John Howard
Griffin (1920-1980).
Journaliste et écrivain, a beaucoup lutté contre la ségrégation raciale.
DANS LA PEAU D'UN NOIRGriffin est un journaliste américain. Se sentant très impliqué par la question de la ségrégation raciale, il décide de se "transformer" en homme noir, de s'immerger dans la société noire, afin d'en connaître réellement les conditions.
Il restera environ 6 semaines noir, et relatera son expérience par écrit afin
d'être publié dans les journaux, et ... peut-être... faire avancer les choses.
C'est un roman très étrange, un de ceux qui font partie des incontournables à lire un jour dans sa vie. Et pourtant... comment dire du mal d'un livre qui traite un sujet si grave, si réel, quand on ne l'a pas autant apprécié qu'on l'aurait cru ?
Avant d'ouvrir une seule page de ce livre, il faut réellement et profondément se resituer dans le contexte : Sud des Etats-Unis, années 60. Parce que l'auteur ne nous aidera pas tellement à nous imprégner assez de l'atmosphère de l'époque pour permettre au lecteur de vraiment "comprendre" son histoire. Et c'est là qu'on sent notamment le travail journalistique et non le travail d'un écrivain.
Griffin donne ses impressions, succintement. Il raconte ses pérégrinations et ponctue son texte d'anecdotes. Des anecdotes parfois dures, certes, mais souvent trop peu "exploitées" par l'auteur. Il ne se les approprie pas vraiment, reste à la surface des choses, alors que cette expérience le bouleverse au plus haut point (il un même terrible cauchemar pratiquement toutes les nuits) il ne semble pas parvenir à mettre des mots dessus.
Alors, oui, pour l'époque, ça a été un bouleversement, et certainement que même s'il l'avait voulu il n'aurait pu en écrire plus, mais pour moi il a été parfois difficile de croire en lui, en
Griffin et en cette histoire.
Essentiellement aussi parce que son raisonnement est parfois trop manichéen, l'homme blanc est un être bourré de vices et de violence qui n'attend qu'une occasion pour se dévoiler (dans la nuit) - le noir est toujours bon, solidaire et soumis (il oublit la virulence des blacks panthers).
Dans la peau d'un Noir, reste tout de même un témoignage très important, et très fort : comment une homme se retrouve à faire des kilomètres pour enfin avoir le droit d'accéder à de l'eau potable ; comment chaque jour de petites choses de rien lui rappelle qu'il n'est rien ; les lieux interdits, les
regards, cette façon qu'à le blanc de considérer le noir comme une sorte de démon, de partie obscure de l'humanité, le côté bestial de l'homme.
Un livre qui se lit, certainement pas pour le style (d'ailleurs aucun autre
ouvrage de
Griffin n'a été traduit en France), juste pour la chronique
historique.
- Citation :
- Il fallait le que le rire fût rabelaisien, sinon il devenait sanglot, et sangloter serait une prise de conscience qui impliquait le désespoir. Le bruit jaillissait donc comme une fugue accélérée, de plus en plus fort afin de submerger ce chuchotement au fond de chaque âme : "Tu es Noir. Tu es condamné." Voilà ce que l'homme blanc prend pour "une vie joyeuse" et appelle "faire la bombe" ! voilà pourquoi l'homme blanc peut dire : "Ils se conduisent comme des animaux" ; il ne comprend pas pourquoi ils doivent pour survivre hurler, s'enivrer, danser, ingurgiter le plaisir dans des corps privés de bonheur. Autrement les sons de ce quartier rythmés avec ordre se transformeraient en lamentations.