Loïc Merle

Né en 1978, Loïc Merle a vécu à Lyon, à Paris et en Allemagne, où il a passé six ans et où il s'est décidé à écrire.

Bibliographie

2013 L'Esprit de l'ivresse

L'esprit de l'ivresse

Cette phrase de l'éditeur a attiré mon attention :

Cette nuit des hommes, l'auteur la dessine d'une phrase riche et lumineuse, légèrement étourdie, comme exactement ivre. Car, semble-t-il nous dire, de vital et de salvateur, ne nous restera-t-il bientôt que l'esprit de l'ivresse ? C'est une des questions cruciales qui traversent ce premier roman d'une ampleur et d'une ambition rares.

J'aime bien l'idée qu'un jeune auteur se jette à bord d'un bateau ivre pour nous parler du monde, notre monde, celui de la banlieue (si proche et parfois si lointaine), d'un vieil homme, Youssef Chalaoui qui rentre chez lui un peu désarçonné, un peu grisé par toutes les questions qui voyagent dans sa tête et par un étourdissement étrange, lié à la fatigue de l'âge sans doute ou bien à la chaleur... nous parler de cet homme qui lors d'un banal contrôle d'identité se fait molester par la police et ne rentrera jamais chez lui. La flaque de sang qu'il laisse va enflammer la banlieue. Une flamme telle qu'elle va conduire le gouvernement à la fuite, alors qu'une jeune femme : Clara, un peu dézinguée, un peu bizarre va apporter la révolution à un groupe de femmes, de parisiennes.

Voilà grossièrement le propos. C'est intéressant. C'est extrêmement bien écrit (trop bien écrit ?), mais il m'a manqué un petit quelque chose, une empathie, une ivresse, un emballement pour vraiment entrer dans le roman. C'est comme si Loïc Merle se contentait d'effleurer ses personnages, comme si malgré l'introspection à laquelle il a sans cesse recours, je n'étais jamais arrivée vraiment à les aimer, les écouter, à les défendre... Ils échappent, comme la révolution en marche se dissout dans le temps et la répression. Cette insurrection qui vient, chamboule, exalte et exulte mais reste à la périphérie du roman, comme si encore une fois l'auteur avait choisi de poser un filtre sur sa vision et que ce filtre éloignait du sang répandu par la tête éclatée de Youssef Chalaoui.

Et cette distanciation est bien dommage car en effet le texte se veut ambitieux, riche et très bien écrit. Ecrit comme une vague perpétuelle qui sans cesse lèche le sable d'une plage, un brin lénifiante l'écriture de Merle est à la fois proustienne dans ces longs développements et en même temps elle s'en éloigne dans la mesure où sa psychologie ne parvient pas jusqu'au lecteur. Il y a comme une barrière à franchir que mon esprit s'est refusé à dépasser...

Dommage !

un extrait

nous sommes dans la tête de Clara, cette jeune femme perturbée qui vient de la banlieue et possède donc un titre de 'noblesse' paradoxal auprès des femmes, des parisiennes en rébellion qu'elle côtoie.

Citation :

Ainsi instruite, lucide, je me sentais dorénavant partie prenante d'un combat de tous les instants contre la société précédente, contre son retour, enfin détentrice d'un magistère que l'on m'avait confié parce que je connaissais bien les Iris
parce que je ne leur disais pas toute la vérité sur moi
mais que j'exerçais difficilement au cours de ces réunions épuisantes où nous n'avancions guère, où nous ne décidions rien et tout juste de nous revoir, où, dernièrement, il me semblait regarder le temps s'en aller sans jambes, à plat ventre... Et nous baissions toutes la tête afin de ne pas céder à l'exécration et à la panique, regardions nos pieds tellement nous réfléchissions aux choses qui se produisaient, explosions de revendications confuses et explosions véritables, fraternisations inattendues, louvoiement des loyautés et ébranlement des soutiens et des sens...

D'après ton commentaire on peut tout de même trouver de quoi apprécier il me semble .

oui mais j'aime les styles un peu plus bruts !! et j'avoue avoir pris bien plus de plaisir à lire Bruce Bégout malgré certains défauts (sur des thèmes un peu similaires : la ville, les non-lieux, la rébellion) qu'avec Loïc Merle, moins surprenant, plus convenu... même si en effet le livre ne manque pas de beauté.