Lucas Cranach l'Ancien [Peintre]

Parmi les nombreuses commanditaires que Cranach devait satisfaire, on peut citer le cardinal Albert de Brandebourg, prince de l'électorat de Mayence.


"En 1528, Cranach le représente en saint Jérôme dans sa cellule. Une telle image du saint, différente de celle, plus connue et plus ancienne, de saint Jérôme pénitent, est alors en train de se populariser. Il y est montré en humaniste, entouré des instruments du savoir et de signes de la piété. Le tableau de Cranach vise à donner du cardinal l'image d'un homme sage et austère, qui puisse démentir les accusations de luxe excessif portées alors par les protestants contre l’Église. Que penser de Cranach, capable de mettre sa peinture au service de ceux causes opposées ?"

"Dans les années 1510, Cranach introduit dans ses peintures une figure féminine qui donne lieu à une production en série durant les années 1520. Il s'agit de la jeune femme à la robe de velours."


"Aucun indice ne permet de deviner si ce personnage est réel, mythologique ou biblique. L'hypothèse a été avancée qu'il s'agirait, à chaque fois, de la maîtresse du commanditaire, cachée sous des traits anonymes. Il est vrai que la carnation laiteuse et le regard langoureux de la jeune femme portent une évidente charge érotique."

Picasso s'est inspiré de ce portrait :


"Picasso dévoile, sous la séductrice, la femme mélancolique. Le visage de celle-ci, partagé en deux, révèle sa face sombre tandis que ses ornements masquent son corps plus qu'ils ne le mettent en valeur. Comme souvent, Picasso fait de cette femme un emblème -ici, celui de la tristesse."

Sans oublier le fameux Portrait de Martin Luther !

Et de la femme de ce dernier, Katharina von Bora :

« Le peintre, encore une fois, démontre sa virtuosité : la plume posée avec légèreté sur le chapeau de velours, les fines mèches bouclées et le chignon savamment natté portent à son comble le raffinement de son art. Un long voile transparent court d’une figure à l’autre et remplace le contact physique que les trois figures ont traditionnellement entre elles. Il souligne les fesses de la Grâce placée à gauche pour passer devant le pubis de sa voisine et remonter jusqu’au bras de la troisième, à droite. En caressant leur peau, il contraste avec la lourde chaîne en or que chacune porte autour du cou, et charge la peinture de sensualité. Le spectateur entre ainsi dans une perception tactile et intime de l’œuvre, ce que permet aussi son format, particulièrement petit. »

Comme inspiration à ce tableau, on cite souvent Les trois Grâces de Raphaël, réalisé en 1505 :

Ce thème est entré dans le répertoire du peintre dans les années 1530 :

« Le sujet, tiré des Évangiles, est destiné au marché protestant ; il exprime la nécessité pour le chrétien de vivre sa foi avec la simplicité d’un enfant. Autour du Christ se pressent des femmes qui lui amènent leur progéniture, tandis que, dans l’angle gauche, ses disciples commentent la scène. Si les bébés roses et ronds et les femmes aux cheveux retenus sous un voile transparents obéissent aux modèles établis par le peintre, la variété des poses efface toute impression de monotonie. »

Cranach a exécuté beaucoup de dessins qui sont restés confinés dans le cadre de son atelier. Ils interviennent à différentes étapes de la réalisation d'une oeuvre :

"Les peintures de Cranach se fondent sur un dessin préparatoire exécuté directement sur les sous-couches à l'aide d'un pinceau fin et de peinture noire. Les contours et les hachures, qui marquent le volume, se distinguent par un style hâtif bien différentdu style très net de la peinture achevée."

"Ces portraits relèvent d'une pratique de l'atelier, celle du modèle dessiné. Destiné au client, il permet à celui-ci d'avoir un aperçu de l'oeuvre finale, en particulier lorsqu'il s'agit de la commande de son propre portrait."

En dehors de toute production industrielle, Cranach réalisait de nombreux dessins dans son carnet de croquis. Un exemple ci-dessous :


A ce sujet :

"Ces dessins révèlent un Cranach privé, dont l'amour du réel est visible seulement dans des œuvres non destinées à la vente. Le Cranach public, lui, associé à une peinture lisse et raffinée qui sort en masse de son atelier, s'emploie à mettre au point des compositions très codifiées. Alors que le spectateur actuel peut être ému par e premier Cranach, il semble que celui-ci n'intéressait pas nécessairement le spectateur du 16e siècle."