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Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Thomas de Quincey Ven 17 Avr 2015 - 23:09
Thomas de Quincey (Manchester, 15/08/1785 - Edimbourg, 08/12/1859)
Thomas de Quincey, par Sir John Watson-Gordon
"Il naît dans la ville industrielle de Manchester (Lancashire). Son père, marchand de textile, meurt en 1793.
Élève brillant, il écrit en grec avec aisance à treize ans, compose des vers et le parle couramment à quinze. Encore adolescent, il est transporté par Les ballades lyriques de Wordsworth et de Coleridge. Il s'enfuit de la Manchester Grammar School à dix-sept ans, pour rejoindre le Pays de Galles. Avant de rentrer chez lui, il mène une vie misérable à Londres, réduit à la mendicité ; il s'évanouit dans la rue, il est alors sauvé par une jeune prostituée de seize ans, Ann. Cependant, il la perd sans recours en manquant l'un de ses rendez-vous, elle hantera alors à jamais son esprit. C'est durant ses années d'études au Worcester College d'Oxford que Quincey découvre l'opium, dont il fait un usage strictement thérapeutique au début, souffrant de douleurs à l'estomac.
En 1807, il devient ami intime de Coleridge, qui le fait entrer dans le cercle des Poètes du Lac, où il fait la connaissance entre autres de William Wordsworth. Il les rejoint pour quelque temps dans la région du Lake District.
Entre 1812 et 1813, il consomme régulièrement de l'opium, mais il arrive encore à contrôler ses doses. Il épouse Margaret Simpson, fille de fermier, qui lui donnera six enfants (il sera veuf en 1837).
Ayant dilapidé sa fortune personnelle, il se lance dans une carrière de journaliste, qui lui permettra de subvenir aux besoins de sa famille pour les trente années à venir.
En 1816, il s'installe à Édimbourg. Il devient totalement dépendant de l'opium, ce qui lui inspirera les Confessions d'un mangeur d'opium anglais (1822) où il s'analyse lucidement face à la drogue. Cet ouvrage sera commenté par Baudelaire et permettra au poète français de décrire les répercussions physiques et mentales de la prise d'opium dans son texte Les Paradis artificiels.
Il est aussi évoqué dans le poème « Cors de chasse » d'Apollinaire, in Alcools.
En 1827, il publie De l'assassinat considéré comme un des beaux-arts, où des érudits devisent d'affaires criminelles comme s'il s'agissait de chefs-d’œuvre et élaborent les critères « esthétiques » d'un « bon » assassinat." (merci Wikipedia)
Dernière édition par eXPie le Ven 17 Avr 2015 - 23:10, édité 1 fois
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Thomas de Quincey Ven 17 Avr 2015 - 23:09
- Le Mortel tireur (The fatal Marksman, 1823). Traduit de l'anglais par Rose Ospital. La Nerthe. 46 pages. "Thomas de Quincey a écrit cette nouvelle en s'inspirant d'un conte allemand, Der Freischütz, conte célèbre du folklore allemand, qui a aussi inspiré Weber pour son opéra bien connu et Hoffmann pour un de ses contes." dit la quatrième de couverture. Il semble quand même qu'il s'agisse d'une traduction d'un conte populaire allemand collecté et réécrit par Johan August Appel en 1811 dans le Gespenterbuch (traduit en français par le géographe polyglotte Jean Baptiste-Benoît Eyriès 1812 sour le titre de Fantasmagoriana... livre lu par Byron, Polidori, Mary et Percy Byssche Shelley à la fameuse villa Diodati en juin 1816 !) : c'est ce qui est écrit sur une page de Wikipedia. Toujours d'après cette page, des histoires de Freischütz (un tireur dont les balles, grâce à un pacte avec le diable, atteignent leur cible à tous les coups, quelle qu'elle soit...) étaient répandues en Allemagne des XIV° au XVI° siècles.
Avec le Mortel tireur, on serait donc en présence de la traduction française de la traduction anglaise d'un conte populaire collecté et réécrit en allemand par Johan August Apel (1771-1816)...
Bertram, un vieux forestier, a une fille, Katherine, mais pas de fils. Il veut la marier à un chasseur. Or, Katherine aime un gentil gratte-papier...
Bertram s'adresse à sa femme, qui tente de le persuader des qualités du gratte-papier :
Citation :
"Depuis plus de deux cents ans, cette ferme de la forêt de Linden est dans ma famille de père en fils. Si tu m'avais donné un fils, très bien : la ferme aurait été pour lui et la gamine aurait pu se marier avec qui elle voulait. Mais, dans le cas présent... c'est non. Que diable !" (page 1).
Même s'il n'aime pas spécialement un type dénommé Robert, c'est lui que sa fille devra épouser ! Ou un autre du même genre : un chasseur. Quand sa mère lui rapporte ces propos, Katherine est désespérée... Mais William, le gentil gratte-papier, n'est pas ébranlé pour autant :
Citation :
"Je ne suis pas incapable à la chasse car, à une époque, j'ai été l'élève de mon oncle Finsterbusch, le maître de garde, et ce n'est que pour faire plaisir à mon parrain, l'huissier, que j'ai échangé le fusil pour le bureau. [...] Si tu te contentes de ne pas aspirer plus haut que ta mère et si Will le forestier ne t'est pas moins cher que Will l'employé de bureau, alors que je meure si je ne quitte pas immédiatement mon poste d'employé de bureau ; car, du point de vue du plaisir, il n'y a pas de comparaison entre la vie plaisante de forestier et la vie formelle de la ville." (page 4).
William prend un fusil et une cartouchière, et va trouver Bertram, qui est allé dans la forêt pour échapper à l'éloquence de sa femme. Il fait rapidement la preuve de son habileté. Tout semble aller bien !
Mais, pour prendre la succession de Bertram et épouser la jolie Katherine, il va devoir passer un petit examen... Or, bizarrement, son fusil ne cesse de s'enrayer, et quand il fonctionne, il tire à côté, très loin de la cible, de façon surnaturelle... Que se passe-t-il ? Serait-la faute d'un maléfice ? Jusqu'où William ira-t-il pour tenter de parvenir à ses fins et épouser la belle Katherine ?
Johann Heinrich Ramberg : Illustration (avant 1840) pour Der Freischütz, acte II, scène 6. On voit comment fondre les fameuses balles, au milieu d'apparitions diaboliques...
Un petit conte classique mais très efficace, différent de Der Freischütz (1821), l'opéra de Weber, dont voici l'ouverture :
Dernière édition par eXPie le Sam 18 Avr 2015 - 22:38, édité 1 fois
GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 18 Avr 2015 - 10:05
Merci eXpie. Je ne pensais pas que ce genre de conte faisait partie de la production de De Quincey (que je connais mal au demeurant ...) Si j'ai bonne mémoire, je me rappelle d'avoir entendu parler de lui (texte ou avant-propos ?) dans les Paradis Artificiels de Baudelaire. Dans ma LAL, j'ai Les derniers jours d'Emmanuel Kant .... Ce titre m'avait beaucoup intrigué ...
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 18 Avr 2015 - 12:01
Moi aussi je ne savais pas qu'il avait écrit ce genre de choses, le seul livre de lui que j'ai lu, ce sont les fameuses "Confessions d'un mangeur d'opium anglais", qui sont dans un autre registre.
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 18 Avr 2015 - 15:59
De Quincey est en effet mal connu en France, alors qu' il a eu des lecteurs de choix et notamment de très nombreux écrivains, dont Baudelaire qui le traduisit. Comme l' a dit ExPie, son existence fut une une suite de longues souffrances. Très tot, il perdit son père et surtout une soeur très aimée.
C' est peut etre pour cela qu' il fuit. Il quitte le collège et vit à Londres une période vraiment misérable. Et en effet, il rencontre une petite prostituée de 15 ans, aussi paumée que lui, qu' il perdra après l' avoir vainement cherchée. Mais, il ne l' oubliera jamais et ce personnage hantera la mémoire d' autres que lui. Une petite silhouette dont la présence illumine Les Confessions d' un opiomane anglais.
Et Thomas De Quincey buvant L' opium, poison doux et chaste, A sa pauvre Ann allait revant.
Apollinaire
On comprend bien que Baudelaire ait reconnu en lui un de ces mélancoliques élus de ses Paradis artificiels, lui qui avait déjà célébré l' opium dans Les Fleurs du mal.
L' opium agrandit ce qui n' a pas de bornes, Allonge l' illimité, Approfondit le temps, creuse la volupté, Et des plaisirs noirs et mornes Remplit l' ame au delà de sa capacité.
A Lire De Quincey, on comprend alors que sa vie troublée et douloureuse développa en lui une sorte d' aptitude quasi naturelle au malheur. Mais aussi à l' humour, celui de ceux qui comme lui, vécurent leur angoisse propre, comme Swift, Wilde, Lewis Carroll, Ambrose Bierce. Un humour très noir qui est celui de De l' assassinat considéré comme un des Beaux-Arts, où De Quincey s' adonne à la fascination de l' horreur et du crime, allant jusqu' à lui reconnaitre des qualités artistiques.
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 18 Avr 2015 - 19:13
On ne peut tout de même pas dire qu'il ne soit pas connu en France, Les confessions d'un mangeur d'opium anglais a en effet été très admiré par de nombreux écrivains, et pas qu'eux d'ailleurs, et trouvable sans grand problème. Mais pour reprendre une de tes expressions favorites, Bix, je me demande si ce n'est pas un peu l'arbre qui cache la forêt. Parce que peu de ses autres textes sont connus, lus et édités. Il y a maintenant le volume de la Pléiade, j'aimerais bien jeter un oeil pour voir ce qu'il y a dedans.
A part Les confessions...et De l'assassinat considéré comme un des Beaux-Arts, as tu autre chose de lui ?
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 18 Avr 2015 - 19:18
Pour ce qui est de la lecture de De Quincey, je parlais de l' immédiat actuel. Non, je n' ai lu que Les Confessions et De l' assassinat.
Ariane SHOYUSKI Sage de la littérature
Messages : 2372 Inscription le : 17/04/2014
Sujet: Re: Thomas de Quincey Dim 19 Avr 2015 - 0:01
C'est vrai que les confessions d'un opiomane est très connues. Je n'ai jamais cherché ses autres œuvres. Merci eXPie.
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Thomas de Quincey Dim 19 Avr 2015 - 8:49
Il a quand même été édité en Pléiade en 2011, ce qui est une forte forme de reconnaissance. Mais eXPie a eu l'excellente idée de mettre en valeur une oeuvre qui ne fait pas partie de l'une ou deux que l'on cite toujours.
GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
Sujet: Re: Thomas de Quincey Dim 19 Avr 2015 - 10:54
En passant ... Coïncidence : dans Drood de Simmons, je viens de lire un passage citant Les confessions d'un opiomane anglais ...
Arabella Sphinge incisive
Messages : 19316 Inscription le : 02/12/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Thomas de Quincey Dim 19 Avr 2015 - 17:58
Une coïncidence prémonitoire ?
colimasson Abeille bibliophile
Messages : 16258 Inscription le : 28/06/2010 Age : 33 Localisation : Thonon
Sujet: Re: Thomas de Quincey Dim 19 Avr 2015 - 21:41
Ca fait un moment que je veux lire ses Confessions... Et j'ai lu récemment cette petite description alléchante faite par Théophile Gautier dans la préface aux Fleurs du mal de Baudelaire :
« De Quincey, chose presque incroyable, était arrivé, en augmentant peu à peu la dose [d’opium], à huit mille gouttes par jour ; ce qui ne l’empêcha pas de parvenir jusqu’à l’âge très-normal de soixante-quinze ans, car il ne mourut qu’au mois de décembre 1859 et fit attendre longtemps les médecins à qui, dans un accès d’humour, il avait moqueusement légué, comme curieux sujet d’expérience scientifique, son corps gorgé d’opium. »
Exini Zen littéraire
Messages : 3065 Inscription le : 08/10/2011 Age : 51 Localisation : Toulouse
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 20 Fév 2016 - 10:48
Un petit mot sur "De l'Assassinat considéré comme un des Beaux-Arts". Malheureusement je n'ai pris aucune note, ce n'est qu'une impression générale. De Quincey cherchait apparemment à parodier, par cet "essai", le roman gothique - très en vogue en Angleterre fin XVIIIè-début XIXème siècle, et que je ne connais pas. Ce que j'ai surtout retenu de "De l'assassinat..." et de son "Mémoire supplémentaire..." c'est son style acéré et néanmoins détaché, dandy à disséquer l'histoire des meurtres, assassinats de personnages célèbres réels ou de fiction, liant l'"esthétisme" à l'humour . Quel scandale pour l'époque ! Mais "Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites" est peut-être la meilleure façon de transcrire ce dont je me souviens.
Dans son "Post-scriptum", il défend d'abord ses textes, simples jeux d'esprit et, finalement, ce genre de style, certes sanglant, mais qui n'a pas grand-chose à voir avec la réalité et est-peut-être nécessaire à la canalisation de la propre violence intérieure du lecteur. Mais mes mots ne sont rien face à ceux de l'auteur :
"Il est impossible de se concilier des lecteurs de si saturnienne et si sombre espèce qu'ils ne sauraient entrer en cordiale sympathie avec quelque gaieté que ce soit, à plus forte raison quand la gaieté empiète un peu sur le domaine de l'extravagant. En pareil cas, ne pas sympathiser, c'est ne pas comprendre; et l'enjouement, s'il n'est pas goûté, devient plat ou insipide, ou bien encore perd toute signification. Heureusement, maintenant que pareils rustres se sont tous retirés, hautement mécontents, de mon auditoire, il reste une grande majorité de lecteurs qui reconnaissent bien haut l'amusement qu'il ont pris à ce petit mémoire, prouvant en même temps la sincérité de leurs louanges par une unique, et hésitante, censure. On m'a laissé entendre à maintes reprises que, peut-être, l'extravagance quoique clairement voulue et participant à la drôlerie générale de la conception, aillait trop loin. Quant à moi, je ne suis pas de cet avis et je me permets de rappeler à ces censeurs amicaux que c'est l'un des objets, l'un des buts directs de cette bagatelle que d'effleurer le bord de l'horreur et de tout ce qui, le vît-on vraiment réalisé, inspirerait le plus grand dégoût. De fait l'excès même de l'extravagance, en suggérant continuellement au lecteur que toute cette spéculation n'est que vent, constitue le plus sûr moyen d'exorciser l'horreur qui, sinon, risquerait de l'accabler"
Puis il s'essaie lui-même au style, avec maestria, en racontant deux meurtres survenus en Angleterre, et qui sont restés dans la mémoire de tous. De Quincey, précurseur du roman noir, qui l'eût-cru ?
Dernière édition par Exini le Sam 20 Fév 2016 - 19:52, édité 3 fois
shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 20 Fév 2016 - 17:38
Tu donnes envie Exini (d'ailleurs tout le fil donne envie). J'ai dû lire Les Confessions... il y a une éternité et je ne me souviens de rien (trop de fumée depuis sans doute), j'y reviendrais du coup bien volontiers...
Exini Zen littéraire
Messages : 3065 Inscription le : 08/10/2011 Age : 51 Localisation : Toulouse
Sujet: Re: Thomas de Quincey Sam 20 Fév 2016 - 20:00
Tant mieux !
Quant aux deux meurtres qu'il raconte, ils sont restés dans la mémoire de tous à l'époque de l'édition. Aujourd'hui, ils ne sont pas vraiment restés dans la mémoire collective, je pense.