Im Sang-soo

The Housemaid de Im Sang-soo

Citation :

Euny est engagée comme aide-gouvernante dans une riche maison bourgeoise. Le mari, Hoon, la prend pour maîtresse. La vie de toute la maison va alors basculer.

Il est parfaitement légitime de trouver The Housemaid grotesque et caricatural dans son évocation de la lutte des classes coréenne. C'est une vision des choses, une autre est de considérer le film d'Im Sang-soo comme un opéra baroque, un exercice en huis-clos volontairement outrancier pour mieux décrire une ambiance sulfureuse où luxe, calme et volupté se dissolvent dans une perversité et un sadisme éclatants.

A quoi bon chercher la nuance dans ce féroce règlement de compte à l'encontre de la haute bourgeoisie, si supérieure au commun des mortels ? L'expression "Pourriture noble", en toute ironie, conviendrait parfaitement.

Il n'y a pas davantage de place pour l'émotion, alors même que la lumière du film est délibérément froide et les rapports de force crus et cruels. Im Sang-soo, dans un décor flamboyant (quelle maison !), d'une beauté lugubre, met en scène avec une virtuosité ahurissante ce thriller mélodramatique.

Il est rare dans le cinéma d'aujourd'hui de pouvoir s'extasier devant une telle maîtrise, en particulier dans cette profondeur de champ qui donne au film une ampleur inouïe. Et qui renforce cette sensation d'étouffement jusqu'à un final emphatique, au risque du ridicule.

Là haut, sur leur petit nuage, Luis Bunuel et Claude Chabrol ont dû apprécier le spectacle.

PS : Il s'agit d'un remake d'un film de Kim Ki-young (1960). Im Sang-soo a repris la trame initiale, mais a complètement perverti les thèmes originaux. Et c'est tant mieux (voir par ailleurs).

traversay a écrit:

The Housemaid de Im Sang-soo

Il est parfaitement légitime de trouver The Housemaid grotesque et caricatural dans son évocation de la lutte des classes coréenne. C'est une vision des choses, une autre est de considérer le film d'Im Sang-soo comme un opéra baroque, un exercice en huis-clos volontairement outrancier pour mieux décrire une ambiance sulfureuse où luxe, calme et volupté se dissolvent dans une perversité et un sadisme éclatants.
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Il est rare dans le cinéma d'aujourd'hui de pouvoir s'extasier devant une telle maîtrise, en particulier dans cette profondeur de champ qui donne au film une ampleur inouïe. Et qui renforce cette sensation d'étouffement jusqu'à un final emphatique, au risque du ridicule.

Là haut, sur leur petit nuage, Luis Bunuel et Claude Chabrol ont dû apprécier le spectacle.

Je suis entièrement d'accord avec toi et j'ai adoré ce film pour son climat de cruauté glacée et magnifiquement chorégraphiée comme dans un thriller horrifique. La psychologie peut paraître sommaire en surface mais ce huis clos, qui rappelle un peu les affrontements entre femmes dans "Epouses et Concubines" de Zang Yimou, vaut pour ses formidables acteurs et son implacable construction où chaque plan est un régal de découpage et de qualité photographique. Il y a une vraie jouissance à voir cette montée d'érotisme et de perversité. Certains plans sur les regards de ces femmes font froid dans le dos.



Et puis il y a surtout une vieille servante aux motivations ambiguës et une petite fille géniale qui est à la fois une copie conforme effrayante du modèle parental avant qu'elle ne laisse l'intelligence de son regard apporter une tonalité très émouvante. Cette même petite fille qui dit au départ qu'elle est polie et respectueuse parce que son père lui a enseigné que c'était la marque des puissants. La jeune servante de son côté a ce masque de naïveté et de bonté qui tend un miroir terrible à cette famille monstrueuse. Un film que je reverrai régulièrement j'en suis sûr.



P.S.: La fin? A la limite du too much mais je la trouve parfaitement dans le ton du film. Et le dernier plan sur la petite fille est plein d'incertitude pour l'avenir.

L'ivresse de l'argent d'Im Sang-soo

Citation :

Youngjak est le secrétaire de Madame Baek, dirigeante d’un puissant empire industriel coréen. Il est chargé de s’occuper des affaires privées de cette famille à la morale douteuse. Pris dans une spirale de domination et de secrets, perdu entre ses principes et la possibilité de gravir rapidement les échelons vers une vie plus confortable, Youngjak devra choisir son camp, afin de survivre dans cet univers où argent, sexe et pouvoir sont rois…

Soumission, humiliation, fascination. Bienvenue dans le monde des très riches coréens, un royaume où s'exhalent des parfums douteux, où le fric est roi, où la prévarication prévaut, où les scandales s'étouffent, où le sexe se consomme comme une drogue. L'ivresse de l'argent est dans la lignée de The Housemaid, le dernier opus d'Im Sang-soo. En plus glacé encore, avec un humour sous-jacent pour évoquer ce monde des nantis sans scrupules. Intelligemment, le réalisateur suit les pas d'un sous-fifre, homme à tout faire, dont l'impassibilité et la stature marmoréenne résisteront difficilement à cet univers du lucre et du stupre. Le procédé est simple et permet au spectateur de s'identifier à ce factotum témoin. Sur le plan esthétique et de la mise en scène, le film est une splendeur digne d'un Wong Kar-wai. Mais dans des tons métalliques et froids car pour la chaleur, il faudra repasser. C'est la limite de L'ivresse de l'argent, un raffinement et une image ultra léchée qui ne sont pas loin de prendre le pas sur une intrigue qui manque d'originalité. Cela reste un bel objet, cependant, avec un discours percutant sur les différences sociales en Corée et l'arrogance sans bornes des privilégiés. A cet égard, le portrait de la vieille dame, chef d'un empire industriel, libidineuse et cynique, est effrayant à souhait.

J'avais vraiment beaucoup aimé The Housemaid, et dans L'ivresse du pouvoir on retrouve beaucoup de cet univers : la famille surfriquée, corrompue, machiavélique, manipulatrice, perverse, et qui se ronge de l'intérieur.
Dans une maison de folie, vraiment magnifique et extrême avec son design ultra moderne.
Un ton froid, rigide, et majestueux.

Le lien entre les deux films est d'ailleurs souligné par le réalisateur : la jeune femme raconte avoir assisté à l’immolation de sa nourrice. Fait qui est arrivé dans le film The Housemaid.

Avec L'ivresse du pouvoir, c'est donc comme si le réalisateur allait plus loin dans la description de cet univers familial se construisant sur des montagnes d'argent.

Seulement... c'est moins bien réussi.
Le film est trop froid, et Im Sang-soo semble hésiter entre faire de ses personnages une caricature violente et acerbe ou des êtres humains monstrueux qui pourraient être sauvés. Leur dessin psychologique oscille. Et finalement reste en surface pendant tout le long du film.

Le rythme est aussi légèrement trop lent. Et ce n'est pas les quelques miettes d'humour glissé qui arrive à sortir le spectateur de sa torpeur. (Pourtant l'humour corrosif est vraiment bien amené !)
Des "trous" dans le scénario, des non-dits, perdent légèrement le propos.

Par contre, les acteurs sont fabuleux, Yun Yeo-Jung qui joue la mère dirigiste et sèche est ahurissante. Ils sont beaux, intenses, charismatiques, au jeu parfois fin parfois outrancier.

Un film au final assez bancal, mais si on le visionne un jour où l'on est très en forme, et qu'on a le temps et l'envie de se laisser aller à entrer dans un film, ça fonctionnera.
(La fin est peut-être trop "tout miel et dramatique").

Traversay et Queenie ont vraiment bien résumé le film et les réactions qu'il suscite. Formellement impeccable, acteurs excellents, mise en scène brillante. Au bout du compte cela tourne un peu à vide, le récit n'est pas assez consistant pour presque 2 heures de film, et un peu trop de bons sentiments à la fin, alors qu'étant donné le sujet on aurait justement pu s'attendre à l'inverse.

Au final ce n 'est pas une mauvaise expérience, c'est même un film très honorable, mais on a la sensation que Im Sang-soo a le potentiel de faire quelque chose d'autrement fort et dérangeant, que ce film au final un peu convenu et à l'intrigue un peu paresseuse. Dommage, mais je vais continuer à le suivre.