| Parfum de livres… parfum d’ailleurs Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts… |
| | Tanikawa Shuntaro | |
| | Auteur | Message |
---|
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Tanikawa Shuntaro Dim 2 Déc 2012 - 21:08 | |
| TANIKAWA Shuntarô(Tokyo, 15/12/1931 -) Ecrivain, poète, traducteur, scénariste, parolier, auteur de pièces de théâtre... Tanikawa Shuntarô est très connu et très populaire au Japon. Fils d'un philosophe (traducteur de Georg Simmel et Kant), il publie ses premiers poèmes en 1950, et sort son premier livre deux ans plus tard, Vingt milliard d'années de solitude. Il est l'auteur de plus de 60 recueils ; il a écrit pour les enfants (plusieurs livres sont traduits en français), ainsi que des paroles de chansons (pour Le Château dans le ciel, de Miyazaki, ainsi que pour le dessin animé Astro Boy, notamment). Il a co-scénarisé Tokyo Olympiad de Kon Ichikawa (1965), pour qui il a également adapté Osamu Tezuka ( Hi no Tori, 1978). Il a reçu de très nombreux prix au Japon, et à l'étranger (American Book Award pour Floating the River in Melancholy). - Citation :
- "Pendant une carrière de poète de plus de cinquante ans, j’ai écrit, d’après mon ami éditeur, deux mille et quelques centaines de poèmes : je ne sais pas si c’est peu, ou trop. Comme il m’est bien sûr impossible de gagner ma vie grâce à la poésie seulement, j’écris des scénarios, des pièces de théâtre, des paroles pour des chansons, le texte de livres illustrés. Je traduis également des textes divers comme ceux des livres illustrés et des bandes dessinées. Il m’est très rarement pénible d’écrire, mais je n’oublie jamais que l’écriture me sert à la fois de soutien et de pierre d’achoppement."
(autoportrait, Po&sie n°100, Belin, 2002, cité sur http://www.abedit.com/fr/ANGES/Tanikawa-Klee-presse.pdf , document comportant de nombreux renseignements ainsi que plusieurs poèmes) Il a également écrit de nombreux livres pour la jeunesse, et les hymnes d'une centaine d'écoles. Avec tout cela, sans compter les poèmes sur des t-shirts, il semble qu'il gagne très bien sa vie, avec plusieurs centaines de milliers de dollars de royalties par an (source China Daily). Incroyable pour un poète, non ? " Mais j'ai mis plus de 60 ans pour en arriver là", dit Tanikawa. S'il faut en croire son traducteur chinois (toujours d'après l'article du China Daily), Oé Kenzaburô aurait dit que son rêve de devenir poète avait cédé la place à celui de devenir romancier une fois qu'il avait lu les oeuvres de Tanikawa.
Dernière édition par eXPie le Mar 4 Déc 2012 - 8:00, édité 2 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Tanikawa Shuntaro Dim 2 Déc 2012 - 21:09 | |
| Le livre comporte une couverture française (avec l'Ange au Grelot de Paul Klee) si on le lit dans le sens occidental, et une couverture japonaise (qui reproduit l'Ange de l'Ancien Testament) si l'on part de la fin. Les Anges de Klee ( Chocho no tensoku, 1987). Bilingue. Traduit du japonais par Dominique Palmé. 92 pages. Abstème & Bobance. - Citation :
- "Les Anges de Klee est le premier livre traduit en français de Tanikawa Shuntarô. Ce recueil comporte 18 poèmes inspirés d’une série d’anges dessinés par Paul Klee à la fin de sa vie, entre 1939 et 1940. Tantôt rieurs, tantôt graves, ces anges apparaissent comme le miroir d’une humanité fragile dont le chant accueille constats et questions." ( http://www.abedit.com/fr/LIVRES/tanikawa_klee.html )
Paul Klee a dessiné les anges reproduits dans le recueil pendant les deux dernières années de sa vie. Il était en Suisse depuis quelques années ; il savait qu'il ne vivrait plus très longtemps. Les poèmes sont répartis sur 47 pages avec les reproductions ; après quoi on trouve les références des oeuvres, puis les textes en japonais. Les textes sont inspirés d'oeuvres des dernières années de la vie de Paul Klee (1879-1940) représentant des Anges, oeuvres propriétés de la Fondation Paul Klee au Musée des Beaux Arts de Berne. Voici deux poèmes : "ANGE OU PLUTÔT OISEAU
Est-ce une grande personne qui sait tout sur tout ? Est-ce un enfant au coeur innocent ?
Avec ses ailes crottées de boue
hier dans le recoin d'une sonate de Mozart il se tenait blotti Aujourd'hui sur les nuages embrasés du couchant le voilà perché bien sage
Odeur qui n'est ni d'homme ni de femme
Se faufilant entre les cernes d'un arbre tout vieux tapi dans la prunelle d'un chiot
Il aime bien jouer à cache-cache cet ange-là" (page 8 ) | Plus oiseau ( mehr Vogel, 1939). |
"ANGE AU GRELOT
Les choses que j'aurais tant voulu écrire sont celles que je n'ai jamais su mettre en mots
Chatouillé par le grelot de l'ange un bébé rit Câlinées par le souffle du vent une fleur fait « oui » de la tête
Jusqu'où aurait-il donc fallu poursuivre la route ? Les jours d'après la mort à ceux d'avant la vie en un cercle bien rond s'enchaînent
A présent j'ai droit au silence Malgré la foule des paroles Malgré les milliers de chansons la tristesse ne s'est jamais dissipée et pourtant
La joie non plus ne s'est jamais envolée" (page 24) | Ange au grelot ( Schellen-Engel, 1939) | À titre de comparaison, voici la traduction d'Agnès Disson et Teramoto Naruhiko
L'ANGE AU GRELOT
Ce qu'on a voulu vraiment dessiner C'était quelque chose hors du langage
Chatouillé par l'ange au grelot Un bébé rit Caressés par le souffle du vent Son nez bouge sa tête branle
Jusqu'où fallait-il marcher ? L'après-mort est liée à l'avant-naissance Comme une boucle qui se boucle
Maintenant on peut se taire On avait beau parler On avait beau chanter La tristesse ne s'est jamais dissipée Et la joie non plus" (PO&SIE n°100, page 73) |
Les poèmes de Tanikawa Shuntarô, qui comportent de la gravité, du symbolisme, un peu de sentimentalité, d'humour tendre et de naïveté, vont bien avec les dessins de Paul Klee, dont les anges ne sont pas "abstraits" mais existent bien dans notre quotidien et ont des petits défauts terrestres (on trouve même un "ange laid" : " Un ange laid / tout empêtré dans ses grandes ailes / tanguait et virait entre les buildings", page 19). Ce sont donc de très jolis petits poèmes, avec de jolies reproductions, bref un bien joli petit livre.
Dernière édition par eXPie le Mar 4 Déc 2012 - 8:02, édité 2 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Tanikawa Shuntaro Dim 2 Déc 2012 - 21:10 | |
| Petit intermède "Anges de Paul Klee". - Citation :
- "Les anges, d'autre part, ne portent pas, comme dans la peinture traditionnelle, des ailes de cygnes, et ils ne sont pas non plus, entourant le trône de Dieu, des séraphins à six ailes, « deux pour se couvrir la face », « deux pour se couvrir les pieds » - euphémisme désignant le sexe - et « deux pour voler ». En revanche, ils ont le charme des créatures timides, incertaines. Klee pensait-il, comme Rilke, que l'ange symbolise « la créature dans laquelle apparaît la transformation du visible en invisible » ? Ce n'est pas impossible. Toutefois, plus en accord avec le côté malicieux de sa pensée me paraissent les croyances médiévales selon lesquelles les anges sont les animateurs des astres, chaque ange s'occupant de son astre et l'immense coupole du firmament tournant sous leur action. Que les hommes aient pu imaginer l'existence d'une machinerie cosmique mue par des êtres mi-divins mi-humains devait l'amuser grandement. Mais, en même temps, à l'inverse de ceux qui figurent dans la peinture médiévale, les siens sont oublieux, inachevés, accomplissent mal leur travail dès lors qu'ils laissent l'entropie gagner l'univers. Les anges de Klee vivent dans la vaste unité qui englobe la vie et la mort, ils voient dans l'invisible un signe supérieur de réalité. Mais aussi l'ange qui clôt la série est « sceptique », et ce scepticisme pourrait bien traduire le dernier mot de la pensée de l'artiste." (Jean-Louis Ferrier, Paul Klee, éditions Terrail, 1998 ; pages 179-181)
Ange qui doute (Zweifelnder Engel). 1940. On peut voir actuellement une exposition au Zentrum Paul Klee, à Berne, du 27/10/2012 au 28/01/2013 : - Citation :
- "Les anges de Paul Klee font aujourd’hui partie de ses œuvres les plus appréciées. Ils fascinent non seulement les amateurs d’art, mais ont aussi beaucoup gagné en popularité pour leur rôle d’aides poétiques dans notre quotidien. En tant qu’hybride ailé, mi-homme mi-messager du ciel, les anges représentent une forme transitoire entre existence terrestre et existence surnaturelle de l’au-delà qui convient aussi bien au scepticisme moderne qu’à notre besoin de spiritualité. Loin d’être simplement des créatures célestes parfaites, les anges ont leurs petits défauts, ils sont oublieux ou laids, inquiets ou enjoués." ( http://www.zpk.org/fr/expositions/actuelle/les-anges-de-klee-329.html )
...ou encore l'exposition à venir "Die Engel von Paul Klee", qui se tiendra du 02/02/2013 au 14/04/2013, au Museum Folkwang à Essen ( http://www.museum-folkwang.de/en/exhibitions/future-exhibitions/engel-klee.html ) Voici quelques anges de la série : Ange à la maternelle ( Engel im Kingergarten, c.1939) Ange Oublieux ( Vergesslicher Engel, 1939) "[...] Ange oublieux mon bel ami tu trahis toujours avec le sourire [...]" (page 32) Ange plein d'espoir ( Engel voller Hoffnung, 1939) Il pleure ( es weint, 1939) "[...] Comme je n'ai pas su répondre aux petites questions les grandes aussi sont restées sans réponse [...] " (page 28) Angelus Militans, 1939.
Dernière édition par eXPie le Mar 4 Déc 2012 - 8:03, édité 2 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Tanikawa Shuntaro Dim 2 Déc 2012 - 21:10 | |
| Sur un tableau de 1939, retrouvé non signé dans l'atelier de Klee après sa mort en 1940, figure un Ange, encore laid, dont on a également le dessin, daté quant à lui de 1940. A gauche : Sans titre, ou Dernière Nature morte (Ohne Titel, 1939-1940) ; à droite, l'atelier de Paul Klee, Kistlerweg 6, à Berne, photographié après sa mort, le 29 juin 1940. "... et à gauche sur une grande feuille blanche, figure un ange que deux mains semblent tenir. La lutte de Jacob avec l'ange." (Jean-Louis Ferrier, Paul Klee, Editions Terrail, page 192) Ange, encore laid ( Engel, noch hässlich, 1940). " Cette peinture a littéralement « deux sens » : les deux fleurs rouges dans des sortes de vases, dans l'angle supérieur gauche de la toile, étaient à l'origine deux petits personnages sur leur monocycle. En retournant l'image de 180 degrés, on peut les voir traverser une sorte de forêt de contes de fées où pousse un grand champignon rouge." (Michael Baumgartner, Zentrum Paul Klee, Berne - Musées suisses, 2006) Pour finir sur Klee et ses Anges, je reprends la référence à Walter Benjamin (1892-1940) que l'on trouve sur le site de l'Editeur, Abstème et Bobance, même si son texte parle d'un ange de 1920. Angel Novus (aquarelle de 1920) Le philosophe et critique d'art allemand Walter Benjamin posséda cette peinture et contribua grandement à sa notoriété (Wikipedia) - Citation :
- "Il existe un tableau de Klee qui s'intitule « Angelus Novus ». Il représente un ange qui semble sur le point de s'éloigner de quelque chose qu'il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C'est à cela que doit ressembler l"Ange de l'histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines, et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès." Walter Benjamin, Sur le concept d'histoire (1940), oeuvres III, folio essais, page 434.
Dernière édition par eXPie le Dim 2 Déc 2012 - 21:46, édité 2 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Tanikawa Shuntaro Dim 2 Déc 2012 - 21:14 | |
| Voici trois poèmes extraits du recueil " A une femme" (Onna ni, 1991), traduction de Véronique Brindeau, Revue Meet n° 11 "Tokyo/Luanda". La tonalité générale est similaire à celle du recueil "Les Anges de Klee". - Citation :
- "Avant naissance
tu n'étais pas encore de ce monde et je n'étais pas encore de ce monde pourtant nous respirions tous deux l'odeur de l'éclair déchirant les nuages et nous savions qu'un jour viendrait au coin d'une rue quelconque notre soudaine rencontre dans ce monde
Nuit
ta main dans celle du grand frère tu t'endormais ma main dans mon autre main seul je m'endormais sous la couverture de la nuit toi et moi nous dessinions sur nos draps des continents de rêve dont le matin venu nous séchions au soleil les routes invisibles
Voyage
à l'ombre d'un olivier devant le monastère tu es là à lire un livre aussi tranquillement que si tu étais chez toi ta quiétude se fond dans le plein midi d'où se lève comme une ombre une parole... ton visage qui vers moi se tourne"
Dernière édition par eXPie le Dim 2 Déc 2012 - 21:47, édité 1 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Tanikawa Shuntaro Dim 2 Déc 2012 - 21:16 | |
| Maintenant, quelques poèmes parus dans la revue PO&SIE, dont le numéro 100 a été consacré à la poésie japonaise (Editions Belin, 2002) - Citation :
- "UNE SOLITUDE DE DEUX MILLIARDS D'ANNEES-LUMIERE
les humains sur une petite boule dorment se réveillent et travaillent et parfois ils voudraient bien des copains sur Mars
les Martiens sur une petite boule ce qu'ils font je ne sais pas (font-ils dordor révévé trarava ?) mais parfois ils voudraient bien des copains sur Terre c'est tout à fait certain
la gravitation universelle c'est la force d'attraction des solitudes
l'espace cosmique est déformé c'est pourquoi tout un chacun cherche quelqu'un d'autre
l'espace cosmique gonfle de plus en plus c'est pourquoi tout un chacun est inquiet.
une solitude de deux milliards d'années-lumière ça me fait éternuer malgré moi" (La solitude de deux milliards d'année lumière, Tokyo-Sôgen-sha, 1952 ; traduction Teramoto Naruhiko, Ono Masatsugu, Claude Mouchard) - Citation :
- "EXPLICATION ELEMENTAIRE DE LA POESIE IDEALE
bien que l'on m'appelle poète je suis d'ordinaire loin de la poésie prenant mes repas, lisant les journaux ou bavardant et tout cela quand bien même je pense à la poésie
vouée au langage la poésie n'est pas le langage même je trouve parfois mesquin de la transposer en langage alors en silence je laisse passer la poésie après quoi j'ai l'impression d'avoir perdu quelque chose
la poésie est, disons, un éclair nocturne grâce à elle, je peux un instant la voir, écouter et sentir un univers qui s'étend par-delà une brèche de la conscience c'est un paysage qui brille autrement que l'inconscient et à la différence du rêve n'est donc voué à aucune interprétation dans l'univers qu'illumine l'éclair de la poésie, tout est à sa juste place je m'y sens donc à mon aise (pour un millième de seconde, peut-être) comme si, privé de la parole, j'étais fleur des champs
à peine ai-je écrit ces mots que me voici loin de la poésie même si l'on m'appelle poète." (L'homme sans expérience du monde, Shichô-sha, 1993 ; traduction Teramoto Naruhiko, Ono Masatsugu, Claude Mouchard) Dans un genre assez différent : - Citation :
- "CREPUSCULE
Un soir en rentrant chez moi j'ai trouvé papa mort sur le seuil Comme c'est curieux ai-je pensé en enjambant le cadavre En entrant dans la maison j'ai trouvé maman morte dans la cuisine Après avoir éteint le feu du réchaud à gaz j'ai dégusté le ragoût en préparation À cette allure-là mon frère lui aussi avait dû crever Comme je m'y attendais il était mort dans la salle de bain Dans la maison d'à côté un gosse faisait semblant de pleurer tandis qu'on entendait un livreur de soba* freiner sur son cyclomoteur C'était un crépuscule ordinaire comme si le lendemain ne devait servir à rien." (Chansons puériles, 1991 ; traduction Agnès Disson, Teramoto Naruhiko) [* soba : nouilles de sarasin] | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Tanikawa Shuntaro | |
| |
| | | | Tanikawa Shuntaro | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|