Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Louis Ferdinand Céline

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animal
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyJeu 19 Mai 2011 - 21:23

Citation :
« Pourquoi Céline s’obstine-t-il à se servir d’un style exécrable et qui, malgré son aspect de révolte et de libération, est, au fond. Rempli de procédés bassement littéraires ? » {La Dépêche de Toulouse, 9 juin)
celui là est pas mal je trouve !
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyJeu 19 Mai 2011 - 21:37

animal a écrit:
Citation :
« Pourquoi Céline s’obstine-t-il à se servir d’un style exécrable et qui, malgré son aspect de révolte et de libération, est, au fond. Rempli de procédés bassement littéraires ? » {La Dépêche de Toulouse, 9 juin)
celui là est pas mal je trouve !

C'est vrai qu'on comprend là une (presque) vraie critique, au-delà du choc.


Incroyable tout de même toutes ces critiques. Je trouve que Céline tentait (et parvenait, même si c'était parfois lourd) à trouver une véracité dans le style, quelque chose d'authentique, de proche de l'humain, de populaire. Mais... finalement, c'est trop travaillé pour des gens qui causeraient comme le bouquin, et trop vulgarisé pour les Hauts des Lettres.
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyVen 20 Mai 2011 - 21:24

Il aura quand même réussi à avoir un style unique, personne ne peut le lui reprocher...
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptySam 21 Mai 2011 - 21:03

Les français ont la mémoire très sélective ... s'il fallait sortir tous les cadavres du placard collaborationniste, les musées seraient vidés de leur substance : Van Dongen, Dunoyer de Segonzac, Despiau, Derain, Vlaminck, etc ... out ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyLun 23 Mai 2011 - 9:36

Constance a écrit:
Les français ont la mémoire très sélective ... s'il fallait sortir tous les cadavres du placard collaborationniste, les musées seraient vidés de leur substance : Van Dongen, Dunoyer de Segonzac, Despiau, Derain, Vlaminck, etc ... out ! Very Happy

A propos du comportement de Céline pendant la guerre, j'avais lu un article intéressant de Pierre Lainé paru dans Le Monde.
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyLun 23 Mai 2011 - 11:20

Hank a écrit:
Constance a écrit:
Les français ont la mémoire très sélective ... s'il fallait sortir tous les cadavres du placard collaborationniste, les musées seraient vidés de leur substance : Van Dongen, Dunoyer de Segonzac, Despiau, Derain, Vlaminck, etc ... out ! Very Happy

A propos du comportement de Céline pendant la guerre, j'avais lu un article intéressant de Pierre Lainé paru dans Le Monde.


Excellent article qui remet l'église au milieu du village ... le haineux ostracisme post-mortem dont est victime Céline, démontre la totale méconnaissance, voire l'amnésie collective, de ce que fut réellement la collaboration ...

Quant à ces artistes reconnus et célébrés, qui échappent aux fourches caudines de Klarsfeld et des censeurs, je ne les ai pas cités au hasard :


Citation :
Guerre 1939-1945. Départ d'artistes français pour un voyage en Allemagne organisé par Arno Breker et Otto Abetz. Despiau, Othon Friesz, Dunoyer de Segonzac, Vlaminck, Van Dongen et Derain, de gauche à droite. Paris, gare de l'Est, octobre 1941.

 - Louis Ferdinand Céline - Page 12 1935-210


Sachant que ces honorables messieurs ont participé à nombre de déjeûners officiels, l'un deux étant présidé par le non moins "honorable" maréchal Goering ... rien que ça !

Il ne s'agit évidemment pas de leur faire un procès, mais de reconsidérer la vision collaborationniste de cette époque trouble ...


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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyJeu 26 Mai 2011 - 16:22

Toujours sur le même thème :


Les propos qui suivent sont tenus par Lucette Destouches, veuve de Louis-Ferdinand Céline. Ils sont extraits de l'ouvrage Céline secret, souvenirs de Madame Destouches recueillis par Véronique Robert (Grasset, 2001)

« (...) un jour, au début des années 1940, en pleine occupation, j'ai vu arriver Jean-Paul Sartre qui venait demander à Louis d'intercéder en sa faveur auprès des Allemands pour qu'on joue à Paris sa pièce les Mouches. Louis a refusé, il lui a dit n'avoir aucun pouvoir auprès des Allemands. C'était vrai, mais Sartre ne l'a sans doute pas cru, il lui en a voulu et plus tard il l'a accusé d'avoir écrit des pamphlets à la solde des Allemands.
Rien n'était plus absurde comme idée. C'était ne pas connaître Louis, à la solde de personne, intransigeant avec tout le monde, incapable de pactiser avec qui que ce soit, toujours seul contre tous. La réponse de Céline à l'Agité du bocal sera cinglante et ôtera à Sartre toute envie de reparties.(...) »

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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyVen 27 Mai 2011 - 22:25

Voici un lien qui pourrait t'intéresser, Hank ... en compagnie de Céline, l'on peut y retrouver de grands noms de la littérature française, entre autres, Marcel Aymé qui figure parmi les collaborateurs de ces journaux nauséabonds, néanmoins je lis actuellement l'un de ses ouvrages : ICI
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyVen 10 Juin 2011 - 16:18

Comme je l'avais déjà dit (me semble t-il) j'ai lu ou plutôt survoler Voyage au bout de la nuit l'année dernière. Et puis on m'a dit que c'était peut-être parce que j'étais trop jeune et oui, ça devait être ça! Depuis quelques semaines j'y pense, je le guette, je le feuillette et il m'appelle. J'attends que le bac soit fini et je m'y (re)mets. D'autant plus que j'ai acheté Télérama (après tous vos avis favorables) et qu'il y a un article sur lui! dentsblanches
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyVen 10 Juin 2011 - 19:53

searchxme a écrit:
Comme je l'avais déjà dit (me semble t-il) j'ai lu ou plutôt survoler Voyage au bout de la nuit l'année dernière. Et puis on m'a dit que c'était peut-être parce que j'étais trop jeune et oui, ça devait être ça! Depuis quelques semaines j'y pense, je le guette, je le feuillette et il m'appelle. J'attends que le bac soit fini et je m'y (re)mets. D'autant plus que j'ai acheté Télérama (après tous vos avis favorables) et qu'il y a un article sur lui! dentsblanches

Et 17ans, à mon avis : âge idéal pour Céline, et Calaferte ! Va voir le fil !
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyMar 5 Juil 2011 - 12:19

Moi ce qui m'étonne toujours lors de critiques d'auteurs c'est que l'on cherche parfois à le dénigrer pour ce qu'il pense et non pour ce qu'il écrit. Céline est le paroxysme de ce genre de stigmatisations.
Moi aussi je suis du genre à penser que la personnalité de l'auteur transaparaît et si elle n'est pas belle alors j'aurai un jugement négatif de son oeuvre et c'est un tort que j'essaye de corriger. Mais il faut cesser l'hypocrisie et arrêter de critiquer chez Céline ce que l'on excuse chez d'autres.

Il n'y a pas plus raciste que Voltaire par exemple qui parlait des africains ou des juifs avec des propos d'une violence telle qu'il nous fait davantage penser à un nazi qu'à un Lumière ( et c'est loin d'en être une dans ce cas)...

Soit on fait le procès de tous soit d'aucun. Il existe en philosophie aussi des gens peu fréquentables : Sartre niait les goulags, Bergson voulait détruire l'Allemagne pendant la première guerre mondiale, Heidegger adhérait au NSDAP. Bref il y'a de quoi faire. Mais leurs oeuvres sont d'une qualité telle que ne pas en profiter serait un grand dommage.

Céline est de ces marginaux littéraires qui apportent énormément par le trouble qu'ils imiscent dans les millieux asceptisés artistiques où la bonne morale se revendique avec snobisme.

C'est une interjection dans un silence, un "bordel !" dans une église. Et ca fait du bien !
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyMar 5 Juin 2012 - 15:59

Retour arrière sur une relecture qui a magnifié ma vision de ce livre :

Voyage au bout de la nuit
(1932)

 - Louis Ferdinand Céline - Page 12 Voyage10

Céline nous propose un voyage au bout de la nuit… A quoi faut-il s’attendre ? A priori, nous n’embarquerons pas pour de folles embardées à travers les cabarets de Paris. La nuit n’est pas synonyme de luxe mondain ou de débauche des sens. Tout au plus visiterons-nous quelques lieux paumés qui marquent la vie nocturne américaine des années 30, mais loin de l’enthousiasme et de l’esprit d’esbroufe qui définissent la clientèle mondaine habituée aux grands galas. Tout ceci est de très bon augure. Mais se pose alors légitimement la question de savoir quelle est cette nuit dont nous parle Céline. Cette question sera portée à travers tout le livre, métaphore d’un destin obscur dont on ne voit pas le bout. D’ailleurs, on ne distingue pas mieux le début de cette aventure, et pour ce qui est de la question présente, on se cogne contre les murs…

 - Louis Ferdinand Céline - Page 12 250px-13

Les 600 pages du roman commencent avec la jeunesse de Bardamu qu’on imagine sans mal être l’alter-égo de Céline. A l’âge où il faut effectuer ses premiers choix de vie, Bardamu s’engage sur un coup de tête dans une troupe militaire. Rien à comprendre à cette décision qu’on peut résumer à un caprice, à une folie de jeunesse ou à une envie déraisonnée de voir les choses de ses propres yeux. Au-delà de ces justifications de pacotille, on sent que Bardamu est déjà rongé, sans qu’il ne le sache encore consciemment, par l’incertitude qui marque l’existence, et par l’imprécision et le caractère mensonger des mots auxquels on ne peut pas faire confiance. Parce qu’il n’en peut plus de déblatérer pendant des heures au sujet de l’engagement patriotique avec son ami, Bardamu met fin à l’incommunicabilité de l’expérience en décidant de la vivre.

Bardamu passant du côté de l’action, on pourrait croire (craindre ?) que Céline nous embarque dans l’histoire d’une guerre sur des centaines de pages. Ce serait mal connaître l’écrivain. Les engagements, surtout lorsqu’ils relèvent de la jeunesse, ne sont pas faits pour durer. Aucune histoire, aucun désir, aucune certitude ne peut porter sur la durée d’une vie. Ebranlé par l’horreur de la guerre, loin des clichés glorieux qu’il imaginait, Bardamu reçoit l’ultime frappe de l’absurdité. Il s’enfuit comme un lâche, c’est-à-dire comme un homme lucide. Déjà, toutes les illusions qu’il pouvait encore conserver au sujet de l’humanité ont disparu :

Citation :
« Il y a les boyaux. Vous avez vu à la campagne chez nous jouer le tour au chemineau ? On bourre un vieux porte-monnaie avec les boyaux pourris d’un poulet. Eh bien, un homme, moi je vous le dis, c’est tout comme, en plus gros et mobile, et vorace, et puis dedans, un rêve. »

Si, dès le début du roman, Bardamu semblait nourrir des doutes concernant le sérieux de l’existence, l’absurdité de la guerre les lui aura confirmés. Le voyage au bout de la nuit a bel et bien commencé, et même si Bardamu souhaite à présent poser ses bagages et retourner dans la contrée plutôt calme et tranquille de son ignorance, il ne le peut plus. Alors, il se masque les yeux et essaie, par tous les moyens, de se détourner de l’absurdité en redonnant du sens à son existence. Il nourrit une foule de projets qui pourraient presque donner l’impression, à un spectateur qui n’aurait pas accès à ses pensées, qu’il est un homme sain, au faîte de son énergie.
Tout d’abord, il part en Afrique, pensant s’éloigner du climat délétère du monde occidental et renouer avec la beauté sauvage de la faune et de la flore. En fait, ce sera surtout l’occasion de trouver une nouvelle fois confirmation de la laideur du tempérament humain. Les règnes végétal et animal ne sont qu’une extension du chaos qui régit le domaine du vivant.
Bardamu s’enfuit alors sur les terres plus civilisées des Etats-Unis mais il retrouve à nouveau la condition désespérante de l’être humain, dissimulée cette fois-ci derrière les artifices mensongers de l’art, du spectacle et du théâtre. Alors, Bardamu se résigne à rentrer en France et à reprendre ses études pour devenir médecin. Cette formalité remplie, il ouvre son cabinet et se lance dans sa carrière. Ce n’est pas la gloire et dans son patelin de pauvres, Bardamu est à peine considéré comme un gratte-merde, soulevant les croûtes rances des plaies de ses patients et révélant avec elles leurs horreurs les mieux dissimulées. Entre temps, Bardamu se lie et essaie de jouer la comédie amoureuse mais, parce qu’il n’y croit pas et ne veut pas faire l’effort d’y croire, il finit par abandonner.

Tout au long de ces années, Bardamu n’arrivera pas à se détacher de l’inquiétude qui est née de son expérience de l’absurdité et qu’il éprouve dans le moindre aspect de son existence. C’est qu’il a déjà bien entamé son voyage et qu’une fois monté à bord du véhicule qui permet de l’effectuer, il est impossible de lever le doigt et de demander l’arrêt ou le retour arrière. Nouvelle fatalité à laquelle doit se résoudre Bardamu… Lâche d’apparence –car il fuit plus souvent qu’à son tour- Bardamu décide pourtant d’affronter courageusement cette nuit qui se profile en face de lui. Après tout, puisqu’elle constitue la destination finale de tous les hommes, autant se parer de lucidité et choisir comme compagne de route l’inquiétante vérité, dissimulée derrière une couche de comédie et de mots qui ont perdu toute leur sens.

Alors qu’il paraît sinistre à première vue –parce qu’il révèle tous les actes mesquins et égoïstes des hommes- le voyage de Bardamu finit par devenir grandiose. Ses étapes lui permettent de gagner en nuances, et en acceptant la vérité, Bardamu accepte peu à peu la moisissure de l’être humain, qui n’est autre que cette lâcheté ou cette terreur d’accepter de voir les choses telles qu’elles le sont vraiment. Alors qu’il se battait avec férocité contre ses semblables lorsqu’il ne les connaissait pas encore, Bardamu semble finir par les accepter dans leurs retranchements les plus répugnants. Les hommes ne sont coupables de rien –ils sont seulement victimes de l’existence et de leur lâcheté qui les empêche d’y faire face.

Cette métamorphose rend le voyage de Bardamu troublant. Il fait traverser au lecteur des territoires qu’il aurait difficilement pu soupçonner. Les certitudes disparaissent mais ne cèdent pas la place au désespoir. Au contraire, la grandeur d’une âme émerge derrière la destruction des apparences. Bardamu ne cherche plus à se cacher derrière un mauvais jeu de comédie et s’il en ressort des désagréments compréhensibles, les relations qu’il lie avec les autres changent à leur tour de dimension. Jusque-là conflictuelles, chargées d’animosité, elles deviennent plus tolérantes car tous les hommes sont liés par la même fatalité. Bardamu ne prend plus leur hostilité, leur fourberie ou leur méchanceté comme des manifestations de violence dirigées contre lui mais comme l’expression –inappropriée- de leur frousse à l’idée de ne pas connaître les raisons qui les poussent à s’agiter et à se fatiguer autant sur Terre.

Le voyage semble se conclure lorsque Bardamu finit gavé de vérité. Symboliquement, une nouvelle journée est sur le point de paraître. On ne sait pas si Bardamu s’arrêtera au terme de sa destination ou s’il choisira de poursuivre plus loin, dans une autre direction, que Céline laisse au choix du lecteur... La nuit n’était peut-être qu’une étape d’un voyage qui ne demande qu’à être poursuivi ?…
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyMar 5 Juin 2012 - 16:25

De nombreux passages du livre m'ont assommée ! Oui, oui, oui. C'est délicieux de lire ce qu'on pense et plus encore lorsque le ton y est. Avec Céline c'est une évidence.

Il y a de longs passages dont la verve et le dégoût ne s'épuisent sur aucun mot :

Citation :
Comme on devient de plus en plus laid et répugnant à ce jeu-là en vieillissant, on ne peut même plus la dissimuler sa peine, sa faillite, on finit par en avoir plein la figure de cette sale grimace qui met des vingt ans, des trente ans et davantage à vous remonter enfin du ventre sur la face. C’est à cela que ça sert, à ça seulement, un homme, une grimace qu’il met toute une vie à se confectionner, et encore, qu’il arrive même pas toujours à la terminer, tellement qu’elle est lourde et compliquée la grimace qu’il faudrait faire pour exprimer toute sa vraie âme sans rien en perdre.

Mais aussi la lassitude...

Citation :
Ce qui est pire c’est qu’on se demande comment le lendemain on trouvera assez de forces pour continuer à faire ce qu’on a fait la veille et depuis déjà tellement trop longtemps, où on trouvera la force pour ces démarches imbéciles, ces mille projets qui n’aboutissent à rien, ces tentatives pour sortir de l’accablante nécessité, tentatives qui toujours avortent, et toutes pour aller se convaincre une fois de plus que le destin est insurmontable, qu’il faut retomber au bas de la muraille, chaque soir, sous l’angoisse de ce lendemain, toujours plus précaire, plus sordide.

Citation :
Tout notre malheur vient de ce qu’il nous faut demeurer Jean, Pierre ou Gaston coûte que coûte pendant toutes sortes d’années. Ce corps à nous, travesti de molécules agitées et banales, tout le temps se révolte contre cette farce atroce de durer. Elles veulent se perdre nos molécules, au plus vite, parmi l’univers ces mignonnes ! Elles souffrent d’être seulement « nous », cocus d’infini. On éclaterait si on avait du courage, on faille seulement d’un jour à l’autre. Notre torture chérie est enfermée là, atomique, dans notre peau même, avec notre orgueil.

Et le malheur, qui n'est jamais évoqué sans que son ambivalence ne soit rappelée :

Citation :
A force de douceur persuasive, sa bonté me devint familière et presque personnelle. Mais il me semblait que je commençais alors à tricher avec mon fameux destin, avec ma raison d’être comme je l’appelais, et je cessai dès lors brusquement de lui raconter tout ce que je pensais. Je retournai tout seul en moi-même, bien content d’être encore plus malheureux qu’autrefois par ce que j’avais rapporté dans ma solitude une nouvelle façon de détresse, et quelque chose qui ressemblait à du vrai sentiment.

Citation :
Les hommes y tiennent à leurs sales souvenirs, à tous leurs malheurs et on ne peut pas les en faire sortir. Ca leur occupe l’âme. Ils se vengent de l’injustice de leur présent en besognant l’avenir au fond d’eux-mêmes avec de la merde.

Et il y a aussi des phrases courtes, brèves, tout aussi efficaces :

Citation :
Celui qui parle de l’avenir est un coquin, c’est l’actuel qui compte. Invoquer sa postérité, c’est faire un discours aux asticots.

Citation :
L’âme, c’est la vanité et le plaisir du corps tant qu’il est bien portant, mais c’est aussi l’envie d’en sortir du corps dès qu’il est malade ou que les choses tournent mal.

Des images puissantes qui montrent le succès de Céline dans sa tâche de se réapproprier le langage au-delà des usages éprouvés :

Citation :
L’existence, ça vous tord et ça vous écrase la face. […] Les pauvres sont fadés. La misère est géante, elle se sert pour essuyer les ordures du monde de votre figure comme d’une toile à laver.

D'ailleurs, quand aura-t-on fini de vouloir parler tout le temps ?

Citation :
Quand on s’arrête à la façon par exemple dont sont formés et proférés les mots, elles ne résistent guère nos phrases au désastre de leur décor baveux. C’est plus compliqué et plus pénible que la défécation notre effort mécanique de la conversation. Cette corolle de chair bouffie, la bouche, qui se convulse à siffler, aspirer et se démène, pousse toutes espèces de sons visqueux à travers le barrage puant de la carie dentaire, quelle punition !

Citation :
Les choses auxquelles on tenait le plus, vous vous décidez un beau jour à en parler de moins en moins, avec effort quand il faut s’y mettre. On en a bien marre de s’écouter toujours causer… On abrège… On renonce… Ca dure depuis trente ans qu’on cause… On ne tient même plus à avoir raison. L’envie vous lâche de garder même la petite place qu’on s’était réservée parmi les plaisirs… On se dégoûte…

Le plus impressionnant chez Céline, c'est peut-être sa vision de l'amour... Bien loin de nombreuses niaiseries et hypocrisies que l'on peut trouver à ce sujet. Vision peut-être exagérée ? Ou vision lucide, formée dans la lucidité apportée par la solitude ? Elle ne parle peut-être pas à tout le monde, mais avec moi ça marche...

Citation :
Puisque nous sommes que des enclos de tripes tièdes et mal pourries nous aurons toujours du mal avec le sentiment. Amoureux ce n’est rien c’est tenir ensemble qui est difficile. L’ordure, elle, ne cherche ni à durer, ni à croître. Ici, sur ce point, nous sommes bien plus malheureux que la merde, cet enragement à persévérer dans notre état constitue l’incroyable torture.

Et toujours à ce sujet, un passage grandiose :
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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyDim 10 Juin 2012 - 22:13

bravo Colimasson pour ce très beau compte rendu et pour ces citations.
Oui oui, je sais que je dois relire ce livre ... mais quand? Là est la grande question.

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MessageSujet: Re: Louis Ferdinand Céline    - Louis Ferdinand Céline - Page 12 EmptyLun 11 Juin 2012 - 20:01

Je te souhaite de le relire très vite !

Et je suis contente que tu considères toi aussi cette dernière citation comme une merveille dentsblanches
Elle est pessimiste mais son côté miraculeux, c'est qu'elle reste juste quel que soit l'état d'esprit de lecture. Qu'on se situe ou non dans une bonne phase... Pas mal, pas mal...
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