Max Main aguerrie
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| Sujet: Vassili Joukovski Lun 21 Avr 2014 - 0:15 | |
| Vassili Joukovski (1783-1852) Un des premiers poètes romantiques russes, nous dit-on. Gros succès vers 1808-1809, un des premiers traducteurs russes de Schiller, Byron, Homère, etc. Lecteur particulier de l'impératrice, précepteur du prince héritier, mais aussi et dans le même temps occupant une place centrale chez les "progressistes langagiers" genre Karamzine, auprès desquels il essayait d'ailleurs d'intervenir favorablement à la cour. Joukovski nous raconte ici les dernières heures de Pouchkine. Il est resté à son chevet durant toute son agonie... (deux jours...). En fait je pensais qu'il s'agissait d'un témoignage tout ce qu'il y a de plus classique, d'un "document". Or il s'agit en fait d'une longue lettre (30-40 pages) adressée au père de Pouchkine (qui habitait alors Moscou). Cette lettre a été écrite quinze jours à peu près après la mort de Pouchkine, et a été peu de temps après publiée intégralement dans la revue Le contemporain (créée par Pouchkine). Bon mais en fait l'avant-propos du traducteur est aussi presque aussi long que le texte lui-même hi hi. En fait, Joukovski revient sur les trois dernières journées de Pouchkine. Il mêle son témoignage à d'autres glanés ici ou là. Ca va donc du mercredi 27 février 1837 au matin, avec bien sûr le duel avec d'Anthès, jusqu'aux deux jours d'agonie de Pouchkine. On assiste donc à ses dernières conversations privées et tout. C'est assez émouvant. Je ne savais pas qu'il avait autant souffert, la vache... Allez, un petit extrait du début de la lettre : - Citation :
- Notre Pouchkine n'est plus ! Hélas, la chose est certaine, mais elle semble encore incroyable. L'idée qu'il n'est plus n'arrive pas encore à entrer dans l'ordre des pensées ordinaires, claires et quotidiennes (...) Il ne se trouve aucune marque de cette perte catastrophique, et tout suit son cours habituel, tout demeure à sa place. Mais il a disparu, disparu à jamais : c'est inconcevable ! L'espace d'un instant, une vie forte, puissante, pleine de génie, lumineuse d'espérances s'est éclipsée. Je ne parle pas de toi, pauvre et vénérable père, je ne parle pas de nous, ses amis, qui nous lamentons : la Russie a été privée de son poète bien-aimé, de son poète national. Il a disparu pour elle à l'instant où sa maturation était accomplie ; il a disparu au moment d'atteindre à ce tournant où l'âme, prodiguant ses adieux à la force bouillonnante, parfois désordonnée, d'une jeunesse placée sous le signe du génie, se livre à la force plus tranquille, plus modérée d'une virile maturité, aussi fraîche que la première, pas aussi impétueuse, certes, mais plus créatrice. Quel Russe, avec cette mort, n'a pas eu une part familière arrachée à son cœur ?
Apparemment, la nouvelle que Pouchkine était à l'agonie s'était à peine propagée que déjà des milliers de personnes ( "des gens de toutes conditions, familiers et inconnus") se rassemblait devant sa maison. Sa mort annoncée, durant deux jours sont venus le voir dans la pièce où il reposait dans son cercueil, paraît-il, 50 000 personnes Un dernier bel extrait : - Citation :
- Quand tous furent partis, je m'assis devant lui, et longuement, seul, je contemplai son visage (...) Mais je ne saurais dire avec des mots ce qui s'exprimait sur son visage. C'était pour moi si nouveau, et en même temps si familier. Ce n'était ni le sommeil, ni le repos ; ce n'était pas l'expression de l'esprit qui était auparavant si caractéristique de ce visage ; ce n'était pas non plus une expression poétique, non ! C'était comme une pensée grave, étonnante, qui se répandait sur ce visage : une espèce de vision, de connaissance absolue, profondément satisfaite.
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