Ca fait rire les oiseaux – Livres

Hank a écrit:

Queenie a écrit:

Pour moi c'est plutôt de l'ordre du rire noir, du grinçage de dents, que de la franche rigolade, recul ou pas recul.

Sans doute. Je suis toujours tenté de faire le parallèle entre Le seigneur des porcheries et La conjuration des imbéciles. Derrière le rire il y a le malaise, le seul contre tous. Et ce tous, c'est aussi le lecteur, ce sont les gens dits normaux, le rapport de ces gens dits normaux face à ce qui ne leur ressemble pas. A des degrés divers et en réagissant à des stimulis différents, on se comporte tous parfois comme les boeufs bas du front qui sont décrits dans ces romans. Et dans ce sens, ça devrait même plutôt provoquer un rire jaune.

La conjuration des imbéciles est franchement drôle à des moments, le parallèle ne peut être fait mais que de loin, je trouve.

Ignatius (Conjuration des imbéciles) est tellement Enorme (dans tous les sens du terme), les anecdotes sont poussées à leur paroxysme pour tout tourner à l'absurde.
Alors que Kaltenbrunner (Seigneur des porcheries) est un condensé de noirceur, de vengeance, de critiques cruelles des autres et de la société.

Le but final est peut-être le même, comme tu le dis Hank : le malaise du seul contre tous, face aux gens "normaux". Mais la forme n'est vraiment pas aussi légère dans l'un que dans l'autre.

Je rapprocherais plus La conjuration des imbéciles du Soldat Chveik, à choisir. Deux personnages "idiots", déconnectés de la réalité, qui agissent selon leur propre façon d'appréhender le monde, ce qui crée des bouleversements et des remises en question de la société.

Le Seigneur des porcheries est, au contraire, pour moi, très ancré dans une sombre réalité (et je le rapproche plus d'un univers à la Selby du coup).

C'est toujours étonnant ces différences de perception. Je suis d'accord avec toi pour dire que la conjuration a un côté burlesque plus développé, mais je n'ai pas perçu une telle noirceur dans Le seigneur, même si ce qui tombe sur le nez de Kaltenbrunner au fil du bouquin est violent, je garde le souvenir d'un récit malgré tout assez léger, d'une prise de distance de la narration par rapport aux évènements. Ou alors c'est le côté assez outrancier de l'univers d'Egolf qui m'a donné cette impression. En tout cas, pour moi, l'univers de Selby est bien plus sombre et âpre que celui d'Egolf.

Ce n'est pas censé être un livre drôle, du moins je ne le pense pas, mais je rigole bien en lisant Un amant sans domicile fixe de Fruttero et Lucentini. Je ne m'y attendais franchement pas du tout et c'est top !

Sous certains aspects, on peut considérer Féerie pour une autre fois de Céline comme un roman burlesque et drôle. En tout cas, il fait rire, Céline joue avec son lectorat et par ses provocations et ses hallucinations, par sa démesure, et très consciemment et intentionnellement, il amuse la galerie. Après - et surtout sur la première partie - il faut s'adapter au style. Au premier abord, on peut le considérer comme illisible. Mais quand on est un peu habitué à la gymnastique célinienne, on s'y fait vite.

Histoire d'illustrer mon propos, un petit extrait (qui ne fera peut-être pas rire tout le monde, mais je prends le risque) :




« (…) L’autre jour à l’infirmerie les internes avaient envie de rire… comme ça… mais… jeunesse !... Ils m’examinent le trou, l’anus… je voulais un lavement… je saignais… ils sourcillent…
– Oh, cancer ! cancer !
Ils voulaient m’éprouver le moral !
Ni une ni deux ! mon doigt dans le cul ! je prélève ! je leur en barbouille le nez !
– Cancer ça ? polissons ! ânons ! l’odeur ? l’odeur ? sui generis ? pellagre ! corniflots ! pellagre !
Voilà l’enseignement !
Et je m’en reprends et je leur en refourre !... ils se sauvent !
On a de la clinique ou l’a pas ! « brancardiers assassins ! » Je les traite… Ils voulaient me surprendre moi le sensible ! le vibrant de l’art ! le disciple de M. Follet ! Elève lui-même de Brouardel, Charcot, Lapersonne…
Ah petits Tartares !
Ils rebouclent ma lourde… crraa ! craac ! craac ! (…) »



L.-F. Céline, Féerie pour une autre fois (1952, Gallimard).

Excellent cet extrait, Hank ! Me donne envie de lire ce bouquin de Céline que je ne connais pas encore !

Pour moi, c'est ça, justement, un bon livre drôle : un livre qui traite de tout ce qui peut survenir de sordide dans la vie d'un homme en le traitant d'une manière tout ce qu'il y a de plus dérisoire. Aider l'homme à affronter toutes les pires situations par le rire... c'est quelque chose de bon dans la littérature, non ?

Bon.. pas pour rire pendant 250 pages.. mais cela donne quand même de la bonne humeur


Jerome K. Jerome, Trois hommes dans un bateau : ici




et belle mise en scène sur la couverture d'un extrait d'une peinture de Gustave Caillebotte: ici

L' humour est une arme, d' attaque ou de défense, un un plaisir, rafiné ou pas, un jeu avec les mots et avec autrui - si affinités - A pratiquer avec modération selon le cas, et en évitant les blessures.


Rarement naturel, il nécessite un apprentissage, une pratique constante. Il peut alors devenir une habitude, une attitude face à la vie et aux autres, à l' adversité, à la souffrance et à la mort.

Il est noir, rose, rosse, sarcastique, ironique, secret, satanique, satirique, poétique, révolté, cynique... Naif ma non troppo. Dessiné ou non, dérision, autodérision. Derision bien ordonnée commence toujours par soi-meme.

Il peut etre rafraichissant, c'est pourquoi j' en profite. L' idée d' en faire un thème m' a été inspiré par un livre intitulé HUMOUR 1900, une anthologie de Jean Claude Carrière. Et c' est par cette anthologie que je vais comencer. Concernés, ne pas s' abstenir !

ADOLPHE OU LE JEUNE HOMME TRISTE

Il était laid et maigrelet,

Ayant sucé le maigre lait

D' une nourrice pessmiste,

Et c' était un nourrisson triste.



Au lycée il suivit des cours

Et fut aussi fort en discours

Latin que subtil hélléniste ;

Mais c' était un élève triste.

.........................................................................................................................................

Il fut reçu docteur en droit,

N' ayant jamais, à ce qu' on croit,

Connu la fleur ni la fleuriste,

Et je ne sais rien de plus triste.



La politique le hanta,

Le boulangisme le tenta,

Puis il se fit opportuniste ;

Mais il était toujours très triste.



Comme il ne s' y trauvait pas bien,

Sa devise fut : "Tout ou rien."

Il devint toutourieniste :

Mais il était toujours très triste.



Le ministre ayant fait un bond,

Alors il se dit : "A quoi bon ?"

Mais pour etre un aquaboniste,

Hélas, il n' en fut pas moins triste.



Et quelque chose qu' il tentat

Dans l' Art, dans l' Amour, dans l' Etat,

Il était quelque chose en iste

De triste, triste, triste.



Quand il mourut d' un eczéma,

Il exigea qu' on le crémat,

Et sur son urne un symboliste

Ecrivit ces mots : "Il fut triste."

Maurice Donnay. Ouvrage cité.

Ton fil tombe bien...
J'ai terminé récemment la lecture d'un recueil de citations dans l'esprit "Wit" (c'est le mot qui désigne l'humour britannique).

Curieuse de découvrir d'autres trésors de ton anthologie !

Je crois que tu as tout compris !

Igor a écrit:

Mais comment avoir de l'humour tout seul devant son ordi ?
Parfois, il me semble être d'humeur, je me laisse aller et je vous dis pas le flop!
C'est surement un métier cette histoire, faut se former. Le faire comme ça, à l'impro, on se ramasse direct.
En tous les cas c'est sympa d’essayer...

Je te comprends parfaitement, Igor ! Faites ce que je dis... etc... L' humour est une pratique sociale et qui se pratique plus facilement à deux ou à plusieurs. Et de préférence quand on est bien dans sa tete et en bonne santé. Mais l' humour a été une thérapie pour moi à certains moments. En écoutant Desproges ou Coluche... En regardant des desssins de Topor, de Reiser ou de Sempé...

Je voulais épingler Un pauvre honteux, de Xavier Forneer, un bel exemple d' humour noir de noir, mais ça attendra un peu...

Les dictionnaires sont des trrésors d' humour volontaire comme ceux de Desproges : Dictionnaire superflu à l' usage de l' élite et des bien nantis. Ou le très célèbre Dictionnaire du diable : Ambrose Bierce.


Avec le temps, certains dictionnaires ou encyclopédies, anachronisme aidant, sont pleins d' humour involontaire, c'est le cas du Dictionnaire infernal : Colin de Plancy (début du 19e siècle). Un sacré personnage, Colin de Plancy ! Et puis, le très sérieux Larousse du 19e siècle, par ailleurs, un très bon dictionnaire.

A suivre...

Au hasard, deux définitions du Dictionnaire du diable d' Ambrose Bierce :

IDIOT : Membre d' une nombreuse et puissante tribu qui a toujours eu une influence prépondérante dans les affaires humaines. L' activité de l' Idiot ne se borne pas à un domaine particulier de pensée ou d' action : il envahit et règle tout. Il a toujours le dernier mot, et sa décision est sans appel. Il établit la mode en matière de gout et d' opinion ; il dicte les limites du langage ; il circonscrit la conduite au moyen d' une impasse.

IMMODESTE : ayant le sentiment très fort de son propre mérite, accouplé à une très faible idée de la valeur d' autrui.

Le Dictionnaire du diable

bix229 a écrit:

Dictionnaire du diable d' Ambrose Bierce :

IDIOT : Membre d' une nombreuse et puissante tribu qui a toujours eu une influence prépondérante dans les affaires humaines. L' activité de l' Idiot ne se borne pas à un domaine particulier de pensée ou d' action : il envahit et règle tout. Il a toujours le dernier mot, et sa décision est sans appel. Il établit la mode en matière de gout et d' opinion ; il dicte les limites du langage ; il circonscrit la conduite au moyen d' une impasse.

Joli!
s'applique parfaitement dans de nombreuses communautés...
Et ici ?