gravure par Felix Vallotton - Citation :
- Georges Eekhoud, né le 27 mars 1854 à Anvers et mort le 29 mai 1927 à Schaerbeek, est un écrivain homosexuel et anarchiste belge.
En 1899, il publie Escal-Vigor au Mercure de France, un des premiers romans modernes qui traite de l'homosexualité. Le livre fait scandale et est poursuivi. Plusieurs écrivains de renom prennent position en faveur de l'auteur. Un procès à huis-clos a lieu, qui se termine par l'acquittement de Georges Eekhoud.
source et suite
Escal-VigorUn roman magnifique, tragique, sombre et lumineux à la fois, sur le thème de l'homosexualité masculine et sur l'amour en général.
Je le referme éblouie et triste...
Je ne comprends même pas qu'au regard des récents évenements en France, personne n'ait parlé de ce prosateur enflammé, sensible et délicat, qu'est GE.
Livre à faire lire à ceux qui voient du mal là où il y a des sentiments.
L'histoire : un jeune comte tourmenté perd sa mère et décide d'aller vivre dans un château de famille, isolé (lieu imaginaire inventé par GE). Ce héros a tout d'un torturé, tantôt débauché, tantôt éteint. L'auteur nous attache à cet être étrange, mélancolique, comme inaccessible. Follement aimé de la dame de compagnie de sa défunte mère, Blandine, qui est une paysanne au passé douloureux, violé. Une âme noble, immaculée et habitée de charité.
Par touches successives, on nous dévoile l'inclination du comte, qui s'éprend au premier regard d'un paysan méprisé, pauvre et sale, mais dont il capte l'âme éthérée. Il l'invite au château, l'éduque et enfin confesse sa folie. Elle est partagée, on assiste à une sublime histoire platonique puis charnelle.
Blandine se tait pour protéger l'homme qu'elle aime. Sa souffrance la crucifie, elle fait figure de sacrifiée. Son personnage prend l'allure d'un symbole biblique.
Mais face à la beauté des sentiments, guette la haine d'une société fermée, vulgaire pensant bombance et concupiscence, représentée magistralement par les fameuses kermesses flamandes. L'auteur a un talent inouï pour scénariser les fêtes à la Brueghel et toute l'imagerie de beuverie, de sensualité et de gaieté rustaude qui s'ensuit.
Le choc est inévitable.
La fin s'enchaîne comme une tragédie.
Les odieux coupables de péchés finissent lynchés par la populace ignare et béotienne. Blandine se meurt.
La société a gagné. Elle a condamné le péché, le mal (selon elle) et continue sa course à l'ivresse mondaine, voire bestiale.
Au delà du talent littéraire, comme un feu d'artifice, d'une langue riche, dynamique, colorée, ce livre fut une bombe à sa parution, en 1899 et l'auteur subit un procès.
Il va sans dire que s'annoncent ici des thèmes fondamentaux pour le futur immédiat : homosexualité (allusion à Wilde dans le titre par anagramme), liberté de moeurs, de conscience, etc... Mais aussi goût du beau car le comte est un esthète, un collectionneur d'oeuvres.
Les rapports psychologiques sont d'une grande violence, GE affiche non pas une volonté de choquer (aucune scène physique sauf 2 baisers, dont un mortel), mais de faire comprendre qu'on enchaîne les sensibilités différentes, que l'hypocrisie tue, que la mal n'est pas là où on croit.
Ouvrage de rare qualité, sa lecture est un bonheur total.