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| | Shawn Cotton | |
| | Auteur | Message |
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jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 42
| Sujet: Shawn Cotton Jeu 31 Mar 2016 - 6:04 | |
| Shawn Cotton a une oeuvre naissante. Il n'est connu que dans les milieux undergrounds et toutefois, la reconnaissance littéraire se fait assez spontanément en ces milieux-là. Après avoir écrit Jonquière LSD, il a lancé le 11 octobre 2012 à la librairie Port de tête, le recueil moins connu Les armes à penser. Doctorak go l'a reconnu à titre honorifique au cours de l'un des galas qu'ils présentent annuellement - c'était le 7e cette année. Jonquière LSD, 2010 Les armes à penser, 2012
Dernière édition par jack-hubert bukowski le Mar 26 Avr 2016 - 6:17, édité 1 fois | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 42
| Sujet: Re: Shawn Cotton Jeu 31 Mar 2016 - 7:03 | |
| Les armes à penser (2012) : Shawn Cotton est l'un des poètes dont nous préférons parler de l'oeuvre que de leur profil. En tant qu'assidu de la librairie Le port de tête, j'arrive en retard pour vous parler de son oeuvre. Je l'avais déjà repéré il y a plusieurs années déjà... mais je me suis collé à la poésie il y a peu. Dans Les armes à penser, j'ai pu constater que j'avais une connivence de vues avec Shawn Cotton. Il dédie son recueil à Maxime Catellier et il mentionne au passage François Guerrette. En outre, il est souvent rapproché de Geneviève Desrosiers. Je ne dis pas nécessairement que je partage leurs esthétiques, mais François Guerrette et Shawn Cotton apprécient la poésie contemporaine québécoise en se référant à certaines figures pas nécessairement médiatisées mais qui méritent le détour. Je vous avertis d'avance : la poésie de Shawn Cotton n'y va pas avec le dos de la cuiller. Il annonce en ouverture du recueil : - Shawn Cotton, Les armes à penser, 2012, Montréal : L'Oie de Cravan, p. 4. a écrit:
QUAND J'AI TROUVÉ LA CLÉ DANS LA LANGUE DE TON OREILLE J'AI TORDU MES SOULIERS TREMPÉS : DANS LE MATIN L'AIR FROID M'A CHAUFFÉ LES SANGS ET J'AI MANGÉ TON POÈME C'ÉTAIT BON - VRAIMENT BON Après avoir écrit à L'Écrou, Shawn Cotton passe à L'Oie de Cravan un an plus tard. Nous pouvons le voir comme une reconnaissance littéraire assez sélecte. Quand je vous dis de prendre garde : - Ibid., p. 9. a écrit:
- L'APPARTEMENT LA NUIT
C'est le matin nos mains ont déjoué les verres qui voulaient nous coucher avec la neige et les cons je dis que tu n'avais plus ta place les arènes bruyantes des cheveux des filles ont détourné les yeux de nos amis nouveau jour je t'aime encore comme les lettres qui s'embrassent dans le repos des livres Prétexte à susciter des flammèches : - Ibid., p. 17. a écrit:
- LEÇON D'EXCITANT
Les factures redeviennent poussière ton coeur sent la vodka et tes nerfs payent tellement le thé infuse depuis longtemps les feuilles s'étendent sur la porcelaine - les amphétamines - et les bruits du voisin qui défonce le siècle j'assois le jour sur un carton que se tiraillent les vents Reprenons nos habitudes : - Ibid., p. 17. a écrit:
LA NUIT DÉTENDUE
Main dans tes bras les fruits des clubs trouvent leur rythme de tomber
*
dans la nuit des mouettes sur la Main devenues colombes sacoches pleines de cris tout va bien les bouncers fourrent
*
la liberté a fait de l'être une cathédrale vertèbres cordes, harpes scies mordent la bière a fait couler l'amour et défoncé le casque de la nuit détendue Il y a des poèmes de longueurs diverses. Shawn Cotton semble bien maîtriser celui-là : - Ibid., p. 23-24. a écrit:
- MONSIEUR LE FEU
m'abattre sur le lit tant qu'en ton corps pousse l'équerre très lente du champ dynamités tant qu'en ta myopie le monde farouche peut perdre son clair ça traverse violent les nouveau-sherbrookes à grands coups de flûte se retenant à la note de l'oeil et des manuscrits qui disparaissent dans les fards d'orgue de la première pierre de rythme que nous ne sommes pas c'est une main de cavalier sur laquelle on écrit le mot fantôme c'est une main aimant la guitare sans corde sans note sans viande et sans rougeur dans ces temps qui comme les reines découvrent le sucre dame fougue de la tristesse des amants de sel que l'on appelle Mexique dame des poésies qui ne te disent rien qui prennent la saveur d'une nuit amère sur ton oreille l'homme du nouveau siècle court de ses espadrilles de rire de ton doigt à ta chenille de veine un nom une inconnue le fer et le vin monsieur le feu en infraction chez toi la nuit Shawn Cotton est assez beat, existentiel dans sa manière d'aborder les choses. Avant tout, il ne se prive pas de coups d'éclat : - Ibid., p. 35. a écrit:
- L'ALASKA BAISÉE
J'ai pris doucement dans mes paumes pour les allumer au monde l'alaska baisée / distorsions glaciers de tout le long de tes longs cheveux noirs de vie amie disparue
Lentement ma vie chaque nuit te retrouve au retour des rues au détour des chanvres et lentement chaque jour te reprend et chaque matin me réveillant tout disparaît le monde est imparfait l'illumination chancelle
J'ai joué le jeu des religions j'avais le luxe de l'absurde aussi nommé chagrin Je vous parlais tantôt d'une allusion à François Guerrette. La voici : - Ibid., p. 37-38. a écrit:
- CENTRE-VILLE CHALEUR BLANCHE
à François Guerrette
Centre-ville chaleur blanche le temps tombe sur Saint-Denis mes yeux lunent les âmes qui tournent à terre - école d'eau où le ciel roule - sourire d'orage sourire dans la chambe d'exploser noircir noircir l'air du large au fond du ventre quartier général et pads de hockey aux chevilles - cette nuit j'ai vu trois maisons s'effondrer et chacune d'elle portait une fille que j'ai aimée - Montréal me mange le coeur les hommes endormis comme des boîtes électriques les chenilles d'amour vers l'état policier sous les paupières de verre les paumes capitulées
abrillé du voile gris de la pluie les mains du temps comme un chemin de fer dans la gorge la pluie tombe sur Saint-Denis la plus belle fleur est la plus triste Je vous réfère à... «Le coeur consommé» (p. 48), «Le haut mal» (p. 57) et j'indique que dans ce recueil, Shawn Cotton fait montre de respect à l'oeuvre invoquée de Patrick Straram. Ce recueil se lit à la vitesse grand V et il faut tout de même le relire comme on dévisagerait la rue. | |
| | | jack-hubert bukowski Zen littéraire
Messages : 5257 Inscription le : 24/02/2008 Age : 42
| Sujet: Re: Shawn Cotton Mar 26 Avr 2016 - 6:11 | |
| Jonquière LSD (2010) Il y a un bon moment déjà que je vous promets cette relecture de Jonquière LSD de Shawn Cotton. Il va de soi qu'un recueil de poésie de Shawn Cotton est un événement littéraire. Nous aurions beau être répugnés, révulsés par un tel titre, le poète s'arrange pour devenir une référence pérenne. Il a le sens de l'histoire. Je me permettrai d'être péremptoire lorsqu'il s'agit de Cotton. Sa poésie est brute et possède quelques accents de vérité. Je vous en laisse juger dans les extraits qui viendront : - Shawn Cotton, Jonquière LSD, 2010, Montréal : L'Écrou, p. 13. a écrit:
- le lendemain matin
j'ai tordu du linge en pensant à ce qui n'a plus de souffle comme un papillon qui passe à côté du poivre ou des vents légers ou rien du tout un bum saoul dans un parc des rêves là deux mondes se sont emboîtés dans un coffre que j'ai tranché fin comme du pain j'étais l'ivrogne dans une araignée de jardin coloriant ce poignet qui manquait à ma vie j'ai sucé la drogue des arbres africains
j'ai bien dormi Encore une fois, il décrit des lendemains : - Ibid., p. 22. a écrit:
- le matin d'après
tu kidnappais des volcans tranquilles tandis que j'assemblais des monnaies étrangères dans ton sommeil bientôt je m'en allais travailler à l'usine de bombes qui porte ton nom dans les piscines bleues comme les racines de tes épaules les vents dans des chars de rien m'apporteraient ton rêve qui meurt quand t'ouvres tes yeux
je fumais comme un indien d'hochelaga toi tu dormais dans ton spectre Pourrons-nous dire que sa poésie est subversive? Passons au prochain extrait : - Ibid., p. 27. a écrit:
- c'était fuck
le regard perdu sur les surfaces dans les chaises éclatées avec la pluie et la vodka et les anges commandaient nos machines bouillies c'était à la guerre comme à la nuit tu changeais de couleur je mourais d'images la lumière noire était pleine d'étoiles dans ce monde de danseuses coquerelles et gratte-ciel j'avais les bras pleins d'étreintes on était de profonds puits de lointain nos lèvres pleines voulaient baiser tout en tout Il serait peut-être utile de mentionner que le dernier mouvement étudiant avait le slogan «Fuck toute» aux lèvres. Nous pouvons voir un graffiti non loin du métro Beaubien qui reprend le slogan. J'imagine que cette référence de Cotton n'y est pas si étrangère... Dans l'extrait qui suivra, l'imagerie est plus poétique encore, du moins allant dans le sens d'une image poétique plus assumée... - Ibid., p. 37. a écrit:
- le son de ma prière :
reviens à la maison tu es ma sieste et ma chaleur dimanche est hippocampe toujours grimpant les lettres soupirent et murmurent que nos coeurs passent par des lueurs pieuvres l'absurde gagne aux amours infidèles et tes contours sentent les framboises en croix je verserai lentement la voix fermée du temps dans mes yeux l'absurde gagne aux amours infidèles L'ensemble des deux pages qui va suivre témoigne à mon sens du fait qu'on parlera de Shawn Cotton encore plus qu'on parlait de Louis Geoffroy au passé de nos jours... - Ibid., p. 54. a écrit:
- ont distillé leur plus pure nuit
jusqu'au fil gommé des lèvres hasards accumulés et routes incroyables
tout ton lit comme l'impatience des mains forées des doutes d'auparavant
les baisers non retournés l'anatomie des danses parfaites ont distillé leur plus pure nuit mon bel amour ma josha mienne
que de balles accordées d'années longues et gelées halogènes Le poème est apparu presque en même temps que Gyrophares de danse parfaite de Daniel Leblanc-Poirier à la même maison d'édition. Nous pouvons parler de connivence sélecte. Dans le style du poème bref, le poème qui suit est bon : - Ibid., p. 55. a écrit:
- ton nom me
lance des vaticans de pilules à mâcher tout au long des saisons
couché dans le tas de feuilles mortes que ton souffle a poussé près de ma porte La poésie de Shawn Cotton est une vraie déflagration. Dans les trois citations qui vont suivre, je vous en propose deux de ces déflagrations que je décris à propos de la poésie dont il est question : - Ibid., p. 57. a écrit:
- ta fleur est
comme une batterie sur ma langue je me suis fait dérobeur des rues par les rumeurs de la cinématographie bouche monde fable bouche bée oreilles dentitoirsàpoux à pigeons vertigieux la fleur ta fleur c'est elle l'arménie fragile ton poignet la poudrière pour les champs de mon été et tes averses comme des bruits de pas des chiens dans la gueule des neiges tout de ta langue allège tes doigts à eux seuls pimentent la coke et sous ma peau ton âme grouille sur un plancher de bois sombre Shawn Cotton n'a pas peur de paraître obscène. Une part de la poésie qu'il subvertit provient de là : - Ibid., p. 63. a écrit:
- ma langue dans ta robe comme
les chars affolés dans l'orage tes seins dans mes chats comme des fruits sur le sel fille
comme un vent sur tout ce que j'aimerais poursuivre
tu mangeais des frites de tes dents courtes et inégales et tes nus pieds de seigle étaient des petites boussoles
l'avenir tout émoustillé de ton goût de liberté
maintenant que je dors je suis un rêve de collabo au coeur de tes armes l'ascenseur spatial Cet OVNI littéraire nous est venu, fruit de son imagination bien fertile... - Ibid., p. 71. a écrit:
- bien à l'abri
je fais de l'origami avec mon coeur coeur cheminée qui pompe les guerres coeur o très barque qui passe l'amour à l'autre rive ce coeur hélice que je détruis que je construis à chaque seconde J'imagine que vous comprenez bien pourquoi je cite la maison d'édition L'Écrou comme étant celle que j'affectionne le plus... Son écurie annonce les poètes les uns après les autres... les poètes dont on se souviendra à la prochaine génération, pas nécessairement dans le sens que les poètes feront nécessairement tous une carrière littéraire bien féconde mais que la poésie change pour de bon avec ce que L'Écrou a annoncé comme virage. | |
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