le Météore, Page 3,
1970 Faust I,
1968 Le Roi Jean (d'après Shakespeare),
1970 Titus Andronicus,
1969 Play Strindberg,
1971 Portrait d'une planète,
1973 Le Collaborateur,
1975 Le Délai,
1983-1988 Achterloo,
1991 Midas,

Citation :
mise en page le 29/01/2014, page 6
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Alfred Teckel
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 30 Jan 2008 - 21:40

J'aime bien cet auteur, j'avais lu la Visite de la vieille dame, c'est rempli d'humour noir!
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 30 Jan 2008 - 21:44

découverte suite à un emprunt aux étagères familiales...

Friedrich Dürrenmatt [Suisse] 97822610
Val Pagaille

l'éditeur a écrit:
Qui est le Grand Vieux ? Le chef invisible et tout puissant d'un syndicat de tueurs aux ramifications mondiales, ou bien le Créateur non moins redoutable du Ciel et de la Terre, qui se joue des hommes à plaisir, ridiculisant leurs calculs et leurs passions, leurs rêves de puissance et de justice. " Dieu a créé le monde en beaucoup moins de sept jours et trouvé que la plaisanterie était bonne " ; ce pseudo-verset biblique imaginé par l'auteur illustre à merveille un récit cruel, sardonique, aussi drôle qu'angoissant, aussi solide que vertigineux, mélange parfait et monstrueux de Genèse et d'Apocalypse. Le Grand Vieux a tellement aimé la plaisanterie du monde qu'il nous a donné Dürrenmatt pour le chanter et le magnifier avec cette inquiétante bonhommie et cette convaincante folie qui n'appartiennent qu'à lui.

ouch, ça ne va pas être facile d'en parler. D'abord parce que ce n'est pas d'un genre commun et ensuite parce que une bonne part du contenu m'a certainement échappé. Tant pis. Ce livre m'a vraiment plu (et beaucoup). Histoire/légende bizarre et un peu surnaturelle d'une rencontre entre un petit village suisse et une tentaculaire et mystérieuse organisation mafieuse... ajoutez par là dessus un chien, un théologien ... un policier... un écrivain... bref... un grand bazar imagé prodigieusement raconté.

Humour, détachement, noirceur, réflexion... deux points de comparaison en guise de repères : ça m'a fait pensé à un univers à la Jodorowsky : mystique, surnaturel sans être explicite... initiatique, personnages à plusieurs facettes qui n'ont peut être que l'air d'être grands. Et en miroir cette notion de "inner landscape" (paysage intérieur) qui à l'inverse de sa version cinéma composée généralement de paysages et de temps, dans ce livre c'est personnages et actions. Pourtant l'égarement à un peu le même goût...

plaisir de lecture très spécial.

cherchons un extrait...
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 30 Jan 2008 - 22:04

Ah oui.. tu me rappelles de bons moments.. cet auteur était du temps de mes études dans notre programme scolaire.
Val Pagaille est le dernier roman fini de Dürrenmatt - et donc aussi considéré par beaucoup comme son chef-d'oeuvre.
Moi j'ai bien aimé La visite de la vieille dame, Le juge et son bourreau et La Panne.
Le petit récit "Le Tunnel" qui me donne encore aujourd'hui le vertige quand j'entre dans un tunnel est apparemment pas traduit??
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 30 Jan 2008 - 22:24

je suis impatient de renouveler l'expérience.

extrait :

Citation :
- Hé, dit le président de commune, nous avons réfléchi, lui et moi, pour savoir pourquoi le Bon Dieu est tellement injuste; si tout simplement le Bon Dieu existe; pourquoi d'autres villages de montagne sont ses préférés, et les étrangers y viennent, tandis que nous sommes obligés de rester plantés en face de cet établissement thermal, avec plein de millionnaires, tandis que personne ne vient à nous; juste, de temps en temps, des marcheurs avec leur sac à dos, mais ils dorment dans leurs tentes et apportent leur nourriture avec eux, et quand ils apparaissent dans une pinte, ils disent qu'ils n'ont encore jamais vu un trou plus minable que ce patelin; Mani et moi, nous nous sommes aussi demandés pourquoi les avalanches et les glissements de terrain ne viennent pas chez nous, dans le village, pour tout ensevelir comme dans les autres villages de montagne. Toute la Suisse alors nous aiderait, la Chaîne du Bonheur ferait des collectes à la radio, et la télévision viendrait, le village serait célèbre, on le reconstruirait, on trouverait l'argent; il y a quelque chose qui cloche du côté du Bon Dieu, pour que tout arrive si injustement aux hommes et à la nature; le chien, dans nos dialogues, était de mon avis; bien sûr il ne parlait qu'avec ses yeux, et quand je me suis mis à courir de l'un à l'autre, d'un député à un conseiller aux Etats à un conseiller national, et que je suis revenu tard à la maison, Mani est sorti de sa niche et il s'est assis devant la porte d'entrée. Que veux-tu donc ? ai-je demandé au chien. Lui, il m'a regardé et m'a tendu sa patte droite. Je l'ai secouée et j'ai dit : ah bon, tu veux me saluer. Alors le chien a dit que je devais arrêter avec cette idiotie de courir sans arrêt de l'un à l'autre; lui, Mani, il allait régler toute cette affaire.
- Il l'a dit? demanda l'ancien conseiller fédéral.
- Avec les yeux, expliqua le président de commune. Simplement, j'ai su ce que le chien voulait dire. Monsieur l'ancien conseiller fédéral peut-il avoir un tel dialogue avec des femmes? je ne l'ai pas raconté au président du conseil d'Etat, que je parle avec mon chien, simplement parce qu'il m'aurait pris pour un fou. Monsieur l'ancien conseiller fédéral parle-t-il aussi avec sa chatte?
- Ce n'est pas une chatte mais un matou, répondit l'ancien conseiller fédéral. Il ne parle pas, mais il se tait avec moi, ce qui revient au même. Nous traitons ensemble, si je puis dire, les âneries que j'ai pu commettre en tant que conseiller fédéral, ou que je devais accepter et couvrir, vu notre système collégial. Sept conseillers fédéraux, qui, aux yeux de l'extérieur, doivent toujours paraître unis! Et maintenant que pour la première fois une femme est devenue conseillère fédérale, personne n'ose la contredire; et s'il venait deux femmes au conseil fédéral, elles n'arriveraient jamais à parler d'une seule voix, et le système collégial volerait en éclats. Autant sept femmes tout de suite. Après tout, elles ne sont pas plus bêtes que les hommes. Je suis content que mon chat me comprenne, même si Maudi pense que moi, conseiller fédéral, je suis tout simplement un homme qui, comme tel, fait des bêtises. Mais votre chien, maintenant où est-il?
- Abattu par le canon d'un char.
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyVen 1 Fév 2008 - 22:42

autre extrait (coupé en deux) ... je trouve ça, hum, assez phénoménal :

Citation :
Le jardin zoologique de Kingston en Jamaïque attendait deux boas constrictors. Quand on ouvrit la caisse, elle était vide. Quinze jours après, on vit les serpents dans un hôtel situé à deux heures de voiture de Kingston. L'hôtel se nichait dans une épaisse jungle, à la limite d'une forêt tropicale, et depuis des semaines il subissait une pluie pulvérulente qui avait chassé les clients. Autour du bâtiment, les feuilles des palmiers, frottées les unes contre les autres par le vent, faisaient un bruit de couteaux qu'on aiguise. Partout il semblait que des parois manquaient; le vent et la pluie en poussière jaillissait dans l'hôtel. Tout était humide; partout des bananes étaient suspendues; en régimes ou par colliers, sur des ficelles; des grandes bananes et des petites. Dans la bibliothèque ouverte, proche de la salle à manger, un piano à queue gonflé d'eau; des rangées de livres moisis; sur les parquets, des tapis détrempés; le parquet faisait des vagues, de toutes parts des champignons poussaient dans les interstices. Dans la salle à manger, genre véranda, le propriétaire de l'hôtel, sa famille et la cuisinière rongeaient un vieux poulet. Le patron était un Ecossais quinquagénaire, cheveux rouges, taches de rousseur, cils absents. Sa femme était une belle mulâtre, de quinze ans plus jeune que lui; leur fils avait vingt ans, le teint très noir, seuls ses cheveux rouges témoignaient que l'Ecossais était bel et bien son père; la cuisinière était une Indienne naine et couverte de rides. Dans la rue, un bruit de froissement. Les deux boas constrictors, longs de plusieurs mètres, filèrent par-dessus la table; l'un était blanc comme neige, l'autre gris rougeâtre, avec de grandes taches gris jaune en forme d'oeuf dans une bande longitudinale de couleur sombre; ils disparurent à travers le salon dans les encorbellements en forme de véranda, qui conduisaient aux chambres d'hôtes, situées plus haut.

Saisie de peur, la famille resta figée; seule la cuisinière continua de ronger sa cuisse de poulet. "O my God", gémit l'hôtelier; il bondit sur ses pieds, courut à une vieille ferraille de fusil, donna une seconde arme à son fils; "O my God". Ils se glissèrent dans la véranda, ouvrirent brusquement les portes. Dans la rue on klaxonna. Un facteur apportait un sac; il dit : "Les lettres", et versa le contenu du sac sur le sol de la salle à manger. La mulâtresse était toujours assise à table. Immobile. La cuisinière commença de ronger un second poulet. Le facteur apporta trois autres sacs, en renversa le contenu. Le père et le fils avaient exploré la première chambre, ils montèrent par la véranda; d'en haut ils entendirent un plongeon, des cris formidables, des halètements, de grands bruits de claques qu'on se donne à soi-même. Dans la piscine, quelque chose gigotait, barbotait, bondissait de-ci de-là, et comme la pluie faisait voile, on n'arrivait pas à déterminer ce que c'était. Appuyés contre le mur du dernier appartement, les deux Noirs engagés par l'Ecossais se tenaient assis; ils désignaient la piscine, chuchotaient "The great old man, the great old man". Derrière le mur, l'Ecossais entendit un cliquetis. A la table siégeait un albinos en smoking blanc, devant une machine à écrire. Il dit qu'on aille chercher le courrier, qui était arrivé. L'Ecossais, comme paralysé, et sans rien comprendre, ordonna mécaniquement à son fils d'aller voir. Celui-ci trouva le tas de lettres, à côté de sa mère toujours figée, et de la cuisinière en train de ronger son poulet, et qui n'avait rien remarqué parce que tout lui était égal; il alla chercher une corbeille, la remplit de lettres, et haletant, remonta en apportant tout ce qu'il put. L'albinos lui ordonna de jeter les lettres dans le bassin et d'aller chercher le reste. Dans le bassin, ça continuait à barboter sans se soucier des papiers, qui flottaient alentour. Le fils versa les unes après les autres les corbeilles pleines de lettres, sans regarder. L'Ecossais restait planté là. Eh bien, quoi encore, demanda l'albinos quand le fils eut apporté les papiers de la dernière corbeille, et le père et le fils redescendirent. "O my God", gémissait l'hôtelier. Le facteur vint pendant trois jours. Pendant trois jours, on renversa dans la piscine corbeille de lettres sur corbeille de lettres.

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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyVen 1 Fév 2008 - 22:43

Citation :
Il se tenait en peignoir sur son lit, il écoutait le cliquetis de la machine à écrire de Gabriel, le bruissement de la pluie et le bruit de meule des feuilles de palmier. Il n'avait pas encore jeté le moindre coup d'œil à l'extérieur. Ce qu'on aiguisait là, il ne le comprenait pas, ce qui bruissait ne l'intéressait pas, ce que Gabriel écrivait, il ne s'en souciait pas. Originellement, il lui avait dicté la réponse aux lettres. Il faut dire que ce n'était pas des lettres mais des tablettes de pierre, et Gabriel taillait au ciseau la réponse qu'on lui dictait; puis on apporta des tables d'argile, sur lesquelles la réponse pouvait être gravée; ensuite les choses allèrent plus vite, Gabriel peignait des hiéroglyphes sur des papyrus, il écrivait en hébreu à la vitesse de la dictée; mais il arrivait toujours plus de lettres. Comme il s'agissait toujours de suppliques, il ne donnait réponse, déjà dans les débuts qu'à quelques-unes d'entre elles, selon son humeur, et toujours négativement, mais souvent ses échappatoires étaient si ingénieuses qu'on croyait lire des promesses d'aide; à la fin, fatigué de dicter, il donna les pleins pouvoirs à Gabriel, pour qu'il réponde personnellement; là-dessus, comme Gabriel devait d'abord lire les lettres pour y répondre, il lui conseilla de ne pas lire celles auxquelles il répondait; plus tard, quand il eut oublié depuis longtemps que Gabriel devait répondre à des lettres non lues, Gabriel avait oublié lui-même quel était son devoir et frappait n'importe quoi, parcourant de haut en bas son clavier de machine à écrire. Avec un doigt. Au début, il avait encore renouvelé la feuille et l'avait placée dans une enveloppe pourvue d'une adresse, celle qui lui venait alors à l'esprit; puis la même feuille était restée en place; puis il écrivit sans feuille, puis sans ruban, et pour finir il se contenta de faire cliqueter sa machine; cela suffisait au Grand Vieux ce cliquetis. De toute manière il venait de plus en plus de courrier, quand même ce n'en était qu'une toute petite partie, parce que la poste ne savait plus où il demeurait, si bien que les lettres qui lui étaient adressées circulaient pendant des années. Ainsi ce fut par hasard si une lettre de la veuve Hungerbühler parvint jusqu'à lui. Non qu'il l'ait lue, il ne l'aurait pas du tout comprise, il avait tout oublié depuis longtemps, l'établissement thermal qu'il avait acheté, Moses Melker dont la théologie l'avait diverti; il ne savait même plus où il était, dans quel système solaire, dans quelle galaxie, dans quel univers, mais semi-inconscient, soudain il eut envie d'un cigare, et déjà il avait un havane entre les lèvres - si c'était un havane, si ce Kingston se trouvait sur la Terre et pas dans un autre univers composé d'antimatière ou d'autre chose encore. Gabriel se leva; de la corbeille apportée par l'hôtelier pour qu'il la renverse dans la piscine, il retira une lettre, une de ces lettres quotidiennes, celle-là justement que venait d'écrire la veuve Hungerbühler. Gabriel l'éleva contre le soleil, et déjà la lettre quoique trempée de pluie, se mettait à flamber. Avec elle, il alluma le cigare de son maître, qui tira une bouffée et jeta le cigare devant lui, sur une natte de paille, où il fit un trou; la seule chose que la police, appelée parce que les visiteurs, sans payer, avaient tout à coup disparu, parvint à constater; un trou qui continuait de brûler lentement, et qui soudain, en dépit de l'humidité, s'enflamma, si brusquement que la police, l'hôtelier, son fils, la mulâtresse et l'Indienne parvinrent tout juste à s'en sortir en gagnant la rue, avant que l'hôtel ne brûle de fond en comble.
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyDim 3 Fév 2008 - 16:23

Ah, je me suis fait devancé par Animal. J'allais justement créer un fil sur cet auteur, dont l'absence dans le forum était une vraie injustice. Il faut dire que des auteurs suisses, euh... je n'en connais pas des masses.
J'ai lu trois livres de lui, tous excellents : La Panne (bien sûr), Le Juge et son bourreau et La visite de la vieille dame. Tous baigné dans l'ironie la plus mordante.
Il y a aussi La Promesse, que je n'ai pas lu mais dont j'ai vu la belle adaptation au cinéma (The Pledge).
Et Dürenmatt prouve qu'on peut écrire des romans très courts possédant une densité que n'ont pas certains pavés.
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptySam 17 Mai 2008 - 17:20

La visite de la vieille dame, c'est effectivement savoureux : on en apprend , si besoin, sur la nature humaine !
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyDim 25 Mai 2008 - 11:21

Le Juge et son bourreau

quatrième de couverture a écrit:
Dans un petit bourg helvétique, un policier modèle est retrouvé assassiné. Berlach, un vieux commissaire malade, amateur de cigares, de vodka et de bonne chère, enquête sur cette mort, tout en luttant contre la sienne qui s'annonce prochaine. Son supérieur cherche à ménager la susceptibilité des notables locaux, tandis que son adjoint, petit flic un rien minable mais dévoré d'ambition, tente de jouer ses propres cartes. Dans l'ombre, le meurtrier genre Méphisotphélès, disserte sur le bien et le mal, qu'il tient pour de possibilités égales...
Comme dans La Panne, Le Juge et son bourreau se déploie sur fond d'intrigue policière. Mort et maladie forment un diptyque tragique où se reflète la dérisoire pantomime de la comédie humaine.

Plus court et plus... raisonnable que Val pagaille (peut être parce que publié initialement en feuilleton ?), j'ai tout de même retrouvé les ingrédients attendus et nécessaires : une atmosphère légèrement surréaliste, une description amusée des rapports et réactions des personnages et un jeu perpétuel sur l'attendu et la certitude. Une forme d'enquête un peu à part avec des ressorts toujours décalés.

Avouons le, un poil moins emballé qu'avec val pagaille mais très très content, lecture pour se laisser faire. cat

Citation :
- Nous ignorions absolument tout de cela, mon cher Oscar !Première nouvelle ! répondit l'intéressé, tout heureux d'avoir enfin retrouvé le prénom du conseiller fédéral qu'il cherchait vainement à se rappeler depuis le début de leur conversation. Et c'est vraiment une grande nouvelle pour nous que tu viens de m'apprendre là.
Sec comme un coup de fouet, le seul commentaire du colonel fut un "Ah !" suivi d'un lourd silence sous le poids duquel Lutz, plus que jamais, perdit contenance. il se rendait parfaitement compte de l'ascendant que von Schwendi avait pris sur lui, et il admettait de plus en plus consciemment qu'il lui faudrait en passer par tout ce que son interlocuteur voudrait exiger. Son regard désemparé courut un instant parmi les fières armées et les hauts étendards rouges à croix blanche, les nobles généraux à cheval qui défilaient sur les murs de son cabinet. Et von Schwendi, qui n'avait pas manqué de pressentir le trouble embarrassé de l'autre, savoura secrètement so triomphe.

Impatient de continuer la découverte de la déconcertante légèreté ce cet auteur...
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMar 24 Juin 2008 - 23:34

Parce que j'ai adoré Le juge et son bourreau, je me suis promis de lire TOUT Dürrenmatt (dans le texte en plus hs ), je continue donc par la pièce "les physiciens", une petite "douceur" littéraire (comme un délicieux chocolat) pour cet été !
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 25 Juin 2008 - 22:29

c'est le deuxième que tu lis alors Les physiciens ?

si tu as des suggestions du même ordre d'idée ou d'impression, je tends mes oreilles !
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 19 Nov 2008 - 16:18

animal a écrit:
c'est le deuxième que tu lis alors Les physiciens ?

si tu as des suggestions du même ordre d'idée ou d'impression, je tends mes oreilles !

Les Physiciens, c'est une pièce de théâtre et j'aimerais la voir maintenant que je l'ai lu.
Trois physiciens fous sont enfermés dans une clinique psychiatrique et voilà que l'un d'eux tue son infirmère. On découvre alors qu'il n'est pas vraiment fou et pas vraiment physicien non plus, en revanche il est là pour surveiller de près son voisin de chambre, un physicien de génie, car ce dernier est en passe de résoudre une des grandes énigmes de la physique...
Passionnant autant au niveau psychologique que thématique. On ne s'ennuie jamais, on rit même parfois et (cerise sur le gâteau) c'est très bien écrit! Very Happy

Maintenant, je suis en train de lire La promesse.

Spoiler:
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 19 Nov 2008 - 20:29

merci !

... et bon courage bonjour
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MessageSujet: Re: Friedrich Dürrenmatt [Suisse]   Friedrich Dürrenmatt [Suisse] EmptyMer 17 Déc 2008 - 21:59

La Visite de la vieille dame

Histoire de théâtre grinçante et un peu surréaliste d'une vieille dame milliardaire qui revient dans son village natal pour "acheter la justice", sauver le village de la ruine contre la vie d'un homme (du village).

Grinçant à souhait avec de bien jolies variations et évolutions de comportements des personnages principaux, on pourrait dire : la vieille dame, l'homme et "le village".

Une histoire du sacrifice tranquille des autres pour notre bonheur. Pour l'argent mais pas seulement puisque c'est aussi une histoire d'amour le point de départ...

Petit régal, plus tortueux que si ça avait été simple, juste ce qu'il faut pour que ça grince vraiment et peut être nous avec.

le quatrième de couverture dit :

"(...) C'est la vieille dame en visite dans les hideux labyrinthes de la bonne conscience."



rem : cette vieille dame est savoureusement directe !
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