Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Mikal Gilmore

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MessageSujet: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyDim 6 Mai 2012 - 11:25

Mikal Gilmore

Mikal Gilmore Images91


Tous les éléments biographiques j'ai pu trouver sur lui le présentent comme le frère de… etc. (voir le commentaire sur le livre Un long silence pour mieux comprendre) mais après avoir lu le livre je considère que c'est une insulte à lui faire et je préfère fournir peu d'éléments plutôt que de donner de lui cette image.
Je vous dirai donc seulement qu'il est rédacteur en chef de Rolling Stone magazine, auquel il a collaboré dès les années 70, et que, outre Un long silence, publié en 1994 aux États-Unis, il a produit :
Night Beat: A Shadow History of Rock and Roll en 1999
Stories Done: Writings on the 1960s and its Discontents 2009
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyDim 6 Mai 2012 - 11:28

Un long silence


Mikal Gilmore Mikal-10
Cette photo est une vraie photo de la famille Gilmore


En 1976, le frère de Mikal Gilmore, Gary, a déchaîné les médias américains. Tout d'abord en commettant un double meurtre insensé, exempt de tout mobile, de sang-froid, puis, alors que depuis 10 ans aucun condamné à mort n'avait été exécuté aux États-Unis, en refusant de demander sa grâce, en exigeant son exécution, en demandant que celle-ci soit réalisée avec la méthode la plus violente qui soit (fusillé par un peloton de 5 personnes). Il a ainsi ouvert la porte au rétablissement de la peine capitale aux États-Unis.

D'une histoire pareille, qui a été déjà rapportée par Norman Mailer dans Le chant du bourreau un roman-fleuve de 900 pages qui lui a valu le prix Pulitzer en 1981, et dans plusieurs films et reportages télévisuels, qui continue à hanter la conscience américaine, Mikal Gilmore n'a pu ressortir indemne.

Ce livre est une tentative désespérée d'exorciser son passé, d'expliquer l'inexplicable, de pardonner l'impardonnable, d'aimer désespérément une famille si peu « aimable ». Décortiquant une histoire familiale au fil du siècle, décryptant les personnalités, les héritages, Michael Gilmore essaie de dénouer l'écheveau inextricable qui a amené son frère dans cette folie destructrice et suicidaire. Il veut comprendre, mais sans se contenter de jouer la carte trop facile de la simple enfance malheureuse, de la lourdeur de l'héritage psychologique, marquée par la culture mormone, austère, rigide, et structurante. Il compatit aux victimes, mais il veut aussi compatir à son frère, pris depuis l'enfance, et peut-être même déjà avant sa naissance, dans un engrenage mortifère. À côté de la pire violence du crime final, il met en lumière la douleur partagée de cette famille, l’in capacité que chacun y avait d’exprimer sa souffrance sa solitude autrement qu'en détruisant l'autre.

Gilmore nous décrit cette famille, sa famille , il dissèque cet ancrage maléfique, mais ancrage tout de même, où l'amour est aussi violent (à tous les sens du terme) que désespéré, et entre en résonance avec les pertes et les abandons. Chaque personnage hurle magnifiquement sa détresse à travers ses fureurs et ses folies, et grâce à l'immense empathie et à l’intelligence magnifique de Mikal Gilmore, on est en empathie profonde, mêlée de détestation, pour chaque personnage, aussi révoltant soit son comportement.

Mais l’auteur ne s'arrête pas là. Il nous interroge sur la vie et la mort, la prédestination et le libre arbitre, notre droit à décider de la mort des autres et de régler nos problèmes personnels par celle-ci. Il parle de la difficulté de vivre avec un passé pareil, comment s'en affranchir sans le trahir comment exprimer son amour pour des êtres aussi détestables, comment juger des hommes et des femmes qu'il aime tant et qui ont tant souffert.

Un long silence, a en anglais un titre beaucoup plus vibrant, bien plus représentatif du livre, : Shot in the Heart. C'est, et je pèse mes mots, le livre le plus bouleversant que j'ai lu depuis bien plus de dix ans



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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyDim 6 Mai 2012 - 11:33

Un long silence

Citation :
(Son père)
Au lieu des fessées, mon père administrait désormais des raclées féroces à coup de cuir de rasoir et de ceinturon, et parfois même avec ses poings nus. À chaque coup qu'il assénait, mon père ordonnait à ses enfants de l’aimer. Et à chaque coup qu'ils recevaient, ceux-ci apprenaient à le haïr, et à ne plus croire à l'amour.(…) Il ne faisait pas ça pour nous apprendre quoi que ce soit, sauf peut-être à le craindre. Voilà pourquoi il nous punissait : pas pour nous rendre meilleurs, mais pour que nous soyons désolés.

Citation :
(Sa mère)
je reconnaissais non seulement son courroux familier, mais je crois que je voyais aussi les rouages intimes d'un esprit sujet à un chagrin et une colère si intenses et profonds que ce qu'il voulait et craignait le plus c'était une seule et même chose : la possibilité de sombrer dans sa propre folie intime, sans frein.

Citation :
(Son frère)
Peut-être que son dessin le plus obsédant - une oeuvre que nombre de ses amis prisonniers ont par la suite commentée - représentait des visages d'enfants en train de regarder une scène d’horreur dans un cinéma. On ne voit jamais l’horreur qui se déroule devant leurs yeux, mais on voit l'expression de leur visage - la peur et la fascination engendrées par la prise de conscience qu'il y a dans le monde des monstres qui vous mettront en pièces, et que vous ne pouvez rien faire pour les en empêcher.

Il avait assisté à tellement d'agressions et, quand il était jeune, lui-même avait été agressé. Battu. Violé. Terrorisé. Et il avait appris à faire avec. Mais en vieillissant, en devenant plus fort et plus mauvais, il était devenu l'agresseur. Après ça, plus rien ne lui faisait peur. C'était comme passer vingt deux ans au Vietnam. Il avait été la victime de tant d'horreurs, mais aussi le bourreau. Il pouvait dire : « Oui, j'ai été détruit, mais maintenant, c'est moi qui détruis les autres. »


Citation :
(La famille)
Bon sang, je hais les familles ! Je les vois déambuler par jolies grappes dans les centres commerciaux, ou j'entends des amis parler de réunions familiales ou de problèmes familiaux, ou je rends visite à des familles chez elles, et je leur en veux inévitablement. Je leur en veux à cause du bonheur, quel qu'il soit, qu’elles ont atteint, et parce que je n'ai pas eu droit à une telle famille. Et je les méprise pour la manière dont la notion de bien familial est toujours utilisée pour condamner ou assujettir les enfants de la famille, bien après qui sont devenus des adultes.


J'ai alors su ce qu'était l'enfer : l'enfer, c'était la famille. C'était avoir des gens qui faisaient les pires choses à ceux qu'ils auraient dû aimer le plus.


Citation :
A un moment, vous avez la certitude infernale qu'une personne que vous aimez va mourir d'une manière déterminée, à une heure et dans un lieu précis, et non seulement vous ne pouvez rien y faire, mais vous allez devoir continuer d'évoluer dans un monde qui a souhaité cette mort. Vous allez devoir côtoyer quotidiennement des gens qui ont été ravis qu’on tue un membre de votre famille - quelqu'un qui a depuis longtemps été émotionnellement assassiné.

Citation :
J’en avais marre de tout ce gâchis, mais ça n’y changeait rien. Les meurtres individuels pouvaient être résolus et punis, mais le meurtre en lui-même, bien entendu, ne pourrait jamais être résolu. Il faudrait d'abord résoudre le cœur humain, l'histoire qui a rendu ce cœur si sombre et désespéré.

Citation :
« Tu as bien fait de partir, m’a-t-elle oui il est dit ce jour-là. Tu me manques terriblement, mais tu as bien fait. Il y a une malédiction qui nous a dévorés les uns après les autres, et bientôt elle m'emportera aussi. Maintenant que tu es si loin, peut-être qu'elle ne te trouvera jamais. Je veux que tu sois celui d'entre nous qui sera à jamais à l'abri. Je ne veux
pas qu’il t’arrive quoi que ce soit. »
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyMar 5 Juin 2012 - 15:40

-Un long silence-

Encore une fois je vais avoir du mal à traduire mieux que Topocl la teneur de ce livre confession, d'une force et d'une honnêteté impressionnantes, qui m'a captée de bout en bout, et dont j'ai eu du mal à me délivrer. Mikal Gilmore, dans un besoin désespéré de comprendre et surtout de survivre à cette tragédie, retourne sur le passé, expose les sources, et exhume les secrets avec une authenticité et une rigueur qui nous font mesurer toute la douleur qu'elles ont dû engendrer.

Comment continuer à tenir debout quand des liens mortifères attachent implacablement un homme à ses origines? La voix de Gilmore sonne terriblement juste, il ne réclame pas d'indulgence ni de compassion, il ne cherche pas à minimiser les faits ni à excuser l'inconcevable. Il livre dans son style brut, puissant et sans fard ce qu'ont pu représenter ces années où la violence entachait leur quotidien, chacun devant trouver sa place au milieu des frustrations, tous devant payer pour une injustice qui les dépassait.

Une famille en champ de ruines où l'amour crie ses manques et dont un survivant pleure sa souffrance dans un ultime aveu. C'est terriblement poignant et cela arrache des larmes, vous êtes prévenus. Gilmore va au bout de l'histoire et de lui -même, sonde les moindres recoins de la conscience, explore le mal et ce qui peut en rejaillir. Peu de lectures frappent avec autant d'intensité, je remercie donc Topocl, il est si bon (et si rare) de se sentir à ce point remué que je relierai surement son nom à ce magnifique témoignage. Et vous, n'attendez plus!

Citation :
C'était un écho de ravages qui existaient déjà bien avant ma naissance et, de fait, c'était la chose qui me reliait plus que tout le reste à Gary: nous avions tous deux été les héritiers d'une négation qui était hors de notre emprise, peut-être même au delà de notre compréhension. De toute évidence, nous avions géré de manières différentes cet héritage: Gary avait projeté cet anéantissement vers l'extérieur Alors que moi, je l'avais projeté vers l'intérieur, parce que je n'avais pas été autorisé-et que je refusais de m'autoriser- à le projeter vers l'extérieur. Mais vers l'intérieur ou l'extérieur, c'était dans un cas comme dans l'autre une force extraordinairement destructrice, et pour la première fois de ma vie je comprenais que je n'étais pas vraiment sorti d'affaire. La ruine de ma famille ne s'était poas achevée avec Gary, parce que'elle n'avait pas commencé avec lui.



Dernière édition par Aeriale le Mar 5 Juin 2012 - 19:05, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyMar 5 Juin 2012 - 15:56

Je vais le sortir de la pile normale, ou le mettre dans une autre pile, celle des urgences rire
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyMar 5 Juin 2012 - 16:23

Je ne doute pas qu'il te fasse complètement sortir de ta période d’abandons répétés
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyMar 5 Juin 2012 - 17:01

J'étais passée à côté : je le note tout de suite !
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyMer 4 Juil 2012 - 11:32

Un long silence

il faut, comme le soulignent topocl et Aeriale, beaucoup de courage et d'abnégation pour raconter, comme le fait Mikal Gilmore, l'histoire brutale d'une famille américaine maudite. Mon problème est que je n'ai pas été touchée comme l'on été topocl et Aeriale par la manière dont Mikal conte cette tragédie. J'ai trouvé le style répétitif et lourd (sans compter un travail éditorial baclé, une traduction pas terrible et quelque fois l'inversion des prénoms entre Gary et Gaylen...), je n'ai pas été sensible à la dénudation que comporte ce témoignage-thérapie mais au contraire j'ai été gênée par l'éparpillement (à force de redites) des thèmes essentiels pour comprendre l'histoire de cette famille. En gros, je reproche à Gilmore de commencer systématiquement chaque chapitre par le rappel de ce qui devient à force des tautologies (ce qui en soi est un sentiment répugnant et que je regrette profondément) : un père violent, une mère hystérique et dangereuse, des frères agressifs et destructeurs, une famille brisée par une malédiction et hantée par des fantômes. Bon. Si le motif de la violence familiale est un leitmotiv qui devient lassant, il en est de même avec ceux de la prison, des coups et de la haine générée par l'enfermement et les coups et la haine. En bref, j'ai trouvé que souvent le propos de Gilmore tournait en rond.

Je regrette qu'il ne se soit pas contenté de dire une fois pour toute la violence du père, la folie de la mère. Cela étouffe d'autres propos très importants : le mormonisme et la règle de l'expiation par le sang, qui explique sans doute pourquoi Gary a été tué par un peloton d'exécution. L'idée réccurente d'une famille maudite de génération en génération, idée que la mère développera tout au long de sa vie avec en sus une relation au surnaturel (fantôme, maison hantée, voix et gémissements nocturnes, grincements de parquet...) très angoissante et entâchée de culpabilité. Je regrette que Gilmore coupe assez vite court à ce développement en déclarant qu'il ne croit pas aux fantômes, tout en continuant à démontrer que toute la famille y croit et subit les conséquences de cette croyance (effroi, cauchemar, insomnie, déménagement inattendu...). Comme pour continuer à se protéger, il déclare que ces superstitions familiales sont nées de l'esprit bouleversé de cette famille fragile (explication rationnelle) mais paradoxalement il continue à raconter les visites successives des fantômes dans chaque maison investie et plus tard dans sa vie adulte. La malédiction qui plane sur la famille Gilmore n'est jamais complètement digérée par le fils puiné dont on devine qu'il continue aujourd'hui encore à souffrir.

L'idée de cette malédiction m'amène à me poser quelques questions sur ce témoignage douloureux. Sans vouloir dédouaner ou amender ses frères, Gilmore en cherchant des explications à leur comportement donne plusieurs pistes : la malédiction familiale (donc) et la violence physique et psychologique au sein de la famille (père violent, mère folle) ont amené les petits Gilmore à la délinquance (Gaylen, Gary) puis au meurtre (Gary). Le père a élevé ses garçons dans un climat d'autorité, avec des règles dures, une intransigeance excessive et des châtiments corporels répétés, en réaction les garçons sont devenus à leur tour violents et destructeurs. Une fois Gary en prison (et ce à plusieurs reprises), le père prend systématiquement la défense de son fils contre l'autorité judiciaire, pénitenciaire et autre. Ce qui est perturbant, c'est qu'à travers ce livre j'ai eu l'impression que Mikal Gilmore reproduisait ce schéma : il s'attaque au système judiciaire américain qui ne donne pas assez de chance à la réinsertion, il condamne les gardiens de prison (dans l'ensemble des matraqueurs), il explique que la prison brise les détenus (viol, racket, assassinat...) et a priori on ne peut être que d'accord avec lui. Mais alors survient cette question ambivalente : si Gary n'avait pas été enfermé dès l'âge de 14 ans dans une maison de redressement à quel âge aurait-il tué ? et même aurait-il tué ? serait-il devenu si haineux au point de commettre deux crimes sans raison ? quelle est la place des victimes, justement, dans ce livre ? A travers son récit, Gilmore montre que lui aussi, tout comme son père, tout comme ses frères, méprise et condamne l'autorité. On a envie de faire de même. Mais on ne peut éviter de poser les questions suivantes : que faut-il faire d'un jeune qui dérape ? qui joue avec des armes à feu ? qui vole ? qui abuse d'une fille de 14 ans laquelle tombe enceinte ? qui passe son temps à boire, se droguer et voler des voitures ?

une autre chose me tourmente, il s'agit de ce qui est raconté (de la manière dont est raconté cet épisode) dans le chapitre intitulé : Vol avec violences. Gary vient de sortir de prison après avoir purgé une peine de six mois pour chèque en bois, il décide de braquer un type qui vient d'échanger un chèque contre du liquide. Avec son copain, ils suivent le type et l'agressent : L'homme s'est engagé dans son allée et Gary l'a suivi. Cleophis et lui sont descendus de voiture et l'un d'eux -difficile de savoir lequel- a brandi le tuyau de plomb. Gary a attrapé l'homme, pris son argent, puis Cleophis et lui ont décampé. Remarquez l'utile parenthèse et l'ellipse (on ne sait pas s'ils ont frappé l'homme mais on devine au titre du chapitre qu'ils ne l'ont pas juste menacé). Puis, parce que les deux compères ne sont pas très malins, ils se font choper par la police et enfermer.

Cette fois, Gary était dans un sale pétrin, et nous le savions tous. Il risquait une inculpation pour vol avec violence, sans compter qu'il avait déjà un casier bien chargé. Bien qu'aucun de ses délits antérieurs n'ait été sérieux (aucun n'avait impliqué de violence), l'accumulation a suffi à convaincre le procureur que Gary était déjà un criminel régulier et un danger pour la société. (c'est moi qui souligne en gras)

Gary en prend pour quinze ans ! pas un mot sur la peine infligée à Cleophis, pas plus que sur l'homme agressé. Alors ? que fallait-il faire ? laisser Gary continuer ses vols et trafics en toute tranquillité ? l'enfermer ? quelles sont les réponses que nous apportons aujourd'hui à la délinquance ? quelles solutions à la surpopulation et à la violence du milieu carcéral ?

toutes ces questions sont essentielles et je suis contente de les avoir vues soulevées par le livre de Mikal Gilmore. J'aurais envie de poursuivre encore longtemps ce commentaire parce que je n'ai pas aimé le livre de Gilmore (trop répétitif et la volonté de donner à son livre l'aspect d'une enquête tourne vite court, les révélations finales n'en étant pas vraiment pour les lecteurs attentifs) mais qu'il soulève tout un tas de problèmes fondamentaux pour nos sociétés (la réhabilitation de la peine de mort n'a-t-elle pas été évoquées pendant les dernières élections présidentielles en France !?!).

En tout cas, je compte poursuivre cette lecture avec Le chant du bourreau de Norman Mailer, dont Gilmore dit beaucoup de bien dans son propre livre.
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyJeu 5 Juil 2012 - 15:28

Il est super ton comm, Shanidar! comme toujours précis, posé et éclairant, même si nos avis divergent

shanidar a écrit:
Un long silence
Mon problème est que je n'ai pas été touchée comme l'on été topocl et Aeriale par la manière dont Mikal conte cette tragédie. J'ai trouvé le style répétitif et lourd (sans compter un travail éditorial baclé, une traduction pas terrible et quelque fois l'inversion des prénoms entre Gary et Gaylen...), je n'ai pas été sensible à la dénudation que comporte ce témoignage-thérapie mais au contraire j'ai été gênée par l'éparpillement (à force de redites) des thèmes essentiels pour comprendre l'histoire de cette famille. En gros, je reproche à Gilmore de commencer systématiquement chaque chapitre par le rappel de ce qui devient à force des tautologies (ce qui en soi est un sentiment répugnant et que je regrette profondément) : un père violent, une mère hystérique et dangereuse, des frères agressifs et destructeurs, une famille brisée par une malédiction et hantée par des fantômes. Bon. Si le motif de la violence familiale est un leitmotiv qui devient lassant, il en est de même avec ceux de la prison, des coups et de la haine générée par l'enfermement et les coups et la haine. En bref, j'ai trouvé que souvent le propos de Gilmore tournait en rond.

Le style redondant ramenant perpétuellement l’obsession de cette famille écartelée, ne m’ a pas gênée. J'ai l'habitude de dire que, passé un certain âge, pour le commun des mortels, il faut arrêter de faire retomber la responsabilité de ses angoisses, ses défauts et ses complexes sur son éducation et ses parents. J'imagine bien que pour Mikal il s’agit d’un cas tellement extrême qu’il ne peut échapper à cette emprise obsessionnelle et c’est ce qui ressort de ces retours en arrière , répétitions, son incapacité à échapper à cette fatalité dont tu parles, même s’il est le plus résilient des quatre frères. C’es un peu comme dans la névrose post-traumatique où le traumatisme initial agresse la personne et s’impose à lui et le torture en permanence.

shanidar a écrit:
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Cela étouffe d'autres propos très importants : le mormonisme et la règle de l'expiation par le sang, qui explique sans doute pourquoi Gary a été tué par un peloton d'exécution. L'idée réccurente d'une famille maudite de génération en génération, idée que la mère développera tout au long de sa vie avec en sus une relation au surnaturel (fantôme, maison hantée, voix et gémissements nocturnes, grincements de parquet...) très angoissante et entâchée de culpabilité. Je regrette que Gilmore coupe assez vite court à ce développement en déclarant qu'il ne croit pas aux fantômes, tout en continuant à démontrer que toute la famille y croit et subit les conséquences de cette croyance (effroi, cauchemar, insomnie, déménagement inattendu...). Comme pour continuer à se protéger, il déclare que ces superstitions familiales sont nées de l'esprit bouleversé de cette famille fragile (explication rationnelle) mais paradoxalement il continue à raconter les visites successives des fantômes dans chaque maison investie et plus tard dans sa vie adulte. La malédiction qui plane sur la famille Gilmore n'est jamais complètement digérée par le fils puiné dont on devine qu'il continue aujourd'hui encore à souffrir.

Comme toi j’ai été très intéressée par le rôle du mormonisme, qui ouvre plein d’horizons
J’ai sauté à pied joint sur ces histoires de fantôme devant lesquelles Gilmore lui-même ne sait pas très bien se positionner. Qu’il ait envie de se protéger, que tout ne soit pas très clair dans sa tête, on peut le comprendre


shanidar a écrit:
[
L'idée de cette malédiction m'amène à me poser quelques questions sur ce témoignage douloureux. Sans vouloir dédouaner ou amender ses frères, Gilmore en cherchant des explications à leur comportement donne plusieurs pistes : la malédiction familiale (donc) et la violence physique et psychologique au sein de la famille (père violent, mère folle) ont amené les petits Gilmore à la délinquance (Gaylen, Gary) puis au meurtre (Gary). Le père a élevé ses garçons dans un climat d'autorité, avec des règles dures, une intransigeance excessive et des châtiments corporels répétés, en réaction les garçons sont devenus à leur tour violents et destructeurs. Une fois Gary en prison (et ce à plusieurs reprises), le père prend systématiquement la défense de son fils contre l'autorité judiciaire, pénitenciaire et autre. Ce qui est perturbant, c'est qu'à travers ce livre j'ai eu l'impression que Mikal Gilmore reproduisait ce schéma : il s'attaque au système judiciaire américain qui ne donne pas assez de chance à la réinsertion, il condamne les gardiens de prison (dans l'ensemble des matraqueurs), il explique que la prison brise les détenus (viol, racket, assassinat...) et a priori on ne peut être que d'accord avec lui. Mais alors survient cette question ambivalente : si Gary n'avait pas été enfermé dès l'âge de 14 ans dans une maison de redressement à quel âge aurait-il tué ? et même aurait-il tué ? serait-il devenu si haineux au point de commettre deux crimes sans raison ? quelle est la place des victimes, justement, dans ce livre ? A travers son récit, Gilmore montre que lui aussi, tout comme son père, tout comme ses frères, méprise et condamne l'autorité. On a envie de faire de même. Mais on ne peut éviter de poser les questions suivantes : que faut-il faire d'un jeune qui dérape ? qui joue avec des armes à feu ? qui vole ? qui abuse d'une fille de 14 ans laquelle tombe enceinte ? qui passe son temps à boire, se droguer et voler des voitures ?

En effet et ce n’est pas un des moindres intérêts du livre de poser ces questions insolubles. Châtier pour quoi faire ? Ecarter de la société pourquoi faire en dehors de la protéger, pour insérer les « fautifs » dans une société plus délétère encore comme la prison ?

Je n’ai pour ma part trouvé à aucun moment que Gilmore négligeait la douleur des victimes et de leurs familles . certes il ne s'étend pas dessus, mais il trouve ce que son frère a fait atroce, et c’est autant cela qui le pousse à écrire le livre que le fait qu ‘il ait été condamné à mort. Ils se pose la question pourquoi lui ? pourquoi moi ? L’un a sombré et l’autre s’en est sorti. C’est une interrogation troublante et émouvante. J’ai apprécié qu’à aucun moment il n’excuse son frère pour autant : il l’aime , il veut le comprendre , c’est tout. Il explique en quoi la prison a été un facteur aggravant, il ne réduit pas les choses à cela , il ne dit pas qu’il faut l’abolir pour autant. C’est un constat sans solution pour lui, c’est le drame de leur vies trop mal parties.


shanidar a écrit:
[
une autre chose me tourmente, il s'agit de ce qui est raconté (de la manière dont est raconté cet épisode) dans le chapitre intitulé : Vol avec violences. Gary vient de sortir de prison après avoir purgé une peine de six mois pour chèque en bois, il décide de braquer un type qui vient d'échanger un chèque contre du liquide. Avec son copain, ils suivent le type et l'agressent : L'homme s'est engagé dans son allée et Gary l'a suivi. Cleophis et lui sont descendus de voiture et l'un d'eux -difficile de savoir lequel- a brandi le tuyau de plomb. Gary a attrapé l'homme, pris son argent, puis Cleophis et lui ont décampé. Remarquez l'utile parenthèse et l'ellipse (on ne sait pas s'ils ont frappé l'homme mais on devine au titre du chapitre qu'ils ne l'ont pas juste menacé). Puis, parce que les deux compères ne sont pas très malins, ils se font choper par la police et enfermer.

Cette fois, Gary était dans un sale pétrin, et nous le savions tous. Il risquait une inculpation pour vol avec violence, sans compter qu'il avait déjà un casier bien chargé. Bien qu'aucun de ses délits antérieurs n'ait été sérieux (aucun n'avait impliqué de violence), l'accumulation a suffi à convaincre le procureur que Gary était déjà un criminel régulier et un danger pour la société. (c'est moi qui souligne en gras)

Gary en prend pour quinze ans ! pas un mot sur la peine infligée à Cleophis, pas plus que sur l'homme agressé. Alors ? que fallait-il faire ? laisser Gary continuer ses vols et trafics en toute tranquillité ? l'enfermer ? quelles sont les réponses que nous apportons aujourd'hui à la délinquance ? quelles solutions à la surpopulation et à la violence du milieu carcéral ?
.

Là tu as surement eu une lecture beaucoup plus attentive que la mienne. cela je ne l'avais pas relevé

shanidar a écrit:

En tout cas, je compte poursuivre cette lecture avec Le chant du bourreau de Norman Mailer, dont Gilmore dit beaucoup de bien dans son propre livre.

Outre l'aspect émotionnel qui m' a beaucoup troublée et auquel tu n'as pas été sensible, mais çà, çà ne se discute pas, c’est bien l'intérêt de ce livre de soulever des interrogations, d’introduire des réflexions sur des sujets majeurs, même s'il n'apporte pas de réponses (car en fait il n'y en a pas)
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyJeu 5 Juil 2012 - 15:59

Ce livre doit impérativement sortir de ma pile
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyJeu 5 Juil 2012 - 16:32

mimi54 a écrit:
Ce livre doit impérativement sortir de ma pile

Sortir pour être lu, ou pour être mis au pilon?
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyJeu 5 Juil 2012 - 16:53

topocl a écrit:
mimi54 a écrit:
Ce livre doit impérativement sortir de ma pile

Sortir pour être lu, ou pour être mis au pilon?

pour être lu !!! Depuis le temps qu'il me fait envie,...... Pour le pilon, j'attendrai d'avoir lu quelques pages laugh
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MessageSujet: Re: Mikal Gilmore   Mikal Gilmore EmptyMar 10 Juil 2012 - 14:35

topocl a écrit:

Outre l'aspect émotionnel qui m' a beaucoup troublée et auquel tu n'as pas été sensible, mais çà, çà ne se discute pas, c’est bien l'intérêt de ce livre de soulever des interrogations, d’introduire des réflexions sur des sujets majeurs, même s'il n'apporte pas de réponses (car en fait il n'y en a pas)

merci d'avoir pris le temps de reprendre mon commentaire avec autant d'attention topocl. Je trouve que De sang-froid de Capote et Un long silence, sont au fond presque à l'opposé l'un de l'autre (pour le style, pour la force, pour l'émotion) ; le premier étant très bien écrit, avec une très impressionnante construction et une émotion refoulée puisque Capote ne prend jamais parti, ne condamne pas, ne juge pas ; à l'inverse Gilmore ne peut pas échapper à son histoire, il la raconte avec ses tripes, ses traumatismes, son amour immense et deséspéré pour sa famille, il ne peut échapper aux questionnements envers la société, la justice, la famille, mais l'un comme l'autre sont des oeuvres importantes et qui s'éclairent l'une l'autre. Après quelques jours de 'digestion', je garde en moi beaucoup de questions soulevées par Gilmore (aussi bien sur la construction d'une famille, que sur le poids du religieux aux Etats-Unis, ou sur la culpabilité de chacun, comme sur la manière de gérer la délinquance...). C'est un témoignage important, d'une grande valeur humaine, bien plus important que les difficultés éprouvées par une lecture laborieuse.
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