Nos lectures de septembre 2015

colimasson a écrit:

Je lis le tome 2 des Oeuvres d'Antonin Artaud (pas pu me procurer tout de suite le tome 1) ainsi que Pour en finir avec le jugement de Dieu, poésie toujours d'Artaud.

Plus quelqu'obscur manuscrit...

Tout un programme...

Moi, j'ai du mal à rester sur une lecture ces derniers jours, mais je crois que j'ai enfin trouvé chaussure à mon pied, avec Salammbô...

En même temps que Knausgaard, je lis Ignazio Silone - L'école des dictateurs.

Thérorique, politique et philosophique. Puis original.

Et hier, j'ai commencé Kurt Vonnegut, Jr - Abattoir 5. Ca a l'air bien.

Tu m'as donné envie de découvrir Knausgaard d'un peu plus près, en tout cas, tina.

ArturoBandini a écrit:

Moi, j'ai du mal à rester sur une lecture ces derniers jours, mais je crois que j'ai enfin trouvé chaussure à mon pied, avec Salammbô...

Une fois que l'on a essayé, Flaubert....

Oh ? J'ai tendance à penser le contraire.

On peut être très intéressé par Flaubert (c'est mon cas) mais il y a quelque chose dans ses livres qui repousse tout affect. Lui-même refuser de "se livrer" fabriquer une distance, un certain détachement de l'auteur pour qu'elle (son oeuvre) devienne un objet d'art autonome. Je ne sais pas si c'est clair, ce que je dis. Je ne dis pas que c'est sa vision de la littérature qui est cause de ça, plus un idéal jamais atteint, je n'ai pas encore trouver quelque chose qui transcende chez lui, donc je trouve ça difficile d'imaginer qu'on l'aime si facilement. C'est possible, bien sûr, puisque c'est le cas de beaucoup. Mais je trouves pas ça évident. Mais je devrais peut-être enfin lire L'Education Sentimentale avant de ramener ma fraise

A défaut de l'aimer complètement, j'ai un sincère intérêt pour lui.

J’ai pas encore fini Madame Bovary, mais ce que tu décris, Dreep, correspond assez à mes propres impressions de lecture.
La fluidité et la musicalité de l’écriture, peut-être, en font une lecture ‘de n’importe quel moment’. Cette semaine je planche sur Hawthorne (que j’aime pas des masses…) pour mes cours, et c’est un vrai bonheur de lire un petit chapitre de Flaubert après avoir longuement cligné des yeux sur des phrases de six pages

Après les remarquables nouvelles de Sandor Hunyady : La Maison à la lanterne rouge, complexité de la vie sociale, les mouvements du coeur et du corps, l' art de la narration, la vitalité prodigieuse des personnages, tout y est.
- Hommes, betes et démons : Qian Zhongshu (Chine). - Gallimard/Connaissance de l' Orient

J'ai ressenti ce que tu décris, Dreep, pour Bouvard et Pécuchet, et un peu Madame Bovary, mais Salammbô c'est vraiment différent. Cela fait un moment que je tournais autour, et j'y suis allé à reculons car je n'aime pas tellement les romans historiques, mais là je suis conquis.
Il y a une certaine distanciation chez Flaubert, mais pas que. Il est tellement subtil et complexe dans sa pureté de langage...

C'est marrant, Madame Bovary est son roman qui m'a le moins fait cet effet-là. Alors que Salammbô, j'ai pas pu le continuer entre autre pour cette raison.

Flaubert, quelque part je l'ai ressenti en le lisant comme le summum de la littérature, quelque chose d'indépassable. Maintenant je dirais dans une certaine conception de la littérature (mais ne me demandez pas de la définir), et peut être que l'évolution littéraire dans d'autres directions vient aussi de là, que l'on touche au maximum de ce que l'on peut faire en écrivant ainsi. Evidemment, ce n'est qu'un ressenti, d'autres vont voir d'autres auteurs comme ce summum.

Salammbô, c'est très spécial pour moi, je l'ai lu très très jeune, en ne maîtrisant pas complètement le français et cela m'a envoûté, la magie du verbe, cette façon de dire, qui n'a rien de naturel ni de spontané, mais qui donne un résultat d'une fluidité et d'une évidence totale. Enfin pour moi.
Et ensuite les deux grands romans, c'était comme je l'ai dit, le summum de ce que l'on peut faire avec les mots. Une maîtrise totale du verbe, chaque mot est exactement à sa place et signifie au maximum par son choix, et sa place, par l'enchaînement, qui est optimum. Un verbe qui arrive à exprimer les sensations les plus infimes avec une précision, un art de la nuance, à nul autre égal.

Je conçois que l'on puisse être réfractaire, la maîtrise des mots peut donner la sensation que l'écrivain ne se livre pas, qu'il se met à distance. Mais cette façon de faire est aussi significative d'une personnalité. Et peut être que je me sens en affinité avec ce regard distancié, qui observe et note, et étudie.

Citation :

Je conçois que l'on puisse être réfractaire, la maîtrise des mots peut donner la sensation que l'écrivain ne se livre pas, qu'il se met à distance. Mais cette façon de faire est aussi significative d'une personnalité. Et peut être que je me sens en affinité avec ce regard distancié, qui observe et note, et étudie.

Avoir un regard distancié, un rapport particulier à la chose écrite, pourquoi pas, ça ne m'inspire pas nécessairement l'idée d'une oeuvre dont je pourrais admirer la technique, mais que je ne pourrais aimer. Tout dépend de la singularité de cette distance, je veux dire, c'est une bonne démarche, mais Flaubert ne le fait pas exactement comme je le recherche.

Même s'il y a distance, il y a implication de Flaubert dans ce qu'il écrit, même si on est à mille lieues de l'autofiction. Mais plus que la distance, la tentative d'objectivité de l'auteur par rapport à ce qu'il décrit, laissant finalement le jugement au lecteur, peut déstabiliser.
Mais après chacun ne recherche pas la même chose, c'est sûr.

livre de chevet il y a un garçon dans les toilettes des filles de Louis Sachar

et au salon,, voyage au bout de la solitude John Krakauer

Ah Bouvard et Pécuchet ça remonte à loin, mais j’y cherchais pas les mêmes choses que dans Bovary. Je crois que j’avais lu ça un peu comme du Wodehouse, je garde le souvenir d’un livre très drôle avec de petites ‘explosions’ (digressives, linguistiques…) dans tous les sens.
En tous cas je rejoins Dreep pour dire que quoi j’en pense (et quoi que j’en penserai lorsque j’aurai fini Bovary, j’ai encore bien 150 pages pour changer d’avis), Flaubert c’est très intéressant. Dès que je songe à formuler une opinion, je me sens obligée d’adopter une perspective et un vocabulaire de (pseudo) analyse littéraire plutôt que de simplement mettre en mots mes impressions. C’est sûr, je m’arrêterai pas à Bovary, il m’a vraiment intriguée.

Arabella a écrit:

Même s'il y a distance, il y a implication de Flaubert dans ce qu'il écrit, même si on est à mille lieues de l'autofiction. Mais plus que la distance, la tentative d'objectivité de l'auteur par rapport à ce qu'il décrit, laissant finalement le jugement au lecteur, peut déstabiliser.
Mais après chacun ne recherche pas la même chose, c'est sûr.

Oui, bien sûr qu'il s'implique, avec l'ardeur qu'il mettait à écrire, véritablement "écrasé" par la besogne. En tentant de donner une forme concrète à la vision de la littérature qui l'habite (pas en écrivant un essai, Flaubert l'a envisagé, mais ne l'a jamais commencé). Et la question de la distance était essentiel, et Flaubert l'a très vite vu, je pense. Je ne veux pas dire qu'il aurait dû plus s'ouvrir et parler de lui, mais simplement la portée du regard n'était pas la bonne. Du moins avec ce que j'ai pu lire de lui jusqu'à présent, mon avis n'est pas arrêté.

Quant à laisser le jugement au lecteur, je ne vois pas très bien ce que tu veux dire, ne le font-ils pas tous ?