Claudia Llosa

Fausta, de la péruvienne Claudia Llosa, Ours d'or à Berlin, va combler les amateurs du "réalisme magique" des grands auteurs de la littérature latino-américaine. Le titre original du film, La teta asustada, soit Le lait de la douleur, fait allusion aux enfants des femmes violées pendant les années terroristes du Sentier lumineux encore traumatisés aujourd'hui. Fausta est un film moins séduisant que madeinusa, le premier long-métrage de cette jeune cinéaste d'à peine plus de trente ans, mais témoigne du même sens du cadre et de l'esthétisme maîtrisé (c'est à dire non ostentatoire) qui laissent augurer de beaux lendemains pour cette réalisatrice. Il faut se laisser prendre aux sortilèges de Fausta, film aussi mystérieux que le visage de sa splendide héroïne indienne.

FAUSTA de Claudia Llosa





Fausta, enfermée dans des croyances et des superstitions (Traversay dans son message les a déjà évoquées), renfermée sur elle-même à l'image de son poing qu'elle tient toujours fermé ; fermée aux autres, apeurée du contact avec les hommes.

Le film, son long et instable chemin vers la délivrance, la libération qui ne se fait pas de manière linéaire, avec des avancées, des rechutes. Un des mérites du film à mon avis, de ne pas tomber dans la facilité du "avant-après".

Des individus extérieurs à la famille qui apportent du souffle, une ouverture, comme le jardinier, pour que Fausta puisse s'ouvrir et accepter de vivre.

Une caméra qui prend le temps de filmer cette très lente transformation, laisse entrer et sortir les personnages du cadre; fixe cette magnifique actrice, son regard (intense), ses peurs, les signes d'une volonté de vivre...



Des symboles de "renaissance" : la mer, les fleurs et ses senteurs, des perles...



De très jolis moment de "chant", ce chant qui la relie avec sa mère décédée mais la délivre aussi... Une voix comme suspendue dans le temps.


Emouvant, beau, doux.

Beau post qui me donne encore plus envie de le voir... Ce week-end

Li a écrit:

FAUSTA de Claudia Llosa

Emouvant, beau, doux.

Merci de ce commentaire LI...J'aurais bien envie de le voir...

Fausta de Claudia Llosa (la nièce de l'écrivain...)

Li et Traversay ont déjà évoqué ce beau film péruvien qui est une sorte de lamentation poétique (ces chants improvisés magnifiques qui sont autant de dialogues entre une mère et sa fille partageant une même souffrance! ) à la fois ancrée dans une réalité sociale bien concrète et habitée par une dimension magique.



Avec ce symbole omniprésent de la pomme de terre, cultivée depuis les incas, qui est emblématique du Pérou par l'essor économique qu'elle a permis dans les Andes depuis quelques années (elle avait presque disparu auparavant à cause des maladies). Elle est ici tour à tour symbole de prospérité (une jeune mariée doit l'éplucher d'un seul tenant pour assurer au couple un avenir heureux), de mort ou de fécondité suivant qu'elle pourrit dans la matrice ou qu'elle fleurit dans un superbe dernier plan plein de libération et d'espoir.

Le film évoque de difficiles rapports de classes avec cette femme pianiste qui exploite la sensibilité de cette jeune femme pour s'approprier la musique de son chant et les négociations dérisoires et tragiques autour du choix d'un cercueil pour donner à la mère un enterrement décent.

Fausta est un personnage à la fois archaïque et lumineux, tenace et combattive malgré la douleur.

Une grande richesse pour ce film qui a bien mérité son Ours d'or à Berlin.

Fausta: Bande annonce

Il me semble que vous avez déjà tout dit sur ce très beau film qu'est Fausta!
Et merci pour le décryptage du symbole de la pomme de terre, défense ultime contre le viol pour Fausta, viol dont a été victime sa mère et dont elle est née.
A voir, vraiment!

Vous en avez déjà très bien parlé, alors que dire de plus ?

En vrac, quand même quelques éléments qui m'ont marquée:
- L'incroyable beauté de Fausta, ce visage lisse et régulier à la fois fermé et frémissant de douleur, de sensibilité.
- Les mélopées, celle qui ouvre le film avec le récit insoutenable du viol, et puis la complainte de la sirène que Fausta va se faire voler par la pianiste, avec ces paroles si belles et cet air que j'ai gardé en tête longtemps après.
- les petits intermèdes de fiancailles et de mariage entre drôlerie et naïveté, avec ces Indiens qui ont adopté des coutumes occidentales ce qu'elles ont de plus kitschissime. Festivités tragi-comiques puisque les plats du buffet sont parfois des simulacres en plastique mais qui se déroulent quand même dans la gaieté.
- la symbolique végétale, celle de la pomme de terre et l'épanouissement de Fausta bien sûr. Mais aussi ce que le jardinier lui apprend sur la tige des plantes, que j'ai compris comme une allusion à l'identité indienne. J'aime bien ce personnage taciturne du jardinier d'ailleurs, à la fois père et amant potentiel (ou j'ai mal compris ?).
- le réalisme magique à laquelle une oeuvre sud-américaine semble échapper difficilement (cette histoire de pomme de terre, c'est crédible ?).

Chouette tu as trouvé l'extrait! J'espère qu'on la reverra au cinéma...

assez joli film que Fausta qui tient beaucoup sur son actrice et sa densité mutique teintée d'espoir ? ou d'une forme de doute ? paysages fous aussi. Le film en lui même a un petit goût de formaté (dans la forme) qui n'empêche pas des choses pas banales dans son contenu. comme le rapport un peu pourri et avorté avec la pianiste, et dans l'ensemble des personnages principaux pas stéréotypés qui peuvent donc rassembler plusieurs facettes, peur, réserve, séduction mais surtout un gros mélange dans l'attachement et l'attention portée à l'autre.

Bonne découverte et un film qui laisse une impression vraiment agréable malgré un sujet plutôt effroyable.

Fausta.

C'est un très bon film autour de Fausta : mélancolique, émouvante, un peu revancharde aussi, teigneuse.
Des décors vraiment bien "parlant", forts. Avec de la poussière, de la chaleur.

Le film repose vraiment sur son personnage principal, même si les autres ne sont pas mauvais, ils semblent vraiment effacés.

Après... je crois que c'est un film qui ne me restera pas. Il est juste, tendre, et beau, mais pas transcendant. Peut-être qu'il me restera des sensations et quelques images.

Reste que c'est un film qui se regarde avec un vrai plaisir.

Madeinusa


Un village perdu dans la cordillère péruvienne. Des rats morts qui portent chance, des poux , un vieillard qui fait tourner une horloge en papier, un Christ auquel on bande les yeux pendant les "jours saints". Alors, tout est permis, puisqu'il ne voit rien et en particulier pas les péchés.
Et si tout est permis, le maire et père de deux filles s'apprête après beaucoup d'attente, à déflorer sa fille cadette, Madeinusa.
Un gringo , arrivé là par hasard, va changer la donne. Sur sa chemise, une étiquette avec le prénom de la jeune fille, Made in USA...
Ce qui est le plus frappant dans ce premier film de Claudia Llosa, c'est le contraste entre la beauté des paysages, des costumes, des jeunes filles, et toute cette violence règnant entre les êtres, tant dans les familles que dans le village.
Les images sont sublimes, la musique , parsemée de chants traditionnels , est très belle aussi ( Selma Mutal).
Et la jeune Magaly Solier est extraordinaire.
Une petite merveille.

Heureux que tu aies aimé, Marie.