Alysia Abbott est la fille unique du poète Steve
Abbott. Journaliste et critique, elle vit actuellement à Cambridge, dans le Massachusetts, avec son mari et leurs deux enfants (Editions du Globe).
FairylandAlysia
Abbott explore sa relation à son père Steve, mort du sida en 1992. Grâce à des lettres retrouvées et à ses propres souvenirs, elle cherche à saisir l'ampleur d'un lien affectif tout en renouant avec une époque révolue, à la fois pleine d'espérances et de contradictions, qui s'est achevée par le traumatisme collectif causé par le sida.
Le texte est sobre, sans artifices et Alysia
Abbott réussit à donner du sens à ce projet littéraire. Davantage qu'un hommage à son père, elle montre combien sa vie a été impactée par le mode de vie, les désirs et les engagements de Steve et comment une enfance atypique, parfois douloureuse lui a permis de construire sa personnalité. Un premier évènement décisif est la mort accidentelle de sa mère dans un accident de voiture, alors qu'Alysia avait deux ans. Elle ne peut alors conserver qu'une image idéalisée, presque absente alors que Steve, pour reprendre le fil de sa vie après ce drame, choisit d'assumer publiquement son homosexualité, de s'installer à San Francisco et de prendre en charge seul l'éducation de sa fille.
Ces années passées à San Francisco, dans le contexte particulier de la fin des années 1970, sont presque hors de l'enfance. Alysia est ainsi presque considérée comme une adulte alors que son père cherche à nouer des liens, à trouver une stabilité et à développer ses ambitions créatives et artistiques. Les questionnements de Steve face à un modèle familial, aux difficultés à relier ses aspirations personnelles et son attachement intact pour Alysia, sont particulièrement émouvants dans leur humilité et leur lucidité. Le père et la fille parviennent ainsi à se comprendre malgré des contradictions et la persistance d'un doute.
L'apparition des symptômes de la maladie, alors qu'Alysia s'approche de l'âge adulte, crée forcément une sensation d'urgence. Cette impuissance d'une génération face aux ravages du sida est évoquée avec pudeur et discrétion, malgré la tristesse et l'amertume. L'essentiel est d'avoir pu mesurer tout ce que son père lui a apporté, et l'écriture représente un retour aux sources et l'aboutissement d'un processus de transmission.