Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Henry David Thoreau

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Sigismond
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyVen 7 Fév 2014 - 15:21

Les pommes sauvages
Mai 1862. Titre original: Wild apples. Ouvrage composé quelques semaines avant son décès, première publication, posthume, par The Atlantic Monthly en novembre 1862. Soixante pages environ.
Henry David Thoreau - Page 5 Thoreau-Les-pommes-sauvages-233x330

Pas de quoi affoler le fil Thoreau avec ce petit ouvrage, proche de la plaquette, pas exactement une nouvelle.
Mais il exhale son humilité terrienne et fleure si bon le libre wild !

Il se découpe en huit chapitres, brefs et ainsi intitulés::
L'histoire du pommier, la pomme sauvage, le pommier odorant, comment pousse la pomme sauvage, le fruit et sa saveur, leur beauté, les noms qu'on leur donne, le dernier glanage.

On entre dans le propos par de savantes considérations, teintées d'objectivisme et de références antiques. Cela s'arrête juste à temps, à mon goût du moins, pour éviter le roboratif.
Le lecteur, que l'on peut pousser à prendre la peine de continuer jusque là, tombe alors sur une joyeuse ode très dans la veine de l'auteur, avec sublimation du sauvage littéralement intact, par rapport au domestiqué, ou créé, ou contraint par l'homme, qui a moins de saveur et de valeur (valeur s'entendant dans un sens gustatif et spirituel), aspects bien connus de la philosophie de Thoreau.

Un bol d'air (ou une bouchée de pomme) bien rafraîchissant(e).

N'hésitez pas à y jeter un oeil si vous croisez ce petit livre (la version dont je dispose, parue chez Finitude -voir photo-, est, de surcroît, très abondamment annotée).

Extrait, qui se veut caractéristique:
chapitre le fruit et sa saveur a écrit:
Ceux qui travaillent au grand air n'ont pas froid. Grelotter est le lot de qui reste assis dans sa maison. Telles les températures, telles les saveurs. Tels le chaud et le froid, tels le doux et l'acide. Les acides et les amers, que le palais débile repousse, sont les véritables condiments de cette vivacité naturelle.
Que les condiments soient à la mesure de vos sens. Apprécier le bouquet de ces pommes sauvages requiert des sens vigoureux et en pleine santé; et, sur la langue et le palais, des papilles fermes et droites qui ne soient pas facilement flattées et domptées.
 De mon expérience des pommes non domestiquées, je retire que l'homme sauvage a probablement des raisons de préférer certaines catégories de nourriture que l'homme civilisé rejette. Le premier a le palais d'un homme de plein air. Il faut le goût d'un homme des bois pour apprécier un fruit sauvage.
 En vérité, il faut un appétit "hors les murs" pour savourer la pomme de la vie, la pomme du monde !  


Henry David Thoreau - Page 5 P1330291
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 24 Aoû 2014 - 14:25

J'ai étudié en classe la période du Transcendantalism et j'ai dû faire un commentaire sur un texte d'Emerson. Alors cet été, j'ai eu envie de découvrir Thoreau (j'adore le transcendantalisme). J'ai lu un recueil je pense. Il s'intitule " Thoreau, Transcendent nature for a modern world "et on retrouve des textes qu'il a publiés dans ses livres (il y a plusieurs catégories dans le livre  books, paradise, nature etc). Je l'ai lu en anglais, et j'ai vraiment aimé la beauté de l'écrit. Il y en a un qui me plait beaucoup c'est " The beauty of a lake " il est long mais je vais écrire deux trois lignes qui me plaisent beaucoup : " A lake is the landscape’s most beautiful and expressive feature. It is earth’s eye; looking into which the beholder measures the depth of his own nature. " ~ Thoreau, The Ponds

Et il y a aussi “ Lumen est umbra Dei, Deus est Lumen Luminis. Light is the shadow of God’s brightness, who is the light of light’, and, we may add, the heat of heat.” ~ Thoreau, Supernal Power

C'est ma bible Wink
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 24 Aoû 2014 - 14:35

Pourrais-tu faire une petite traduction de ces quelques citations Karen ?  Very Happy 
Merci !
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 24 Aoû 2014 - 15:12

Karen M. a écrit:
(j'adore le transcendantalisme).
Je ne sais pas si tu as vu les films de Terrence Malick et notamment Tree of Life? Si oui, ne penses-tu pas qu'il est un équivalent cinématographique de ce mouvement transcendaliste? ça m'intéresserait d'avoir un avis de quelqu'un qui l'a étudié et qui l'aime tout particulièrement.
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 24 Aoû 2014 - 18:02

Karen M. a écrit:
Il y en a un qui me plait beaucoup c'est " The beauty of a lake " il est long mais je vais écrire deux trois lignes qui me plaisent beaucoup : " A lake is the landscape’s most beautiful and expressive feature. It is earth’s eye; looking into which the beholder measures the depth of his own nature. " ~ Thoreau, The Ponds

Alors n'hésite pas à lire Walden, "The Ponds" en est le 9 chapitre. Thoreau y contemple le fameux étang en toutes saisons et ça devrait tout autant te plaire.  sourire 
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 24 Aoû 2014 - 22:13

Marko a écrit:
Karen M. a écrit:
(j'adore le transcendantalisme).
Je ne sais pas si tu as vu les films de Terrence Malick et notamment Tree of Life?  Si oui, ne penses-tu pas qu'il est un équivalent cinématographique de ce mouvement transcendaliste? ça m'intéresserait d'avoir un avis de quelqu'un qui l'a étudié et qui l'aime tout particulièrement.
c'est piège comme question dis donc !

Je m'incruste quand même parce que le piège est parlant et que Thoreau et Emerson ce que j'en ai lu m'a paru avoir ses difficultés, Malick aussi mais autrement. Et des bons points pas forcément si équivalents. En fait dans la question je trouve deux "murs" : l'avant-après théorie de l'évolution et le transcendantalisme pour sa part d'identité culturelle américaine.

L'évolution pour ses mécanismes très intégrés (je crois, malgré tout) à notre bagage culturel moderne et l'identité culturelle pour le retournement qui s'est opéré en termes de poids ?

Après avec Tree of Life (et ses fameux dinosaures) on peut voir une intégration moderne dans une ligne de pensée basée sur Dieu (ou croyance ou variante), ce qui se rapprocherait du transcendantalisme (pour le peu que j'en connais), on pourrait aussi faire un rapprochement pour certaines façons de simplicité dans le discours (bien/mal/...), (voire de faiblesses) mais au final dans le rapport à la nature je n'en sais trop rien. Je qualifierai, après réflexion quand même, le rapport de Thoreau à la nature de plus expérimental, avec un besoin d'éprouver. Émerveillement ou pas, la nature est plus un enjeu particulier qu'un élément abstrait de discours, ou le rapport est plus complexe qu'un instant sensoriel flatteur.

Mais je ne suis pas forcément très objectif. et la question ne m'était pas destinée.  Embarassed 
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 24 Aoû 2014 - 22:57

Eglantine :oui je n'avais pas pensé à traduire Wink

" A lake is the landscape’s most beautiful and expressive feature. It is earth’s eye; looking into which the beholder measures the depth of his own nature. " ~ Thoreau, The Ponds

Une lac est la plus belle et expressive caractéristique d'un paysage. Ce sont les yeux de la Terre, l'observateur qui y regarde dedans y mesure la profondeur de sa propre nature.

“ Lumen est umbra Dei, Deus est Lumen Luminis. Light is the shadow of God’s brightness, who is the light of light’, and, we may add, the heat of heat.” ~ Thoreau, Supernal Power
( le latin est traduit dans la phrase en anglais, je traduit donc l'anglais c'est plus simple, même si j'ai fait du latin Wink )

La lumière est l'ombre de l’illumination de Dieu, qui est la lumière de la lumière, et nous pourrions ajouter, la chaleur de la chaleur

J'ai traduit comme je le pensais, pour que l'idée ressorte Wink

Marko, non je n'ai pas vu les films, j'avoue que je n'ai pas encore fait le tour mais il me tarde de découvrir ! Avec les études je dois aller voir un peu tout les domaines c'est un peu compliqué et le temps me manque malheureusement :)

Nezumi, je n'hésiterai pas, dès que j'aurai fini ma mini pile à lire Wink Ce que j'en ai lu me donne envie de découvrir ses oeuvres (et ceux d'Emerson aussi )
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 24 Aoû 2014 - 22:59

Animal, tu as raison, je trouve que ces idées sont très moderne au final. On pourra les appliquer à toutes les époques... Wink
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyVen 12 Déc 2014 - 19:13

Enthousiasme majeur de l'année pour...

Walden ou La vie dans les bois (1854)


Henry David Thoreau - Page 5 97803010

En 1845, Henry David Thoreau prit la décision d’abandonner non seulement la plupart de ses biens matériels, mais aussi toutes ses certitudes et assurances morales pour se retirer dans les bois autour de l’étang de Walden. Il rêve de construire une habitation qui soit comme le wigwam des indiens : un édifice rapidement construit et aussitôt démontable, qui s’adapte à une existence de semi-nomadisme ne dépendant que de la volonté de ses habitants ; un édifice empruntant tout ce qu’il peut aux offrandes de la nature et de la sympathie humaine et dépendant le moins possible de ces facilités modernes qui épargnent du temps et du savoir en requérant de l’argent, et donc du travail.


Henry David Thoreau renverse la conception d’émancipation généralement liée au travail : et s’il était la cause de la pauvreté ? Lorsqu’il professait à l’université, Henry David Thoreau avait dû se contraindre à investir dans une présentation de soi soignée, à prendre régulièrement un transport pour se rendre sur son lieu de travail ou, s’il cheminait à pieds, et de toute façon en s’éreintant à l’enseignement, à dépenser son énergie vitale. Le coût cumulé de la tenue, des bains, des transports ou de la nourriture nécessaires en plus grande quantité était-il vraiment moindre que le salaire octroyé en conséquent ? S’il l’était, la différence ne semblait toutefois pas assez significative pour compenser la perte de temps et de liberté dévorés par le travail. Ce qu’il a compris, Henry David Thoreau essayera de l’expliquer au paysan Baker, un de ses proches voisins :


« Je tentai de l’aider de mon expérience, lui disant qu’il était l’un de mes plus proches voisins, et que moi aussi qui venais ici pêcher et avais l’air d’un fainéant, gagnais ma vie tout comme lui ; que j’habitais une maison bien close, claire et propre, qui coûtait à peine plus que le loyer annuel auquel revient d’ordinaire une ruine comme la sienne ; et comment, s’il le voulait, il pourrait en un mois ou deux se bâtir un palais à lui ; que je ne consommais thé, café, beurre, lait, ni viande fraîche, et qu’ainsi je n’avais pas à travailler pour me les procurer ; d’un autre côté, que ne travaillant pas dur, je n’avais pas à manger dur, et qu’il ne m’en coûtait qu’une bagatelle pour me nourrir ; mais que lui, commençant par le thé, le café, le beurre, le lait et le bœuf, il avait à travailler dur pour les payer, et que lorsqu’il avait travaillé dur, il avait encore à manger dur pour réparer la dépense de son système ; qu’ainsi c’était bonnet blanc, blanc bonnet — ou, pour mieux dire, pas bonnet blanc, blanc bonnet du tout — attendu qu’il était de mauvaise humeur, et que par-dessus le marché il gaspillait sa vie […]. »


Henry David Thoreau pose les bases d’un nouveau système de valeurs : l’argent représente non pas de nouvelles potentialités de vie, mais le coût de la vie requise en échange du temps perdu pour l’acquérir. Cette conception draine un rejet de la communauté en amont et en aval. Refuser de travailler, c’est refuser de croire aux valeurs en vigueur, qu’il s’agisse de celles de nos ancêtres comme de celles de nos contemporains.


«  Nulle façon de penser ou d’agir, si ancienne soit-elle, ne saurait être acceptée sans preuve. Ce que chacun répète en écho ou passe sous silence comme vrai aujourd’hui, peut demain se révéler mensonge, simple fumée de l’opinion, que d’aucuns avaient prise pour le nuage appelé à répandre sur les champs une pluie fertilisante. Ce que les vieilles gens disent que vous ne pouvez faire, vous vous apercevez, en l’essayant, que vous le pouvez fort bien. Aux vieilles gens les vieux gestes, aux nouveaux venus les gestes nouveaux. Les vieilles gens ne savaient peut-être pas suffisamment, jadis, aller chercher du combustible pour faire marcher le feu ; les nouveaux venus mettent un peu de bois sec sous un pot, et les voilà emportés autour du globe avec la vitesse des oiseaux, de façon à tuer les vieilles gens, comme on dit. »


Quiconque voudrait essayer de vivre sans aucune source de revenu se rendrait en même temps indépendant de ce mimétisme qui veut nous faire croire qu’un homme ne peut pas se suffire à lui-même. Mais ce n’est pas encore le plus outrageant. En refusant de se mettre à contribution de la communauté par le travail, l’individu autosuffisant menace les constitutions mêmes de la société et rejette ce que Rousseau appelle le « contrat social ». Cette attitude éminemment égoïste stipule que le don de son âme et de son temps ne vaut pas la considération de la communauté, qui n’est qu’un résidu mal organisé de préjugés, d’illusions et de craintes. On ne gagne rien à se donner pour cet amas de poules picoreuses alors que la vie attend, à proximité, recouverte par les bois étranges.


Dans le dénuement ascétique qu’il recherche, Henry David Thoreau se dépouille de tous les costumes trop lourds nécessaires à la vie en société. Il faut être fou pour piétiner ces vestiges de l’humanité –il faut être fou ou il faut avoir été profondément déçu par ses récompenses puériles. La démarche est celle d’un mystique qui fonctionne à l’énergie de l’espoir, habitant des lieux physiques ou spirituels qui continuent à creuser en lui le manque jusqu’à ce qu’il trouve le lieu de son bien-être absolu. Pour cela, il faut se détacher de la vie profane qui se traîne sur les routes pouilleuses de la civilisation. Qu’est-ce que la culture, sinon un sucre lancé en pitance à un pauvre chien affamé pour satisfaire provisoirement son besoin de vivre ? Quelques hommes ont peut-être su mener une existence à la hauteur de ce qu’ils méritaient, et ceux-ci ont transmis leur expérience authentique aux générations suivantes par le biais de leurs écrits, mais l’erreur consiste à nous faire croire que nous pouvons nous contenter de l’expérience abstraite de ces récits. Il nous faudrait plutôt les vivre à nouveau ! et les transcender ensuite, en leur conférant le grain de sel supplémentaire de notre âme. Le rejet de la facticité engendrée par la vie en société nécessite peut-être de connaître une solitude accrue mais elle permet de saisir pratiquement le sentiment cosmique de son appartenance à l’univers. La vie peut alors et seulement exploser.


« Ce qu’il me fallait, c’était vivre abondamment, sucer toute la moelle de la vie, vivre assez résolument, assez en Spartiate, pour mettre en déroute tout ce qui n’était pas la vie, couper un large andain et tondre ras, acculer la vie dans un coin, la réduire à sa plus simple expression, et, si elle se découvrait mesquine, eh bien, alors ! en tirer l’entière, authentique mesquinerie, puis divulguer sa mesquinerie au monde ; ou si elle était sublime, le savoir par expérience, et pouvoir en rendre un compte fidèle dans ma suivante excursion. »


Lorsqu’il avait fini de vaquer à ses quelques occupations quotidiennes –ramasser des haricots, se promener, parfois pêcher ou recevoir un ami-, Henry David Thoreau se plongeait dans des états de contemplation proches de la méditation. Riche de connaître l’interconnexion des choses, il peut observer toute chose dans l’immédiat et dans l’absolu et retrouver ici ce qui existe là-bas. Une vie devient la vie et si les autres savaient, ils n’auraient pas besoin de vivre avec leurs illusions de progrès, de luxe ou d’abondance.


« Je regardai par la fenêtre, et voyez ! où hier c’était la glace froide et grise, là s’étendait l’étang transparent, déjà calme et rempli d’espoir comme en un soir d’été, reflétant d’un soir d’été le ciel en son sein, quoiqu’il n’en fût pas de visible là-haut, comme s’il était d’intelligence avec quelque horizon lointain. J’entendis tout là-bas un merle, le premier que j’eusse entendu depuis des milliers d’années, me sembla-t-il, et dont je n’oublierai l’accent d’ici d’autres milliers d’années, — le même chant suave et puissant qu’au temps jadis. »


Henry David Thoreau a vécu deux ans, deux mois et deux jours dans les bois qui entourent Walden. Il semble n’avoir pas eu besoin de défaire son prototype de wigwam européen pour s’installer ailleurs dans les bois. L’expérience de contemplation semble lui avoir finalement permis de comprendre que le nomadisme est un mouvement similaire à celui qui happe ses contemporains en quête de progrès, et que l’homme spirituellement accompli ne trouve plus le besoin intrinsèque de se confronter à ce qui semble être l’étranger. Il peut éventuellement vouloir se déplacer, voir d’autres contrées, rencontrer d’autres personnes, mais s’il a vraiment compris le sens de l’unité, il ne le fera pas en réponse à un pressant besoin intérieur mais comme manière poétique d’éprouver l’harmonie du monde. Mais ceci, Henry David Thoreau le savait, tout le monde n’est pas prêt à vouloir le comprendre. Il faut alors retourner auprès de l’humanité et accomplir ce retour transcendé que le Zarathoustra de Nietzsche effectue lui aussi : "Ainsi parlait Zarathoustra et il quitta sa caverne, ardent et fort comme le soleil du matin qui surgit des sombres montagnes. »


Henry David Thoreau - Page 5 Rudy_b10

L’argent comme coût de la vie requise en échange de son obtention s’illustre bien dans cet exemple, cependant moins pertinent aujourd’hui :

Citation :
« On me dit : " Je m’étonne que vous ne mettiez pas d’argent de côté ; vous aimez les voyages ; vous pourriez prendre le chemin de fer, et aller à Fitchburg aujourd’hui pour voir le pays. " Mais je suis plus sage. J’ai appris que le voyageur le plus prompt est celui qui va à pied. Je réponds à l’ami : " Supposez que nous essayions de voir qui arrivera là le premier. La distance est de trente milles ; le prix du billet, de quatre-vingt-dix cents. C’est là presque le salaire d’une journée. Je me rappelle le temps où les salaires étaient de soixante cents par jour pour les journaliers sur cette voie. Soit, me voici parti à pied, et j’atteins le but avant la nuit. J’ai voyagé de cette façon des semaines entières. Vous aurez pendant ce temps-là travaillé à gagner le prix de votre billet, et arriverez là-bas à une heure quelconque demain, peut-être ce soir, si vous avez la chance de trouver de l’ouvrage en temps. Au lieu d’aller à Fitchburg, vous travaillerez ici la plus grande partie du jour. Ce qui prouve que si le chemin de fer venait à faire le tour du monde, j’aurais, je crois, de l’avance sur vous ; et pour ce qui est de voir le pays comme acquérir par là de l’expérience, il me faudrait rompre toutes relations avec vous. »


Qui aurait encore besoin de se divertir ?

Citation :
« Il n’était pas de matin qui ne fût une invitation joyeuse à égaler ma vie en simplicité, et je peux dire en innocence, à la Nature même. J’ai été un aussi sincère adorateur de l’Aurore que les Grecs. Je me levais de bonne heure et me baignais dans l’étang ; c’était un exercice religieux, et l’une des meilleures choses que je fisse. On prétend que sur la baignoire du roi Tching-thang des caractères étaient gravés à cette intention : « Renouvelle-toi complètement chaque jour ; et encore, et encore, et encore à jamais. » Voilà que je comprends. Le matin ramène les âges héroïques. Le léger bourdonnement du moustique en train d’accomplir son invisible et inconcevable tour dans mon appartement à la pointe de l’aube, lorsque j’étais assis porte et fenêtre ouvertes, me causait tout autant d’émotion que l’eût pu faire nulle trompette qui jamais chanta la renommée. C’était le requiem d’Homère ; lui-même une Iliade et Odyssée dans l’air, chantant son ire à lui et ses courses errantes. Il y avait là quelque chose de cosmique ; un avis constant jusqu’à plus ample informé, de l’éternelle vigueur et fertilité du monde. »


On comprend alors que la vie sociale policée et civilisée puisse devenir une entrave à jouir du monde :

Citation :
« La société est généralement trop médiocre. Nous nous rencontrons à de très courts intervalles, sans avoir eu le temps d’acquérir de nouvelle valeur l’un pour l’autre. Nous nous rencontrons aux repas trois fois par jour, pour nous donner réciproquement à regoûter de ce vieux fromage moisi que nous sommes. Nous avons dû consentir un certain ensemble de règles, appelées étiquette et politesse, afin de rendre tolérable cette fréquente rencontre et n’avoir pas besoin d’en venir à la guerre ouverte. Nous nous rencontrons à la poste, à la récréation paroissiale et autour du foyer chaque soir ; nous vivons en paquet et sur le chemin l’un de l’autre, trébuchons l’un sur l’autre, et perdons ainsi, je crois, du respect de l’un pour l’autre. Moins de fréquence certainement suffirait pour toutes les communications importantes et cordiales. »



Bribes de sagesse :

Citation :
« Sur quoi je laissais tout là, en friche peut-être, attendu qu’un homme est riche en proportion du nombre de choses qu’il peut arriver à laisser tranquilles. »


Citation :
« Être éveillé, c’est être vivant. Je n’ai jamais encore rencontré d’homme complètement éveillé. Comment eussé-je pu le regarder en face ? »


Citation :
« Si le jour et la nuit sont tels que vous les saluez avec joie, et si la vie exhale la suavité des fleurs et des odorantes herbes, est plus élastique, plus étincelante, plus immortelle, — c’est là votre succès. »


Citation :
« Pourquoi les hommes s’agitent-ils ainsi ? Qui ne mange pas n’a pas besoin de travailler. »


Citation :
« Si humble que soit votre vie, faites-y honneur et vivez-la, ne l'esquivez pas et n'en dites point de mal. Elle n'est pas aussi mauvaise que vous. C'est lorsque vous êtes le plus riche qu'elle paraît le plus pauvre. »


Citation :
« Il n'y a qu'un remède à l'amour : aimer davantage. »


Citation :
« Quand j'entends les hommes et les femmes dire : « Autrefois je croyais en les hommes, je n'y crois plus à présent. », j'ai envie de leur objecter : « Qui êtes-vous, vous que le monde a déçus ? N'avez-vous pas plutôt déçu le monde ? La confiance a toujours les mêmes raisons d'être. Il ne vous faudrait qu'un peu d'amour, à vous qui vous plaignez, pour qu'elle prît racine. » »


*Peinture de Rudy Burckhardt -Lichen Tree, 1996
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 14 Déc 2014 - 14:45

Tiens celui-là je peux le trouver facilement. Je le lirai!
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyDim 14 Déc 2014 - 15:10

pia a écrit:
Tiens celui-là je peux le trouver facilement. Je le lirai!
LA référence Thoreau ! Very Happy
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyLun 15 Déc 2014 - 19:03

Alors il faut absolument que je le lise! sourire
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyMar 16 Déc 2014 - 10:33

je vais l'emprunter
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptyMar 16 Déc 2014 - 20:36

Et une petite émission pour vous mettre dans le bain et résoudre d'emblée les éternelles controverses liées à la modération (pourtant courageuse) de l'engagement de H. D. Thoreau :

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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 EmptySam 20 Déc 2014 - 14:12

Et bien je comprend qu’il soit une référence. J’adore ! Il est si sensé et ce dont il parle est tellement encore d’actualité. J’essaierai d’en dire encore quelques mots. C'était exactement ce que j'avais besoin de lire en ce moment!

Encore suis-je sûr qu'en général on s'inquiète plus d'avoir des vêtements à la mode, ou tout au moins bien faits et sans pièces, que d'avoir une conscience solide.
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MessageSujet: Re: Henry David Thoreau   Henry David Thoreau - Page 5 Empty

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