Le Poète de GazaSentiment ambivalent pour ce livre écrit au lance-roquette, pas du tout agréable ni par sa thématique ni par son style.
L'auteur nous immerge dans la vie d'un type passablement brutal qui passe sa vie dans les caves des prisons israéliennes à interroger, tabasser, torturer et parfois accidentellement tuer des arabes soupçonnés de terrorisme.
L'ambiguïté vient d'abord du fait que ce type frappe dans l'urgence pour éviter que des kamikazes se fassent exploser dans les rues de Jérusalem ou de Tel-Aviv ; il frappe pour sauver des êtres, pour sauver son pays du chaos terroriste. Est-il blâmable ?
Surtout, peu à peu, le lecteur découvre sa vie : cet homme, dont on ne saura jamais ni le nom, ni le prénom (prouesse assez énigmatique, qui donne déjà une certaine idée du travail de l'auteur), a été un étudiant brillant, il se rêvait écrivain, il a des idées plutôt de gauche et surtout défend l'idée qu'une paix est possible entre la Palestine et Israël et c'est justement pour ces idées qu'il est recruté dans les services secrets. Parce qu'il n'est pas une brute et parce qu'il connait et apprécie les Arabes.
Mais
Au début du roman, un type torturé meurt étouffé et notre 'héros' est suspendu. Il va donc se plonger dans une autre affaire, à laquelle il participait avec peu d'entrain mais qui va peu à peu prendre toute la place dans sa vie.
Mais cette histoire l'oblige à infiltrer un milieu juif, non religieux, de gauche, un milieu juif qui fréquente et admire Le Poète de Gaza et qu'il découvre en se faisant passer pour un apprenti écrivain (ce qu'il rêvait d'être). Cette nouvelle peau va bouleverser sa vie.
Le livre de Sarid a pour principal intérêt de nous montrer la manière dont un Israélien (non religieux) vit dans un pays en guerre, une guerre faite par des terroristes, qui n'ont aucun scrupule pour massacrer des femmes, des enfants, des vieillards. La réponse de ce patriote s'inscrit elle aussi dans la violence (mais une violence en quelque sorte tolérée parce que justifiée par l'armée, le politique, le policier) jusqu'à ce qu'il commence à douter. C'est ce moment de doute, de basculement, de mise en jeu de force extrême auquel nous sommes confrontés. Ce qui est dit est très dur, parce que la situation est dure. Sarid ne cache rien de la complexité des éléments car se ranger du côté des Arabes (en protégeant un père et son fils) c'est accepter de mettre en danger son pays, des vies humaines, des enfants, des femmes et des vieillards.
Rien que pour ce discours-là, ce livre vaut d'être lu. Surtout il ne faudrait pas croire que ce livre est d'une brutalité crasse car il dit bien plus de la violence réelle de la vie israélienne que tous les reportages vus à la télé. S'il n'est pas agréable à lire c'est qu'il est juste. Et cette vérité-là est monstrueuse.