Jeanne Benameur

menine a écrit:

Elle me tente bien cette histoire . Une mère, une fille ...un lien très fort, cela me rappelle Les demeurées.
Tu parles aussi d'un style d'écriture 'ramené au plus simple, au plus intime, au plus douloureux'; c'est aussi ce que j'avais ressenti. N'ayant lu qu'un seul livre de cette auteure, je voulais savoir si tous ses romans ont cette particularité ?

Oui, le commentaire de Shanidar est très beau...
J'ai lu aussi Les mains libres (tu aimerais menine!) et Les reliques...On y retrouve aussi cette sensibilité, cette simplicité, cette humanité...et "la poésie minimaliste" dont tu parles Shanidar...et toujours l'amour...
L'univers de cette auteure me touche beaucoup...peut-être pour ce que je peux lire entre les lignes, derrière les mots...

Jeanne Benameur a écrit aussi pour les adolescents...J'ai lu Si même les arbres meurent...On est dans la même veine...

Je voudrais aussi évoquer cet album pour enfant, illustré par Nathalie Novi: Le petit être...Que mon petit-fils m'a fait lire d'innombrables fois...Puis qu'il a lu ensuite lorsqu'il a pu le faire...L'histoire d'un petit garçon qui parcourt le monde à la recherche d'amis, traînant derrière lui une charrette remplies d'objets qu'il compte offrir en échange de l'amitié ...Il ne la trouve (il s'agit même d'amour) que lorsqu'il n'a plus rien, qu'il est complètement nu...



Même impression que toi Shanidar:

Shanidar a écrit:

je ne sais pas pour les autres mais en tout cas Laver les ombres (168 pages) est presque de l'ordre du poème, dans sa découpe, sa structure, une poésie minimaliste, qui touche directement au coeur des éléments, ne laisse rien dépasser, rien au hasard.

coline a écrit:

Jeanne Benameur a écrit aussi pour les adolescents...J'ai lu Si même les arbres meurent...On est dans la même veine...

Et bien l'autre jour, en rangeant un peu mon bureau, je suis retombée sur ce livre . Je l'avais adoré et j'ai toujours harcelé (en vain) Little Devil pour qu'elle le lise.
Donc, voyant qu'il était de Jeanne Benameur je me suis dit qu'il fallait que je me replonge dedans (un jour).

Les reliques

Qu'est-ce que Les reliques ?

Citation :

Une relique est une chose qui demeure bien après que tout a disparu. Derrière le verre, protégée, la relique est là. On la révère.
Dans le monde, des gens se prosternent.
Eux trois ne possédaient que des restes. Des ballerines usées, un costume qui deviendrait guenille avec le temps. Des riens. On ne ploie pas la nuque devant des riens.
Un reste n'est pas relique.
Il faut le mystère de ce qui est enclos, intouchable pour que tous baissent la tête. Il n'y a qu'au cirque que la prière est nue, tête levée. Parce que ceux qui paient le billet ne savent pas ce qu'ils viennent y chercher. Le cirque, c'est le temple de ceux qui n'ont pas d'habits du dimanche. Le monde a toutes sortes d'arrangements. [...]Le cirque est fini, ici il faut inventer.

Qu'est-ce que Les reliques ?

C'est l'histoire de Zeppo, Hesior et Nabaltar, trois hommes de cirque, perdus, seuls mais à trois, plus sur la route. Pas tout à fait sédentaire, pas tout à fait habitants du village, pas tout à fait dans les bois ; plus tout à fait vivant.

Citation :

Ils sont trois. Ils sont vieux. Dans le camion bringuebalant sur la route de campagne, pas d'autre chaleur que celle de leur corps.
Il n'y a plus qu'à s'y tenir.
Doigts engourdis pressés sous les bras, les deux à l'arrière sont empaquetés dans le sommeil. Le troisième, à l'avant, près du chauffeur, dos dressé à l'équerre des jambes maigres, scrute.

Il fallait voir tout ce blanc quand ils sont arrivés.

On ne voyait plus ni maison ni route ni bord de la route. Tout était pareil.
C'est ce que s'est dit Hesior sans baisser les paupières. Ca y est. Il n'y a plus de bord.
La neige avaittout recouvert.
Les pancartes, les noms sur les pancartes, tout avait disparu. Dans le blanc. On ne pouvait plus rien nommer.
C'était étrange ce sentiment de blanc jusqu'à l'intérieur du crâne. Là non plus on ne pouvait plus rien nommer.

Zeppo et Nabaltar dormaient. Il valait mieux.

C'était là.

C'est l'histoire de Mira, trapéziste, qui, tous les soirs, offrait son corps au ciel, mais qui, tous les soirs, retombait sur terre. Mira qui se partageait leurs heures, se partageait leurs nuits, se partageait leurs corps. Mira, qui morte, les maintient en vie, les unit.

Citation :

Avant, quand Mira marchait encore sur terre, ils pouvaient eux aussi croire à l'horizon. Ils avaient des clefs, ils ouvraient et fermaient des portes. C'était vivre.
Une clef,c'est un espace sur la terre qu'on peut fermer. Fermer un espace sur la terre, c'est un acte étonnant.
Eux, ce qu'ils ont de plus précieux maintenant est sous la terre.
Dans le coffre.
Au centre de la cabane.

Mira qui les a laissé ; le temps qui a fuit, en même temps que le cirque s'en est allé, les laissant, tous les trois, à la merci de ceux du village, à la merci de leurs habitudes détraquées, à la merci du reste de vie qui les pousse à continuer.... et à fabriquer des reliques.

Qu'est-ce que Les reliques ?

C'est un petit roman de Jeanne Benameur, court mais si dense. L'auteur y cisèle artistiquement son histoire, et la vie s'envole devant tant de beauté, devant tant de poésies. Avec des phrases fortes, Jeanne Bénameur nous révèle la cruauté de l'absence, la cruauté du temps qui passe en même temps qu'elle chante la force de l'amour, qui unit au lieu de séparer, qui force à vivre, qui donne un but ultime à des hommes qui n'ont plus la force de lutter. Elle décrit trois hommes, si différents, sans différends tellement ils tendent vers le même but, la même apothèose ; la vénération de la disparue, elle qui a su, de son vivant leur indiquer un horizon. L'amour est fou, mais il brave en dansant la mort qui s'approche, il s'inscrit hors du temps dans l'éternité. Et les trois hommes de cirque dépassent leurs simples conditions pour s'élever vers cette éternité.
Ce livre, très triste en même temps que très beau, toujours hésitant entre renoncement et espoir, espérance, c'est tout ce que j'aime, tout ce que peut offrir la littérature.

Qu'est-ce que Les reliques ?
Assurément, c'est un immense roman, d'une immense auteure !

Steven a écrit:

Les reliques

Qu'est-ce que Les reliques ?

C'est un petit roman de Jeanne Benameur, court mais si dense. L'auteur y cisèle artistiquement son histoire, et la vie s'envole devant tant de beauté, devant tant de poésies. Avec des phrases fortes, Jeanne Bénameur nous révèle la cruauté de l'absence, la cruauté du temps qui passe en même temps qu'elle chante la force de l'amour, qui unit au lieu de séparer, qui force à vivre, qui donne un but ultime à des hommes qui n'ont plus la force de lutter. Elle décrit trois hommes, si différents, sans différends tellement ils tendent vers le même but, la même apothèose ; la vénération de la disparue, elle qui a su, de son vivant leur indiquer un horizon. L'amour est fou, mais il brave en dansant la mort qui s'approche, il s'inscrit hors du temps dans l'éternité. Et les trois hommes de cirque dépassent leurs simples conditions pour s'élever vers cette éternité.
Ce livre, très triste en même temps que très beau, toujours hésitant entre renoncement et espoir, espérance, c'est tout ce que j'aime, tout ce que peut offrir la littérature.

Tu me donnes envie de le relire...

« Le cirque devant la mort manque d’imagination. Il abandonne. La mort, c’est sa faiblesse, au cirque. Il n’en veut pas, la laisse à ceux des villages. Le cirque se fait croire à l’éternité en détournant la tête et en continuant. »

« Quand Mira est morte, ils ont su tout de suite. Ils ne pouvaient plus suivre leur route, chacun. Ils ne pouvaient continuer qu’à trois. Une certitude. Totale »

Les insurrectios singulières
Un livre court et assez intense, qui ne m'a pas plu car je crois qu'il n'est pas fait pour moi, ni par le style, ni par l'ambiance, ni par l'histoire. c'est un roman de formation un peu simpliste (il suffit de partir pour se trouver), par moment à la limite du péchi-précha. Mais qui justement par toutes les choses qui ne me parlent pas, doit pouvoir en séduire plus d'un. J'ai bien conscience de passer totalement à coté de ce genre de livres , mais qu'il doit être enthousiasmant pour d'autres.

Donc, ne m'écoutez pas, s'il vous tente, n'hésitez pas avec les Insurrections singulières

Pas mieux. J'ai trouvé que cela partait dans tous les sens malgré un bon début (les scènes sur le marché de Montreuil et le café) L'impression de n'avoir pas réussi à m'immerger totalement dedans.

C'est dommage topocl et theo. Il vous faudrait peut-être en essayer un autre.

Dommage? Je ne suis pas sure. Les livres , c'et comme les gens, on ne peut pas aimer tout le monde; Si ça ne marche pas, il vaut peut-être mieux passer à autre chose. En fait , j'ai fait un effort pour me lancer dans lLes insurrectiosn singulières, de ces livres que je me force un peu pour voir et ne pas me cantonner dans la facilité des choses dont je sais d'avance qu'elles me plairont. pas de vraie surprise donc...(mais ectte méthode me permet parfois des découvertes surprenantes et d'élargir ainsi mon champ de lecture)

Les insurrections singulières

Moi c'est l'inverse de Théo : le début et même les trois premiers quarts m'ont moyennement intéressés, les considérations sur la classe ouvrière etc.
je devais rendre le livre à la bibli, alors j'ai fait un effort pour les 3 derniers jours en m'obligeant à lire 25 pages à chaque fois, pour terminer dans les temps.
Et voici qu'aujourd'hui j'ai lu les 50 dernières pages d'une traite. je les ai trouvées magnifiques de justesse dans la philosophie de la vie qu'elles développent, la solitude consbubstantielle à chaque être, la tentative presque fallacieuse de rupture ce cet isolement par l'amour qui reste pourtant la seule voie, la nécessité de vivre l'instant, la naissance des mots et de l'écriture. j'adhère à 100 %, d'autant que la formulation est splendide.

" Aujourd'hui je regarde les grandes plaques mouvantes au fond de moi. En silence.Leur opacité, je m'y reconnais Elle ne m'effraie plus.
En moi il y a des mots et des mots qui montent pour dire tout ça
Pour dire aux autres qu'on est tous pareils
Le poème obscur qui est en moi qui se cherche chaque jour pour dire le monde et ma place dans ce monde
C'est le poème de tous
Quand on a les enfants à élever et tout le reste on ne descend pas dans les grandes plaques sombres, [...] on passe au jour suivant.[....]Mon travail à moi, c 'est de plonger dans l'obscurité. En aveugle.Pour ramener un peu d'ombre. Un peu de ce qui en chacun de nous a tant de mal à se dire [....]
Depuis des jours maintenant, j'écris, sur les murs de la chambre. Sur les feuilles blanches.[....] J'écris les rêves de mon père et les miens. J'écris tout ce qui ne peut pas se dire et que pourtant il faut tenter.[ ...] J'écris pour tous ceux que j'aime et que je ne connais pas.[...] j'écris pour l'obscur des jours de rien.Pour que la vie passe quans même[...] Depuis que j'ai fait l'amour avec Thaîs, qu'elle a osé me montrer ce qu'elle crée, j'ai cette force-là. Cette nuit c'est moi qui l'emmène dans ma chambre. Je veux qu'elle lise. Je veux que mes mots vivent. Je l'attends sur les marches du perron, devant les fleurs rouges.

FIN"

L'extrait que tu as choisi Molinet est très beau et il reflète parfaitement le travail de Benameur sur la langue et sur sa volonté d'aller chercher au plus profond de l'humain ce qu'il y a de douloureux et de lumineux dans la vie de chacun...

Merci ; j'ai été subjugué par ce dernier quart du livre.

Jeanne Benameur lit les premières pages de son livre Profanes.

Clic !

(Je trouve que sa voix ressemble à celle de Coline, non ?)

Queenie a écrit:

Jeanne Benameur lit les premières pages de son livre Profanes.

Clic !

(Je trouve que sa voix ressemble à celle de Coline, non ?)

Je jure...ce n'est pas moi!

Merci pour ce lien!

Profanes

Citation :

Quatrième de couverture

Ils sont quatre, ils ne se connaissent pas mais ils vont rythmer la vie du docteur Octave Lassalle qui les a soigneusement choisis comme on compose une équipe -- comme avant autour de la table d'opération, mais cette fois-ci, c est sa propre peau qu'il sauve, sa propre sortie qu'il prépare. Ensemble, cette improbable communauté progressivement tissée de liens aussi puissants qu'inattendus, franchira un seuil, celui des blessures secrètes.
Un hymne à la vie et un plaidoyer pour la seule foi qui vaille : celle de l'homme en l'homme.

Des liens qui se tissent, le partage de nos failles et de nos doutes dans les mots mais aussi dans les gestes et les non-dits, le désir, la perte mais aussi l’élan de vie et la foi en l’homme. Un texte court mais intense, qui demande du temps, qui se déguste. Porté par une écriture finement ciselée.

Citation :

Ils sont là, derrière la porte. Il ne faut pas que je rate mon entrée.
Maintenant que je les ai trouvés, tous les quatre, que je les ai rassemblés, il va falloir que je les réunisse. Réunir, ce n'est pas juste faire asseoir des gens dans la même pièce, un jour. C'est plus subtil. Il faut qu'entre eux se tisse quelque chose de fort.
Autour de moi, mais en dehors de moi.

Citation :

Je m’embarque pour la partie de ma vie la plus précieuse, celle où chaque instant compte, vraiment. Et j’ai décidé de ne rien lâcher, rien.

Citation :

J’ai besoin de confronter mon doute à d’autres, issus d’autres vies, d’autres cœurs. J‘ai besoin de frotter mon âme à d’autres âmes aussi imparfaites et trébuchantes que la mienne.

Citation :

C'est l'arrêt du désir qui fait le nid à tout ce qui crève. Plus d'élan, plus de vie.
Et moi je veux vivre. Pas en attendant. Pleinement.

Citation :

La liberté est terrible. Si petite pour chacun. La si petite liberté humaine. Et ce désir parfois de l'enfoncer sous la terre. Parce que trop. Si petite mais déjà trop.

sentinelle a écrit:

Profanes




Des liens qui se tissent, le partage de nos failles et de nos doutes dans les mots mais aussi dans les gestes et les non-dits, le désir, la perte mais aussi l’élan de vie et la foi en l’homme. Un texte court mais intense, qui demande du temps, qui se déguste. Porté par une écriture finement ciselée.

Tu me donnes envie de le lire...Je trouve qu'elle ne l'avait pas très bien vendu son roman dans l'émission La grande librairie. Je décrochais à l'écouter...