René-Jean Clot

René-Jean Clot, né à Alger en 1913 et mort à Clermont-Ferrand en 1997, est un peintre-graveur et écrivain français, lauréat du prix Renaudot en 1987.
Après ses études de droit, René-Jean Clot se tourne vers l'art en intégrant l’École des beaux-arts d'Alger en 1934. En 1935, il s’installe dans un atelier de Montparnasse à Paris et reçoit de nombreux prix, tant pour ses œuvres littéraires que plastiques (Prix Mesures de poésie et Prix Paul-Guillaume en peinture). Il se lie d'amitié avec René Huyghe la même année. René-Jean Clot fut également élève de
Marcel Gromaire et d’Othon Friesz à l’Académie scandinave en 1936.

René-Jean Clot développe notamment un gout pour l'art abstrait arabe tout autant que l'abstraction de Lascaux. Nommé par Jacques Soustelle contrôleur à Alger des missions de la France libre en 1942, il publie L'Exil français, et fut lauréat de la Mission Tchad-Tibesti. Il réalise de nombreux paysages africains, dessins, peintures. De 1948 à 1965, il publie de nombreux romans tels que Le Noir de la vigne, Fantômes au soleil, Le Bleu d’outre-tombe, et une pièce de théâtre, La Révélation, créée par Jean-Louis Barrault au théâtre de l'Odéon. Mystique, idéaliste et désabusé, il fit partie du groupe des littérateurs dis de « L'École d'Alger » auprès d'Albert Camus, Emmanuel Roblès, Jules Roy, Jean Grenier etMax-Pol Fouchet notamment chez Edmond Charlot « aux vraies richesses ».

René-Jean Clot décide de se consacrer entièrement à la peinture à partir de 1965. En 1991 il réalisa une rétrospective de son œuvre peinte à la Galerie d’art contemporain deChamalières et une exposition à l’espace Pierre-Laporte de Clermont-Ferrand.

Oeuvres :
• 1936 : L'Annonciation à la licorne
• 1941 : Les Gages charnels de l'art français
• 1945 : Paysages africains, Tchad, Tibesti, Fezzan, Borkou
• 1948 : Le Noir de la vigne, éditions Gallimard
• 1949 : Fantômes au soleil, éditions Gallimard
• 1950 : Empreintes dans le sol, éditions Gallimard
• 1951 : Le Poil de la bête — prix des Deux Magots
• 1953 : Le Mat de cocagne, Gallimard
• 1954 : Le Meunier, son fils, l'âne
• 1956 : Le Bleu d'outre-tombe, Gallimard
• 1960 : La Querelle des images
• 1961 : La Révélation, Gallimard
• 1964 : Les Voix dans la cour, suivi de La nuit n'est pas si noire et de Un feu de bois vert, Gallimard
• 1965 : Le Cœur pourpre
• 1984 : Un amour interdit, éditions Grasset
• 1987 : L'Enfant halluciné — Prix Renaudot
• 1987 : Le Mirage de l'orge, recueil de nouvelles
• 1988 : La Neige en enfer
• 1988 : La Peinture aux abois
• 1989 : Les Larmes de Lucifer
• 1992 : Une patrie de sel ou le souvenir d'Alger
• 1997 : Pourquoi les femmes pleurent elles, éditions Grasset et Fasquelle
• 1997 : L'amour épouse sa nuit, éditions Grasset et Fasquelle
• 1997 : Charhouz le voyant, éditions Grasset et Fasquelle

L'enfant halluciné

C’est l’histoire d’un jeune garçon qui vit seul avec sa mère veuve de guerre et plus belle femme de la ville, dans une sorte de symbiose dans laquelle il puise la force d’accepter ses épisodes schizophréniques et ses difficultés d’adaptation à la vie « normale » qui lui est demandée de réussir.  Son seul désir étant de devenir peintre.


S’il a du cœur, un enfant, dont la mère est belle est appelé à beaucoup souffrir quand il voit les regards des hommes se poser sans cesse sur elle. La rue devenait pour moi une descente aux enfers. Les yeux des hommes en chaleur  sont moins beaux que ceux des bêtes


Pourquoi ma mère s’obstinait-elle à m’envoyer à l’école ? Je ne comprenais pas. Plutôt ne rien apprendre que de savoir combien j’étais bête.


Le peintre était un peu inquiétant mais c’était normal dans sa profession, je ne pouvais pas demander des leçons de peinture au curé ou à l’instituteur. Il semblait avoir entendu dans sa jeunesse un air qui lui avait plu et depuis il s’efforçait de retrouver les premières notes. Personne ne pouvait lui venir en aide dans cette quête car il était bien le seul sur la terre à connaitre cette musique.


Un jour il entend parler de Ravot, le peintre de la ville qui vit retiré du monde. Il le persuade de le laisser prendre des leçons avec lui. De là, s’instaure un amour haine entre eux que le garçon rêve à sa manière et qui lui permet de contrôler son mal et de  trouver un mode d’expression qui lui correspond. Il se sort de la relation dépendante qu’il entretenait avec sa mère.  


Qu’avais-je donc à offrir en échange à cet homme ? Pour moi, son dessin appelait le surnaturel , c'est-à-dire tout ce qui dépassait des jupes maternelles.


-Sacre gueux ! Dans le genre galipette on ne fait pas mieux…On n’sait même pas si c’est une poule ou un lapin.
-C’est ma mère ! dis-je, vexé à mort.
-Ta mé ! D’la chiasse, oui….Il se mit à rire, puis, de plaisir, il alluma une cigarette sans cesser de fixer mon travail.
Je vis la fumée sortir de sa bouche et je souhaitai de toute mon âme qu’il meure d’un cancer dans l’année.


Ma présence, mon regard affectueux ne comptaient-ils donc pas pour lui ? Sa souffrance était trop grande. J’aurais voulu pouvoir le serrer dans mes bras et lui embrasser les mains pour le réconforter mais je n’osais pas ; ses sorties étaient toujours inattendues. Il m’impressionnait trop.


O la grimace de ceux qui ne sont pas doués et qui s’obstinent dans une œuvre ! Elle ne veut rien savoir d’eux. Chant, musique, peinture deviennent des colonies penitentieres cruelles pources martyrs de l’Art. La passion les persuade qu’il faut continuer, l’amour d’eux-memes passe avant celui des autres qui ecoutent, regardent en n’osant pas se plaindre. Les malheureux ! Ils veulent sculpter malgre les anges sur les tombeaux qui leur disent doucement : Chut ! Et personne ne les accompagne au cimetiere puisqu’ils ne sont pas encore morts ! Mieux vaudrait qu’ils le fussent, ils auraient au moins de la compagnie en un moment sincere.  



J’ai beaucoup aimé son écriture foisonnante et un rien ironique parfois. Il a bien su camper ce garçon qui ne voit rien comme les autres et qui réagit à cela d’une façon tout a fait originale.

quelques-unes de ses peintures...



La cour d'école



Femme à la fenêtre



La tour de Babel



Paris



Mon Christ



Paysage de neige



Algérie

Merci pour ton commentaire Pia, cette histoire peut me plaire je pense, la peinture comme "remède" et les rapports avec le Peintre ; je vais noter.

J’espère qu’il te plaira. C’est un des livres que j’ai lu en 2013 et que j’ai bien aimé. Il a une écriture bien à lui, qui fait à mon avis que ça passe ou ça casse. Avec moi c’est passé.