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| Borislav Pekic [Monténégro] | |
| | Auteur | Message |
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eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Borislav Pekic [Monténégro] Dim 17 Mai 2009 - 2:39 | |
| Borislav Pekić (Podgorica, Monténégro, 4 février 1930 - Londres, 2 juillet 1992) était un écrivain serbe. Il est né en 1930 dans une famille aisée du Monténégro, alors membre du Royaume de Yougoslavie. De 1945 jusqu'à son départ pour Londres en 1971, il a vécu à Belgrade. Il est considéré comme l'un des plus importants écrivains serbes du 20e siècle. (merci Wikipedia). Son oeuvre majeure est la Toison d'Or (7 tomes).
Dernière édition par eXPie le Dim 17 Mai 2009 - 12:07, édité 1 fois | |
| | | eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Borislav Pekic [Monténégro] Dim 17 Mai 2009 - 2:41 | |
| L'homme qui mangeait la mort (traduit du serbo-croate par Mireille Robin). Agone. 2005. 73 pages. Le livre raconte la vie de Jean-Louis Popier, greffier du Tribunal révolutionnaire. Nous sommes en France, pendant la Révolution. C'est même la Terreur. Le narrateur, comme celui de Un Amant vétilleux (d'Alberto Manguel), déduit toute une vie à partir de données lacunaires. Jean-Louis Popier passait inaperçu. On trouverait toutefois sa trace sur un croquis de David… - Citation :
- "Il est des gens dont la vie n'est qu'un rond dans l'eau. On ne les voit pas, on ne les entend pas, ils sont irréels, leurs pas ne s'impriment pas dans le désert de sable de l'humanité." (page 9).
"Si vous me demandez pourquoi j'ai décidé d'évoquer Jean-Louis Popier comme s'il avait bel et bien existé alors que je n'en ai pas de preuves, ou qu'elles sont, si j'en ai, si confuses et si contradictoires qu'on ne saurait s'en contenter, je vous répondrai que rien ne prouve non plus qu'il n'a pas existé ou que, si de telles preuves existent, elles sont tout aussi confuses et contradictoires, bref, insuffisantes." (page 12). Bref, voici Jean-Louis Popier, greffier. - Citation :
- "Comme on peut le constater d'après une reconnaissance de dette jointe à la pièce n°3, Popier avait une écriture qui répondait tout à fait aux exigences de la Révolution : d'une angulosité puritaine, d'une clarté romaine, d'une lisibilité patriotique, sans aucune de ces fioritures susceptibles de rappeler les chartes royalistes. Toute en formes stéréométriques et en angles aigus, elle rappelait les églises gothiques et la pique des sans-culottes, au bout de laquelle on avait promené la tête de la princesse de Lamballe, lors des massacres de septembre, et celle du gouverneur Delaunay, le jour de la prise de la Bastille." (page 17)
"Son travail était simple. Il enregistrait les sentences qui tombaient et les transmettait à un autre fonctionnaire qui dressait la liste des personnes à exécuter." (page 18 ). La sentence est remise au juge de service, qui assiste à l'appel des condamnés, puis "Lorsque les têtes roulaient dans la paille sous la guillotine, que les condamnés "éternuaient dans le sac", il transformait sur-le-champ, d'une signature, leur condamnation en acte de décès." (page 18 ). Pour être précis, le travail de Popier consistait à inscrire... - Citation :
- "l'état civil des condamnés, sans entrer dans les détails afin d'accorder plus de place au contenu de l'acte d'accusation. Il lui fallait fournir un effort intellectuel considérable pour résumer les crimes contre-révolutionnaires, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que la Révolution s'affirmait.[…]
Heureusement, la procédure fut simplifiée. Il aurait pu autrement arriver que la Convention, suivant ses principes humanistes, supprimât la peine de mort pour les condamnés à venir et ne fît plus guillotiner que ceux qui l'étaient déjà. La loi du 22 prairial 1794 supprima le droit à la défense. Celle-ci fut proclamée dénoter un manque de confiance contre-révolutionnaire envers le tribunal populaire. Pour prouver le caractère entier de la Vertu, on interdit toute sentence autre que la peine de mort ou l'acquittement." (pages 19-20). Dans ce contexte, un jour que Popier mange à son bureau (il y a tellement de travail qu'il a à peine le temps de manger… ce qui tombe plutôt bien, car le temps est plutôt à la disette), le bruit court soudain que l'Incorruptible arrive… "Popier n'eut pas le temps de songer à l'invraisemblance de cette visite, il saisit un papier sur son bureau, en enveloppa les restes de son repas et les glissa dans sa poche puis, ayant pris la première condamnation de la pile de ce jour, il se pencha sur son registre." (pages 30-31). Ainsi, il a sauvé une vie malgré lui… Plus tard, il perfectionnera la système en avalant petit bout par petit bout une condamnation… Mais qui choisir ? Sur quel critère ? Comment ne pas se faire remarquer ? Comment vaincre sa peur ? Et pourquoi sauver des gens ? - Citation :
- "Nous pouvons encore moins supposer qu'il avait lu Jean-Jacques Rousseau et appris de lui que les hommes sont bons par nature, incapables d'inventer la guillotine, qu'ils n'ont été conduits à pareille invention que par le mode de vie perverti qu'on les contraint d'adopter.
Toutes les suppositions sont donc permises, mais aucune ne saurait suffire à expliquer comment un modeste greffier vêtu d'une jaquette noire élimée a pu, dans l'antichambre de l'abominable Tribunal révolutionnaire où il était entouré de gens vivant dans la méfiance, le soupçon et la peur – sentiments indissociables de la vigilance révolutionnaire -, alors qu'il était lui-même paralysé par l'angoisse, oser dévorer les condamnations, s'opposant ainsi, de son propre chef, à la volonté souveraine du peuple, au cours naturel de la justice révolutionnaire et aux décisions de plus forts et plus sages que lui." (page 39). Beaucoup d'humour dans ce petit livre. On ne peut évidemment manquer de faire de nombreux parallèles (notamment le jargon) avec certaines dictatures qui ont sévi n'y a pas bien longtemps.... | |
| | | swallow Sage de la littérature
Messages : 1366 Inscription le : 06/02/2007 Localisation : Tolède. Espagne.
| Sujet: Accident et hasard. Lun 7 Juin 2010 - 9:53 | |
| La citation de notre portail de Juin m´intriguait. De nature curieuse, j´aterris sur ce fil. Je comprends maintenant comment on peut manger la mort ou avoir une vie qui ne fait que des ronds dans l´eau. Et puis l´importance que Pekic donne au HASARD, ce qui doit déranger plus d´un qui ne se croirait mû que par ses principes, ses opinions et ses choix.
"Comment se forge-t-on une conscience en ce monde ? La réponse de Borislav Pekic est pleine d’une richesse métaphorique et anthropologique peu commune : par le hasard. La conscience de soi et du monde peut nous tomber dessus comme le ciel sur la tête ; elle peut tout aussi bien loger dans la petitesse des choses ordinaires que dans la brutalité des actes sociaux, s’apparenter à une révélation dans le désert autant qu’à un accident de parcours dans la paisible linéarité des jours. Dès lors entrevoyons-nous, fût-ce faiblement, ce qui demeure vivant une fois que la société a érigé ses miradors : l’aspiration à la liberté." Marc Villemain http://www.marc-villemain.net/elements/pdf/La-mort-dans-ses-petits-papiers.pdf | |
| | | Orientale Agilité postale
Messages : 903 Inscription le : 13/09/2009 Age : 71 Localisation : Syldavie
| Sujet: Re: Borislav Pekic [Monténégro] Mar 8 Juin 2010 - 21:49 | |
| "L'homme qui mangeait la mort" - un livre d'une cinquantaine de pages que j'ai lu aujourd'hui. J'en suis troublee - cette homme greffier lors des annees de la Terreur apres la Revolution, n'est qu'une ombre de cette epoque sinistre, terrifiante! Une ombre comme des millions d'autres sur qui une dictature a sevi. eXPie a tres bien presente le livre - le greffier du Tribunal Jean-Louis Popier, le personnage principal, commence - d'abord guide par le hasard, puis, par sa volonte - a manger les condamnations qu'il devait enregistrer. Un rire a travers les larmes qui evoque trop de questions qu'on se pose a propos de chaque dictature. C'est a cela que j'ai pense - sous Staline etc, cela n'a pas ete tres different. Belle ecriture tres classqiue de l'auteur, j'espere la retrouver dans ses autres livres. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Borislav Pekic [Monténégro] Mer 9 Juin 2010 - 1:07 | |
| J' ai signalé la traduction tout à fait remarquable du roman de Nirmal Verma et j' en profite aussi pour saluer Mireille Robin qui est en train de traduire les 7 volumes de La Toison d' or, le chef-d'oeuvre de Pekic... Pour le compte d' un éditeur de Marseille : AgoneJe crois qu' on ne saluera jamais assez le travail des traducteurs qui médiatisent un texte étranger dans notre langue... | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: Borislav Pekic [Monténégro] Mer 9 Juin 2010 - 19:37 | |
| L' HOMME QUI MANGEAIT LA MORT
Pourquoi un obscur gratte papier, un greffier du Tribunal révolutionnaire, tenta t'il d' entraver le cours de la Révolution française de 1789 ? Car enfin il parait invraisemble qu' un homme comme Jean Louis Popier, sans foi ni conviction, sans personnalité, bref un anonyme sans qualité aucune, ait pu croiser la Révolution en marche et tenté de l' entraver. C' est ce que je vais esayer de vous expliquer, dit le narrateur.
Popier décida un jour de soustraire un condamné à mort. Un par jour. Par compassion, sans doute pas. A cause du pouvoir qu' il détenait et du plaisr que ça lui procurait, sans doute.... Enfin "il décida de suivre son inspiration."
Depuis lors, Popier soustrayait chaque jour une tete à la guillotine. Il ne réfléchissait plus que pour écarter les condamnés qu' il ne pouvait pas prendre en considération.... Pour le reste il se fiait à sa clairvoyance et mangeait la condamnation que son inspiration du moment lui désignait.
Le temps passant, le bruit courut qu' il allait y avoir un retournement de situation, mais Popier était trop occupé par sa tache pour s' en soucier vraiment.
Ces derniers temps, il ne se sentait pas très bien. Il souffrait de maux d' estomac. Dans ses selles, il retrouvait de plus en plus souvent les traces jaunes pale des condamnations qu' il n' avait pas réussi à digérer.
Finalement Popier sera décapité en meme temps que Robespierre à qui il faisait penser par son accoutrement, ce qui lui valut la jalousie fatale de ses collègues. Popier a-t-il vraiment existé ? Tout semble prouver le contraire. On pourrait meme dire que son inconsistance meme a permis à son auteur de mieux l' inventer. Et Pekic vend la mèche :
Si vous me demandez pourquoi j' ai décidé d' évoquer Popier comme s' il avait bel et bien existé alors que je n' en ai pas de preuves ou qu' elles sont, si j' en ai, si confuses et et si contradictoires qu' on ne saurait s' en contenter, je vous répondrai que, si de telles preuves existent, elles sont tout aussi confuses et contradictoires, bref insuffisantes.
Et comme si ça ne suffisait pas, Pekic ajoute dans le prologue que :
... si vous voulez qu' un roman historique soit vivant, il vous faudra aller bien au delà des documents, c' est à dire ce qu' on nomme les faits. Et seule l' imagination peut vous conduire dans ses contrées... C' est elle qui vous permettra de trouver des thèmes littéraires dans les choses de la vie que la plupart des des documents passent sous silence.
Vous l' avez compris, Jean Louis Popier est une créature imaginaire, un personnage de papier. Comme le Bartleby de Melville. Mais ce livre est un condensé de malice. Un chef d' oeuvre d' humour le plus noir qui soit. Il montre comment comment toute révolution commence dans l' enthousiasme populaire avant de se terminer par l' extermination de ceux qui l' ont fomentée. La révolution se nourrit de ses enfants et se détruit à force de détruire.
Et tant va la cruche à l' eau qu' à la fin elle se noie !
Dernière édition par bix229 le Jeu 10 Juin 2010 - 21:55, édité 2 fois | |
| | | Orientale Agilité postale
Messages : 903 Inscription le : 13/09/2009 Age : 71 Localisation : Syldavie
| Sujet: Re: Borislav Pekic [Monténégro] Mer 9 Juin 2010 - 19:58 | |
| - bix229 a écrit:
- La révolution se nourrit de ses enfants et se détruit à force de détruire.[/color][/b]
Et tant va la cruche à l' eau qu' à la fin elle se noit ![/color] --- Voila que Bix boucle bien, une fois de plus, un livre que j'ai appele "petit chef-d'oeuvre" d'ecriture discrete, mais soutenue, de style avec un doux humour sombre, simple, mais criant de verite. Ah, c'etait une belle lecture passionnante, c'est le plus important pour un humble lecteur avec toutes ses emotions, que je suis. | |
| | | Madame B. Zen littéraire
Messages : 5352 Inscription le : 17/07/2008 Age : 51
| Sujet: Re: Borislav Pekic [Monténégro] Jeu 17 Juin 2010 - 21:31 | |
| ça m'a l'air bien tentant; je note. | |
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| Sujet: Re: Borislav Pekic [Monténégro] | |
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| | | | Borislav Pekic [Monténégro] | |
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