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 Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes

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shanidar
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyMer 18 Mai 2011 - 15:19

topocl a écrit:
Marie a écrit:
Si j'ai le temps ( je le prendrai !) je recopierai à la fin ce regard nouveau de Mendelsohn qui m'explique mieux ( ou du moins me satisfait plus ) ce personnage .

Si tu veux, Marie, retrouve le passage dans Les Disparus et dis-moi où c'est (j'ai l'édition de poche). Je pourrais recopier la citation, j'ai acquis récemment un logiciel de reconnaissance vocale c'est très pratique et très rapide.
j'ai lu Les disparus et je ne me rappelle pas qu'il en faisait mention. Je pense que Marie parle de son petit dernier traduit en français : Si beau, si fragile.
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topocl
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyMer 18 Mai 2011 - 15:48

sentinelle a écrit:

j'ai lu Les disparus et je ne me rappelle pas qu'il en faisait mention. Je pense que Marie parle de son petit dernier traduit en français : Si beau, si fragile.

Effectivement, je n'en ai pas le souvenir non plus. Dommage, Si beau si fragile, je ne l'ai pas.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyJeu 19 Mai 2011 - 4:39

Oui, c'est effectivement dans le dernier recueil de critiques de Daniel Mendelsohn, c'est tout à fait un hasard que ma lecture ¨coïncide avec votre lecture commune des Bienveillantes.
Je l'avais lu à sa sortie, et je crois que l'on est tous d'accord, il y a deux aspects dans ce roman. Le contexte, et le personnage lui-même, personnage de fiction placé dans ce contexte. Et nous sommes également d'accord pour trouver ce personnage , comme le dit Senti,
Citation :
monstrueux, hors norme et hors catégorie.
.
Ce qui, après ma première lecture , m'avait semblé préjudiciable pour le livre lui-même , dans la mesure où l'introduction tendait à nous le présenter comme un "frère humain"dans lequel le lecteur pouvait éventuellement se reconnaître, du moins dans les mêmes circonstances. Comme il est évident que Littell n'a pas créé ce personnage par hasard, je m'étais bien sûr demandé pourquoi il l'avait rendu si frappadingue..
Bien sûr, j'avais cherché le rapport avec la mythologie grecque , sans bien comprendre d'ailleurs. Et quand Sentinelle avait parlé de l'essai Le sec et l'humide, que je n'ai pas lu et pas du tout envie de lire, je m'étais même demandé si le jeune Littell n'était pas légèrement perturbé aussi!

J'en arrive à Daniel Mendelsohn qui a sa propre lecture. Ce n'est que la sienne, mais, par sa culture littéraire, il éclaire certains autres aspects du roman, susceptibles d'ouvrir d'autres portes de compréhension. En particulier quand il parle de littérature de la transgression, à la fin.
Mais résumer ou couper pourrait dénaturer ce qu'il écrit, je le livre en entier spoilé et feuilletonné!

1)

Spoiler:
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Marie
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyJeu 19 Mai 2011 - 5:38

2)
Spoiler:


A suivre.













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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyJeu 19 Mai 2011 - 10:43

merci Marie de nous permettre cette ouverture grâce à Mendelsohn. Juste une petite rectification à ce qui est écrit dans le second extrait : le père de Aue ne meurt pas pendant la première guerre mondiale, mais il disparait (il ne revient pas serait plus juste) alors qu'il rendait visite à son père en compagnie de son frère. Aue attend le retour de son père qui est parti en Turquie ou au Moyen-Orient après une violente altercation avec son frère... Cela aurait sans doute été trop facile pour Littell d'utiliser la mort aux champs d'honneur, cet écrivain est toujours un peu plus tordu qu'on ne l'imagine.

Je reviens vers ma propre lecture. Aue est essentiellement un spectateur des évènements, il voit et il vo(m)it. Il cite Platon : l'homme est incapable de ne pas éprouver une curiosité malsaine qui le pousse à regarder l'horreur. Nous avons, je pense, tous ressentis cette difficulté à visionner des documentaires ou des reportages sur des guerres, éprouvant un sentiment de voyeurisme et en même temps nous trouvant dans le désir d'être informés. Cette attitude est-elle justifiée pour autant ? Aue ne montre pas essentiellement ses collègues comme des monstres (bien sur il y a les psychopathes, ceux qui dérapent, ceux qui prennent plaisir aux exécutions comme Blobel ou Tucker...) mais la plupart des officiers ont une réflexion morale sur leurs agissements et ce qui revient le plus souvent est que l'extremination des juifs est un mal nécessaire. Ils ne l'ont pas choisi d'où le tollé au mess lorsque Blobel annonce les nouvelles directives qui concernent l'extermination des femmes et des enfants. S'ils avaient le choix, ils ne commettraient pas ses atrocités. Alors ? Aue tente en devenant un officier de liaison d'échapper aux Einzatsgruppen, certains se font rapatrier en Allemagne, tous subissent les évènements et les choix politiques d'Hitler, mais beaucoup s'y plient, beaucoup acceptent l'inacceptable, par devoir, parce qu'il n'y a pas d'autre solution pour continuer. Lire à ce titre le discours de Ohlendorf qui déclare tout bonnement que l'extermination des juifs résulte du refus des Anglais à laisser les Allemands organiser la déportation des juifs à Madagascar...

La théorie des jeux exposée par Aue est d'ailleurs assez intéressante. Il explique clairement que le pari lancé par les dirigeants du Reich est sans appel : gagner ou tout perdre. A partir du moment où les premières exactions sont commises, les hommes ne peuvent plus reculer, ils sont liés, ils ne peuvent plus se dédire et même celui qui n'a fait que regarder a participé, est complice et doit poursuivre. On pourrait dire que s'applique ici la théorie des jeux exposée par von Neumann, dite théorie à somme nulle, ce que l'un perd l'autre le gagne. Nous savons que cette théorie simpliste a été prodigieusement développée par Nash et qu'il aboutit à une forme d'équilibre, en schématisant on peut dire que si Neumann avait raison alors les forts gagneraient toujours et l'humanité ne serait évidemment pas ce qu'elle est, donc il existe une certaine forme d'équilibre (grâce en particulier à la négociation) qui fait que les forces et les faiblesses s'annulent. C'est au fond ce qui s'est passé à la Libération où après quelques procès retentissants, la plupart des anciens nazis ont été réinsérés dans la société et oubliés. Il semblerait que Aue soit plutôt dans l'équilibre : il participe mais il doute, il tue mais il comprend l'inanité des actes, il accepte la nécessité mais il la devine absurde.

Cependant, Aue justifie sa théorie du tout pour le tout par la guerre. Car en temps de guerre les choses sont différentes, les hommes peuvent commettre des tueries et être de bons pères de famille. La guerre 'justifie' les atrocités, la barbarie, les dérèglements et ce qui est mis en balance est encore une fois la nécessité de se livrer à ces actes.

Le poisson se mort la queue mais il n'en reste pas moins deux questions essentielles : comment a-t-on pu commettre de tels actes ? Aurais-je été meilleur ?
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyJeu 19 Mai 2011 - 15:55

Merci beaucoup Marie mais je me rends compte qu'il ne s'agit pas de quelques extraits mais bien d'un chapitre entier Shocked
Le recopier ici va te prendre un temps fou (je me demande encore comment tu as eu le courage de taper tout ça), je propose plutôt que celle ou celui que cela intéresse le consulte en librairie ou en biblio pour t'épargner tout ce travail encouragement

La théorie des jeux exposée par Aue m'était complètement sortie de la tête, merci pour le rappel Shanidar !
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyJeu 19 Mai 2011 - 17:34

Merci Marie pour cet énorme travail de transmission
… Une fois de plus Mendelsohn est lumineux et plein d'intelligence.

Quant à la justification apportée par la guerre, j'ai du mal à considérer les Einsatzgruppen et les camps de concentration comme des faits de guerre.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyVen 20 Mai 2011 - 2:42

Citation :
Le poisson se mort la queue mais il n'en reste pas moins deux questions essentielles : comment a-t-on pu commettre de tels actes ? Aurais-je été meilleur ?
Cela fait déjà un moment, et après bien des lectures sur ce sujet , que je pense qu'il n'y a pas de réponse à ces questions.. et que j'en reste à la banalité du mal de Hannah Arendt.
Ce n'est en tout cas pas le livre de Littell qui m'apportera plus, mais comme je l'avais quitté assez insatisfaite , ne comprenant pas la logique de l'ensemble, je suis très contente d'avoir lu une analyse qui me semble pertinente sur cette même logique ,qui s'appuie sur des références littéraires.

Spoiler:

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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyVen 20 Mai 2011 - 2:51

Spoiler:


Daniel Mendelsohn
Si beau, si fragile essais critiques
Traduit de l'anglais par Isabelle D. Taudière
Flammarion
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyVen 20 Mai 2011 - 10:03

Peut-on ajouter un commentaire à celui de Mendelsohn ? Cela semble difficile. Alors brodons un peu ?!!

J'ai trouvé très intéressant le passage sur l'idée de race et sur la linguistique. Le Dr. Voss crée le doute dans l'univers compartimenté de Aue, la difficulté à désigner la 'juiverie' d'une population n'a plus rien à voir avec la religion qu'elle pratique mais avec la langue, les coutumes, l'assimilation aux autres populations. On voit très bien alors se dessiner le cul de sac dans lequel l'idéologie raciale allemande se précipite.

La question de l'origine est également symptomatique des premiers questionnements du narrateur, des questionnements qui ne sont plus d'ordres moraux (Bien/Mal ; justifié/injustifiable ; erroné mais nécessaire), mais qui laisse planer un doute sur l'idéologie globale nationale-socialiste. S'il est impossible de découvrir l'origine d'un peuple (sous entendu nous sommes tous issu de la même souche de population indo-européenne) alors qu'en est-il de la race ? Aue tente de raisonner de manière scientifique, il cherche des preuves, veut des réponses claires et se heurtent à des écrits contradictoires et dont les conclusions se perdent dans un maëlstrom d'interprétations. J'aime l'idée qu'à cet instant Aue en perd un peu de son latin et de son grec, qu'il commence lentement à prendre du recul (d'ailleurs Voss le souligne : Je vous croyais plus intelligent dit-il quand Aue tel un chien savant répète à l'identique le discours officiel). Que l'on mette en doute son intelligence et Aue loin de devenir furieux prend du recul, désir étudier le pour et le contre, ne pas répondre bêtement aux demandes de ses supérieurs, en appel à la raison et non plus à la sécurité. C'est dans ces moments-là que le narrateur devient profondément intéressant et troublant, on devine en lui l'amour des choses bien faites, l'Absolu du raisonnement qu'on ne peut pas détruire parce qu'il est inattaquable, et ces sentiments sont honorables, sont nécessaires, sont chevaleresques (à une époque où l'on demande d'obéir sans réfléchir).

Oui mais voilà, encore une fois : nous sommes en temps de guerre et ce temps ne permet pas l'étude, la réflexion, l'échange. Et puis Voss est assassiné, Aue n'ira pas rencontrer Jünger et la vie reprend son cours...
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyVen 20 Mai 2011 - 15:08

Je voudrais rebondir sur un élément soulevé conjointement par topocl et Mendelsohn : tous deux supputent que "l'erreur" de Littell serait d'avoir voulu écrire un seul livre alors que son propos aurait été meilleur s'il avait été disséminé dans plusieurs livres (roman, essai, documentaire...). J'ai d'abord pensé comme eux, l'exemple de Bataille m'avait semblé probant dans la démonstration de Mendelsohn, Bataille a été capable d'écrire les pires délires pornographiques, des essais sociologiques, de la philosophie et des romans d'allure courante. Il ne mélangeait pas les genres, il n'amalgamait jamais une manière à une autre et son oeuvre impressionnante, énigmatique comme parfois hallucinante de simplicité et de luminosité fonctionne parfaitement. Je trouve que les passages pornographiques écrit par Littell sont particulièrement dérangeants, parce qu'il les place au milieu d'une narration plutôt fluide (voir ennuyeuse de banalité). Au départ ce postulat me gêne, il m'oblige à lire en parallèle deux livres qui n'ont rien à voir (dans l'esprit pas plus que dans la lettre), il m'oblige à supporter des passages insoutenables justement parce que le fond historique est sérieux. C'est pourquoi, je pense que Littell a eu raison d'utiliser cette manière de faire. Au sein d'un récit historique qui n'aurait d'intérêt que pour les spécialistes de la Seconde Guerre Mondiale, il insère un personnage fictif, créant ainsi une double attente (celle justement à laquelle il me semble que Binet n'a pas su répondre), d'un côté l'attente d'un lectorat 'érudit', connaissant bien l'Histoire de cette période et d'un autre côté un lectorat 'lambda' amateur d'histoires.

En imaginant un personnage improbable, matricide, incestueux, tueur nazi, Littell se donne la possibilité de donner des coups de fouet dans la narration, évitant ainsi que le lecteur s'endorme. Nous sommes là, exactement dans ce qu'explique Mendelsohn : dans le courant d'un récit d'une banalité à pleurer (les conversations entre officiers qui sont si on les sort de leur contexte d'une brutalité vertigineuse), Littell parle crûment d'une sexualité déviante qui nous oblige à nous questionner sur notre propre capacité à lire, supporter, accepter le comportement de Aue. Il nous place dans la position du voyeur, il nous place dans la position d'Aue regardant les juifs se faire tuer d'une balle dans la nuque. Regarder n'est pas agir (et finalement son personnage agit peu durant la première partie du récit), ainsi Littell fait du lecteur une sorte de complice d'Aue : voyez ce que vous êtes capable de lire, d'assumer, de supporter. Littell nous tend un miroir en nous demandant si nous serons capable de nous y regarder.On peut se demander jusqu'où va la limite du supportable. Je me souviens de l'espèce de dégoût que j'ai pu éprouver à la lecture de certains livres (Histoire de l'oeil de Bataille ou Le monde selon Garp d'Irving, qui m'ont laissé un gout de... nausée dans le gosier) et pourtant je les ai lus. A travers son personnage, Littell nous interroge sur notre capacité à supporter l'horreur, le monstrueux. Bien sur, ça reste fictif, il s'agit d'un récit, Aue ne prend pas forme 'pour de vrai'. Cependant ne faites-vous pas des rêves ? N'êtes-vous pas un minimum inquiété par cette lecture des Bienveillantes ? Dormez-vous bien ?

Je crois qu'à ce niveau le roman de Littell est une réussite contrairement au propos de Mendelsohn. Je crois qu'il aurait été inutile, abscons d'écrire plusieurs livres sur le même sujet en prenant des postures différentes, je crois qu'alors Littell n'aurait pas atteint son objectif : celui de nous renvoyer à nous-même, celui de nous ouvrir les yeux.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyVen 20 Mai 2011 - 16:35

Je me suis mal exprimée si tu comprends que je considère que Littell a fait une erreur. Ce que je voulais dire ce qu'il a écrit quelque chose qui me convient mal. De toute façon Littell se situe dans le foisonnement et dans l'excès : c'est sa façon à lui d'écrire, de voir les choses ; ça me plaît ou ça ne me plaît pas mais je n'ai pas à le censurer.

Il est bien clair que si son roman ne se situait pas sur fond de seconde guerre mondiale, de nazisme, de génocide etc., il y a longtemps que j'aurais arrêté de lire. Aue ne m'intéresse pas quand il est seul ou dans les moments où il n'est pas confronté au phénomène de l'extermination et de la guerre. Donc, oui, Littell à gagné le challenge de me faire lire un livre sur cette espèce de type monstrueux. Mais ce que je retiendrai du livre, ce n'est pas cela.
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyDim 22 Mai 2011 - 19:13

topocl a écrit:
Je me suis mal exprimée si tu comprends que je considère que Littell a fait une erreur. Ce que je voulais dire ce qu'il a écrit quelque chose qui me convient mal. De toute façon Littell se situe dans le foisonnement et dans l'excès : c'est sa façon à lui d'écrire, de voir les choses ; ça me plaît ou ça ne me plaît pas mais je n'ai pas à le censurer.

Il est bien clair que si son roman ne se situait pas sur fond de seconde guerre mondiale, de nazisme, de génocide etc., il y a longtemps que j'aurais arrêté de lire. Aue ne m'intéresse pas quand il est seul ou dans les moments où il n'est pas confronté au phénomène de l'extermination et de la guerre. Donc, oui, Littell à gagné le challenge de me faire lire un livre sur cette espèce de type monstrueux. Mais ce que je retiendrai du livre, ce n'est pas cela.

je ne suis pas sûre de pouvoir me débarasser si facilement du personnage de Aue. Les souvenirs de ma première lecture tournaient essentiellement autour du chapitre sur Stalingrad. Ici, moins d'excès littéraire et moins de phantasmes, mais un récit au plus neutre, au plus simple, qui correspond très bien à cette description apocalyptique de la ville. Ce passage m'est resté en mémoire sans doute parce qu'il peut apparaitre comme une parenthèse dans la narration, ici les soldats et les officiers allemands sont soumis au même régime que les combattants russes : pas de ravitaillement, la faim (voire le cannibalisme), la peur et soudain Aue éclate en sanglots. Sans le rendre plus humain, la fin des vomissements et l'apparition des larmes offre une sorte de souffle à la lecture, une pause bien venue.

Et puis la référence à la tragédie grecque de Sophocle se met lentement en place : Oreste, Electre, Clytemnestre remplacent Maximilien, Una et la mère du narrateur. Le beau-père Moreau du narrateur se transforme en Egysthe et tout se met en place pour nous permettre d'imaginer le drame à venir (le meurtre des parents, la relation incestueuse avec la soeur, le déferlement des Erynnies). D'ailleurs en parallèle à la tragédie, je vois également un clin d'oeil à Flaubert dans le personnage de Moreau, homonyme du Frédéric Moreau de L'éducation sentimentale, d'ailleurs Moreau rencontre Mme Arnoux sur un bateau et il arrive la même aventure entre le Moreau de Littell et la mère du narrateur...
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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyDim 22 Mai 2011 - 21:34

Citation :
Je voudrais rebondir sur un élément soulevé conjointement par topocl et Mendelsohn : tous deux supputent que "l'erreur" de Littell serait d'avoir voulu écrire un seul livre alors que son propos aurait été meilleur s'il avait été disséminé dans plusieurs livres (roman, essai, documentaire...).
Un peu la même réponse que topocl.. ( et que Mendelsohn, d'ailleurs, il trouve le livre bancal justement parce que les deux parties sont aussi fortes l'une que l'autre, mais sa conclusion n'est pas du tout négative).
Simplement,à mon niveau, en tant que lectrice lambda, mais attentive depuis longtemps à ce qui peut faire basculer un individu - et un individu cultivé, éduqué- dans ce genre d'ignominie , je crois que Littell n'avait pas besoin de construire ce genre de personnage. Très tôt dans le livre, après nous avoir pris à partie(s?) , nous, lecteurs, il fait dire à Aue qu'il aurait tout à fait pu partir , je reprends l'extrait qui m'avait fait réagir :
Citation :
" Moi aussi, j'aurais pu demander à partir, j'aurais sans doute même reçu une recommandation positive de Blobel ou du Dr Rash. Pourquoi ne le faisais je pas? Sans doute n'avais je pas encore compris ce que je voulais comprendre. Le comprendrais je jamais? Rien n'était moins sûr. Une phrase de Chesterton me trottait par la tête: Je n'ai jamais dit que l'on avait toujours tort d'entrer aux pays des fées. J'ai seulement dit que c'était toujours dangereux. C'était donc cela, la guerre, un pays des fées perverti, le terrain de jeux d'un enfant dément, qui casse ses jouets en hurlant de rire, qui jette gaiement la vaisselle par les fenêtres?"
Cela me suffisait..


Citation :
A travers son personnage, Littell nous interroge sur notre capacité à supporter l'horreur, le monstrueux. Bien sur, ça reste fictif, il s'agit d'un récit, Aue ne prend pas forme 'pour de vrai'. Cependant ne faites-vous pas des rêves ? N'êtes-vous pas un minimum inquiété par cette lecture des Bienveillantes ? Dormez-vous bien ?
Oui.. bien compris le procédé. Et en lisant les Bienveillantes, non, je ne dormais pas bien. Mais pas à cause du personnage d'Aue, et de moins en moins au fil de la lecture . Que ce personnage soit une construction littéraire intéressante et sans doute réussie, je ne le nie pas. Mais il le rend tellement " too much" qu'il ne m'intéresse pas. Je ne dormais pas à cause des massacres que Littell décrivait, et qui eux, pour "too much " dans l'horreur qu'ils pouvaient sembler être, ont bel et bien existé. Et si je continuais à lire, c'était en me disant: ils l'ont vécu, tu peux bien le lire. Et ils ont été perpétrés par des individus ordinaires, qui, pour certains n'avaient sans doute pas le choix, mais pas tous, pas tous..






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MessageSujet: Re: Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes   jonathan - Lecture en commun - Jonathan Littell : Les Bienveillantes - Page 4 EmptyLun 23 Mai 2011 - 9:19

Je vous trouve bien radicale envers le personnage d'Aue. Il me semble que dans Courante et Sarabande, Aue nous montre un autre visage de lui-même, plus introspectif, plus inquiet, parfois même douloureux. L'interprétation de topocl voyant le personnage comme une métaphore de l'Allemagne prend de plus en plus de sens et de chair au fur et à mesure du récit :

En travaillant, je pensais : au fond, le problème collectif des Allemands, c'était le même que le mien ; eux aussi, ils peinaient à s'extraire d'un passé douloureux, à en faire table rase pour pouvoir commencer des choses neuves. p.485 ed. Gallimard.

En revenant sur les prémices de son adhésion au NSDAP, Aue donne en effet un portrait à la fois de lui-même et de cette Allemagne déconfite, amputée et meurtrie par le traité de Versailles, tout comme lui a été amputé par la séparation avec sa soeur. Il arrive à Munich en 1929, alors que la crise américaine frappe l'Europe, alors que seul le parti national-socialiste semble offrir un front uni pour répondre aux problèmes socio-économiques d'une Allemagne décharnée. On peut imaginer facilement à quel point le destin de ce pays exsangue, patrie du père tant aimé, a pu apporter au bouillonnant adolescent. Je trouve donc justifié l'identification faite par topocl de l'un à l'autre, du pays à l'individu, d'autant plus que l'idée du Volk est inépuisable à travers tout le roman.
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