Plan B [Marco Berger]

Plan B est le premier film d'un jeune réalisateur argentin, Marco Berger, qui raconte une histoire toute simple et fragile mais incroyablement habitée avec une vrai talent de mise en scène.


Marco Berger

Je n'aurais jamais vu ce film si Xavier Leherpeur n'avait attiré mon attention en le citant dans les films à recommander en fin d'émission du Masque et la Plume. Merci à lui! Avec un titre pareil j'imaginais une comédie lourdingue et sans intérêt. J'aurais quand même du être intrigué par le fait qu'il avait été récompensé dans plusieurs festivals.

Le sujet: Un garçon un peu narcissique d'origine française quitte sa copine et devient jaloux de la relation qu'elle entretient avec son nouveau compagnon. Elle continue malgré tout à coucher avec lui de temps en temps et lui révèle que ce garçon aurait eu une expérience homosexuelle par le passé. Il entreprend alors de le séduire en cachette pour le détourner d'elle et la récupérer. En fait ni l'un ni l'autre n'a jamais envisagé qu'un attirance entre garçons soit une possibilité dans leurs parcours respectifs bien hétérosexuels et se développe alors entre eux une relation d'amitié qui se transforme peu à peu en passion. Sorte de Brokeback Mountain argentin dans une cité de Buenos Aires.



Ce qui est magique dans ce film c'est la subtilité avec laquelle le réalisateur observe ces deux garçons, leur trouble, leurs hésitations, leur peur de l'inconnu. Il y a durant tout le film une grande tension érotique alors qu'il n'y a aucune scène de sexe. Il filme en plans séquences et on a une sensation de vérité presque documentaire contrastant avec une étrange bande son sourde et menaçante (des bruits de la ville, des usines qui entourent cette cité), une musique originale qui crée un sentiment d'onirisme et de rituel presque sacré, des inserts "arty" de vues des immeubles et du ciel qui semblent être les témoins énigmatiques de cet amour naissant.

Les 2 acteurs sont à la fois très beaux (sortes de Jésus hirsutes) mais naturels et d'une justesse étonnante, donnant droit à quelques moments d'émotion qui secouent. Les personnages féminins sont un peu sacrifiés mais encouragent ou subissent cette métamorphose qui les dépasse tous.



Je suis sous le charme de ce film qui ne dit rien de plus que ce désir mais qui le dit avec un ton surprenant et nouveau. Encore un cinéaste à suivre!

L'intégralité du film en version originale sous-titrée anglais sur Youtube!!

Merci Marko pour le tuyau. J'ai vu le film sur youtube et avec les sous-titres minuscules, c'était pas gagné. Bon, c'est un film tourné avec un budget minimal mais Berger exploite ce manque de moyens en réalisant un film "d'appartement". Rien sur la condition sociale des deux garçons, glandeurs et nonchalants, vaguement atteints du syndrome de Peter Pan, rien sur l'agitation de la ville, qui semble très éloignée, vue des balcons. J'ai aimé le parti pris du cinéaste de se concentrer sur son sujet, sans aucune digression : cette confusion des sentiments, traitée à la limite de la comédie romantique mais sans les scories habituelles du genre. Le naturel des protagonistes, membres du club des mal rasés, est confondant, mais la mise en scène m'a encore davantage bluffé. C'est un film qu'on peut qualifier de "bavard", dans le sens où les conversations sont les seuls éléments dramatiques du film. Berger alterne les cadrages serrés et les plans éloignés (dialogues inaudibles), entrecoupés de plans fixes de hauts d'immeubles. Pour un peu, on se croirait chez Ozu. Le film a conquis les festivals mais pour l'heure il n'est semble t-il sorti qu'en Allemagne et en France. Pas même en Argentine ! Très dommage, parce que c'est un vrai beau film qui prend son temps (c'est rare dans le cinéma d'aujourd'hui) et qui prend le risque d'installer un dispositif tenu jusqu'aux dernières minutes (on peut toujours discuter de la scène finale qui est trop dans la norme).