Parfum de livres… parfum d’ailleurs
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 Stéphane Audeguy

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MessageSujet: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyLun 2 Avr 2007 - 13:48

Stéphane Audeguy Stepha10

Citation :
Né à Tours en 1964, agrégé de Lettres Modernes

Enseignant l'histoire du cinéma et des des arts, c'est en 2005 que Stéphane Audeguy se lance dans l'écriture avec un premier ouvrage, 'La Théorie des nuages', histoire poétique d'un passionné de cumulonimbus et autres flocons blanc qui parsèment le ciel. Le succès est au rendez-vous en librairie,
assez pour encourager ce nouvel auteur à publier l'année suivante un deuxième roman, 'Fils unique', consacré à Jean-Jacques Rousseau, pour lequel il remporte le prix des Deux Magots en 2007.
source: evene

Bibliographie

Romans
2005 La Théorie des nuages,
2006 Fils unique,
2009 Nous autres,
2011 Rom@,

Essais et autres publications
2007 Les Monstres : si loin si proches,
2007 Éloge de la douceur,
2007 Les Deux Pigeons, nouvelle in Des nouvelles de La Fontaine,
2009 In Memoriam,
2009 Memorabilia : Ground Zero in La Nouvelle Revue française,
2009 L'Enfant du Carnaval,



Fils unique de Stéphane Audeguy     Broché: 263 pages  Editions Gallimard (21 août 2006)  
ISBN-10: 2070777243  
 
Présentation de l'éditeur
" On n'a plus eu de ses nouvelles depuis ce temps-là, et voilà comment je suis demeuré fils unique", écrit dans ses Confessions Jean-Jacques Rousseau en évoquant son frère aîné, ce François Rousseau contraint de quitter Genève où les choses pour lui avaient mal tourné. Jean-Jacques tenait François pour un polisson et un libertin. Ce dernier apparemment ne l'a jamais démenti, qui n'a pas jugé nécessaire de nous laisser récit de sa vie. Il m'a semblé intéressant de remédier à cette négligence. S. A.

Biographie de l'auteur
Stéphane Audeguy vit à Paris. Il enseigne l'histoire du cinéma et des arts dans un établissement public des Hauts-de-Seine. Il a publié en 2005 son premier roman, La théorie des nuages, chez le même éditeur.

Mon commentaire :

Ah ! Enfin une écriture plaisante à l’oreille, sirotant quelques savoureux délices de la langue française. Une mauvaise tournure dès la première page (la république sait reconnaître ses penseurs, mais c’est quand ils sont morts) confirmée par le groupe de LU, m’indispose quelque peu un instant seulement car vite oublié par l’avalanche d’agréables « joliesses » grammaticales.
Cette anicroche prédisposait le thème à une sévère critique du beau parti Rousseau ennoblit par nos pairs, déifié par les inconditionnels chercheur de vérité, obnubilés par la compréhension de la nature humaine. Car Rousseau est un gros morceau. Rousseau pacifie les esprits autant qu’il les dérange dès lors qu’il sollicite plus d’humanité dans les rapports sociaux, de justice, de simplicité.
Son frère François, vit dans l’ombre tel le contraire à ses principes d’authenticité, usant du mensonge et de la violence pour connaître luxe et artificialité des rapports superficiels. Ainsi dépeints, les personnages de cette famille Rousseau nous entraînent dès la prime enfance genevoise, dans une ambiance dix huitième siècle fort bien décrite, abondamment illustrée d’anecdotes aussi « pompeuses » (p.29) qu’intimistes (le dépucelage du héros avec la bergère Denise).  Que dirait-on à notre époque, de ces femmes couveuses de marmots, épancher sans ciller, la ferveur précoce  d’un garçon de six ans ? (j’émets là tout de même, un soupçon sur la cohérence des propos).

Les recherches fouillées sur le quotidien d’une époque si lointaine (mais très documentée), donne à l’ouvrage le ton de la véracité des images induites. Le scandale dénoncé par l’association de « l’enfant bleu », et ici relatée par Stéphane Audeguy, n’est pas une honte contemporaine, mais bien une réalité ancrée dans les mœurs depuis que l’homme vit en société ; déviance ancestrale liée aux perversions sexuelles de notables fortunés, d’aristocrates agissant dans l’ombre sordide des faussetés maladives dues à leur rang.
Au fur et à mesure que s’éloignait la présence de Jean-jaques , s’érigeait peu à peu le priape magistral dans la vie mouvementé de François : je perdis quelques instant le goût de la lecture. Cette débauche d’ambiance orgiaque, loin d’être scabreuse atténua le propos rondement élaboré, musela la joie première ressentit lors de la partie « enfance » de l’ouvrage.
Je dois reconnaître que l’auteur est une vraie plume littéraire. Vieux jeu pour certain, nécessaire pour moi dans l’espace culturel livresque (pauvre  à mon goût), permettant de dévoiler toutes les richesses de la langue française. Comme du Boucheron m’enthousiasma avec l’utilisation d’un vocabulaire précis, riche, Audeguy agrémente ses lignes de propos élaborés, façonne ses phrases à la manière d’un artisan modeleur, raffine son œuvre par de délicates pointes d’extase « à la française ».
Le rebondissement arrive alors lorsque l’Adam cloacal et l’Hercule libertin devinrent les objectifs prioritaires de la vie de notre horloger voyageur, obstiné par cette lubie du mouvement perpétuel, recherche destinée malheureusement ici, à la luxure.
La révolution française initiée par le peuple passe aussi par le mouvement de libération de la femme. François trouve après Paris (tenancière d’une maison de con-plaisance), une nouvelle compagne la fameuse Sophie. Sophie active la révolte des femmes, d’une main de fer, prenant à parti (j’ai bien dit « à ») les hommes encore très arriérés dans leur idées égalitaristes. A ce stade du récit, il est impressionnant de constater que du dix huitième siècle à nos jours le statut de la femme a certes trouvé quelques améliorations mais, restent d’actualité, certaines injustices nuisibles au bon fonctionnement de notre société « moderne ». Sophie, drapeau tricolore porté haut, ressemble à cette Marie-Anne républicaine haranguant le peuple au dessus des barricades révolutionnaires en chemin vers la liberté.

François Rousseau vécu sans laisser de trace. Jean-Jacques vit encore dans la mémoire collective.
François invente un système genre mécanique perfectionnée (mue pour procurer du plaisir) dont les ressorts en mouvement ne peuvent rien d'autre, sinon donner du bestial plaisir, sans jamais y affecter de sentiments quelconques.
Jean-Jacques adopte un système tel une anthropologie qui met en place les ressorts de l’action humaine, ses principes. Ainsi il se rapproche de la vérité quand il écrit dans le deuxième dialogue « la sensibilité est le principe de toute action. Un être quoique animé, qui ne sentirait rien n’agirait point car où serait pour lui le motif d’agir ? »

Lisez le pour connaître un beau moment littéraire. Si l’ennui vous gagne, persistez et surtout n’abandonnez pas, vous risqueriez de passer à côté d’une belle prose.(bertrand-mogendre)
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyLun 2 Avr 2007 - 14:25

bertrand-môgendre a écrit:

Lisez le pour connaître un beau moment littéraire. Si l’ennui vous gagne, persistez et surtout n’abandonnez pas, vous risqueriez de passer à côté d’une belle prose.(bertrand-mogendre)

C'est exactement le sentiment que j'avais eu à la lecture du premier roman de Stéphane Audeguy....Un peu d'ennui et beaucoup de plaisir littéraire...

Ce premier roman s’intitulait « la Théorie des nuages » et saisissait par son érudition et ses qualités d’écriture. On y remarquait aussi les réels talents de conteur de Stéphane Audeguy puisque La théorie des nuages contient en fait plusieurs histoires.

Plusieurs histoires dont la première réunit, au cours de l’année 2005, un styliste japonais de près de 70 ans, Akira Kumo, et une jeune bibliothécaire, Virginie Latour. Il l’a embauchée pour classer son immense collection de livres sur la dernière passion de sa vie : les nuages.

Une relation d’amitié amoureuse s’installe entre l’homme traumatisé par le drame d’ Hiroshima survenu lorsqu’il n’avait que 8 ans.

Pourquoi s'est-il pris de passion pour les nuages ?

«La réponse à cette question l'attend, tapie comme une bête inconnue dans la jungle opaque de sa mémoire ; il tremble qu'elle ne bondisse et ne vienne l'anéantir.»...



Akira Kumo raconte à Virginie Latour des histoires de chasseurs de nuages. Celle de Luke Howard qui leur donne leurs noms… celle du météorologue britannique Richard Abercrombie qui fit le tour du monde pour vérifier s'ils étaient partout identiques… celle du peintre Carmichaël et bien d'autres encore, souvent surprenantes, où les héros parcourent le monde, photographient et recherchent tout ce qui peut concerner les nuages...



" Il est question de nuages et Virginie Latour commence à comprendre. Elle comprend qu'au début du dix-neuvième siècle quelques hommes anonymes et muets, disséminés dans toute l'Europe, ont levé les yeux vers le ciel. Ils ont regardé les nuages avec attention, avec respect même ; et, avec une sorte de piété tranquille, ils les ont aimés. "


J’avais trouvé ce livre, hors de mes centres d’intérêt, passionnant…un peu trop scientifique pour moi par moment. Mais quand je l’ai refermé le livre, je me surprenais sans cesse les yeux rivés sur le ciel.

« Rien au monde de plus fascinant que les nuages, sinon l'océan ; mais là est le danger. Car rien aussi n'est plus vain, plus trompeur, plus stupéfiant que cette matière toujours changeante, toujours renouvelée et que l'on peut si aisément s'épuiser à vouloir décrire, comprendre, dominer.
(La théorie des nuages)




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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMar 3 Avr 2007 - 10:36

coline sur la même voie
Citation :
C'est exactement le sentiment que j'avais eu à la lecture du premier roman de Stéphane Audeguy....Un peu d'ennui et beaucoup de plaisir littéraire...
La littérature serait elle source d'ennui ? C'est l'impression que j'ai eu en survolant Proust.
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMar 3 Avr 2007 - 10:51

bertrand-môgendre a écrit:
coline sur la même voie
Citation :
C'est exactement le sentiment que j'avais eu à la lecture du premier roman de Stéphane Audeguy....Un peu d'ennui et beaucoup de plaisir littéraire...
La littérature serait elle source d'ennui ? C'est l'impression que j'ai eu en survolant Proust.

Parfois...mais l'ennui peut-être délicieux...parce qu'il étire le temps...et laisse s'inscrire durablement les mots, les images et les émotions... Wink
Je suisencore en accord avec toi pour Proust...
Et même sentiment pour moi face à des films lents mais profonds et esthétiques comme Les Climats de Nuri Bilge Ceylan, Tony Takitani (d'après une nouvelle de Murakami) ou "Printemps, été, automne, hiver, printemps" de Kim Ki Duk...(trois films sur lesquels j'ai apporté mon commentaire...élogieux!)...
(Je suis un peu du pays de la lenteur et de l'ennui...de la mélancolie aussi...:) )

Voici un peu de mes nuages...
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMer 9 Mai 2007 - 18:06

Fils unique-

bertrand-môgendre a écrit:

Lisez le pour connaître un beau moment littéraire. Si l’ennui vous gagne, persistez et surtout n’abandonnez pas, vous risqueriez de passer à côté d’une belle prose.(bertrand-mogendre)

Tout comme Betrand, j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir à lire ce roman sans même en connaître l'ennui (si ce n'est le passage un peu scabreux de l'initiation de François par son protecteur au début de l'ouvrage)
Si vous appréciez la belle prose, telle qu'on la pratiquait à cette époque, vous allez être comblés. Mais réactualisée sous la plume alerte et colorée de Stéphane Audeguy, elle prend des allures coquines tout à fait divertissantes et souvent jubilatoires!

L'idée de base aussi avait déjà de quoi séduire: Imaginer la vie réelle de ce fameux frère, mêler la fiction à la grande histoire ...
Un moyen de nous montrer l'envers du décor de ce siècle plus connu pour ses lumières que pour ses zones d'ombre et ses turpitudes ,de confronter les idées d'un JJR vertueux et parfois naïf, à leur application au travers de l'existence tumultueuse d'un frère libertin dépourvu de principes .
Les détails abondent, précis , intructifs (notamment sur la Bastille) et les personnages prennent forme. On suit François tout au long de son parcours souvent rocambolesque et l'on ressent presque le souffle de cet éveil libertaire !

Il en ressort un roman enjoué et tout en fantaisie, une façon très malicieuse de dénoncer les faces cachées de toute révolution où la soif de liberté est telle qu'elle l'emporte souvent sur les idéaux qui finissent par se pervertir d'eux-mêmes...
Alors je dirais: Un grand coup de chapeau au talentueux Audeguy !cheers
Je vais m'empresser de me procurer La théorie des nuages...Very Happy
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMer 9 Mai 2007 - 20:37

coline nous y invite aeriale, je vais acquérir également cet ouvrage.
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMar 3 Juil 2007 - 21:21

Voilà un roman qui a fait beaucoup couler d'encre sur les blogs! « La théorie des nuages » faisait partie de la sélection du Prix des Lecteurs du Télégramme 2006 et quand on connaît le bon goût littéraire du comité de lecture du prix, on se dit que l'on va passer un excellent moment de lecture....et on ne se trompe pas!!!
Virginie Latour, détachée de la bibliothèque où elle exerce, est amenée à travailler avec le célèbre couturier japonais Akira Kumo afin de référencer tous les ouvrages de sa bibliothèque. Akira Kumo est un collectionneur particulier: il glane tous les ouvrages possibles et imaginables consacrés aux nuages et à la météorologie.
A mesure que les jours passent, Virginie et Kumo s'apprivoisent, Virginie écoute Kumo lui raconter les nuages, leur histoire, les hommes de science comme les artistes qui les ont observés ou peints. Leurs conversations entraînent le lecteur au gré des nuées, au fil des tableaux de classification de Luke Howard, au coeur des peintures de Carmichael, au fil des écrits de Goethe et des « rapports du temps » élaborés par des anonymes. Une pièce maîtresse manque à la collection de Kumo: le protocole de Richard Abercrombie, ouvrage qui réservera bien des surprises.
Les nuages ne sont pas anodins et peuvent avoir une longue emprise sur les saisons partout dans le monde: l'explosion du Krakatoa en 1883 fera longtemps tournoyer dans l'atmosphère ses particules tout comme l'explosion sur Hiroshima lancera dans le ciel un nuage d'une mortifère beauté.

Stéphane Audeguy dans une écriture tantôt poétique, tantôt sensuelle, nous emmène dans le monde aérien des nuées, des nuages dans lesquels le rêveur, allongé dans l'herbe, aime trouver animaux, continents, visages ou allégories. Le lecteur lit avec ravissement ces noms presque communs aux accents de voyages interminables: cumulus, nimbus, stratus, cirrus et autres cumulo-cirro-stratus. Il suit avec délice les pérégrinations de ces hommes du dix-neuxième siècle aux regards tournés vers les cieux, la rencontre imaginée par Kumo entre Luke Howard et Goethe à Shaffhausen, en Suisse (près des chutes du Rhin), moment d'une nostalgie poétique digne d'un paysage romantique.
Ce roman, aux formes multiples, ose une rencontre d'une sensualité parfois dérangeante entre les nuages et les sexes féminins: aussi protéiformes les uns que les autres, aussi sensuels et aussi imprévisibles. Une nouvelle cartographie du Tendre mêlant le spirituel à l'émotionnel? Une belle histoire contée avec adresse et vivacité, tenant constamment en haleine le lecteur et réussissant avec brio à rendre digeste les descriptions scientifiques de la goutte d'eau de pluie ou de la constitution d'un nuage!

J'ai aimé ces passages:

« Car le soleil, lui, ignore la couleur en soi, la lumière qu'il émet n'en possède pas, ou les possède toutes. Le soleil se contente de bombarder l'atmosphère de la terre de toutes ses longueurs d'onde, de toutes ses forces de soleil, qui vont du pas tout à fait rouge à l'au-delà du violet. » (p 74)

« Rien au monde n'est plus fascinant que les nuages, sinon l'océan; mais là est le danger. Car rien n'est plus vain, plus trompeur, plus stupéfiant que cette matière toujours changeante, toujours renouvelée; et l'on eput si aisément s'épuiser à vouloir décrire, comprendre, dominer. » (p 280)

« Elle songe qu'une partie des cendres d'Akira Kumo va probablement rester là, à nourrir les arbre de la lande; tandis que l'autre partie, projetée si brusquement dans les plus hautes couches de l'atmosphère, ne va pas redescendre de sitôt. Virginie songe qu'avec un peu de chance ces cendres emprunteront l'un de ces courants de haute altitude qui nous survole sans cesse, à plus de quatre cents kilomètres à l'heure, et qui sont en fait les véritables artisans du temps qu'il fait, beaucoup plus bas, sur terre. Elle songe qu'une partie de ces poussières peut venir croiser, dans son périple autour du globe, les derniers grains de poussière du grand volcan Krakatoa; ou bien même les ultimes traces vitrifiées, affreusement radioactives, d'une petite fille vaporisée au bord de la rivière Ota, près de la ville d'Hiroshima. » (p 290)
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMar 3 Juil 2007 - 21:26

Je ne peux m'empêcher de vous offrir quelques reproductions de tableaux de Carmichael:
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMar 3 Juil 2007 - 21:40

J'étais partie àla recherche de John Wilson Carmichael!
Pour le livre, j'étais déjà convaincue , mais merci Chatperlipopette!
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMer 4 Juil 2007 - 8:40

sunny Merci mille et une fois Portouverte d'avoir rectifié mon erreur: j'étais persuadée qu'aucun fil (et je m'en étonnais d'ailleurs) n'avait été ouvert sur S.Audeguy. J'étais passée à côté du fil ouvert par Bertrand.
Heureussement que tu es là pour veiller au grain Wink
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMer 4 Juil 2007 - 8:43

Marie a écrit:
Citation :
J'étais partie àla recherche de John Wilson Carmichael!
Pour le livre, j'étais déjà convaincue , mais merci Chatperlipopette!

De rien Marie. Maintenant il ne te reste plus qu'à te plonger dans cette belle "Théorie des nuages"!.
Quant à moi, dès que je tombe sur "Un fils unique" à la bibli, je fonce dessus: le commentaire de Bertrand est somptueux!
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyMer 4 Juil 2007 - 21:32

"La théorie des nuages"

« Quand virginie Latour commence à travailler pour Akira Kumo, elle n'a bien évidemment, de toute sa vie, jamais pensé aux nuages. D'une façon plus générale, comme tout le monde, elle n'a presque jamais pensé ; ou alors juste un peu, en classe de terminale, le vendredi matin, dans le but exclusif de rédiger des dissertations de philosophie.Mais, contrairement à beaucoup de ses camarades, Virginie Latour a aimé penser, même au lycée ; elle a aimé cet exercice patient, laborieux, désertique et peuplé. Après les études tout s'est passé très vite, il y a eu les transports en commun, les courses et le ménage, le travail salarié. Ca a été fini parce que la pensée est un travail, parce qu'il faut des conditions spéciales pour penser : un peu de silence, un peu de temps, un peu de régularité, un peu de talent aussi. Il faut s'entraîner et certainement on pourrait, en théorie du moins, penser n'importe où, penser en faisant ses courses, par exemple, penser en poussant son chariot vers les caisses. Mais il y a la musique, mais il y a les lumières trop blanches, mais il y a les variations de température entre le secteur des vêtements et celui des armoires frigorifiques, qui donnent des maux de tête. Et pourtant Virginie s'était juré de faire attention : elle avait tellement craint, quand elle avait commencé à travailler pour de bon, de ne plus penser du tout, qu'elle avait décidé de réserver chaque semaine une demi-heure, assise dans une pièce bien chauffée, sur son canapé, rien qu'à penser. Et naturellement, chaque fois, il s'était passé ce qui devait se passer : elle s'était assoupie.S'agissant du travail, Virginie Latour fait partie de l'immense et infortunée majorité des personnes qu'aucune vocation n'a jamais visitée. La seule chose qui puisse se comparer chez elle à une passion est son goût pour la langue anglaise. Mais c'est tout. C'est par défaut qu'elle a échoué dans ce métier de bibliothécaire. »



Et c'est ainsi que Virginie Latour se retrouve détachée de son administration pour assister le couturier japonais Akira Kumo dans la tâche de classification de sa bibliothèque consacrée à l'étude des nuages. Au fil des jours, celui-ci va relater à la jeune femme l'étrange et fascinante histoire de l'étude des nuages ainsi que de tous ceux qui leur ont consacré leur vie, depuis la première classification de ces corps gazeux (Cirrus, Stratus, Cumulus) établie par l'anglais Howard au début du XIXè siècle jusqu'au surprenant voyage autour du monde de Richard Abercrombie, en passant par le destin du peintre Carmichael, qui effacera peu à peu de la partie inférieure de ses toiles tout élément naturel ou humain pour ne représenter en dernier lieu que la vaste étendue des cieux.

Le récit de ces « chasseurs de nuages » alterne avec la relation qui finit par s'établir entre Virginie Latour et Akira Kumo, une relation qui ira au delà de la mort et transformera à jamais l'existence terne et monotone de la jeune femme.

Au fil des chapitres, ces deux personnages vont se découvrir mutuellement et finir par livrer leurs secrets. On découvrira ainsi que le destin d'Akira Kumo fut à tout jamais bouleversé par un certain nuage qui s'étendit au dessus d'une ville japonaise un matin d'aout 1945.
Car les nuages que Stéphane Audeguy énumère au fil de son roman ne sont pas que ces poétiques et inoffensives masses de vapeur d'eau qui se déplacent sous un ciel d'azur, ce sont aussi des nuages mortels, nuages brûlants et mortels de cendres volcaniques, nuages atomiques, nuages de gaz ypérite ravageant les troupes engagées dans les combats de la première Guerre Mondiale...


Mais ce qui sous-tend avant tout ce roman, c'est le symbolisme de l'impermanence et de la fragilité des êtres, des sentiments et des choses, à l'instar de ces nuages qui traversent les cieux en modifiant leurs formes au gré des échanges air/eau.
C'est également une approche « holiste » du monde sensible symbolisée ici par le très convoité Protocole Abercrombie dont l'auteur, au cours de son périple halluciné autour du monde – dans l'intention de photographier et classifier les nuages sous toutes les latitudes – va déceler dans chaque forme, que ce soit celle d'un nuage, d'une oreille, d'un sexe féminin ou d'un coquillage, la même perfection esthétique ainsi que de troublantes analogies formelles combinées à une logique de singularité démontrant l'unicité formelle de chaque élément.

De la même manière ce roman se caractérise par son aspect protéiforme, par ses récits mis en Abyme, par ses fausses digressions et l'impression d'éparpillement qui en résulte. Tout cela est en fait habilement amené par Stéphane Audeguy qui donne à son récit l'aspect d'un nuage, d' une forme en perpétuelle métamorphose et dont les personnages aux sentiments et aux physiques ( volontairement ) estompés, donnent à l'ensemble un aspect fugace et vaporeux.


Poétique et instructif, troublant et sensuel, classique par certains aspects et résolument contemporain par d'autres, « La théorie des nuages » de Stéphane Audeguy est un roman d'une sobriété et d'une originalité remarquables de par sa construction, sa singularité narrative ainsi que par son argument principal. Une oeuvre fascinante.
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyVen 13 Juil 2007 - 14:40

J'ai littéralement dévoré ce bouquin...
J'ai vraiment été prise dan sl'histoire de François Rousseau, le style d'Audeguy est magnifique, on en viendrait presque à croire que l'auteur du livre est François lui-même, tellement c'est bien raconté.
D'ailleurs, j'aimerais bien savoir si tous les éléments évoqués par Audeguy (les bains chinois, la maison close de Camille, etc sont véridiques. Je suppose que oui, mais peut-être a t-il enjolivé certaines choses, ce qui serait normal,d'ailleurs...
J'ai été particulièrement intéressée par la rencontre entre Sade et François Rousseau.
La misogynie du XVIIIème est assez édifiante...j'ai eu des envies de meurtres à bien des moments sourire
J'ai vraiment trouvé très amusante la désacralisation du grand JJ Rousseau, dont François, à un moment, dit qu'il "pleura comme un veau".
Je me demande quel effet aurait fait ce livre sur l'écrivain...

J'essayerai de lire la théorie des nuages, comme ça je pourrais dire fièrement que j'ai lu tout Audeguy Very Happy
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyVen 13 Juil 2007 - 14:52

Stéphane Audéguy, encore une belle écriture d'aujourd'hui qui ne nous a pas échappée sur Parfum de Livres...Wink
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MessageSujet: Re: Stéphane Audeguy   Stéphane Audeguy EmptyDim 12 Aoû 2007 - 11:47

FILS UNIQUE

Ce serait exagéré si je disais que ce roman m’a plu…Je l’ai lu avec intérêt mais sans la soif d’y revenir à tout instant et d’en tourner les pages. Oui, je préfère dire qu’il m’a intéressée.

A mon avis la littérature française du XXIième siècle devra compter avec Stéphane Audéguy, avec sa langue travaillée et sa plume érudite si agréables à lire...

Dans Fils unique , le style baroque fleure bon le XVIIIième. On y «trousse» les femmes, on utilise «point» plutôt que «pas »…On choisit " pleutre " ou " fort marri de… On se régale de ce genre de phrase :
«Le marquis s'en retourna sur ses terres avec son fils, enchanté que son héritier ait accueilli toute la scène avec la fortitude qui sied à un Saint-Fonds

Ou comme celles-ci qui ne manquent pas d’humour :
" Il est bon sans doute de suivre sa pente ; mais il faut que ce soit en montant. "
" Ce prêtre me quitta content de moi, c'est-à-dire de lui "

La plume d’Audéguy est malicieuse, érudite et inspirée.

[color:60e6=#000000:60e6] A la fois conte philosophique plutôt anti-rousseauiste et roman d’aventures, Fils unique est la biographie sulfureuse de François Rousseau, frère de Jean Jacques, ses Confessions à lui imaginées par Stéphane Audéguy.

Imaginées car de François Rousseau, on sait bien peu de choses.

Seulement qu’il est né le 15 mars 1705, a été placé en maison de correction à 13 ans, qu’il avait suivi une formation d’ horloger (métier de son père).

Dans le Livre premier des «Confessions », Jean-Jacques Rousseau lui consacre quelques lignes.

«Il prit le train du libertinage, même avant l'âge d'être un vrai libertin. [...] Je ne le voyais presque point : à peine puis-je dire avoir fait connaissance avec lui : mais je ne laissais pas de l'aimer tendrement, et il m'aimait, autant qu'un polisson peut aimer quelque chose. [...] Enfin mon frère tourna si mal qu'il s'enfuit et disparut tout à fait. Quelque temps après on sut qu'il était en Allemagne. Il n'écrivit pas une seule fois. On n'a plus eu de ses nouvelles depuis ce temps-là, et voilà comment je suis demeuré fils unique »

François eut doncune vie et un parcours à l'exact opposé de son moraliste de frère. Et Stéphane Audéguy, inspiré, nous livre dans Fils unique, sa vie imaginée de libertin patenté et d’ aventurier,[color:60e6=black:60e6] tout en dressant un tableau mouvementé de son époque.

« Je me nomme François Rousseau. Celui qu’hier on a pensé honorer en le couchant entre Descartes et Voltaire dans la crypte du Panthéon naquit sept ans après moi. Tu avais onze ans quand je quittai notre pays natal pour n’y plus revenir. Puis-je prétendre te mieux connaître que ceux qui t’enterrèrent hier ? Je le crois. Nous n’étions d’abord frères que par les hasards du sang, lesquels ne valent guère plus que le peu de foutre qui les cause ; mais, je le dis hautement, j’ai conquis par mon existence le droit de m’adresser à toi. »

Le roman est composé de trois chapitres ( Enfances, Paris, Révolutions).
Il est d’abord
licencieux :Francois, avec ses talents d’horloger, en vient à fabriquer des automates érotiques comme cet Herculecapable de forniquer à la demande qui enchante les salons parisiens …mais dans lequel se cache un nain !.

Puis le récit prend un tour grave avec l’évocation de la Révolution qui arrache les têtes “comme des ailes de papillon”…puis de la Terreur avec les supplices inédits, le refus de donner aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes, les traitements et le sort terrible réservés aux prostituées malades de la vérole…

L’intérêt du roman est qu’il est sans cesse à mettre en miroir des Confessions de Jean Jacques.

JJ Rousseau avait écrit : «Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi.»

Le premier paragraphe de Fils uniques'achève ainsi : «Mais dans cet immense concours de peuple pas un être ne savait que l'illustre Jean-Jacques avait un frère ; que ce frère assistait à la cérémonie ; et que c'était moi.»

Son intérêt est d’être aussi ultra documenté, à la fois érudit et facile, plaisant à lire.

Que m’a-t-il manqué pour l’apprécier tout à fait ?

Peut-être de croire vraiment au personnage de François…d’éprouver des sentiments pour lui, une empathie…Je l’ai vu presque aussi robot , artificiel, que son Hercule…:)
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