Virginia Woolf

En cours de lecture de nouvelles, The Haunted House (et autres), et j'ai reparcouru le fil rapidement l'autre soir sans vraiment éclaircir le mystère.

Je lis de façon trop fragmentée pour ces textes courts, mon stream of consciousness à moi ayant une fâcheuse tendance à plonger au plus profond de l'oreiller. Une chose en amène une autre qui en amène une autre, on fait semblant de revenir et tout s'en va à nouveau. Pourtant les nouvelles sont bien construites, certaines avec un twist final assez charmant ou un contrepoint d'emblée bien trouver. Ce sont les échappées, qu'elles soient des projections imaginaires de la vie d'autrui (ou d'escargots) ou certaines considération de société qui sont parfois plates et pâtissent du procédé accentué du flux de conscience. Et c'est pourtant le procédé le plus intéressant, pour l'instant et à mon sens, l'objet de départ s'échappe infiniment, chaque pensée s'échappe, l'instant s'échappe, la présence (au monde) s'échappe. Tout recule, toujours, dans un glissement favorisé par quelques belles phrases qui glissent mieux que d'autres. Et les innombrables digressions sont régulièrement marquées par l'erreur, un mensonge de la pensée qui se trompe tout en étant inévitable, et en plus (à cause de aurait l'air partiel ?) par une culpabilité. C'est la beauté seconde de la lecture et la source du léger malaise.

c'est bizarre quoi. frustrant tout de même, mais curieux. et je suis incapable d'imaginer précisément le rapport de ces courtes nouvelles au reste. Me reste une bonne centaine de pages pour réfléchir...

peut-être ne faut-il pas trop, justement, réfléchir en lisant Woolf. Peut-être faut-il (comme chez Proust, et je crois qu'il y a une vraie reconnaissance possible de l'un à l'autre, de l'un vers l'autre) se laisser porter par la phrase et ne pas trop en demander à l'intelligence du texte, en rester au sensitif, à l'espace (aux souvenirs ?) qui s'en dégage. Je me souviens que dans Mrs Dalloway, les chapitres sur l'oncle (dont je perds actuellement le nom) m'ont emportée vers quelque chose de l'ordre de la réminiscence, d'une retrouvaille, qui, étrangement n'a rien à voir avec ma vie réelle, mais peut-être avec ma vie rêvée, quelque chose de l'ordre de la reconnaissance, mais une reconnaissance qui échapperait à la logique. C'est pourquoi, il vaut peut-être mieux parfois accepter la magie et l'accueillir, sans mots dire, la conserver, la glisser dans sa poche et se taire.

mmmh... ça dépend pour les nouvelles. les sujets ou personnages choisis ne sont pas neutres et pas les reflets d'un peur hasard, elle joue d'ailleurs avec les thèmes et les préoccupations affichées. des fois c'est moins dispersés et plus facile sans être moins bon (par ex dans The new dress).

shanidar a écrit:

C'est pourquoi, il vaut peut-être mieux parfois accepter la magie et l'accueillir, sans mots dire, la conserver, la glisser dans sa poche et se taire.

Le problème avec la magie, c'est que ça marche pas toujours...
Avec moi ça a pas collé en tout cas...

Coli, si ça peut te rassurer je n'ai pas aimé non plus Orlando et j'ai attendu 10 ans pour lire un autre Woolf : Mrs Dalloway et là : ta ta ta, toute la magie de l'auteur est devenue comme... évidente !

Il faudra que je tente de faire un pas de plus vers Woolf alors... Mais j'attendrai bien dix ans moi aussi !

Et moi je vais revenir 10 ans en arrière et relire Mrs Dalloway

animal a écrit:

mmmh... ça dépend pour les nouvelles. les sujets ou personnages choisis ne sont pas neutres et pas les reflets d'un peur hasard, elle joue d'ailleurs avec les thèmes et les préoccupations affichées. des fois c'est moins dispersés et plus facile sans être moins bon (par ex dans The new dress).

Elle a raison, Shanidar, c' est une très bonne lectrice. Tu l' as noté sans doute...Il y a en effet plusieurs façons de lire en fonction de ce que nous lisons. C' est un exercice mental et intellectuel nécessaire mais pas toujours suffisant. En tout cas au moment où il faudrait !

Il ne suffit pas de désirer etre léger, ou patient ou intuitif ou laborieux pour l' etre...

qu'on tente des efforts particuliers dans un sens ou dans un autre n'empêche pas de tâtonner pour trouver la posture confortable pour lire, celle qui permet de recevoir ce qu'on attend du livre, ou que l'on croit à même de permettre ça. Le texte, son contenu joue beaucoup là dessus. Et là dessus aussi nous sommes partie prenante qu'on le veuille ou non.

il me semble que les nouvelles sont présentées dans l'ordre chronologique, ça devient plus homogène... en perdant les plus grosses ruptures de thèmes et la pluralité excessive au profit d'un mouvement plus fluide, mais plus attendu. Elle arrive cependant à mettre en évidence l'imagination active.

pour le contenu la transgression ( ?) persiste : mélancolie à conclusion morbide et remuage insistant de la frontière entre le truc de bonne femme et le truc de bonhomme (dans les occupations beaucoup). la constante est le pas à sa place ou plus confortable mais pas à sa place, le malaise, un peu morbide.

tu m'intrigues, animal, car je vois plutôt Woolf dans les grandes longueurs d'un roman pour développer ce dont tu parles : l'atmosphère un peu décalée, le rapport homme/femme légèrement déviant, sans jamais être explicite, c'est pourquoi je me demande ce qu'elle a pu 'donner' dans des nouvelles... Il y a une condensation dans le genre de la nouvelle qui peut paraitre aller à l'encontre du nécessaire déploiement de l'oeuvre woolfienne.

possible, l'enchainement des nouvelles donne sans doute une vision sur l'évolution et les essais de structure. Quelques unes qui sont vraiment bien faites avec un glissement entre le début et l'arrivée plus ou moins prévu et un "effet nouvelle" mais très très bien agencé... en plus de l'atmosphère, mais c'est le plus difficile à saisir, toujours partager entre mélancolie et... ironie, pourquoi pas ?

après la dernière pages du recueil de nouvelles The Haunted House. Nouvelles sélectionnées par son mari, en partie poursuite d'un projet commun, certaines sont présentées comme n'étant pas des versions finales. Cette lecture qui s'est annoncée difficile au début s'est révélée intéressante et plaisante plusieurs fois. Pour la qualité de la construction des nouvelles et leurs inévitables dénouements en surprises donc mais aussi pour quelques belles images et belles phrases.

C'était aussi pour moi la découverte de l'auteure et finalement ça laisse songeur. Au fil des nouvelles on a l'impression que l'écriture est moins expérimentale et qu'on rentre dans le moule, le 'moment' récurrent est la promenade au jardin au cours de la soirée chez des amis. Affaires de solitudes et d'attentes... et de rejets plus que de cœurs cependant. Plus tout semble lisse et plus à l'arrivée il y a antagonisme ou décalage. Décalage toujours masqué, avec quelque chose de morbide dans l'impossibilité qui se manifeste toujours.

Il faut quand même ajouter que si ça fait, tout de même, histoires de "bonne femme" on se trouve avec dans les mains quelques morceaux acides sur les apparences d'une bonne société et des tendances politiques affirmées et progressistes et pire peut-être un doute moral certain. Le mélange est donc complexe et pas sans saveur.

Reste le malaise. On l'aurait préféré plus simplement mélancolique seulement c'est plus compliqué et plus concret.

Pour l'aspect découverte cette lecture sera certainement un point de repère non négligeable quand j'y reviendrai.

tombée lors de recherches sur cette photo que je trouve extra.. en même temps, je profite de vous annoncer que le dossier du mois d'avril du Le Magazine Littéraire lui est consacré


Virginia Woolf and Clive Bell (husband of Virginia’s sister, Vanessa Bell) on the beach at Studland Bay, Dorset

(ce n'est pas à l'occasion d'une sortie Pléiade ?)

animal a écrit:

(ce n'est pas à l'occasion d'une sortie Pléiade ?)

yes