Les enfants disparaissentMacias est horloger, il a donc un rapport au temps particulier, il l'aime, il le trouve gratifiant, le temps a pour lui une certaine spatialité. Macias est handicapé, il passe ses journées dans son fauteuil roulant, il a donc aussi un rapport particulier avec l'espace, il l'envisage dans le vertige d'une pente à descendre toujours plus vite. Et cette pente, chaque jour, à 18 heures, à l'heure de la sortie des classes, il la descend à fond de train, sous les hourras des enfants, son chronomètre autour du cou. Jusqu'au jour où un, puis deux, puis trois enfants du quartier disparaissent à chaque fois qu'il bat son record.
Ce roman, qui n'est pas un roman policier, raconte comment un homme seul, vivant entre ses horloges et son chronomètre, désireux de se rendre maître du temps, le temps de son échelle personnelle, comment cet homme, donc, devient à la fois sauveur et suspect. Aimé et maltraité. Enjeu des médias et d'une forme de publicité contingente. Pion politique sur un échiquier qui oscille entre noir et blanc.
Ce roman qui n'est pas un roman scientifique, s'attache à poser des questions essentielles sur le temps et l'espace, sur la manière dont nous envisageons le passé et le futur, la manière dont l'enfance se vivant sans horloge peut fasciner un homme qui justement passe son temps avec elles. Comment la vitesse est une course avec son temps, comment le dépassement de soi (c'est-à-dire ici du chronomètre) fait littéralement disparaître des enfants, une jeunesse, du temps libre.
Ce roman qui n'est pas un roman philosophique, ni métaphysique ne cesse cependant pas de titiller notre fibre intellectuelle (comme bien souvent, d'ailleurs la littérature argentine). Mais loin de donner des réponse, Báñez laisse au lecteur la possibilité de s'inventer ses propres intuitions, celles qui lui feront déduire ou pas ce qui s'est peut-être réellement passé dans la vie de Macias et des enfants qui disparaissent.
J'ai beaucoup aimé cette traversée en compagnie d'un auteur au style impeccable, au récit qui se lit avec énormément d'excitation et qui finalement ne renonce pas à léguer des indices au lecteur un peu joueur, un peu malin, qui aura le désir de chercher, d'interroger, de bouleverser un texte qui ne cesse de l'interroger en retour.
Quand la pratique de la lecture est une mise en danger, on ne peut que s'en réjouir.
A vos chronos ! Prêts ?!! Partez !