L'Adieu au roi / Farewell to the King (1989)
Enfin, l'adaptation considérée comme ratée par John Milius du roman de Pierre Schoendoerffer ou un film considéré comme raté tout court. A moins que pour changer on ne voie un film maltraité par ses producteurs... c'est la même impression pour Le Vol de l'intruder qui suit dans la filmographie du réalisateur.
Mais revenons à notre jungle de Borneo car c'est par là que ça se passe. En 1942 un déserteur américain se retrouve perdu dans la jungle de cette île alors sous contrôle japonais. Un contrôle qui s'étend néanmoins difficilement au cœur de l'île. C'est là que le retrouvent par hasard en 1945 un officier britannique et son radio envoyés pour préparer les tribus indigènes à l'action contre les japonais qui sont en train de perdre la guerre.
Entre temps notre Nick Nolte, un rien greystokien, est devenu "roi" de plusieurs tribus. Négociation et amitié entre les deux hommes sont une des trames mais le fond est plus brut. Depuis les vagues puissantes de l'introduction à des paysages baignés de soleil rouge en passant par la jungle épaisse, le film recherche une puissance élémentaire qui résonne comme un appel.
Derrière cet appel, l'enjeu est un paradis ou déjà perdu, ou factice ou possible de vie tribale parfois brutale mais pacifique. C'est ce bonheur arrangé mais certain que le retour de l'histoire vient déranger. Le combat, la lutte pour préserver ce qui peut l'être est barbare. Le sacrifice implique d'aller à l'encontre d'une part essentielle de ce qui fait le paradis... et les civilisés "importés" n'échappent pas ni au dilemme ni à la joie sauvage de l'affrontement ni au dégoût.
C'est en fin de compte une vision très très sombre de la civilisation et de la guerre, de la violence même que nous propose le toujours sauvage (et violent) John Milius. Le film raté a quand même de beaux restes et une intensité primaire rare, et puis le voyage du (très) mauvais côté des bonnes choses et des meilleurs intentions les plus conscientes est aussi rarement envisagé de façon aussi physique.
Et le film n'oublie pas non plus une certaine douceur...