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Parfum de livres… parfum d’ailleurs
Littérature, forum littéraire : passion, imaginaire, partage et liberté. Ce forum livre l’émotion littéraire. Parlez d’écrivains, du plaisir livres, de littérature : romans, poèmes…ou d’arts…
Où le ranger ? Autrement dit, est-il avant tout réalisateur et scénariste, en plus d'être journaliste spécialisé et historien du cinéma ? (c'est-à-dire: sa place sur ce forum n'est-elle pas plutôt parmi les gens de caméra ? La réponse est si, certainement).
Mais c'est aussi un écrivain, qui a porté à l'écran une bonne partie de ses ouvrages littéraires.
Né à Tunis le 2 mai 1921, où sa famille s'était réfugiée depuis la première guerre mondiale, fils d'un instituteur anarchiste et syndicaliste-révolutionnaire. Etudes primaires et secondaires dans la région bordelaise puis à Bordeaux même. Paris ensuite, avec une licence de philo à la Sorbonne en 1940 avant de passer à la clandestinité. Journaliste à la libération: rédacteur notamment de la revue spécialisée L'Écran français), puis rédacteur de chef à partir de mars 1950, il collabore aussi à Arts, et à Action), il publie, outre une monumentale "Encyclopédie du cinéma" (aux Éditions Bordas), un "Dictionnaire des synonymes, analogies et antonymes" et un petit abécédaire : "Les Mots de l'Anarchie"(1982), environ vingt romans.
Libertaire de coeur, mais aussi proche de certains communistes, il est élu Maire de la commune de Pondaurat (en Gironde), de 1977 à 1995. En 1992 il se porte candidat aux élections régionales, sur une liste écologiste.
Il décède à Bassanne (Gironde) le 14 mai 2001.
Outre les trois ouvrages déjà cités, petit échantillonnage biographique:
Principaux romans: Le sixième sens, Éditions Denoël, 1959 13e caprice, Éditions Denoël, 1962 Le cinéma est mort, vive le cinéma !, Éditions Denoël, 1967 L'encyclopédie du cinéma, Bordas, 1967 Vie et mort de Jean Chalosse, moutonnier des Landes, Éditions Robert Laffont, 1976 Marie-Jeanne des Bernis, Éditions Robert Laffont, 1978 Les mots de l'anarchie, Éditions Delalain, 1982 Des enfants dans les arbres, Éditions Robert Laffont, 1985 Les Guichets du Louvre, Éditions Gaïa, 1999 Les doigts, Éditions Gaïa, 2001
Principaux scénarios :
Cause toujours, mon lapin, 1961 Les coups (TV), 1971 L'étang de la Breure (TV), 1973 Les violons du bal, 1974 Les guichets du Louvre, 1974 Le temps d'une république : le chien de Munich (TV), 1978 Le mal bleu (TV), 1979 Un balcon en forêt, 1979 Jean Chalosse (TV), 1980 Tout est dans la fin (TV), 1987 Des enfants dans les arbres (TV), 1994
Principales réalisations:
Portait de Nicole Védrès, 1964 Le 13ème caprice, 1967 Fin de saison (TV), 1973 Le Bourrier (TV), 1982
Sigismond Agilité postale
Messages : 875 Inscription le : 25/03/2013
Sujet: Re: Roger Boussinot Sam 26 Avr 2014 - 2:22
Vie et mort de Jean Chalosse moutonnier des Landes (éditions Robert-Laffont, 1976)
Ce roman est en fait une enquête menée par Boussinot, mais comportant trop de "blancs" pour être publiée sous une autre forme que le roman (donc la fiction). Boussinot le portera à l'écran (je n'ai pas vu le résultat).
Le point de départ est un clochard colossal, vêtu de la houppelande des bergers, que Bousinot croisait, sur les marches de la Faculté de Médecine de Bordeaux, lorsqu'ado Boussinot se rendait au Lycée Michel-Montaigne, situé Cours Victor-Hugo, où il était "externe libre" dans les années 1930. Quarante ans plus tard, Boussinot s'est ressouvenu, et a eu envie de lui donner une identité, et de combler les lacunes de son histoire. Celle-ci est grandement inconnue, donc très imaginée. Le pâtre n'a pas laissé plus de traces qu'un troupeau dans la soulane d'une estive, la neige venue. Le point de départ du roman est très bien évoqué par Boussinot dans le (très !) court-métrage ci-dessous:
Le bâtiment qui abritait alors la Faculté de Médecine est toujours visible et presque tel quel (il a été ravalé depuis), les rues Elie-Gintrac et Leyteire, dont il est question, sont plus -disons- grattées, "gentrifiées", moins populeuses mais sont, à ces importants détails près, encore telles que Jean dit Chalosse les a arpentées à pieds douloureux.
Jean dit Chalosse est un enfant, sans âge mais après le stade du nourrisson, trouvé ou plus exactement apporté subrepticement, à un berger transhumant, c'est-à-dire un "moutonnier", un homme libre et non un salarié, qui prend en charge ses propres bêtes et celles que des éleveurs lui confient afin de se rendre depuis la Gironde jusqu'aux Pyrénées en trois mois, où bêtes et pâtre vivront quatre mois en altitude, avant de rentrer par le même chemin, et hiverner dans l'herbe salée sur les dunes de la côte aquitaine, depuis les Landes jusqu'au Médoc. Et ainsi de suite.
Ce berger transhumant est Jean dit Tierrabec, qui nomme cet enfant Jean comme lui, dit Chalosse, de la contrée qu'il traversait lors de cette apparition humaine au sein de son troupeau.
Il lui apprendra ce métier, sans doute alors multi-millénaire et inchangé dans ce lieu géographique-là, ainsi que la seule langue que Jean dit Chalosse connaîtra jamais, le patois. On situe la naissance de Jean dit Chalosse aux environs de 1868. Resté seul à la mort accidentelle de Jean dit Tierrabec en montagne, à treize ans environ il réalise l'exploit d'achever le séjour en altitude et de ramener le troupeau en Gironde.
Mais l'empreinte mécanico-industrielle commence à poindre sérieusement, d'abord le chemin de fer, puis la pharaonique plantation en résineux (pins maritimes) de la forêt des Landes, modifiant complètement le paysage aquitain, en des lieux qui comptaient parmi les tout derniers vrais déserts européens, et que l'on a du mal à se représenter aujourd'hui, même s'il en subsiste quelques rares îlots accidentels évocateurs, et un ouvrage photographique majeur, réalisé juste à temps, le Dictionnaire de la Grande-Lande de Félix Arnaudin.
S'ensuivront les automobiles et puis, glas définitif porté à cette très antique civilisation pastorale et nomade, les camions, qui parcourent en quelques heures le trajet Gironde-Pyrénées, chargés d'autant de troupeaux qu'il y a de demandes...
Le berger est aussi un passeur, quelqu'un de vaguement sorcier, en fait qui connaît les herbes et sait s'en arranger; quelqu'un qui "lit" la nature vivante, et est peu voire pas du tout à l'aise en compagnie des autres hommes.
"Dernier des Mohicans", Jean dit Chalosse trépasse en 1936 et avec lui tout un monde antique, biblique, dans un sordide achevé.
Sur la forme littéraire, Boussinot nous délivre un ouvrage sec, limite radin, brut de décoffrage, et donc "moderne" en somme. Quel dommage, et les garnitures, les fioritures, où sont-elles, avec un sujet pareil ? Heureusement, il s'explique en détail sur ce choix d'auteur vers la fin de l'ouvrage. Laquelle fin est à prendre un peu comme un bonus, avec les prolongements d'enquête, et la bonne pourriture des nantis, le sort injuste du désemparé victimable de service, etc... (non, je ne dévoile pas).
Si vous ne trouvez pas ce livre dans la délicieusement kitsch-années 1970 édition (en-tête de message), Robert-Laffont a effectué un nouveau tirage en 2008 , c'est le troisième après une édition à couverture style image d'Epinal , la palme de la plus belle image de première de couverture revenant à l'édition Le Livre de Poche (c'est souvent le cas, d'ailleurs, je trouve), avec une photo d'exceptionnelle puissance .
Alors, fin de l'histoire ? Que non ! Dans les années 1990 un berger, Stéphane Irriberri, s'est mis en tête de refaire la grande transhumance, en dépit de tous les pièges et obstacles que cette route comporte aujourd'hui. Et, depuis lors, il s'y tient. Mais tout ceci est une toute autre histoire
Roger Boussinot
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