Le Conte de la princesse Kaguya [Isao Takahata]

Le Conte de la princesse Kaguya d'Isao Takahata

C'est une année particulière pour le studio Ghibli car après Miyazaki, Takahata tire sans doute sa révérence artistique avec ce nouveau film, son premier depuis près de quinze ans. J'ai une très grande admiration pour son oeuvre tant Le tombeau des lucioles a été un temps fort de ma jeunesse cinéphile. Très attendu, Le Conte de la princesse Kaguya m'a comblé au-delà de mes espérances.

Cette adaptation d'un conte japonais du Xème siècle (Le conte du coupeur de bambou) bouleverse par la simplicité et la pureté de l'animation, à la limpidité proche d'une estampe. Les décors esquissés renouvellent à chaque scène une capacité d'émerveillement, une soif d'idéal pour saisir dans toute sa fragilité éphémère la beauté d'un monde qui semble se créer devant nos yeux. La vie de la princesse Kaguya, née d'une pousse de bambou est une recherche constante de liberté, d'affirmation que Takahata transcende grâce à une finesse poétique révélant à la fois la joie la plus évidente et la tristesse la plus grave. Il suggère avec finesse chaque émotion, à travers l'enthousiasme de l'enfance puis la blessure d'une détresse lorsque le miracle de son apparence devient l'instrument d'un rang social et d'une dépossession.

La dimension mythologique embellit la représentation d'un Japon traditionnel mais symbolise aussi un renoncement, produit d'une solitude que Kaguya ne peut jamais entièrement combler ou oublier car elle n'appartient pas à la Terre. La jeune femme réussit cependant à dépasser l'amertume de sa condition en incarnant une sensibilité vibrante qui sait s'épanouir sans s'évanouir ou disparaitre. Sa présence discrète est ainsi soutenue par l'éclat du rêve et la trace du souvenir.

Avadoro a écrit:

Très attendu, Le Conte de la princesse Kaguya m'a comblé au-delà de mes espérances.

Ah, tant mieux !
Je vais le voir dans quelques jours...

Voilà, j'ai vu la Princesse Kaguya.
C'est fidèle au Conte du coupeur de bambou (voir le fil, ici), à ceci près que l'histoire du "bol de pierre du Bouddha" est différente, et qu'un personnage, notamment, a été ajouté (l'ami pour lequel la Princesse a quelques sentiments).
De façon générale, la princesse Kaguya a été "humanisée", par rapport au conte, dans lequel elle est très froide (vis-à-vis de ses prétendants). Elle n'a pas le machiavélisme ou la cruauté qu'on peut lui supposer dans le conte : en effet, dans le conte c'est elle qui dit ce qu'elle attend de chacun des prétendants, tandis que dans le film, c'est eux-même qui évoque chacun l'objet qui leur sera ensuite demandé.

Le scénario a été habilement enrichi pour faire un "vrai" film, peut-être plus homogène que le conte (je tâcherai d'alimenter un peu le fil), à part vers la fin, bien sûr (fin un petit peu plus explicité dans le film que dans le conte), où j'ai toujours des réticences, comme s'il y avait un raccord bizarre.

Visuellement, c'est magnifique, on est proche de l'aquarelle ; et le changement dans une scène (où elle court - on l'aperçoit dans la bande-annonce) est d'autant plus frappant. La fin est aussi très bien rendue, sachant que dans le conte l'aspect de certaines personnes n'est pas décrit, et que vu ce qu'il se passe, la mise en images n'était pas évidente. Ici, on a (sauf erreur de ma part) une interprétation bouddhiste (dans la représentation).

Très bonne musique de Joe Hisaishi.

A noter que l'on m'avait dit que, à un moment, les sous-titres étaient très peu lisibles (clair sur fond clair), mais c'était dans un UGC. Au MK2 près de chez moi, je n'ai pas eu ce problème (sans vouloir faire de la pub).



Takahata a une diversité de styles et de thèmes plus importante que Miyazaki. Dommage qu'il n'ait pas réalisé plus de films.

La diversité de styles de Takahata est aussi liée à son parcours car il n'est pas dessinateur ou graphiste comme Miyazaki. La rareté de ses films est en partie le fruit de sa personnalité, de son perfectionnisme...ce n'est pas un regret pour moi.
Tu as raison de souligner la beauté de la musique d'Hisaishi pour leur première collaboration.

La musique d'Hisaishi est le petit plus qui va me pousser vers les salles avec vos commentaires.

Un article de Première, à lire ici, rappelle que Kaguya se trouvait déjà dans Mes Voisins les Yamada :

Citation :

Après avoir attrapé une pêche géante dans une rivière dont sortira leur fils aîné (comme dans le conte de Monotaro), papa Yamada s’enfonce dans une forêt de bambous, coupe un tronc et découvre sa fille emmaillotée comme une princesse. Littéralement reprise du conte traditionnel de Kaguya, cette scène annonce image par image, au découpage près, les premières minutes du Conte de la princesse Kaguya.

 
Il y a des films qu'il faut revoir... Je ne connaissais pas ce conte à l'époque, du coup ça ne m'avait pas plus frappé que ça.

Je l'ai regardé vendredi soir en vo.
Alors que j'étais persuadée que ma fille allait s'ennuyer au bout de 30 minutes et que nous devrions sortir de la salle, elle l'a regardé calmement jusqu'à la fin (2h17). C'était déjà pas mal.

Bien que Takahata ait ajouté quelques nouveaux éléments (l'ambition du père, un jeune homme à la campagne etc.), ça ne m'a pas gêné. De toute façon ce conte a déjà plein de versions différentes.

Mais ce qui était le plus impressionnant est tout de même la beauté de dessins. Il y avait déjà la beauté habituelle de la nature typiquement Ghibli par Kazuo Oga (par exemple La rizière de Totoro). De plus Takahata a essayé de s'approcher de style de la peinture japonaise traditionnelle. Et il l'a bien réussi. C'était très beau   

Apparemment Studio Ghibli a décidé de se quitter. Une bonne décision. Les deux grands sont déjà trop âgés. Et les dessinateurs pourront aller travailler avec les nouveaux talents.

Ariane SHOYUSKI a écrit:

Apparemment Studio Ghibli a décidé de se quitter. Une bonne décision. Les deux grands sont déjà trop âgés. Et les dessinateurs pourront aller travailler avec les nouveaux talents.

Je l'avais lu aussi (dans Télérama, je crois), mais je me demande si c'est vraiment vrai...
Omoide no Marnie, réalisé par Hiromasa Yonebayashi (le réalisateur du très sympathique "Arrietty: Le petit monde des chapardeurs"), sort au Japon le 19 juillet. C'est l'adaptation d'un livre occidental (comme souvent chez Ghibli), voir : http://en.wikipedia.org/wiki/When_Marnie_Was_There

Et Goro Miyazaki en est au stade de la pré-production d'un nouveau film, Hôjôkishiki, d'après le livre de Yoshie Hotta (je fais comme si je connaissais ; en fait, non, mais il a l'air assez considérable) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Yoshie_Hotta

Et puis il y a un projet de série pour la télé (Sanzoku no musume Rônya)...

Tu as raison eXPie. C'est peut-être un faux pas de journaliste de Télérama ?
Je suis allée au site de Ghibli et plusieurs autres. Il n'y a aucune information sur ça.

Ouah   
Je ne savais pas que Goro Miyazaki avait l'intention de faire un film de "Hôjôki-shiki" de Hatta.
Tu te rappelles bien un peu avant Noël 2012, tu as posté des commentaires sur "Notes de ma cabane de moine"(Hôjôki) de Kamo no Chômei.
"Hôjôki-shiki" est un journal d'une réflexion de Hotta dans le bombardement intense de mars 1945 en relisant le livre de Chômei. Ce n'est même pas le roman.
Si Goro Miyazaki réussi à son pari, son film pourra devenir un nouveau "tombeau de lucioles".

J'ai fini par le voir, moi aussi. Un joli film, vraiment réussi. Forcément différent par certains aspects du conte originel, mais c'est par essence le genre de récits qui appelle des variations. Peut être par moments vers la fin, cela tire un peu sur la corde sensible du spectateur, mais c'est la seule petite restriction que je verrais. Les dessins sont magnifiques, très inventifs, par moments stylisés. Cela peut se voir à tout âge avec plaisir. Je dirais que c'est le film plaisir par excellence.

Vu il y a un moment.
La chanson revient encore me hanter parfois.

C'était doux, tragique, beau (les dessins sont mieux que tous ces trucs numérisés à mort et lisses qui sont devenus habituels).

Une beau conte que je reverrais avec beaucoup de plaisir.

Queenie a écrit:

Vu il y a un moment.
La chanson revient encore me hanter parfois.

C'était doux, tragique, beau (les dessins sont mieux que tous ces trucs numérisés à mort et lisses qui sont devenus habituels).

Une beau conte que je reverrais avec beaucoup de plaisir.

C'était étonnant que tu ne l'aies pas vu.

Ah, je suis très contente que vous ayez aimé ce dessin animé, Arabella, Queenie.

J'ai découvert cet été en feuilletant son livre dans une librairie qu'Isao Takahata et Kenzaburô OE étaient dans la même classe de la littérature française à l'Université de Tokyo. Je ne le savais pas. C'est vrai qu'ils ont le même âge.
Je croyais aussi depuis longtemps que "Nausicaa" et "Princess Mononoké" de Miyazaki devaient être sous l'influence des œuvres de Kenzaburô OE.
Alors qu'Isao Takahata a beaucoup influencé Miyazaki quand ils étaient jeunes, j'ai l'impression que Takahata n'est pas très ami avec OE. Plutôt une rivalité ? Mais je ne suis pas sûre...

Pour Arabella,
J'ai acheté "Nostromo" et "Lord Jim" récemment.

Ariane SHOYUSKI a écrit:

Pour Arabella,
J'ai acheté "Nostromo" et "Lord Jim" récemment.

On voit à ce point que c'est l'un de mes auteurs fétiches ?


En ce qui concerne ce film, je vais voir peu de dessins animés, j'ai été tenté à cause du Conte du coupeur de bambou que j'ai lu récemment. Et je ne regrette vraiment pas. Dans l'introduction de mon édition du Conte, il est dit que tous les enfants connaissent ce conte au Japon. Est-ce vrai, Ariane ? On te l'a raconté dans ton enfance ? Et tu l'as raconté à ta fille ?

Quelle fulgurance à la fin dans la vision de la princesse Kaguya
J'en ai eu la larme aux yeux. j'ai trouvé le film d'une incroyable justesse où le fond et la forme vont parfaitement bien ensemble