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Sujet: Cabaret [Bob Fosse] Mar 23 Sep 2014 - 11:27
Cabaret de Bob Fosse (sorti en 1972, je souligne au passage que le réalisateur est avant tout chorégraphe et que le film a obtenu 8 oscars, bah oui).
Je suis très étonnée de n'avoir rien trouvé sur ce film. Vu hier. Je suis complètement sous le choc. J'ai trouvé tout le film excellentissime, brillant, décadent, fou, ivre , insolent, barbare et politiquement engagé. On peut faire mieux ? Je ne pense pas.
L'esthétique est clairement celle de la décadence des années 20 à Berlin. On retrouve l'influence picturale hautement revendiquée de Georges Grosz et Otto Dix. Les images sont fulgurantes. Et puisqu'il s'agit de raconter (aussi) un peu de la vie d'un cabaret, les chorégraphies et les chansons sont d'intenses moments d'exultation et de drôlerie, toujours en lien avec l'histoire racontée, celle de Sally, danseuse dévergondée (une américaine pardi) et de Brian, tout juste arrivé de Londres. Ils vont partager leurs chambres, leurs rêves et surtout Sally va mettre le feu dans la vie de son sage compagnon. Ils n'ont pas un sou vaillant mais parviennent toujours à dénicher une combine. Ils sont jeunes, beaux, brillants, ils rêvent tous les deux d'un avenir radieux, elle en super actrice de cinéma et lui en intellectuel… L'histoire pourrait être mielleuse mais elle éminemment moderne, troublante et troublée par l'arrivée d'un jeune comte allemand, richissime et déluré. L'ambiguïté sexuelle des personnages est celle-là même d'une époque folle, où les femmes se dénudent, fument comme des cheminée et boivent jusqu'à plus soif. Evidemment Sally tombe enceinte. Mais de qui ? Evidemment Brian reste chevaleresque. Mais est-ce suffisant ? Evidemment tout le film raconte aussi la montée du nazisme dans un Berlin qui ne pense qu'à la fête pour oublier la misère dans les rues et la violence des chemises brunes. L'argent, la promotion sociale, le chômage et l'appartenance religieuse sont également largement évoqués en particulier avec la relation d'une richissime juive (Marisa Berenson, splendide) et son pauvre amoureux (Fritz Wepper). Les croix gammées finissent par envahir l'image et le maître de cérémonie du Kit Kat Bar aura beau dénoncer de toutes les manières possibles les injures faites aux Juifs, l'Allemagne finira par sombrer.
Ce film est une pure merveille.
Les acteurs sont fabuleux. Intenses, drôles, touchants, toujours d'une justesse incroyable. On ne s'ennuie pas un seul instant dans cet univers baroque et étourdissant d'une richesse prodigieuse.
Tout est parfait.
Le film est adapté d'un livre de Christopher IsherwoodAdieu à Berlin (recommandé d'ailleurs par Koestler dans Hiéroglyphes) que je vais m'empresser de lire ! Le film fait incontestablement penser à la vie de Klaus Mann et de sa sœur Erika, qui réfugiés aux Etats-Unis pour fuir les nazis ont recréé le cabaret et les numéros qu'ils jouaient à Munich. Je comprends mieux d'ailleurs pourquoi les américains sont si doués pour la comédie musicale, je suis maintenant persuadée qu'il s'agit d'un héritage des émigrés allemands… (et je songe aussi évidemment au théâtre de Brecht).
J'ai très envie de le revoir…
Bédoulène Abeille bibliophile
Messages : 17270 Inscription le : 06/07/2007 Age : 79 Localisation : Provence
très bonne piqûre de rappel, cela fait un bon bout de temps que je n'ai pas revu ce film...
et du moment qu'on parle de ce film, il y a ce début de chanson qui ne quitte plus ma tête pendant plusieurs jours
Willkommen, bienvenue, welcome...
et concernant Christopher Isherwood, il y a
The Berlin Novels qui est composé par deux livres: Mr Norris change de train et Adieu à Berlin Isherwood avait prévu de publier un grand roman pré-Hitler autour de Berlin, auquel il voulait donner le titre de The Lost mais finalement il n'y a que cette longue nouvelle de Mr Norris et Adieu à Berlin, composé de six nouvelles Seulement dans une il y a Sally, figure centrale du film, mais pas aussi présente dans le livre ici l'adaptation porte la juste mention "inspirée"...
merci pour ces ajouts kenavo. Je suis vraiment fascinée par l'atmosphère berlinoise (mais pas seulement) des années 'folles'. Il y a une énergie incroyable dans le film de Fosse et en même temps un sentiment d'urgence parce que le monde est en train de s'écrouler. On est vraiment embarqué dans un tourbillon suicidaire, une immense danse voluptueuse dont on sait qu'elle sera interrompue par la destruction et la mort, par le fanatisme. Brian demande au comte Maximilian ce qu'il pense des nazis et celui-ci répond : ne vous inquiétez pas nous les contiendrons. Puis un peu plus tard lors d'une des rares scènes en extérieur, à une fête villageoise, un garçon des jeunesse hitlérienne entonne un chant patriotique et la foule se lève pour chanter et lever le bras en signe de ralliement à Hitler. Brian interroge alors à nouveau Maximilian : Vous êtes sur que vous pourrez les contenir ? et cette fois le comte ne fait que hausser les sourcils ; plus vraiment sûr de sa force.
Je ne sais pas si on pouvait rire autant des nazis dans les cabarets de Berlin avant leur arrivée au pouvoir, mais la manière dont ils sont traités par le burlesque est réjouissante, leur seule réponse à la dérision étant la violence physique... Le dédain des aristocrates et l'humour des intellectuels n'auront finalement que peu de poids dans le jeu de pouvoir allemand...
(Bédou il faut que l'on revienne à Koestler !)
Dernière édition par shanidar le Jeu 25 Sep 2014 - 10:46, édité 1 fois
Christopher Isherwood est considéré comme un des plus grands auteurs anglophone du 20e siècle au Japon. Mais ce qui est triste pour moi est que ses œuvres en version japonais sont introuvables à présent. J'ai tout de même trouvé et lu "Adieu à Berlin". C'était délicieux.
Shanidar, tu as de la chance car Edition Grasset a déjà sorti "Adieu à Berlin" et "Un homme au singulier" dans la collection "les Cahiers Rouges" il y a quelques mois (moins de 10€). On dit que "Tous les conspirateurs" (son premier livre publié) est aussi délicieux. Mais je n'ai pas lu.
Quant à l'adaptation cinématographique d'"Adieu à Berlin", il y avait déjà "I am a camera" (1955, Une fille comme ça) de Henry Cornelius beaucoup plus tôt que "Cabaret". Et certains disent que l'ancien était meilleur que la version Liza Minnelli très (trop ?) hollywoodienne. Mais je ne l'ai jamais vu.
Mais dans "Cabaret", je me rappelle encore la scène où un joli garçon commence à chanter à boy-soprano. C'était terrifiant !
En ce qui concerne Bob Fosse le réalisateur, si tu veux connaître son univers décadent un peu plus, il y a "All That Jazz" (1979, Que le spectacle commence, Palme d'Or à Cannes).
j'ai recensé 10 livres de Isherwood à la médiathèque (dont Tous les conspirateurs) j'ai de quoi me faire plaisir ! Pour les films je ne les vois qu'au cinéma donc je suis un peu tributaire des programmations (cela me permet de faire de belles découvertes comme ce Cabaret !) mais aussi de ne pas toujours pouvoir choisir en fonction de vos conseils !
En tout cas si vous avez d'autres suggestions : n'hésitez pas !
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Sujet: Re: Cabaret [Bob Fosse]
Cabaret [Bob Fosse]
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