Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise

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Fantaisie héroïque
coline
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coline
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MessageSujet: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyVen 27 Juin 2008 - 16:14


A vrai dire, je me suis bien demandée où je devais poster à propos de ce texte...Vous allez comprendre pourquoi en lisant le commentaire...
Je choisis cette rubrique...parce qu'il faut bien choisir...et que j'avais envie de vous dire quelques mots de ces Lettres... content
J'y suis venue , comme cela m'arrive souvent, en passant par la lecture d'un autre livre, Mariana Portugaise de Guy Goffette...

Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise Couvre10
Les Lettres d’une religieuse portugaise ont été publiées en 1669 par l’éditeur  français Claude Barbin.
Quelques mois après le retour des troupes françaises du Portugal, Claude Barbin  offre à la curiosité des lecteurs un texte en prose, d’une trentaine de pages, composé de cinq lettres d'origine portugaise traduites en français, non signées, sans date ni lieu d’émission.

Elles furent  présentées comme la traduction des lettres qu’une religieuse portugaise du nom de Mariana Alcoforado (1640-1723) aurait envoyées, depuis son couvent de Beja,  à un officier français, le marquis de Chamilly Saint-Léger, venu au Portugal combattre du côté des Portugais dans leur lutte pour l’indépendance de  1663 à 1668.

Ces lettres passionnées et lyriques que l’on supposait authentiques firent sensation dans le monde littéraire dès leur publication et connurent cinq éditions pendant la première année.
Elles furent connues dans toute l’Europe. Il y eut de nombreuses traductions, parmi lesquelles celle de Rainer Maria Rilke.

Mariana avait été séduite puis abandonnée par le Marquis de Chamilly Saint-Léger. Dans ces lettres elle clame de façon sincère et forte son amour, ses souvenirs, ses espoirs, l’abandon, sa déchirure, sa supplication, ses reproches,  son désespoir…

Ces pièces maîtresses de l’histoire littéraire du 17ème siècle sont auréolées de mystère car on ne sait pas exactement si elles ont été écrites dans un couvent...ou par un homme … Gabriel Joseph de Lavergne, comte de Guilleragues, secrétaire de Louis XIV  et directeur de la Gazette de France …

Ces lettres ont la force des grandes tragédies classiques  ( extraits) :

"... Comment se peut-il faire que les souvenirs des moments si agréables soient devenus si cruels ? Et faut-il que contre leur nature, ils ne servent qu'à tyranniser mon cœur ?"

"Je vois bien le remède à tous mes maux, et j'en serais bientôt délivrée si je ne vous aimais plus : mais hélas ! quel remède ; non j'aime mieux souffrir davantage, que vous oublier".

"Je suis persuadée que je trouverais peut-être en ce pays un amant plus fidèle et mieux fait ; mais hélas ! qui pourra me donner de l'amour ? La passion d'un autre m'occupera-t-elle ? »

«  S’il m’était possible de sortir de ce malheureux Cloître, je n’attendrais pas en Portugal l’effet de vos promesses ; j’irais, sans garder aucune mesure, vous chercher, vous suivre, et vous aimer par tout le monde. »

« J’avoue cependant que l’occasion que mon frère m’a donnée de vous écrire a surpris en moi quelques mouvements de joie, et qu’elle a suspendu pour un moment le désespoir où je suis. Je vous conjure de me dire pourquoi vous vous êtes attaché à m’enchanter, comme vous avez fait, puisque vous saviez bien que vous deviez m’abandonner ? »

« Je déteste la tranquillité où j'ai vécu avant que je vous connusse. Adieu, ma passion augmente à chaque moment. Ah ! que j'ai de choses à vous dire ! »

« Vous m'avez donné une passion qui m'a fait perdre la raison, mais vous devez en tirer peu de vanité ; j'étais jeune, j'étais crédule, on m'avait enfermée dans ce couvent depuis mon enfance, je n'avais vu que des gens désagréables, je n'avais jamais entendu les louanges que vous me donniez incessamment, il me semblait que je vous devais les charmes et la beauté que vous me trouviez, et dont vous me faisiez apercevoir, j'entendais dire du bien de vous, tout le monde me parlait en votre faveur, vous faisiez tout ce qu'il fallait pour me donner de l'amour ; mais je suis, enfin, revenue de cet enchantement, vous m'avez donné de grands secours, et j'avoue que j'en avais un extrême besoin ».

« Je mourais de frayeur que ne me fussiez pas fidèle, je voulais vous voir à tous moments, et cela n'était pas possible, j'étais troublée par le péril que vous couriez en entrant dans ce couvent ; je ne vivais pas lorsque vous étiez à l'armée, j'étais au désespoir de n'être pas plus belle et plus digne de vous, je murmurais contre la médiocrité de ma condition, je croyais souvent que l'attachement que vous paraissiez avoir pour moi vous pourrait faire quelque tort  »…

« Pourriez-vous être content d’une passion moins ardente que la mienne ? Vous trouverez, peut-être, plus de beauté (vous m’avez pourtant dit autrefois, que j’étais assez belle) mais ne trouverez jamais tant d’amour, et tout le reste n’est rien. »

«Je ne me repens point de vous avoir adoré, je suis bien aise que vous m'ayez séduite : votre absence rigoureuse, et peut-être éternelle, ne diminue en rien l'emportement de mon amour. Je veux que tout le monde le sache, je n'en fais point un mystère, et je suis ravie d'avoir fait tout ce que j'ai fait pour vous contre toute sorte de bienséance»…

« Vous m'avez consommée par vos assiduités, vous m'avez enflammée par vos transports, vous m'avez charmée par vos complaisances, vous m'avez assurée par vos serments, mon inclination violente m'a séduite, et les suites de ces commencements si agréables, et si heureux ne sont que des larmes, que des soupirs, et qu'une mort funeste, sans que je puisse y porter aucun remède  »…

« Je vois bien que je vous aime comme une folle : cependant je ne me plains point de toute la violence des mouvements de mon cœur, je m'accoutume à ses persécutions, et je ne pourrais vivre sans un plaisir que je découvre et dont je jouis en vous aimant au milieu de mille douleurs : mais je suis sans cesse persécutée avec un extrême désagrément par la haine, et par le dégoût que j'ai pour toutes choses ; ma famille, mes amis et ce couvent me sont insupportables ; tout ce que je suis obligée de voir, et tout ce qu'il faut que je fasse de toute nécessité, m'est odieux : je suis si jalouse de ma passion, qu'il me semble que toutes mes actions, et que tous mes devoirs, vous regardent »…

« Vous ne devriez pas me maltraiter, comme vous faites, par un oubli, qui me met au désespoir, et qui est même honteux pour vous»…

« Je vous conjure de me dire pourquoi vous vous êtes attaché à m'enchanter, comme vous avez fait, puisque vous saviez bien que vous deviez m'abandonner? »

« Pourquoi exercez-vous tant de rigueurs sur un cœur, qui est à vous ?» ?

« Comment est-il possible qu'avec tant d'amour je n'aie pu vous rendre tout à fait heureux ?»

« Vous aviez fait de sang froid un dessein de m'enflammer, vous n'avez regardé ma passion que comme une victoire, et votre cœur n'en a jamais été profondément touché ».

« Cesse, cesse, Marianne infortunée, de te consumer vainement, et de chercher un amant que tu ne verras jamais, qui a passé les mers pour te fuir, qui est en France au milieu des plaisirs, qui ne pense pas un seul moment à tes douleurs, et qui te dispense de tous ces transports, desquels il ne te sait aucun gré».

« J'ai bien du dépit contre moi-même quand je fais réflexion sur tout ce que je vous ai sacrifié : j'ai perdu ma réputation, je me suis exposée à la fureur de mes parents, à la sévérité des lois de ce pays contre les religieuses, et à votre ingratitude, qui me paraît le plus grand de tous les malheurs  »

« Adieu, j'ai plus de peine à finir ma lettre, que vous n'en avez eu à me quitter . »…
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Fantaisie héroïque
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyVen 27 Juin 2008 - 16:46

Je l'avais lu comme lecture personnelle pour le bac français mais j'avoue que je m'étais un peu ennuyée en le lisant (je sortais de la lecture des liaisons dangereuses, donc forcément...diablotin )
Tu as aimé, coline?
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyVen 27 Juin 2008 - 16:48

Fantaisie héroïque a écrit:
Je l'avais lu comme lecture personnelle pour le bac français mais j'avoue que je m'étais un peu ennuyée en le lisant (je sortais de la lecture des liaisons dangereuses, donc forcément...diablotin )
Tu as aimé, coline?

Il faut reconnaître que j'aurais été incapable de lire jusqu'au bout si ces lettres avaient fait 500 pages...Mais je n'ai pas trouvé si désagréable leur lecture...Je me suis sentie replongée dans mes classiques... content
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyVen 27 Juin 2008 - 19:57

Cette lecture ne m'avait pas complètement passionée, en effet comme le dit Coline, heureusement que cela ne fait pas 500 pages. Plus une curiosité qu'un vrai plaisir de lecture.
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyVen 27 Juin 2008 - 22:41

Citation :
Je l'avais lu comme lecture personnelle pour le bac français mais j'avoue que je m'étais un peu ennuyée en le lisant (je sortais de la lecture des liaisons dangereuses, donc forcément...diablotin )
Tu as aimé, coline?
Tout pareil que Fantaisie héroïque, sauf que c'était plus ou moins une lecture imposée. Je l'avais emmené chez le coiffeur pour me forcer à le lire (entre ça et Paris Match, c'est sans commune mesure, tout de même !). Mais c'était loin d'être transcendant ... Pour l'épistolaire, je préfère de beaucoup les Liaisons dangereuses ou La Nouvelle Héloïse honte
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptySam 28 Juin 2008 - 0:32

Arabella a écrit:
Plus une curiosité qu'un vrai plaisir de lecture.

C'est exactement cela...

Je ne dirai pas que c'est un coup de coeur pour moi, loin de là...Mais pas inintéressant...Ce fut plutôt une surprise...
Moi aussi je préfère Les liaisons dangereuses...mais je n'ai même pas pensé à les comparer...
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyJeu 3 Juil 2008 - 19:04

Voir sur le fil Guy Goffette ICI, le commentaire de son livre Mariana portugaise consacré à Mariana Alcoforado.
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyJeu 3 Juil 2008 - 19:14

Le roman d'Anna de Noailles, Le visage émerveillé, serait directement inspiré des Lettres d'une religieuse portugaise.
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyVen 4 Juil 2008 - 15:21

Elles sont bien moins piquantes, ces lettres, que celles du moine tibétain.
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyLun 12 Déc 2011 - 22:23

Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise Guille10
En couverture, une illustration parfaite : Henri Matisse, Alcoforado, Lettres de Marianna, 1946.


Lettres portugaises. Le Livre de Poche. 90 pages. Le texte lui-même fait une petite trentaine de pages. Le reste du livre est composé d'une préface, chronologie et autres.
L'auteur est bien Gabriel de Guilleragues (Bordeaux, 18/11/1628 - Constantinople, 15/03/1685)


"Les Lettres portugaises traduites en français ont été publiées pour la première fois le 4 janvier 1669 chez le libraire parisien Claude Barbin. L'anonymat de l'auteur, celui des correspondants mis en scène ont amené très tôt à l'édification d'une légende critique qui a sans doute beaucoup contribué à la fortune de l'oeuvre : on a pu croire en effet que cet ensemble de cinq lettres était authentique, et il constituerait l'ultime trace d'une brûlante histoire d'amour entre une religieuse portugaise, Mariana Alcoforado, et un certain chevalier de Chamilly." (préface d'Emmanuel Bury, page 7).

Les lettres sont précédées d'une sorte d'introduction de l'auteur titrée "Au lecteur", dans lequel il écrit notamment :
"J'ai trouvé les moyens, avec beaucoup de soin et de peine, de recouvrer une copie correcte de la traduction de cinq Lettres portugaises qui ont été écrites à un gentilhomme de qualité, qui servait au Portugal." (page 39).
Voici le début de la première lettre :
Citation :
"Considère mon amour, jusqu'à quel excès tu as manqué de prévoyance. Ah ! malheureux ! tu as été trahi, et tu m'as trahie par des espérances trompeuses. Une passion sur laquelle tu avais fait tant de projets de plaisirs ne te cause présentement qu'un mortel désespoir, qui ne peut être comparé qu'à la cruauté de l'absence qui le cause. Quoi ? cette absence à laquelle ma douleur, toute ingénieuse qu'elle est, ne peut donner un nom assez funeste, me privera donc pour toujours de regarder ces yeux dans lesquels je voyais tant d'amour, et qui me faisaient connaître des mouvements qui me comblaient de joie, qui me tenaient lieu de toutes choses, et qui enfin me suffisaient ?" (page 41).

L'amant, ou plutôt l'ex-amant, répond mollement et très peu aux lettres de la religieuse, dont l'amour passionné est contrarié de ne pouvoir plus se nourrir d'une autre passion.
"Selon Spitzer [dans une étude de 1954], cette structure dramatique correspond à l'évolution psychologique de l'amour passion éprouvé par Mariane : « Les cinq lettres marquent cinq étapes de l'évolution intérieure d'un amour-passion (pour employer le terme stendhalien) abandonné à soi-même, laissé presque sans nourriture de la part de l"objet de cette passion, mourant pour ainsi dire d'inanition sentimentale »" (page 24).
Finalement, "Mariane écrit « pour elle » plus que pour son Chevalier absent." (Emmanuel Bury, page 32).

Plus loin (troisième lettre), le ton a changé.
Citation :
"Si je vous aimais autant que je vous l'ai dit mille fois, ne serais-je pas morte il y a longtemps ? Je vous ai trompé, c'est à vous à vous plaindre de moi. Hélas ! pourquoi ne vous en plaignez-vous pas ? Je vous ai vu partir, je ne puis espérer de vous voir jamais de retour, et je respire cependant : je vous ai trahi, je vous en demande pardon. Mais ne me l'accordez pas ! Traitez-moi sévèrement ! Ne trouvez point que mes sentiments soient assez violents ! Soyez plus difficile à contenter ! Mandez-moi que vous voulez que je meure d'amour pour vous !" (page 51).
Eh oui, la religieuse veut de la Passion !
Elle veut que son ex amant lui écrive des mots forts, elle veut ressentir des grandes émotions amoureuses, loin de son quotidien qui devrait être consacré à l'amour de Jésus (il faudra attendre quelques siècles la naissance de Barbara Cartland, dont les oeuvres auraient peut-être su distraire cette âme en quête de grands et beaux sentiments).
Un peu plus loin : "[...] et je connais, dans le moment que je vous écris, que j'aime bien mieux être malheureuse en vous aimant que de ne vous avoir jamais vu [...]" (page 51).

Gus Kahn, dans les paroles qu'il a écrites pour la musique de Walter Donaldson dans les années 1920, et qui est le fameux standard "Love Me or Leave Me", ira encore plus loin : "I'd rather be lonely than happy with somebody else."

Mais revenons au XVII° siècle.
A la fin de la troisième lettre, la religieuse écrit :
Citation :
"Adieu, il me semble que je vous parle trop souvent de l'état insupportable où je suis ; cependant je vous remercie dans le fond de mon coeur du désespoir que vous me causez, et je déteste la tranquillité où j'ai vécu avant que je vous connusse." (page 52).
Bref : sa passion dévorante l'occupe, donne un sens à sa vie, plus que la prière.
C'est ce qu'elle dit à la lettre suivante :
Citation :
"Oui, je fais quelque scrupule si je n'emploie tous les moments de ma vie pour vous ; que ferais-je, hélas ! sans tant de haine et sans tant d'amour qui remplissent mon coeur ?" (page 56).
Le processus se poursuit. Ainsi, dans la dernière lettre :
Citation :
"J'ai éprouvé que vous m'étiez moins cher que ma passion, et j'ai eu d'étranges peines à la combattre, après que vos procédés injurieux m'ont rendu votre personne odieuse." (page 62).
Elle est amoureuse de sa passion plutôt que de la personne qui a été à l'origine de l'éclosion de cette passion. Dans une note, Emmanuel Boury écrit : "[...] c'est la délectation prise à contempler sa propre passion qui fait de ce texte un chef-d'oeuvre lyrique". (page 62).

Sans doute suis-je assez insensible aux chefs-d'oeuvre lyriques.
Les Lettres portugaises sont donc un texte pas très long, une trentaine de pages, mais c'est très suffisant. Le texte n'est pas très intéressant pour le lecteur de base que je suis : que de plaintes...
Bien sûr, on peut trouver intéressant d'analyser les différentes étapes de l'évolution psychologique de la religieuse, se passionner quant à savoir si le texte est vraiment vrai ou vraiment faux...
Ou pas.
On pourra par contre écouter Aldina Duarte, qui dans le beau film d'Eugène Green, La Religieuse portugaise (dont le tire fait référence au livre, car l'on suit de loin le tournage d'une adaptation du livre), chante Não Vou, Não Vou (voir le fil consacré au fado, ici).


Et bien sûr voir le film, qui en insupportera certains, comme ceux de Rohmer, d'une certaine façon.




Dernière édition par eXPie le Lun 12 Déc 2011 - 22:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyLun 12 Déc 2011 - 22:33

C'est un livre qui est entré dans ce qu'on pourrait appeler le canon littéraire, et donc étudié et lu, mais je ne peux personnellement m'empêcher de me demander pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre. Cela se lit sans trop de peine mais j'ai beaucoup de mal à comprendre les analyses savantes que l'on fait de ce petit ouvrage, dont la profondeur ne me semble vraiment pas démontrée, ni même démontrable.
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MessageSujet: Re: Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise   Anonyme - Les lettres de la religieuse portugaise EmptyLun 12 Déc 2011 - 22:42

Arabella a écrit:
C'est un livre qui est entré dans ce qu'on pourrait appeler le canon littéraire, et donc étudié et lu, mais je ne peux personnellement m'empêcher de me demander pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre. Cela se lit sans trop de peine mais j'ai beaucoup de mal à comprendre les analyses savantes que l'on fait de ce petit ouvrage, dont la profondeur ne me semble vraiment pas démontrée, ni même démontrable.

Je me suis demandé si ça n'avait vraiment rien d'extraordinaire, ou bien si c'est moi qui manque de connaissance historico-psychologico-littéraires...
A la base, le livre a été connu parce qu'on croyait que les lettres étaient vraies, et puis il est resté connu parce qu'il était célèbre, j'ai l'impression. Ou par habitude.

Il m'a un peu ennuyé, quand même, ce petit bouquin... On peut trouver un certain intérêt (charme ?) à lire un texte un peu ancien, avec des mots ayant parfois un sens différent (et cinq notes par pages pour expliquer tout cela, même quand il n'en est point besoin, mais l'édition s'adresse visiblement aux élèves ; en tout cas, ça casse le rythme, mais ces notes sont parfois utiles), mais pas beaucoup plus. Vraie profondeur psychologique ? Effectivement, ça paraît discutable, oui.

Guilleragues, l'auteur, est un personnage plus intéressant que sa religieuse, j'ai l'impression.
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