Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Leonard Michaels

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Harelde
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kenavo
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kenavo
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MessageSujet: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyDim 11 Avr 2010 - 17:42

Leonard Michaels Leonar10

Leonard Michaels est né le 2 janvier 1933 à New York, de parents polonais. Il a étudié à l'Université de New York, puis à celle du Michigan où, après son master en littérature anglaise, il rédige une thèse sur la littérature romantique. De 1969 à 1994, il enseigne l'écriture, la critique littéraire ainsi que la poésie romantique à Berkeley. Il est l'auteur de deux romans dont l'un - The Men's Club - est considéré par certains, lors de sa sortie dans les années 80, comme un livre sur l'émergence d'une conscience masculine. Sylvia a été rédigé en 1992. Leonard Michaels a aussi écrit six recueils de nouvelles et essais. Il est considéré comme l'un des maîtres américains de la nouvelle. Parmi les écrivains qui l'ont influencé : Franz Kafka, Wallace Stevens ou encore Byron. Il a également écrit dans des journaux tels que Vanity Fair ou le New York Times Book Review et reçu les prix de la fondation Guggenheim, de l'Institut américain des Arts et des Lettres, le Pushcart Prize et le « National Endowment for the Arts ». Il meurt le 10 mai 2003 à Berkeley, après avoir passé les dernières années de sa vie en Italie avec sa femme.

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kenavo
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyDim 11 Avr 2010 - 17:43

Leonard Michaels 51bnlr10
Sylvia
Citation :
4e de couverture
« J'ai commencé à tenir un journal en 1961 alors que je vivais avec ma petite amie de l'époque dans un immeuble de Greenwich Village. Les murs étaient fins comme du papier à cigarettes et nos voisins entendaient presque tout ce que nous disions, d'autant mieux que la plupart du temps nous hurlions à pleins poumons. [Mais] je ne parlais [...] à personne et tenais un journal intime que je gardais secret. » (L. Michaels, Time out of Mind).
Leonard Michaels rencontre Sylvia Bloch en 1960 et l'épouse deux ans après. Leur relation passionnelle se termine tragiquement un soir de 1964. Ce n'est que trente ans plus tard qu'il décide de faire le récit quasi clinique de ce premier mariage. Dans Manhattan alors en plein bouleversement, le couple croise et se mêle à des cohortes de marginaux et d'intellectuels - de Miles Davis à Jack Kerouac, en passant par Lenny Bruce.

Etrange lecture.. ou disons plutôt, la lecture était bonne, Leonard Michaels écrit d'une façon que j'aime bien (je suis aussi en train de lire -peu à peu- ses nouvelles), mais le sujet est assez dur.
Il en a dit de ce livre qu'il s'agit "des mémoires en forme d'histoire" mais 99% de ce qu'il raconte peuvent être considéré comme étant vrai, et ce qu'il a enduré lors des années avec sa première femme ne peut pas être appelé autrement que.. assez hors norme.

Pour moi surtout une lecture éclairante pour comprendre mieux l'homme qui est derrière les nouvelles qui sont souvent assez crus.. je vais avoir un autre angle de vue sur ses écrits.

Leonard Michaels Michae10
Sylvia peint par Leonard Michaels, 1964


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Aeriale
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyDim 11 Avr 2010 - 17:51

Il m'a été fortement conseillé dans la librairie où je vais habituellement. Ton avis m'intrigue assez...
Peut-être je vais tenter, merci Kena pour l'éclairage!
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kenavo
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyDim 11 Avr 2010 - 17:54

aériale a écrit:
Il m'a été fortement conseillé dans la librairie où je vais habituellement. Ton avis m'intrigue assez...
j'avais par moment l'impression de me retrouver avec une nouvelle version de "Qui a peur de Virginia Woolf".. la femme était vraiment gravement troublée, et quoi que son homme a fait, elle trouvait un moyen de l'engueuler, de le battre même.. impressionnant comment il a tenu autant d'années...
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyDim 11 Avr 2010 - 22:20

kenavo a écrit:
Leonard Michaels Michae10
Sylvia peint par Leonard Michaels, 1964
J'aime beaucoup ce portrait même s'il dégage une tristesse certaine, il y a beaucoup de douceur.

kenavo a écrit:
aériale a écrit:
Il m'a été fortement conseillé dans la librairie où je vais habituellement. Ton avis m'intrigue assez...
j'avais par moment l'impression de me retrouver avec une nouvelle version de "Qui a peur de Virginia Woolf".. la femme était vraiment gravement troublée, et quoi que son homme a fait, elle trouvait un moyen de l'engueuler, de le battre même.. impressionnant comment il a tenu autant d'années...
Oh mais, il devrait m'intéresser ce livre, je le note.
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyDim 11 Avr 2010 - 22:32

Epi a écrit:
J'aime beaucoup ce portrait même s'il dégage une tristesse certaine, il y a beaucoup de douceur.
oui.. il l'a vraiment aimé.. même après des années où elle a vraiment abusé de lui mentalement, il était encore prêt à rester auprès d'elle..

Un exemple:

Sylvia apparaît à la porte de mon bureau:"Je ne supporte pas le bruit de ta machine à écrire.
- Je vais faire le moins de bruit possible.
- ça ne changera rien. Tu existes"



et là elle était encore de bonne humeur Cool
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyLun 10 Mai 2010 - 14:35

Sylvia.
Un livre qui ne peut laisser indifférent.
L’auteur, trente ans après les évènements, nous conte l’histoire de son premier mariage : il rencontre Sylvia dans l’appartement d’une amie qu’ils ont en commun. Cette première rencontre, forte, scelle les quatre années suivantes. Quatre années marquées par des crises et engueulades quotidiennes et souvent violentes.
Rapidement, Sylvia nous montre sa folie. Elle est exigeante, colérique et profondément paranoïaque. Elle se persuade que tout ce que fait ou dit son compagnon a comme unique dessein de la vexer et de l’humilier. Elle lui demande de comptes sans cesse et pour tout, le harcelle et finalement l’opprime.
D’abord, l’amour étant aveugle, l’auteur ne réagit pas. Il s’interroge mais avoue ne pas savoir si le comportement de son amie est normal ou non. Il n’a pas de réelle expérience de la vie à deux et craint de ne pas se comporter correctement vis-à-vis d’elle. Pour lui, le problème vient de lui. Puis les problèmes s’aggravent pour se terminer tragiquement.

Pourquoi est-il resté aussi longtemps à ses côtés ?
Pourquoi n’est-il pas parti en claquant la porte ? Me posant cette question d’un bout à l’autre du livre, j’ai scruté le texte à la recherche d’éléments de réponse.

Par manque d’expérience d’abord : il hésitait à reconnaître le problème de sa compagne. Par la pression de son environnement, de son éducation ensuite. Par lâcheté enfin sous couvert de bons sentiments.

Citation :
Il aurait été facile de quitter Sylvia. Si cela avait été difficile, je l’aurais peut-être fait. (p. 57)

Citation :
Elle est orpheline, tu ne peux pas l’abandonner (discours de son père après une tentative de confidence) (p. 72)

Citation :
Mes parents auraient trop de peine si j’annulais le mariage et Sylvia perdrait complètement la boule. (p 89)

Reste, la dernière page tournée, un profond malaise. Je suis resté cloué au canapé durant de longues minutes, les yeux dans le vague. Puis, sorti de ma torpeur, un profond soupir m’a échappé. J’étais KO !
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyLun 10 Mai 2010 - 15:45

Un livre pour lequel j'ai eu un gros coup de coeur il n'y a pas si longtemps.Je consomme sans modération tout ce se passe à New York, ville dont je suis tombée amoureuse il y a 8 mois....


Mes impressions

C’est l’histoire d’un bref mariage et de sa désintégration.C’est l’histoire d’un amour toxique. Un homme et une femme se rencontrent, et c’est le coup de foudre. Les deux jeunes gens vont vivre une vie de bohème dans le New York des années 60. Il sort de l’université, veut écrire. Elle est brillante, mais passablement perturbée.
Une relation étrange s’installe entre eux deux. On sent d’emblée que cela va mal finir. Il est amoureux fou, cela crève les yeux. Il se rend compte de son déséquilibre mental, mais n’est pas armé pour y faire face. Il écrit « Je ne deviendrai pas fou.Pas moi. Une santé mentale à la limite de la bêtise me maintient en vie »
Il aime Sylvia, et l’épousera « parce qu’on n’abandonne pas une orpheline » lui dira son père.
C’est sa propre histoire que nous relate l’auteur 40 ans
après.
Ce texte est court, mais tellement dense. Il vous happe ;une fois en main on ne le quitte plus. Un pur bonheur.
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyLun 10 Mai 2010 - 16:05

Merci pour vas avis, Harelde et Mimi54, cet auteur va pouvoir sortir de la section 'à découvrir'

reste à vous de découvrir ses nouvelles, qui sont dans un autre genre que Sylvia, mais dont on a une meilleure approche après la lecture de son roman.
J'avais essayé de lire ses nouvelles avant Sylvia.. j'avais un peu de mal.. mais là, je le sens mieux, j'ai une 'voix' dans ma tête.. et en plus je pense qu'on rencontre pas mal de moments qu'il a vécu pendant ses années avec sa femme Very Happy


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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyMar 11 Mai 2010 - 9:44

Une phrase qui témoigne de l'esprit de Sylvia :
Citation :
Mais d'après elle, tout ce qui me touchait de près ou de loin - famille, amis, écriture - la reléguait aux marges de ma conscience ; elle se sentait alors négligée, insultée. (page 94)
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyVen 25 Juin 2010 - 22:20

-Sylvia-

Harelde a écrit:
Reste, la dernière page tournée, un profond malaise. Je suis resté cloué au canapé durant de longues minutes, les yeux dans le vague. Puis, sorti de ma torpeur, un profond soupir m’a échappé. J’étais KO !
Je comprends Harelde. C'est une histoire assez glaçante, terrible à vivre lorsqu'on s'y trouve confronté et que la paranoïa de l'autre enferme sa victime dans ce processus de culpabilisation. Leonard Michaels a eu besoin de trente années pour décrypter tout ça, il le fait ici avec beaucoup de pudeur et pourtant on ressent derrière ses mots précis, abrupts, une souffrance longtemps réprimée, et toute la puissance de cette passion très lente à s'éteindre.

Sylvia est une jeune femme exigeante (avec elle -même parfois aussi) précocement douée et marquée par son enfance, mais qui tombe rapidement dans des névroses . Excessivement susceptible, elle est convaincue que Leonard cherche à la rabaisser, qu'il la délaisse. Qu'il flatte un top model dans un magazine ou se retire dans sa chambre pour écrire et la voilà partie dans un délire. Les téléphones volent, les insultes pleuvent, elle le tyrannise et le persuade qu'il est la cause de son mal être. Lui s'excuse...
Citation :
Comme un gamin qui ferait un caprice, elle se repaissait du son de ses propres hurlements. Elle hurlait parce qu'elle hurlait, toujours plus, toujours plus fort, comme pour construire une petite chambre de rage au milieu de laquelle elle se tiendrait. Cet espace n'appartenait qu'à elle. C'était elle qui commandait. Je n'y avais pas ma place

Il n'a pas de point de repère, se dit que si elle a des amis c'est qu'elle est 'aimable' et cherche la normalité dans les disputes des autres. Jusqu'au jour où un psy lui confirme qu'elle est scientifiquement dingue. Ensuite vient la honte, les voisins qui les évitent, le sentiment de se perdre mais l'impossibilité de se dérober. Il est pris au piège.
Citation :
J'avais l'impression que cette rage n'était pas dirigée contre moi. Je me trouvais simplement sur la ligne de tir, la véritable cible était morte depuis longtemps. Je n'étais pas lui, il n'était pas moi. En quelque sorte j'étais devenu l'hallucination de Sylvia. Peut-être n'existais-je pas vraiment, ou du moins pas à la façon d'une table d'un chapeau ou d'une personne.


J'ai beaucoup aimé cette lecture, j'ai aimé l'ambiance de ces années new yorkaises, croiser Kerouac et Grinsberg, le jazz de Miles Davis, la douce folie de cette époque rebelle où les intellectuels refaisaient le monde. Mais surtout la sincérité de l'écriture, sa rugosité m'ont beaucoup touchée. Un témoignage que je vais garder longtemps en mémoire je crois!
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyLun 20 Sep 2010 - 22:50

Leonard Michaels Sylvia11


« Il s'agit de gens, pour la plupart des femmes, qui ont grandi avec le sentiment de ne pas avoir reçu l'attention et l'appui qui leur reviennent. Ils en sont révoltés et ils cherchent des façons de compenser cela dans leurs relations. Ils ont des attentes élevées et, quand leurs besoins sont à nouveau abandonnés, ils y répondent avec de la colère et du désespoir. . »John Gunderson, psychiatre américain spécialiste dans la prise en charge des personnes atteintes de trouble de la personnalité "borderline"

Dans "Le Cinéphile", roman publié en 1961, l'année où Sylvia et moi nous sommes mariés, Walker Percy écrit que les films offraient à chacun de nous une forme de rédemption; dans la solitude d'une vie américaine, des moments de grâce. Leonard Michaels dans "Sylvia"

Leonard Michaels 97828610

Sylvia est donc un roman autobiographique où Leonard Michaels fait revivre le New York des années 60 et sa relation chaotique avec une jeune femme asiatique très instable, Sylvia Bloch, dont il tente de décrire le parcours auto-destructeur en même temps que son propre désarroi. Mais si Sylvia constitue un mystère pour Leonard, le comportement et l'acceptation de ce dernier ne sont pas non plus sans poser de questions.

Le roman est court, le style précis et concis, l'atmosphère magnifiquement rendue avec une économie de moyens. Il sait restituer tout le climat d'une époque, son contexte politique, l'atmosphère de la vie New-Yorkaise avec son frémissement, son animation nocturne, le jazz, le cinéma, le milieu des artistes, la drogue... Cinéma qui tient une place importante dans la courte vie de ce jeune couple. Les films d'Antonioni répondant en écho à leurs préoccupations existentielles, ce mélange d'ennui, de spleen, et d'abandon lascif au plaisir de l'instant, d'acceptation d'une part de danger et de prise de risque probablement nécessaires pour s'adapter à cette transition vers le monde moderne .

On ne parlait plus de films, la quintessence de l'excès, mais d'oeuvres cinématographiques. Pour l'oeil attentif, l'oeuvre d'Antonioni comptait parmi les plus importantes. Sylvia et moi ne rations jamais aucune de ses productions. On en émergeait radicalement abasourdis, mais exaltés, tristes que le film ait dû se terminer. "Pourquoi est-ce qu'ils ne nous fichent pas la paix?" C'était un véritable déchirement que de devoir nous jeter de nouveau dans les rues venteuses pour rentrer chez nous. Nous emportions des images de désespoir et d'ennui, mais aussi de ces captations saisissantes du moment où le néant du monde moderne pourrait être exquis, y compris comme mode de vie, non seulement pour Monica Vitti et Alain Delon, mais aussi pour nous. Pourquoi pas? Seules les émotions comptaient et elles étaient à notre disposition. Nous comprenions. Nous étions susceptibles de vivre les aléas ineffables de la vie moderne.

Et ce portrait d'une époque, il le saisit encore mieux en faisant le portrait de cette jeune femme borderline, Sylvia, dont il décrit minutieusement les accès de violence, l'agitation hystérique, la susceptibilité et la méfiance paranoïaques, la peur panique de l'abandon, l'alternance de fusion puis de rejet de l'autre... On comprend presque de façon sublimimale au détour d'une phrase qu'elle a probablement vécu des violences sexuelles par le passé (elle lui dit brusquement comme en demi-confidence qu'il ne connait pas vraiment sa sexualité...).

On dit parfois que la transition du XIXe au XXe siècle a vu éclore l'hystérie comme trouble de la personnalité représentatif de la société (et largement révélé par Freud et la psychanalyse) et le tournant du XXe au XXIe siècle serait celui de la personnalité limite (ou borderline en anglais). La psychanalyse voyait ce trouble comme un intermédiaire entre névrose et psychose. Aujourd'hui on le définit comme une forme de trouble de l'humeur proche de la bipolarité qui alternerait des périodes de dépression et d'agitation sur un mode clastique avec violence, auto-agressivité, décharge émotionnelle avec une grande labilité, instabilité de l'identité et de la relation aux autres. Le tout ayant pour noyau central la peur de l'abandon et la nécessité d'un mode de relation de couple anaclitique (fusionnel). Chaque signe d'éloignement, d'agacement ou simplement de distance réelle ou supposée du partenaire étant interprété comme un risque d'abandon insupportable. Les crises permettant de libérer une trop grande tension interne et d'attirer l'attention de l'autre. Cette instabilité pourrait trouver en partie son origine dans des traumatismes plus ou moins précoces favorisant des difficultés de structuration harmonieuse de la personnalité.

Mais l'intérêt d'un roman est de proposer une vision littéraire et non clinique d'une personnalité. Pas d'étiquette réductrice ou d'explication rationnelle ou scientifique, mais une perception plus sensible et humaine qui éclaire en même temps sur le narrateur. Car comment comprendre l'attachement de Leonard pour cette jeune femme si agressive et instable? Amour passionnel? Curiosité artistique d'un jeune homme cherchant à devenir écrivain et trouvant en elle un sujet idéal? Masochisme fondamental comme pour Agatha, l'autre personnage féminin de l'histoire, qui raconte ses aventures avec des hommes qui la maltraitent? Attirance sexuelle incoercible face à ce tempérament volcanique? Probablement un peu tout ça à la fois avec en arrière plan cette idée d'une époque où l'on pourrait tromper l'ennui à travers la recherche de sensations extrêmes (drogues, sexualité multiple...) et où le rapport de force entre individus permettrait de se sentir exister, d'être plus vrai.

Sylvia est un très beau roman pour tous ces aspects et l'absence de réponse ou d'explication apportée. C'est foisonnant de toutes sortes de pistes. Et même lorsqu'il sera successivement face à une psychanalyste puis un psychiatre, il ne retiendra de la première que: "vous vous vampirisez l'un l'autre" et du second: "Elle est en grand danger". Conseils vite évacués avec le prix à payer d'un final irrémédiable annoncé...

Admirer la beauté d'un top model, une image dans un magazine, signifiait que je n'aimais pas le physique de Sylvia et donc que je ne l'aimais pas, elle. D'une conversation anodine, elle tirait des indices lâchés par inadvertance, censés révéler mes vrais sentiments. Je l'avais offensée. J'aimais le top-modèle. Je l'avais dit, je m'étais condamné.


Merci Aériale pour cette super découverte!

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Ezechielle
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyMar 21 Sep 2010 - 0:42

Ça a l'air bien sympa en tous cas! Je l'ajoute à ma liste!
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyMar 21 Sep 2010 - 8:47

Merci pour ce commentaire extra Marko, contente que tu as aimé

et je parie que tu devrais alors aussi te plaire avec ses nouvelles, beaucoup plus 'travaillé' que ce court roman Wink
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MessageSujet: Re: Leonard Michaels   Leonard Michaels EmptyMar 21 Sep 2010 - 8:52

Merci à toi pour cette belle présentation Marko, suis très contente qu'il t'ait plu.
Comme tu le dis j'ai moi aussi aimé l'aspect humain et les pistes qu'il laisse entrevoir sans apporter de réponses précises. On ressent vraiment une grande pudeur dans le fait de nous dévoiler cette relation et Michaels reste marqué par ces années extrêmes, de souffrance et de passion. Ses nouvelles sont sans doute plus travaillées comme le dit Kena mais ici cela vient de plus loin et c'est juste terrible!

Lis le Ezechielle, je crois qu'il te plaira aussi (même si le terme sympa est plutôt optimiste Very Happy )
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