Jean Galtier-Boissière (1891-1966)
Il est avant tout connu pour avoir créé en 1915 le journal de tranchées
Le Crapouillot. Journal satirique qui aura beaucoup de succès durant l'entre-deux-guerres.
Galtier-Boissière écrira aussi dans
Le canard enchaîné toutes sortes d'articles polémiques, mordants.
Il a côtoyé toute sa vie un peu tout le monde, tout le gratin journalistico-politique et littéraire, tous bords. Et j'apprécie énormément ce genre d'esprit libre qui traverse les époques.
Plusieurs romans à son actif, dans lesquels il raconte son expérience du front :
En rase campagne (1917)
Un hiver à Souchez (1917)
Loin de la riflette (1921)
La bonne vie (1925)
La fleur au fusil (1927)
Après la seconde guerre mondiale, il écrit surtout des livres d'histoire, publie ses mémoires et des journaux de guerre, et toutes sortes d'essais "polémiques" (
Bobards 39-45, Dictionnaire des girouettes...).
Je me suis offert son Histoire des deux guerres mondiales (en trois volumes).
J'avais envie de me rafraîchir la mémoire avant de me lancer dans la lecture de romans sur 14-18 (j'ai hâte !). Je voulais un témoin d'époque, mais avec un certain recul quand même, et pas du gnangnan universitaire mensonger resservi à toutes les sauces. Un truc qui percute, qui bouscule les idées reçues, mais au plus près des faits.
J'ai donc tout naturellement pensé à Galtier-Boissière.
Là je viens de terminer son
Histoire de la grande guerre, 14-18 (1959). Gros gros pavé. J'y ai passé trois semaines dessus...
Superbe couverture :
Le début fut dur... En fait, et je ne le savais pas, l'angle de vue est purement politique, diplomatique, stratégique et dans une moindre mesure économique. Alors ça m'a d'un coup refroidit... Moi je voulais une grande "épopée", retracée en détails certes, mais alerte et qui déroule. Mais en fait ce sont surtout les 150 premières pages,
Causes et origines secrètes du conflit, qui sont assez éprouvantes à lire. Non pas que c'est chiant, au contraire c'est super intéressant, mais disons que Galtier-Boissière s'appuie en permanence sur la correspondance des chefs d'Etat, ambassadeurs, sur des mémoires divers, des missives secrètes, des comptes rendus, comités par ci, chinoiseries par là.
On se noie sous les citations, auxquelles on a droit genre toutes les trois lignes
(j'exagère à peine). Bref, ça n'avance pas d'un pouce.
Et puis, à partir d'août 14, l'intérêt du conflit aidant, on avance mieux d'un coup... et puis ça finit carrément par devenir passionnant... J'ai appris des milliards de trucs
En revanche, il n'est fait aucunement mention (ou presque) de la condition du soldat. Il n'est jamais question des martyrs Dugommier, Lacassagne, Vandenput... mais surtout des chefs d'armée, politiciens... Comme je le disais, l'intérêt du livre est avant tout dans les batailles, les pactes, conférences, passe-passe électoraux, guéguerres ministérielles intérieures, "parachutages" d'hauts gradés, angles stratégique et diplomatique à fond (au passage, incroyable le nombre d'avenues, boulevards qui portent le nom d'ordures intégrales... tandis que les mecs bien ont disparu de la circulation (sic)...).
Mais en fait Galtier-Boissière s'était déjà attaché au sort des poilus dans ses romans (je suppose), mais aussi dans son
Défilé des mutilés (1919).
Le dernier chapitre,
Répercussions profondes de la guerre, écrit en réalité en 1932, est incroyablement prophétique... pas seulement à propos de la "prochaine" à venir, mais surtout concernant des sujets plus contemporains...