Roschdy Zem

"Omar m'a tuer" est de facture très classique et a le défaut des films à thèse qui assènent leur programme sans beaucoup de subtilité ni d'ambiguïté. Et dans ce registre de reconstitution d'affaires criminelles l'émission "Faites entrer l'accusé" me semble plutôt plus intéressante, complète et documentée. Pour l'acteur/réalisateur qui s'appuie notamment sur le livre de Jean-Marie Rouart, Omar Raddad est clairement innocent et tout le film est un plaidoyer surlignant constamment ce point de vue. Et c'est très gênant parce que même si on est enclin à adopter cette thèse et qu'on a envie de s'indigner de cette potentielle erreur judiciaire, l'absence de véritable contre point dérangeant affaiblit le propos en donnant le sentiment que la "défense" se révèle tout aussi caricaturale que l'accusation avec ses approximations fâcheuses. J'ai d'ailleurs lu que la nièce de Ghislaine Marchal était toujours convaincue de la culpabilité d'Omar Raddad et que si elle acceptait le principe d'un film illustrant la thèse de l'innocence, elle vivait mal en revanche le fait que la famille de la victime n'ait pas été consultée.

Le film tient par la prestation d'acteurs excellents bien que parfois réduits à des stéréotypes unidimensionnels. Sami Bouajila en tête qui est assez stupéfiant de mimétisme avec son modèle et d'émotion contenue. Maurice Bénichou est aussi pas mal en Vergès. La mise en scène par contre ne nous épargne pas des moments de pathos un peu trop pesants.

Reste le mystère de cette phrase écrite 2 fois (je ne savais pas qu'il y avait une 2e ébauche sur le mur) avec cette faute d'orthographe qui est d'ailleurs l'une des fautes les plus répandues un peu partout mais qui semble a priori ne pas pouvoir avoir été écrite par Ghislaine Marchal ni par Omar Raddad lui-même. Une femme de milieu aisé agonisante et dans le noir complet pouvait elle écrire aussi nettement sur le mur et faire cette faute d'orthographe? (mais l'orthographe n'était peut-être pas son fort, surtout dans un moment pareil...). La 2e ébauche visait-elle à rectifier cette faute pour ne pas semer le doute ou au cas où la précédente inscription ne serait pas correctement lisible?). Omar Raddad continue à clamer son innocence en tout cas...

Reste le dernier plan du film. Le plus touchant et troublant. Un gros plan sur le visage un peu marqué du vrai Omar Raddad aujourd'hui. On a envie de lire dans ce regard l'humilité et le courage face aux épreuves, la simplicité d'un homme qu'on ne peut pas vraiment imaginer comme le coupable. On pourrait tout autant y lire la dissimulation et le mensonge sous le masque rassurant à partir du moment où le doute s'installe en nous. Terrible dilemme de ce qui reste à jamais caché.



Le roman de Jean-Marie Rouart (de L' Académie Française):

Citation :

Qu'est-ce qui vous indigne le plus dans cette affaire?

Jean-Marie Rouart: Tout ! Il semble que la justice n'a pas été animée par la recherche d'une vérité autre que celle de la culpabilité d'Omar Raddad. On a fabriqué un coupable idéal. Beaucoup de pièces du dossier ont disparu, notamment à la demande de la partie civile. Des photos qui étaient dans l'appareil de Mme Marchal au moment de sa mort, ont été détruites. Il y a bien d'autres éléments troublants. La question de la date de la mort de Mme Marchal que le premier rapport d'autopsie fixe au 24 juin 1991. Hors le 24 juin 1991, Omar Raddad était à Toulon. Il ne pouvait pas être l'auteur du crime. Le juge Renard, qui, depuis, a été mis à la retraite d'office, a rappelé les médecins légistes pour leur dire qu'ils s'étaient trompés de date, qu'il s'agissait du 23 juin…

Marko a écrit:

"Omar m'a tuer" est de facture très classique et a le défaut des films à thèse qui assènent leur programme sans beaucoup de subtilité ni d'ambiguïté. Et dans ce registre de reconstitution d'affaires criminelles l'émission "Faites entrer l'accusé" me semble plutôt plus intéressante, complète et documentée. Pour l'acteur/réalisateur qui s'appuie notamment sur le livre de Jean-Marie Rouart, Omar Raddad est clairement innocent et tout le film est un plaidoyer surlignant constamment ce point de vue. Et c'est très gênant parce que même si on est enclin à adopter cette thèse et qu'on a envie de s'indigner de cette potentielle erreur judiciaire, l'absence de véritable contre point dérangeant affaiblit le propos en donnant le sentiment que la "défense" se révèle tout aussi caricaturale que l'accusation avec ses approximations fâcheuses. J'ai d'ailleurs lu que la nièce de Ghislaine Marchal était toujours convaincue de la culpabilité d'Omar Raddad et que si elle acceptait le principe d'un film illustrant la thèse de l'innocence, elle vivait mal en revanche le fait que la famille de la victime n'ait pas été consultée.
Le film tient par la prestation d'acteurs excellents bien que parfois réduits à des stéréotypes unidimensionnels. Sami Bouajila en tête qui est assez stupéfiant de mimétisme avec son modèle et d'émotion contenue. Maurice Bénichou est aussi pas mal en Vergès. La mise en scène par contre ne nous épargne pas des moments de pathos un peu trop pesants.

Il est certain que Zem est convaincu de l'innocence d'Omar, mais j'y ai vu surtout une évocation de la toute puissance d'une machine judiciaire à broyer, qui a trouvé un coupable idéal et qui est incapable de se remettre en question et de reconnaître ses éventuelles erreurs (voir les derniers développements de l'affaire concernant l'ADN retrouvé dans le sang de la victime). La colère du réalisateur est contenue et malgré ses convictions, on n'est pas totalement dans un film à thèse, dans le sens où ce sont davantage les défaillances de la justice, et là, ce sont des faits qui sont énoncés, pas nouveaux d'ailleurs, que la question de l'innocence ou de la culpabilité du jardinier qui sont "démontrés". Sur un plan purement cinématographique, je regrette que Roschdy Zem ait un peu sacrifié la forme au fond, la réalisation manque d'ampleur, elle fait un peu trop "Dossiers de l'écran". C'est vrai que le film tient essentiellement sur l'interprétation de Sami Bouajila, certainement l'un des meilleurs acteurs français actuels (Il était remarquable dans Hors la loi de Bouchareb). Au passage, Podalydès montre aussi sa facilité à passer d'un rôle à l'autre, après avoir incarné Sarkozy dans La conquête. Ce que je retiens, c'est que si Omar m'a tuer est un film militant, ce n'est pas une honte, il l'est surtout pour que l'on reconnaisse le droit d'un homme à avoir un procès digne de ce nom, qui fasse oublier la parodie à laquelle il a été soumis. On verra bien, alors, si son innocence est avérée.

Je pensais comme toi mais après avoir lu attentivement tous les arguments a charge et a décharge j'ai malgré tout l'impression que si l'enquête d'origine a été parfois bâclée sur certains points la justice a malgré tout eu un rôle moins caricatural que la défense ou les médias ne le suggèrent pour alimenter la thèse de l'erreur judiciaire.  Il est intéressant de lire l'argumentaire de l'avocat général:
Ici

On peut trouver une version plus détaillée de son commentaire.

Merci. C'est très intéressant.

Omar m'a tuer

Un projet décevant tant la mise en scène est absente et superficielle, Roschdy Zem étant dépassé par son sujet. Le scénario est également trop fragile : Omar m'a tuer contient deux films qui ne parviennent jamais à se rejoindre. Il ne reste que les performances d'acteurs à apprécier....mais si Sami Bouajila et Denis Podalydès sont remarquables par leur implication et leur capacité à incarner leur rôle, c'est insuffisant pour proposer autre chose qu'un film-dossier, plombé par trop de facilités (la reconstitution du meurtre, des transitions abruptes et sursignifiantes).

Sur l'affaire en elle-même, je trouve qu'il est extrêmement difficile de s'engager. Les deux parties ont été très vite instrumentalisées, et dans ces conditions le passage du temps ne peut qu'obscurcir davantage les faits. On se retrouve désarmé, contraint de ressasser les mêmes éléments, en interprétant dans un sens ou dans l'autre. C'est toute la complexité et la fragilité du processus judiciaire.

Avadoro a écrit:

Sur l'affaire en elle-même, je trouve qu'il est extrêmement difficile de s'engager. Les deux parties ont été très vite instrumentalisées, et dans ces conditions le passage du temps ne peut qu'obscurcir davantage les faits. On se retrouve désarmé, contraint de ressasser les mêmes éléments, en interprétant dans un sens ou dans l'autre. C'est toute la complexité et la fragilité du processus judiciaire.

C'est vrai mais la stratégie de la défense, qui a logiquement contribué à cet obscurcissement, a fonctionné complètement sur l'opinion publique qui est maintenant favorable à Omar Raddad alors que la plupart des rapports l'accablent, à l'époque et encore aujourd'hui (voir les livres de Guy Hugnet et surtout de François Foucart notamment). Je n'aimerais pas être juré dans une affaire pareille (et encore moins expert). L'intime conviction est une notion terrible. Et je suis aussi mal à l'aise face à un film comme celui-ci (outre le fait qu'il n'est pas très bon). Quand une erreur judiciaire est démontrée ou quand le vrai coupable se dénonce sur le tard je comprends qu'on fasse de l'accusé une victime expiatoire (on le verra bientôt avec la reconstitution d'Outreau) mais quand les faits restent aussi énigmatiques c'est presque révoltant de voir un film qui ne propose quasiment aucune alternative à la thèse qu'il défend... (on le voit juste dépenser de l'argent au casino). Il aurait probablement été bien plus intéressant de faire le portrait d'un personnage opaque aux motivations ambigües. Il en fait quasiment une figure christique ou un "idiot" au sens du roman de Dostoïevski (toute proportion gardée!). On rentre dans la mythologie.

-Omar m'a tuer-

Je ne pensais pas aller le voir, craignant un peu cet aspect trop démonstratif ou du moins trop orienté, mais fête du cinéma oblige, je me suis fait violence.
Bon, je ne le regrette pas, simplement pour la performance de Sami Bouajila, magnifique de bout en bout (et aussi le plaisir tout bête de voir des coins bien connus filmés, hé hé) Pour le reste rien de nouveau je dirais, le film est honnête bien que surligné c'est clair, mais d'accord avec traversay lorsqi'il dit ceci:

Citation :

il est certain que Zem est convaincu de l'innocence d'Omar, mais j'y ai vu surtout une évocation de la toute puissance d'une machine judiciaire à broyer, qui a trouvé un coupable idéal et qui est incapable de se remettre en question et de reconnaître ses éventuelles erreurs

Sur le fond on pourra toujours discuter de l'affaire durant des heures, il en reste que Roschdy Zem s'est attaqué à quelque chose d'éminemment complexe et que les gros traits pointent maladroitement. Pour moi c'est un film militant sur les droits d'une justice équitable pour tous, avant tout.

Pour ceux que cette histoire intéresse je joins le lien vers la lettre ouverte de la nièce de Ghislaine Marchal, elle-même avocate, à l'academicien Jean-Marie Rouart: Ici

Chocolat

Roschdy Zem se penche sur le destin du clown Chocolat, à partir notamment de l'ouvrage biographique de Gérard Noiriel. Le scénario est très classique et suit l'ascension de cet ancien esclave cubain à travers sa collaboration fructueuse avec le clown britannique George Footit : la modernité et l'inventivité de leur numéros précipitent une reconnaissance parmi le Paris de la Belle Epoque, mais cette célébrité acquise ne masque pas le poids d'une iconographie coloniale et d'un racisme omniprésent. Face à cette popularité subie, il échoue à trouver sa propre voie dans le théâtre et meurt dans l'oubli et la pauvreté.

Le contexte est passionnant mais la proposition de Roschdy Zem reste malheureusement descriptive et caricaturale. Les scènes de cirque sont répétitives et banales, alors que le personnage de Chocolat est observé avec une admiration maladroite : Omar Sy interprète ainsi une icône sans pouvoir incarner son rôle, sans donner vie à son identité, à ses blessures et à son passé mystérieux. Le film est marqué par quelques éclats de violence assez complaisants, qui restent des prétextes et ne permettent pas d'explorer les contradictions d'une société figée, qui ne veut pas accepter une altérité tout en étant fasciné par elle.

Le seul point fort de Chocolat est pour moi l'interprétation du rôle de Footit par James Thierrée, forcément plus à l'aise pour trouver sa place dans le milieu du cirque. Il exprime une sensibilité, une colère qui manquent par ailleurs à un film trop balisé.

-Chocolat-

Je te trouve un peu difficile, Avadoro    Je ne voulais pas voir le film, craignant ce coté classique et figé, et j'ai été plutôt agréablement surprise ! Je ne l'ai pas trouvé si caricatural, pour moi Roschdy Zem évite quand même les clichés trop faciles et ne juge pas ces mentalités de l'époque, il se contente juste de montrer, ce qui pour moi est suffisant (La scène a l'exposition coloniale est terrible en soi, tout est dit)

J'adore Omar Sy, son humanité, sa spontanéité, impossible de lui résister. Aussi bon dans les rôles comiques que tragiques, ici à mon goût, il est vraiment dedans. Quand tu dis qu'il ne donne pas vie à son identité, je pense que pour cet homme revenu de très loin, il ne peut faire plus que ce qu'il exprime devant son public. Tout se lit derrière ses mimiques et ses yeux de clown faussement joyeux. Son désir de plaire, son défi à la vie, puis son renoncement, tout cela étouffé par des années de négation de sa race et de sa culture. J'ai bien aimé James Thierrée mais je l'ai trouvé trop coincé dans son jeu, un peu trop linéaire. Par contre ses numéros de cirque sont époustouflants, mais je suis fan depuis longtemps, à ce niveau là...

Bodybuilder

Un jeune qui s'est raté dans des histoires louches est contraint de se mettre au vert quelques temps et se retrouve à contre cœur chez son père qu'il n'a pas vu depuis plusieurs années. Le père tient une salle de musculation et est en pleine préparation pour la compétition annuelle de bodybuilding...

Drame familial de jeune a l'air lessivé qui dérape et incursion dans un mode de vie extrême avec compléments, médicaments et régime monstrueux et strict. Deux cartes à jouer pour le film qui reste inégal et inégalement inspiré. Pas très original en dehors de la moitié musclée de son sujet, un peu appuyé sur le côté "France de la base" même si la prestation de Marina Fois dans le rôle de la compagne fatiguée de la machine à pousser de la fonte joue sur plusieurs registres.

Pas loin d'être pas terrible si on y regarde de trop près le film survit malgré tout sur le charisme inhabituel de ces gens différents qui font peut-être un peu n'importe quoi (ou n'importe comment) mais ce n'est pas ça le sujet. La bonne chose c'est que le père est joué par un culturiste (de Caunes prévu initialement ?) et que les seconds rôles et figurants ne font pas semblant non plus.