Lecture en commun - Rick Moody : A la recherche du voile noir

Merci pour les explications.
Je crois quand même que je ne vais pas lire de coms sur un chapitre avant de l'avoir lu moi-même.

Nezumi a écrit:

Je crois quand même que je ne vais pas lire de coms sur un chapitre avant de l'avoir lu moi-même.

oui... je te comprends..
je dirais qu'on va trouver le rythme lors de la lecture.. en tout cas j'espère

> page 40
avant propos et premier chapitre : Les enfants aux visages radieux sautillaient joyeusement aux côtés de leurs parents, ou bien imitaient une démarche plus solennelle…

Si on laisse de côtés l’avant propos (qui est très et qui donne vraiment envie de se plonger dans ce roman) on a un premier chapitre d’une vingtaine de pages. Et c’est fort. Très fort. J’en connais d’autres auteurs qui ont eu besoin de bien plus de pages pour décrire une rupture de mariage, une jeunesse partagé entre les deux parties parentales.. mais c’est surtout sa recherche "qu’est-ce qu’un père" qui est intéressante à suivre.
À partir du comportement de son père, il le 'traduit' en idées collectives et nous montre ce que son père essaie pour donner un exemple à ses enfants.

J’adore sa phrase pour décrire le silence entre ses parents, le non-fonctionnement de ce mariage :
J’ai des photos de leur mariage qui attestent du fait qu’ils se sont bien mariés au même moment et au même endroit, mais c’est la seule preuve (p.20)

Et j’adore ce premier chapitre qui nous montre un petit Rick à la recherche d’une identité, son idée qu'il pourrait appartenir à une lignée de pères et de fils et leurs familles se tournant vers le passé pour trouver des réponses et découvrir, finalement, que le plus impossible des pères, imposant les règles les plus draconiennes , ne se trouvait pas dans le salon, prêt à leur faire la leçon, mais enfoui en eux, indélogeable (p.39)

J'en suis à la page 99

Rencontre dans le métro...

"Les métros sont les immenses convoyeurs du désespoir."

Il n'avait pas de visage. Cet être. A la place se trouvait un ample vêtement à capuche, sorte, sans doute, de veste de ski, d'anorak, de houppelande, ou quelquechose de cet ordre, costume sorti du Septième sceau dont la capuche, comme il se devait, lui descendait non seulement sur le front mais aussi sur le visage...

"Mais qu'est-ce qu'un visage peut dévoiler, de toute façon, de la vie complexe d'un homme? Qu'est-ce qui, dans un visage, nous permet de nous faire une idée des gens?"



Le septième sceau. Ingmar Bergman

Je commence la lecture surement ce soir.

J'embarque dans le prochain. Agréable cet engouement

Je suis à la page 58.

Il s'intéresse à la filiation, à la réitération de père en fils, à l'héritage, à la famille, à la tradition.

Citation :

[p.30]Les pères sont des conteurs. On leur doit la forme même des récits ; toutes les histoires viennent des pères, ainsi que toutes les lois qui les régissent, comme le nombre d'exemples que doit contenir un récit, ou bien le nombre de fois où il est permis de répéter une blague, ou encore le rôle joué par le rythme dans le déroulement de l'anecdote.

A la recherche du voile noire, l'étrange réminiscence engendrée à la vue d'un sans-abri au visage enfoui dans une capuche dans le métro new-yorkais :

Citation :

Il était mon sans-abri à moi, mon fou de liberté, mon symbole, mon esprit frappeur. Ce que je veux dire, c'est que le fantôme de la station de métro, en surgissant ainsi, réveilla en moi des choses qui s'y trouvaient bien avant qu'il n'apparût ; il était le spectre de mon enfance, à moins qu'il ne fût plus ancien encore, compte tenu de son formidable pouvoir symbolique ; comme toutes les images persistantes, il était d'une inquiétante étrangeté, il faisait partie de ces choses qui surgissent à la lumière alors qu'elles auraient dû rester dans l'ombre, il participait de la mythologie familiale, de ce qui fait l'essence même de la famille. Que venait-il me dire ?

Je ne suis qu'au début du roman mais j'aime beaucoup les perspectives qu'il offre, je pense que nous avons fait un bon choix de lecture

Je poursuis ma lecture d'A la recherche du voile noir et décidément, j'aime beaucoup !
Vous ne trouvez pas qu'il y a un peu des Disparus de Daniel Mendelsohn dans ce roman de Rick Moody ? La question de la filiation et de l'héritage, du regard de la communauté, du poids de la conscience et de la culpabilité :

Citation :

ce mélange de honte, de remords, de culpabilité, de regret, pour devenir l'histoire d'une quête individuelle, celle de l'image originelle du voile dans mon existence, du voile dans la vie de ma famille, l'image originelle de l'absence de visage [p.16]

Nous avons même droit à quelques passages de la bible, tout comme dans Les disparus d'ailleurs, le point de départ n'étant pas une photo mais un conte de Nathaniel Hawthorne, Le voile noir du pasteur, qui fut inspiré par Joseph Moody, un de ancêtres de Rick Moody.

Marie, tu devrais lire ce roman, tu aimeras beaucoup !
Je pense aussi qu'il y a matière dans ce roman pour discuter de la psychogénéalogie

J’en suis à la page 129…

Je suis un peu lassée des deux derniers chapitres lus où le narrateur décrit le « sale pétrin » dans lequel il s’est mis en allant sur la Côte Est après ses études ...

Avant ces chapitres, par contre, j’ai eu plaisir à lire les pages évoquant son père, son grand-père... et aussi Hawthorne qui publia « Le voile du pasteur » en 1836.




Dans le chapitre consacré au père:

C’est là dans les livres que je trouvais la seule chose à laquelle je pus me fier, quelque chose de différent, cet ailleurs, cette place qui m’était interdite dans la compétition pour la virilité, l’importance et le prestige social. Et c’est là également que je rencontrai mon père.
[…] en tant que lecteur, j’avais le sentiment que les feux de l’affection paternelle étaient braqués sur moi pour la première fois. J’étais bon en quelque chose. Assez vite, mon père me donna à lire son livre préféré, le livre sur lequel il avait passé la plupart de ses années d’études, Moby Dick.En guise dedémonstration, il se mit à nous lire un passage chaque année, au dîner deThanksgiving:

« …dans le port il y a la sécurité, le confort, le foyer, le souper, des couvertures chaudes, des amis ; tout ce qui est bon à notre faiblesse mortelle. Mais dans la tempête, le port, la terre, représentent le plus grand danger pour le vaisseau. Il lui faut fuir toute hospitalité. Un frôlement du rivage, même s’il ne faisait que raser la carène, l’ébranlerait de tout son long. Il doit déployer toutes ses voiles et sonner tout ce qu’il peut pour s’éloigner de la terre et, ainsi, lutter contre les vents mêmes qui voudraient le pousser vers le refuge. Il lui faut trouver les grandes mers ouvertes, toujours loin de la terre, car son seul salut est de piquer désespérément dans le danger, son seul ami, son amer ennemi.
[…] Sais-tu que toute réflexion profonde et sérieuse n’est que l’effort intrépide de l’âme pour garder la pleine liberté de la mer, quand les vents les plus sauvages du ciel et de la terre conspirent pour te rejeter sur la côte traîtresse et esclave ?
[…]- il vaut mieux périr dans cet infini hurlant que d’être ignominieusement rejeté aux terres sous le vent, même si elles sont sûres ! […] De l’écume de la mer océane s’élèvera ton apothéose. »

Je n'ai eu le temps que de lire la préface.
Impressionnante, cette énumération de fautes plus ou moins graves qui ouvre le roman et nous précipite d'emblée dans ce qui semble être un (le?) thème principal de l'œuvre: la culpabilité. Je me demande si la suite va prendre un tour plus ou moins religieux (puisque les puritains de Nouvelle Angleterre sont mentionnés) et si cette recherche de voile noir n'est pas une sorte de quête expiatoire.
Le personnage du fantôme cagoulé du métro crée une ambiance fantasmagorique et semble montrer que le narrateur a l'air sujet aux hallucinations et souffrir de troubles mentaux. Mais pas seulement lui, puisque tout le monde semble avoir aperçu cette silhouette inquiétante un jour ou l'autre, ce qui en fait une obsession générale. Parce qu'il est la matérialisation de la culpabilité que chacun semble traîner ?
On apprend que ce livre sera une autobiographie, le nom Moody est mentionné, ce qui fait se demander quelle sera la part de la fiction, et quelle est la fiabilité du narrateur.
Comme j'aime beaucoup les livres où un auteur met en scène un double de lui-même (Lunar Park), je suis alléchée et ai hâte de lire la suite.

page 66

C'est vrai que les premières pages du livre sont impressionnantes, et que l'auteur nous embarque avec lui et nous fait partager cette culpabilité universelle.

Citation :

Eh bien voilà en quoi consistent nos crimes.

Première phrase. Bon, on n'a pas bien le choix !!!

J'ai bien aimé dans la préface cette desciption de son oeuvre :

Citation :

Mon livre et ma vie se déroulent par crises, relevant plus de l'épilepsie que du récit ; on pourrait dire aussi que cette oeuvre procède de l'obsession et que, comme celle-ci, elle est multiforme." Un récit épileptique ...

intéressant, intrigant et alléchant !

J'adore ses titres de chapitres ! Ils donnent vraiment envie de plonger dedans !

Citation :

Les enfants aux visages radieux sautillaient joyeusement aux côtés de leurs parents, ou bien imitaient une démarche plus solennelle.

Les deux chapitres successifs sur le père et le grand-père s'opposent complètement.
Le chapitre sur le père est une succession de phrases à valeur universelle :

Citation :

Les pères parlent dans un langage codé. Les pères parlent d'action, de positions courtes ou longues, de coupon zéro ; les pères parlent de la nécessité d'avoir un porte-feuill équilibré ; (...)

On a l'impression que le fils essaie de comprendre quelque chose à ce père qui lui est si étranger, il essaie de tirer des règles de ses observations. On dirait un scientifique en train d'observer à la loupe un insecte bizarre et qui nous livrerait ses conclusions (le scientiqfiqu, pas l'insecte ! Non mais faut suivre quand même ! )
Le chapitre sur le grand-père est beaucoup plus narratif, et il est plein de tendresse pour ce vieux bonhomme. On ne ressent pas du tout la même distance qu'il y avait entre le père et le fils. Et c'est vrai qu'il est sympathique le bougre, avec ses tours de passe-passe, sa théorie du "grognement", même le théorème de Pythagore devient merveilleux avec lui !

Donc verdict pour le moment :

>72

sentinelle a écrit:

Vous ne trouvez pas qu'il y a un peu des Disparus de Daniel Mendelsohn dans ce roman de Rick Moody ?

je ne l'ai pas lu - mais cela me donne encore plus envie de découvrir - je ne peux donc pas juger.. mais comme tu dis

sentinelle a écrit:

Il s'intéresse à la filiation, à la réitération de père en fils, à l'héritage, à la famille, à la tradition.

il y est certainement très intéressé… et j’aime bien cet aspect du livre et la façon dont il décrit sa ‘recherche’..

Nezumi a écrit:

Je n'ai eu le temps que de lire la préface.
Impressionnante, cette énumération de fautes plus ou moins graves qui ouvre le roman et nous précipite d'emblée dans ce qui semble être un (le?) thème principal de l'œuvre: la culpabilité.

je pense qu'on est tous d'accord - cette préface est sublime..
ce personnage avec le capuchon ne va pas me quitter de sitôt

Antigone a écrit:

J'adore ses titres de chapitres ! Ils donnent vraiment envie de plonger dedans !

tout à fait..

Antigone a écrit:

Les deux chapitres successifs sur le père et le grand-père s'opposent complètement.

j'ai terminé aussi hier le chapitre sur le grand-père et c'est vrai - voilà un tout autre modèle pour le petit Rick.. et c'est adorable comment il nous le montre

Ce que je trouve surtout marrant – c’est au début du chapitre sur le grand-père la description de celui-ci :
Il ressemblait beaucoup à Vladimir Nabokov âgé, mais en plus sympathique (p.40)
Je n’avais jamais réalisé que Vladimir Nabokov donnait l’air de quelqu’un qui était antipathique

Et tout à fait charmant:
Il posa les marches à l’envers. Le toboggan n’a jamais été remonté correctement. Ces marches nous firent toujours mal, surtout pieds nus, mais les efforts de mon grand-père nous touchèrent suffisamment pour nous inciter à ne jamais nous en plaindre (p.53)

Je n’ai pas encore terminé tout ce chapitre sur Hawthorne (marrant comment il est parvenu à s’écrire de tel façon.. je ne le savais pas) et je vais donc y revenir demain..

en tout cas pour l’instant je dois dire (tout comme Sentinelle l’a déjà remarqué) qu’on a vraiment choisi le bon livre pour une lecture en commun..

J’en suis à la page 193 …


"Il faut toujours que je sache où se trouvent les hôpitaux psychiatriques" dit le narrateur...
A pas mal de signes, je sens qu'il risque d'en avoir besoin...


Mon intérêt est très variable en cours de lecture…Ca ne va pas être le livre de l’année pour moi, je le sens…
Des descriptions qui ne m’évoquent rien de lieux que je ne connais pas…
Des pages pour survoler « le fouillis des théories concurrentes » concernant l’œuvre de Hawthorn, Le voile noir du pasteur…
Tout cela a failli me décourager complètement ce matin… Et puis c’est reparti avec un voyage du narrateur et de son père vers la maison du révérend Joseph Moody qui inspira à Hawthorn sa fameuse histoire…Et là, le récit redevient intéressant…

sentinelle a écrit:

Vous ne trouvez pas qu'il y a un peu des Disparus de Daniel Mendelsohn dans ce roman de Rick Moody ? La question de la filiation et de l'héritage, du regard de la communauté, du poids de la conscience et de la culpabilité [...]Nous avons même droit à quelques passages de la bible, tout comme dans Les disparus

Je n'ai pas du tout pensé aux Disparus...Mais...oui...peut-être...un peu...maintenant que tu soulignes ces thèmes...
Je trouve ces deux ouvrages très éloignés tout de même...