Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Julien Gracq

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coline
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyVen 28 Déc 2007 - 14:38

K a écrit:
Coline a écrit :
Je partage ce plaisir qu'il y a à découper soi-même les pages reliées doubles...Comme à défaire l'emballage d'un cadeau dont on sait qu'il sera beau...Comme...j'aurais pu choisir une autre comparaison sensuelle mais je ne vais pas le faire...content
C'est pourquoi j'ai réagi un peu vivement à la remarque du libraire de K qui lui présente la chose comme un inconvénient en dénigrant, de plus, les sélections, ô combien exigeantes et c'est si rare, des Editions Corti. J'espère , K, que tu n'auras pas mal pris ma suggestion de changer de libraire...content



Il n'y a pas de mal Very Happy Mais, en ce qui concerne la remarque de mon libraire, je précise qu'elle concernait les romans de chez Corti en tant qu'objet (d'où son expression "mal fichus") et non pas la sélection des titres de son catalogue. Je me suis sans doute mal exprimé, sorry.
Et puis, je n'ai pas l'intention de changer de libraire et il y a une très bonne raison à cela : je vis dans une région que l'on pourrait qualifier sans snobisme de "culturellement sinistrée" (économiquement aussi, d'ailleurs). Ce qui fait qu'il n'existe pas de bonne librairie digne de ce nom dans un périmètre de 10 km au moins (je n'exagère pas !) et je peux vous dire que ce type fait un boulot remarquable.
Je lui devais bien ces quelques mots.


Nul n'est parfait!...content
L'essentiel est que cet homme-là...à cet endroit-là...fasse ce que tu appelles "un boulot remarquable"...
Mais dis-lui tout de même que les Editions Corti...c'est tout de même une des meilleures maisons d'édition....Wink
Je rejoins l'avis de Lekhan sur ce fil-là:
cliquer ici
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyLun 31 Déc 2007 - 14:20

Un grand dossier sur Julien Gracq sur le site Bibliobs ! Very Happy
http://bibliobs.nouvelobs.com/2007/12/24/mort-de-julien-gracq
Avec entre autres une interview radiophonique datant de 1959.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyLun 31 Déc 2007 - 15:49

Merci Fantaisie!...

Voulez-vous que je vous dise?...Avant-hier je suisallée dans le grand centre culturel (Leclerc ) qui, à son ouverture, a ruiné les trois librairies indépendantes de la ville...ou presque...
Me croirez-vous?...
Il n'y avait pas un seul ouvrage de Julien Gracq en rayon ou en stock!
Centre culturel?...
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyLun 31 Déc 2007 - 16:03

Rolling Eyes Pour eux, la culture se résume à Marc Lévy ou Bernard Werber...Ah ça, ces "auteurs", tu es sûre de trouver leurs livres en rayon.
Mais Gracq, Quignard ou d'autres, tu peux te brosser, Martine ^_^.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyMar 1 Jan 2008 - 17:19

Gracq est un auteur auquel je tiens beaucoup, pourtant je n' ai lu que deux romans.
Tout le monde a déjà parlé du rivage des syrtes et puis, je l'ai lu il y a longtemps et je suis incapable d'un dire le moindre mot, hormis que j'ai en mémoire la beauté de l'écriture.
L'autre que j'ai lu de lui, est Un balcon en forêt , je suis également incapable d'en parler, mais j'ai le souvenir d'un livre d'une très grande beauté. ( je dirais magique, si le mot n'etait pas si galvaudé, on va croire que je parle d'harry Potter, mais on se comprend Embarassed )C'est un moins gros investissement que Le rivage .. et vraiment c'est à lire, c'est magnifique.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyMer 2 Jan 2008 - 13:05

Citation :
Familiarité du livre




Le comportement privé du lecteur, assis en tête-à-tête en face de son livre dans la solitude, peut être considéré comme intermédiaire entre celui du spectateur de théâtre – halé seconde après seconde dans le sillage de l’action sans rupture de tension aucune, jusqu’au dénouement – et celui de l’amateur de peinture, vivant, conversant, déjeunant, rêvassant entre ses tableaux pendus au mur, et entretenant avec eux, en somme, le même genre de commerce qu’avec un mobilier choisi, différent des tableaux surtout en ceci que, ce mobilier choisi, on ne l’interroge jamais comme on interroge un tableau, qu’on n’a pas avec lui d’aparté. En ce sens, la peinture est originellement un art de compagnie – comme il y avait autrefois des demoiselles de compagnie – et le théâtre – fondamentalement — une prestation heureuse en psychologie des foules, comme l’est l’art oratoire : il n’y a pas de théâtre du seul.
Si l’écrivain avait la possibilité d’assister, invisible, au genre de tête-à-tête qu’entretient dans la solitude un de ses lecteurs, avec un de ses livres, il serait sans doute choqué du « sans façons », et même de l’extrême incivilité, qui s’y manifeste. Ce tête-à-tête est un mélange déconcertant de distraction et d’attention. La lecture est coupée, le plus souvent à des intervalles inégaux et assez rapprochés, par des pauses de nature diverse où le lecteur allume une cigarette, va boire un verre d’eau à la cuisine, ou replace un livre dans sa bibliothèque, ce qui l’entraîne à en feuilleter un moment un autre, téléphone une commande qu’il avait oubliée, ou s’informe des résultats du tiercé, vérifie l’heure d’un rendez-vous sur son agenda, ou repose un moment le livre sur la table pour une rêvasserie intime, dont le seul lien avec le contenu du livre est souvent celui du coq-à-l’âne. En gros – mobilité en plus – c’est le comportement moyen en classe d’un élève qu’on jugerait plutôt dissipé.
Qu’est-ce qui permet la bonne entente paradoxale de ce comportement distrait d’un isolé qui semble occupé à « tuer le temps » avec une lecture qui en fin de compte s’achèvera pour lui lisse, rassemblée, sans couture, exempte de toute solution de continuité ?
Pour tenter d’y répondre, il faudrait prendre en compte les singularités qui marquent les rapports d’un lecteur avec son livre. Il ne s’agit pas ici de la présence passive, entièrement évasive et congédiable, qui est celle d’un tableau accroché à un mur. Ni, non plus, de la parenthèse temporelle, rigoureusement close et même minutée, dans laquelle nous enferme, l’audition d’un morceau de musique. Le lien, qui relie le lecteur à sa lecture est certes inséparable de l’écoulement du temps, mais rien n’en marque la durée, le rythme, ni la fin, ni même la continuité (que de livres lus par tranches successives, que séparent parfois de longues années !) Un livre se perd de vue et se retrouve, tantôt fané, tantôt réarmé de séduction. Sa beauté est journalière, au sens balzacien ; il a ses bons et ses mauvais moments. On connaît avec lui la séduction à laquelle on cède trop vite, tout comme la lente reconquête, par des qualités d’abord voilées. Il se prête à des découvertes successives (tout n’y est pas apparent tout de suite) à l’automatisme de l’accoutumance, à l’usure rapide du premier éblouissement, tout comme à l’entente parfois nouée jusqu’à ce que la mort advienne. Il voyage avec nous, parfois convivial et disert, parfois plus fermé qu’on ne voudrait. Il vieillit près de nous, tantôt comme un vin, tantôt comme une femme, tantôt passivement, tantôt activement ; il ne déserte jamais tout à fait la mémoire ; on vieillit avec lui : commode, présent, familier, logeable. Bref, les rapports qu’on a avec lui sont, plus que pour un autre produit de l’art, proches de ceux qu’on entretient avec un vivant, qui, entré une fois dans votre existence, y reste, en sort, y revient, s’y fait place, s’éloigne, mais avec qui le contact plus familier qui a été une fois celui de l’intimité ne laisse jamais prescrire sa note singulière. Disons-le : rien ne mène le mariage – le hasard de sa rencontre, ses aventures, ses aléas, les nouvelles relatives qu’il fait naître, ses séductions à éclipse, les pouvoirs muets de sa présence toujours disponible – comme les rapports qu’on entretient avec un livre qui compte. On regarde un tableau, on écoute une musique, on prend un livre – locution expressive ! – pour un mariage précaire certes le plus souvent, mais pourtant un peu comme on prend femme : pour un contact d’une intimité plus quotidienne que n’en procure aucun autre art. Quoi d’étonnant à ce que les rapports qu’on a avec lui dès le début revêtent le sans-gêne, assez vite rodé, qui naît de la vie commune ?
Livres de chevet… Nulle production de l’art n’est plus que le livre familière de la chambre à coucher, nulle ne nous parle davantage, toute réticence, toute litote larguée, et, comme dans une promiscuité intime, sur l’oreiller. Il n’y a guère de cohabitation en art qu’avec un livre. Il n’est pas sûr que cela ait été dans le passé toujours le cas. Les rapports du lecteur de l’antiquité avec son rouleau manuscrit étaient autres, peut-être à-demi liturgiques : l’attitude, la lenteur des gestes, la station debout. Feuilleter un livre, et dans tous les sens, a été dans son histoire l’épisode dernier qui – autant sensuel que mental – a achevé pour lui la danse des sept voiles, a dévêtu le livre pour le lecteur comme aucune production de l’esprit ne l’avait encore été avant lui.
Mais le tête-à-tête avec le livre appelle d’autres réflexions. Elles concernent l’insigne faculté de dilution, d’émiettement et de fragmentation – sans perte réelle de présence, ni d’efficacité – qui est la sienne. Disloqué, démembré, par les trous, les distractions, les « absences », brèves ou prolongées qui sont celles du lecteur, on dirait que le livre repousse dans l’esprit (ainsi font les articles endommagés de certains insectes) et tend à reformer opiniâtrement son unité et son intégrité. Il est doué d’une aptitude insolite, à se rassembler dans l’esprit aussitôt autour d’un simple fragment, à recomposer sa figure intégrale à partir de ses éléments isolés. De même qu’il n’est guère possible d’évoquer quelque détail physique d’une personne qui vous est familière, sans qu’elle reprenne vie sympathiquement et se réanime toute dans le souvenir, de même la faculté d’évocation caractéristique de la fiction écrite, ne s’exerce pas seulement sur les images et les souvenirs extérieurs à elle, mais s’exerce aussi de chacune de ses parties, même infimes, sur sa propre totalité. Si je reviens à une page d’un livre qui m’est familier, c’est le livre entier : sous ces espèces (comme on dit) qui vient me repeupler. La mémoire des livres est une mémoire bourgeonnante, étrangement multipliée parce que chacun de ses éléments est lui-même un petit monde toujours en puissance d’éclosion. Elle est consultable, et elle est un peu (ce n’est pas la mémoire d’une pièce musicale ou d’un tableau) monnayable, susceptible d’être introduite et de circuler – fragmentée, mais en fragments à son effigie – dans des milieux qui lui sont organiquement étrangers.
© Julien Gracq

N.B. Ce texte a d'abord été offert par Julien Gracq à l'Association Amicale des Anciens Élèves de Henri IV qui a publié ce texte dans son bulletin annuel de de février 2001.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptySam 26 Jan 2008 - 23:24

"Un après-Gracq ? Bien sur, et massif et omniprésent, mais diffus. Je ne connais pas d’épigones notables – tout juste des suceurs de roue. Mais, comme toujours les plus grands (c’est d’ailleurs à cela qu’on reconnaît les plus grands), il est pillé, et il est juste qu’il le soit. Parmi les plus belles proses de nos générations, il n y en a aucune qui, à un moment ou un autre, ne se souvienne de la sienne. çà et là une phrase de Gracq, une façon de Gracq, un emploi adjectif, apparaît dans de multiples textes qui ne sont pas de sa main – parfois parce que nous le voulons, et d’autres fois à notre insu, car Gracq est en nous. De ce plagiat généralisé, je peux prendre un exemple que je connais bien, puisque c’est dans un de mes livres. Je parle dans Vies minuscules d’un enfant demeuré de l’arrière-campagne, " tout pétri du sommeil rural dont son lieu-dit dormait " – eh bien, je le confesse, c’est un emprunt tout à fait prémédité à une page de Lettrines sur Rimbaud, plus précisément à propos du lieu-dit Roche et autres trous perdus des Ardennes, dont Gracq écrit qu’ils sont ensevelis dans un " sommeil rural épais ". J’ai la faiblesse – ou l’hypocrisie – de me dire que de tels vols sont des hommages. Ce qu’ils dérobent devient dans la perspective comme un fait de nature, comme une chose, comme une pierre – quelque chose qui revient, qui va de soi et qui ne meurt pas. "
Pierre Michon
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MessageSujet: la forme d'une ville   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyDim 17 Fév 2008 - 0:20

en plein dans ma lecture de "la forme d'une ville". Impressions très très bizarres au début. Cette écriture qui suggère, qui plonge des fois au creux de choses, et parfois les survole.
Descriptions d'une ville un peu trop... terre à terre, et puis soudain une phrase, une ligne qui semble tout éclairer.

Je crois que c'est coline qui disait qu'il ne fallait pas lire un livre de Gracq tout d'une traite, mais le savourer doucement pour en apprécier la richesse. C'est tout à fait vrai. Cette écriture, cette façon d'aborder les choses est très éloignée de ce que j'ai l'habitude de lire, très éloignée de mon propre regard sur les choses.
De plus, je m'aperçois qu'il me faut vraiment un cadre très particulier pour apprécier ce livre : calme, concentration, et lenteur. Patienter, laisser les mots et leurs images s'installer en moi tranquillement jusqu'à ce qu'au bout d'un moment ils prennent corps et s'illuminent dans mon esprit.

Je continue ma lecture.
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MessageSujet: la forme d'une ville   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyDim 17 Fév 2008 - 3:47

je viens d'en recopier quelques extraits, je résiste pas au fait de vous en mettre au moins 1 : (mes extraits sont un peu longs, mais je n'ose les couper..... déjà qu'il est difficile d'en extraire juste un petit bout)

Gracq dans la forme d'une ville a écrit:
Si elle animait ainsi les lieux publics de tout le quartier circonvoisin, c'est aussi que la présence du théâtre, tout au long de la journée, était loin alors d'être seulement monumentale. Ténors légers et ténors demi-caractère, basses, dugazons, comique trial, barytons, ballerines et chefs d'orchestre, tous ses desservants, engagés pour l'année, et qui le plus souvent renouvelaient leur contrat, tout un clergé de l'art lyrique fortement hiérarchisé s'assemblait quotidiennement en chapitre pour les répétitions, et le reste du jour peuplait les alentours de la rue Crébillon de mentons bleus et de profils qui rêvaient à la médaille, et plus d'une fois y faisaient rêver. Le cinéma, et plus encore peut-être la télévision, la dislocation finale, depuis un demi-siècle, des dernières troupes lyriques provinciales attachées pour l'année à un théâtre, ont fait disparaître ce curieux type de demi-célébrités que représentaient alors les figures locales de la scène, à la fois proches et familières, parce qu'on les coudoyaient au café ou au kiosque à journaux, et pourtant sublimées par un commerce extra-humain qui les marquait de son signe et les isolait de la foule, tout comme un prêtre, malgré le veston civil, porte toujours idéalement sur lui la chasuble et les saintes huiles. Une poignée de préposés au rêve – et non sans quelques séquelles concrètes, qui prenaient la forme d'enlèvements ou de tempètes conjugales – se mêlait ainsi capricieusement à la vie de tous les jours, tantôt apparaissant, tantôt disparaissant, tantôt identifiés, tantôt inaperçus, à la manière des anges déguisés de la Bible, avec des conséquences tout à fait disproportionnées à leur petit nombre, comme font quelques gouttes de levain mélangées à la pâte : il n'y avait pas cette ségrégation, cet éloignement stellaire qui fait de la vedette d'aujourd'hui, pour la foule, un objet de fixation moins encore que de frustration pure.
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MessageSujet: Le rivage des Syrtes   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyDim 17 Fév 2008 - 12:36

Le rivage des Syrtes a été mon tout premier grand bonheur littéraire, j'avais 14 ans... Après la découverte cette oeuvre, je n'ai jamais passé une journée sans lire. C'est dire si je suis reconnaissante à ce grand écrivain discret de m'avoir ouvert les portes de la littérature. Et bien sûr, je recommande chaudement sa lecture à tous. ❤
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyDim 17 Fév 2008 - 12:59

Cachemire a écrit:
Le rivage des Syrtes a été mon tout premier grand bonheur littéraire, j'avais 14 ans... Après la découverte cette oeuvre, je n'ai jamais passé une journée sans lire. C'est dire si je suis reconnaissante à ce grand écrivain discret de m'avoir ouvert les portes de la littérature. Et bien sûr, je recommande chaudement sa lecture à tous. ❤

Lire Julien Gracq à quatorze ans...et y trouver du bonheur! bravo
Voilà un propos qui devrait interpeler ceux qui jugent parfois Gracq comme trop élitiste...
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyDim 17 Fév 2008 - 13:03

Queenie a écrit:
je m'aperçois qu'il me faut vraiment un cadre très particulier pour apprécier ce livre : calme, concentration, et lenteur. Patienter, laisser les mots et leurs images s'installer en moi tranquillement jusqu'à ce qu'au bout d'un moment ils prennent corps et s'illuminent dans mon esprit.

Je continue ma lecture.

C'est très juste ce que tu dis là Queenie...Gracq n'est pas un auteur qu'on "dévore" avec rapidité...
Je ne sais pas si j'aurais eu le courage de lire La forme d'une ville, ne connaissant pas assez Nantes...Il doit y avoir beaucoup de Gracq dans ce portrait... d'une ville!...
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyDim 17 Fév 2008 - 19:51

coline a écrit:
Queenie a écrit:
je m'aperçois qu'il me faut vraiment un cadre très particulier pour apprécier ce livre : calme, concentration, et lenteur. Patienter, laisser les mots et leurs images s'installer en moi tranquillement jusqu'à ce qu'au bout d'un moment ils prennent corps et s'illuminent dans mon esprit.

Je continue ma lecture.

C'est très juste ce que tu dis là Queenie...Gracq n'est pas un auteur qu'on "dévore" avec rapidité...
Je ne sais pas si j'aurais eu le courage de lire La forme d'une ville, ne connaissant pas assez Nantes...Il doit y avoir beaucoup de Gracq dans ce portrait... d'une ville!...

tu sais je trouve que ce qu'il dit par rapport à Nantes, on peut le retrouver dans les villes qu'on aime.
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyDim 17 Fév 2008 - 20:24

Queenie a écrit:

tu sais je trouve que ce qu'il dit par rapport à Nantes, on peut le retrouver dans les villes qu'on aime.

Merci de cette précision..Un texte universel donc...
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MessageSujet: Re: Julien Gracq   julien gracq - Julien Gracq - Page 6 EmptyLun 25 Fév 2008 - 18:48

Un beau ténébreux (1945).

Je craignais au départ de peiner à entrer dans Le rivage des Syrtes (milieu militaire) et le récit m’a happée.

Ici, je redoutais moins. Je savais un peu ce dont il s’agissait. Or, je me suis régalée bien sûr de la langue merveilleuse de Julien Gracq mais je ne suis pas rentrée dans ce récit, je ne me suis pas attachée aux personnages.

Un groupe de jeunes gens (fortunés) est venu passer les vacances à L’hôtel des Vagues en Bretagne. L’arrivée d’un jeune couple, et notamment d’un homme va bouleverser leur quiétude. Cet homme c’est Allan le « beau ténébreux », « Un prince. Un roi. », « désinvolte et froid », qui attire tous les autres, dont les manières suscitent fascination et inquiétude.

On sent dès lors que cela ne va pas se finir bien.

Il m’a semblé assister à une représentation de théâtre, de celles que je n’apprécie pas, avec beaux décors et beaux costumes mais dont les personnages ne m’apparaissent pas dans leur vérité. Ils m’ont paru superficiels et vides. Les mots de Gracq ne m’ont pas ennuyée mais eux, si.
Je crois que ce que je préfère chez Julien Gracq ce sont ses descriptions comme plus personne ne sait en écrire :

« Sitôt passé Kérantec, la route s’élève, par grands lacets, au-dessus du miroir plan de la mer. L’ossature vigoureuse de cette cote mangée de grottes apparaît, avec ses grèves mollement tendues de pointe à pointe comme des hamacs, avec les rides blanches, les festons de ses vagues soudain si lentes et comme engluées sur les fonds transparents. Une très légère gaze embue, assourdit l’atmosphère,— puis ce sont les ajoncs jaunes des premières pentes, et soudain le tunnel d’une forêt feuillue, désertée, au sol rebondissant sous les gouttes. Et toujours ce grand vent qui harasse majestueusement les cimes, ce secret des forêts proches de la mer, accordées à la mer sous les doigts musiciens du vent. Le soir commençait à tomber, et j’aimais cette fuite sous la basse voûte des feuilles, d’où pleuvaient les gouttes, où s’étoilait de soleil le sable doux des bas-côtés, dans une lumière de pierre fine — cette fuite qui donne l’idée si nette d’un voyage sans retour. La traversée d’une forêt, je n’ai jamais pu m’imaginer autrement l’approche d’un pays de légende. »

« Les cierges ![…] cette douce mort de la flamme si pure en son extrême pointe, ce pas de vis vertigineux enfoncé dans le noir, - avec quelle intensité avide, des heures durant, je l’ai contemplée. Flamme au coeur noir, où comme au ventre d’une femme se réfugie l’extrême chaleur, fer de lance et feuille de tremble, petite lumière intarissable -tellement immobile, tellement dormante qu’on l’imagine montant droite au creux d’un puits de ténèbre d’une profondeur infinie -comme le reflet adouci, tremblé d’une langue de feu dans une eau mystique. Quelque chose me fascinait, quelque chose en moi, comme un papillon, venait se brûler à cette lumière.

[…]Il m’arrivait de m’absorber si fort dans cette vision, comme on dit que font les yoghis de l’Inde, que vraiment je devenais cette flamme, je sentais sa lumière se nourrir de mon cœur.[…] Une phrase bizarre me venait, que je me répétais à satiété comme si elle eût contenu quelque pouvoir magique : c’est à la flamme seule qu’il appartient de nous restituer la nuit. »
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