Mika Etchebéhère, née le 2 février 1902 à Moisés Ville (Argentine) et morte le 7 juillet 1992 à Paris, est une militante anarchiste puis marxiste libertaire, combattante du POUM pendant la révolution sociale espagnole de 1936.
Elle est également active dans l'organisation féminine libertaire Mujeres Libres. Elle est née en 1902, à Moisés Ville une petite ville (comuna) de la province de Santa Fe en Argentine fondée le 23 octobre 1889 par des Juifs de Russie et de l'Europe de l'Est, fuyant les pogroms et les persécutions.L'enfance de Mika est emplie d'histoires de révolutionnaires russes échappés des prisons tsaristes de Sibérie2.
Dès l'âge de 15 ans, elle milite dans le groupe anarchiste de Rosario. Elle crée avec Eva Vives, Joan Pauna et d'autres militants libertaires, l'association féministe Louise Michel.
En 1920, étudiante en médecine dentaire à l'Université de Buenos Aires, elle rencontre son futur compagnon, Hippolyte Etchebéhère qui milite au groupe marxiste libertaire, Insurrexit. Ensemble, ils partagent le même engagement politique.
Ma guerre d’Espagne à moiAvec les souvenirs de Mika nous sommes à ses côtés, dans les tranchées ou réfugiés dans l’église de Sigüenza, à la Moncloa et sur tant d’autres lieux où elle et son groupe se battent pour repousser les franquistes.
Mika et Hippo son mari (qui meurt dans les premiers jours de combat) sont venus en Espagne pour vivre pour faire la révolution, ils en rêvaient depuis leur adolescence ; Trotkystes, ils font partie du POUM. L’ évolution et les retournements des différents Partis et Syndicats, ainsi que l’attitude du gouvernement ne sont rappelés que pour mémoire car c’est principalement sur le terrain que se déroule le récit. Le froid, la faim, la saleté, la peur, le manque de moyens mais l’abnégation, la fierté, l’ espoir, la fraternité et pour Mika ce piédestal sur lequel ses Hommes, ces guerilleros la portent.
Elle ne doit pas, elle ne veut pas les décevoir, Mika n’est pas une femme comme les autres, elle est leur Capitaine, leur mère de guerre, celle qui sait se faire obéir mais aussi s’inquiéter de leur toux, de leurs plaies. En retour eux aussi la protège, elle appartient au groupe, ils sont même jaloux du temps qu’elle doit passer avec d’autres combattants, pour les liaisons ou autres activités. Elle l’ a mérité cette position de « chef », elle une femme, car l’Espagnol ne se conquit pas facilement.
Je n’ai jamais été aussi proche de cette lutte que dans le récit de cette femme exceptionnelle, combien est mesurable la pauvreté de ce peuple, ces paysans, ces ouvriers qui se sont révoltés mais qui vont se voir privés de leur révolution et devront se battre dans la guerre.
Une lecture marquante, une écriture des détails qui rend sensible les évènements et surtout ces hommes, des vieillards aux adolescents qui donnent leur vie pour un idéal. J'ajoute que Mika a convaincu le Commandant de la 38e brigade (à laquelle ont été rattachés ceux du POUM) d' installer une école pour apprendre à lire aux soldats (dont la grande majorité était analphabète) et une bibliothèque, à l'arrière des positions.
Extraits
« Je tourne et retourne le gros revolver dans mes mains. Qu’est-ce que j’attends ? Mais son regard sévère se pose sur moi : « voyons, que fais-tu de nos principes ? Tu régleras ton petit destin individuel après la révolution si tu n’arrives pas à te faire tuer. Ce n’est pas l’heure de mourir pour soi-même. »
« Je dois assumer entièrement cette révolution tant désirée, n’en rien renier, même pas les sinistres paseos, même pas la délectation morbide des filles madrilènes qui vont chaque matin dénombrer les cadavres que la nuit a laissés dans les fossés aux premières semaines de la lutte. Il faut effacer l’image d’Epinal de ma révolution d’adolescente…Il le faut, il le faut… »
« Ils ont beau se vanter d’avoir presque tous tué des curés, nombreux sont ceux qui font le tour de la table pour aller remettre dans la bonne position le pain placé sur le dos. Si fort est ce réflexe conditionné par tant de gifles maternelles. »
« Il (Pompeyo) continue à se battre par vergüenza, par cet orgueil qui prime tout chez les Espagnols. L’histoire de l’Alcazar de Tolède le hante. Il faut un Alcazar pour les rouges, voilà son raisonnement. »
« J’aurais bien mangé un œuf frit à moi tout seul au lieu de le partager en quatre.. »
« Entre eux et moi, il existe un terrain commun, la lutte, la solidarité, la dure loi du combat. Au-delà il y a une zone obscure où nous nous mouvons, eux et moi, à pas prudents, comme si nous marchions au bord d’un puits mal fermé. Ce qui dort ou s’agite dans les eaux de ce puits nous concerne eux et moi, mais par un accord tacite nous ne regardons pas à l’intérieur du puits. Cela n’est pas nécessaire non plus. L’essentiel est clair entre nous. »