Naissance en 1974. Née d’une mère française et d’un père libanais et arménien, Ondine KHAYAT vit à Paris.
Elle travaille sur plusieurs projets, notamment un projet de loto mondial humanitaire, “Parions pour un Monde Meilleur”, soutenu par huit ONG : Care, Aides, WWF, la Chaîne de l’Espoir, Terre des Hommes, Intervida, l’AFXB et SOS Sahel.
Ondine Khayat a puisé dans les souvenirs de sa grand-mère arménienne, née en 1901, et dans son imagination, pour écrire son premier roman.
Bibliographie :
* 2007 – Lucine, (Éditions Bernard Pascuito),
* 2008 – Le Pays sans Adultes, (Éditions Anne Carrière)
C'est l'histoire d'une violence ordinaire, celle que l'on tait, celle que l'on cache, celle que l'on ne veut surtout ni voir ni entendre. C'est l'histoire d'une violence sourde qui se déroule, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année, derrière la porte d'un appartement ou d'une maison ordinaire.
C'est l'histoire d'une famille déchirée par le manque de travail du père, le trop-plein de travail de la mère et les regards hagards des enfants. Les coups de gueule et de poings pleuvent pour un oui ou un non sur les maillons faibles de la famille: l'épouse et les enfants. La réalité de leur vie est loin de celle que l'on montre à longueur de temps dans les réclames à la télévision: non, le père ne rentre pas souriant et aimable de son travail, non la mère ne porte pas de jolie robe et ne sort pas de chez le coiffeur ou de la manucure, non les enfants ne reviennent pas en riant et jouant de l'école. Non rien de tout cela, rien de ce monde scintillant et un tantinet mensonger. Seule la peur, seule l'angoisse nouent les estomacs, maintiennent les sens en éveil (le moindre geste, le plus petite parole mal interprêtés et c'est le début de la violence) afin de prévoir les solutions de repli, raidissent les bras et rendent flageolentes les jambes. Quant à la tête et au coeur....ils sont en charpie.
Maxence et
Slimane regardent leur mère devenir un fantôme, devenir un automate qui dissimule maladroitement ses bleus sous une tonne de maquillage. L'aîné et le benjamin, binômes inséparables, héros qui se voudraient supers afin de sauver les enfants massacrés sous les coups des adultes. Pourquoi ces souffrances? Pourquoi cette vie pas comme les autres? Pourquoi ce silence de la mère? Pourquoi protège-t-elle leur bourreau? Pourquoi ne peut-elle pas secouer ses chaînes et partir loin du cauchemar quotidien? Pourquoi? Pourquoi? Tant de questions restant sans réponse satisfaisante. Tant de silences douloureux et honteux...tant de gâchis.
Slimane a onze ans et son bâton de jeunesse, son guide est son grand frère Maxence, celui qui réussit tout à l'école, celui qui a une intelligence précoce, le frère qui sait expliquer le monde simplement, le frère qui rend clair ce qui est compliqué. Ce frère, ce héros, ce rebelle qui défit le père, qui sait ce qu'il vaut réellement, pas même un être humain, et qui lui fait peur. L'intelligence aiguë dérange, elle gêne et lorsque le monstre, le père, ne peut plus la regarder en face parce qu'elle est son juge, ce monstre n'a qu'une seule échappatoire, celle des lâches et des misérables: terroriser le plus petit, terrifier la mère afin que l'intelligence, hautement sensible, cède pour protéger ceux qu'elle aime. Jusqu'au jour où
Maxence décide de partir au
Pays sans Adultes, pendant que Slimane est au collège, l'angoisse au ventre. La nuit tombe brusquement sur leur vie, épouvantable manteau sombre et épais. Et si
Slimane réussissait à suivre
Maxence dans ce pays extraordinaire où rien de fâcheux n'arrive aux enfants! Seulement, la Providence existe lorsqu'un bourreau doit payer et qu'une victime est déjà un prix trop cher payé!
La TS de
Slimane le conduit à l'hôpital, dans un service pour ados en quête d'un monde meilleur. Lentement,
Slimane se reconstruit, doucement il réapprend à vivre en étant aux côtés de ceux qui ne le veulent plus et en allant visiter, la nuit, ceux qui combattent dans leur chair pour garder le faible fil de la vie. Souvent les mots mettent de temps à sortir, à s'habiller, à exprimer l'indicible, parfois un verrou saute et permet se sauver un être en désespérance.
Slimane parviendra-t-il à aller au-delà de sa souffrance, au-delà des muets et terribles reproches, ô combien fondés mais ô combien cruels, faits à sa mère? Réussira-t-il à résister à l'appel du Pays sans Adultes? Parviendra-t-il à se reconstruire et à aimer la vie?
Ondine Khayat avec
"Le Pays sans adultes" entraîne son lecteur dans une lecture coup de poing, qui sonne et secoue les consciences! Le roman, récit de
Slimane, est un crescendo d'angoisses, de frayeurs, vers l'inéluctable drame, noeud de la descente aux enfers des sentiments d'une famille détruite par la violence ordinaire, celle qui tue à petit feu, celle qui ravage et laisse une terre brûlée. Cette violence se déroule dans un milieu défavorisé mais elle est présente, aussi, derrière de belles portes et de jolis murs en pierres bourgeois. Il n'y a pas de déterminisme social dans cette violence conjugale et familiale....il n'y a que du déterminisme psychologique: l'enfant battu a de fortes probabilités de battre à son tour ses enfants ou sa femme, une fois adulte.
Maxence et
Slimane n'ont qu'une seule peur: celle de devenir comme leur père, ce monstre qui ne devrait pas exister mais que l'on protège par le silence.
Je n'aurais pas acheté d'emblée ce roman, le deuxième de l'auteur, et sans un envoi à titre gracieux, je serais passée à côté d'un livre fort, intense et bouleversant dont on ne sort pas indemne: la violence dans l'intime, le privé est celle qui est le plus longtemps étouffée, une fois la porte et les fenêtres fermées, une fois le monde extérieur laissé derrière soi....tenue sous silence jusqu'au drame qui décille le regard.
J'ai aimé le fait d'aborder les situations douloureuses des adolescents et des enfants dont le seul recours est d'exercer une violence contre eux-mêmes. J'ai aimé la tendresse de l'écriture, l'optimisme latent derrière les mots et les scènes violentes, j'ai aimé la rencontre entre les écorchés, adultes ou enfants, de la vie que l'hôpital fait se côtoyer. Du service pédiatrique des petits cancéreux aux couloirs du service gériatrique, le combat est le même malgré leurs différents chemins: un seul et unique cri....j'ai besoin d'amour pour continuer à vivre!
Le tout est écrit sobrement, avec une sensibilité qui ne sombre pas dans le pathos ce qui n'en rend que plus beau ce roman!