Les conversations Prix Landernau 2014, catégorie Découvertes.
Cela commence comme un petit roman sympathique et léger, l’amitié de deux petites filles, décrite avec beaucoup de charme, puis peu à peu se tisse un filet assez terrifiant, dont les mailles se resserrent au fil des pages, jusqu'à l'implosion finale.
Car l'amie de Magda est juive, et on est en 1934. Magda nous raconte cette histoire rétrospectivement, à l'enterrement de son mari Henri, et l'on comprend peu à peu pourquoi elle est si bouleversée, bien au-delà de ce que croient les personnes qui cherchent à la consoler.
Au risque de moins vous allécher, il m'est impossible de raconter les péripéties, dont il faut savoir qu'elles vont au-delà de ce qu'on peut ressentir comme prévisible, mais dont la révélation déflorerait le roman. C'est leur survenue progressive qui donne toute son intensité et son aspect douloureux à un texte qui commençait de façon charmante. Une fois le livre fermé, on ne sait finalement pas s'il parle d'une petite fille qui n'a pas voulu voir, ou d'une femme à qui l'on a caché. Il parle en tout cas d'une vieille femme qui se prend le poids des secrets en pleine figure, qui apprend que tout ce qui donnait un sens à sa vie n'était qu'un simulacre.
Il ne s'agit donc pas seulement d'un roman qui parle de ce qu'on a fait aux Juifs en France pendant la guerre (Cette partie-là est déjà menée de main de maître avec un réalisme, mais aussi une fine attention au détail). Il s'agit d'un roman qui montre comment cet état de fait a perverti la société, et les cicatrices que cela y a laissé, pour plusieurs décennies, confronté aux drames intimes.
Anna Lisbeth
Marek étudie avec une intelligence percutante les psychologies, les mentalités et les comportements d'une époque qu'elle n'a pas connu. Elle élabore de magnifiques portraits de ses personnages, leurs aspects lumineux et leur face cachée.
L’horreur ne saisit que peu à peu le lecteur, comme elle a saisi ces fillettes qui croyaient en l’avenir, comme elle saisit cette femme qui croyait au moins en un passé qu'elle nous dévoile quand elle le découvre. Anna Lisbeth
Marek construit, l’air de rien, un drame puissant qui, dans les dernières pages devient d'une violence saisissante.
- Citation :
- Alors pas un mot à prononcer, comme toujours, comme toutes ces années auprès de toi Henri, ce silence dans la figure, les morts qui crachent leur silence et leurs plaintes muettes qui jamais ne cessent.