Carson McCullers

Reflets dans un oeil d'or

Un huit clos étouffant dans une garnison aux USA. Deux couples, deux officiers et leurs épouses. Entre l'un des officiers et l'épouse de l'autre, une liaison. Les coinjoints sont au courant. S'ajoutent au quatuor, un serviteur dévoué à l'épouse d'un des officiers, et un simple soldats fasciné par la femme d'un des officiers, et qui éveille un désir trouble, et de plus en plus explicite chez le mari de cette dernière. Le drame couve, et une fin tragique est prévisible.

Carson McCullers a un incontestable talent pour dépeindre des êtres incapables d'être heureux, bridés par leur éducation, leur morale, et qui se vengent par du sadisme vis à vis des gens qui dépendent d'eux. C'est glacant, décrit par un style fait de petites touches, très efficace, clinique pourrait-on dire. Un univers etouffant très bien rendu.

Mais je ne pas retrouvé tout le génie du livre Le coeur est un chasseur solitaire. Peut être parce qu'aucun des personnages du Reflets dans un oeil d'or n'est sympathique, on les comprend, mais on ne peut les aimer, ni compatir à leurs malaises. L'auteur traite leurs souffrances et angoisses avec une certaines ironie, qui empêche à mon sens une véritable ironie. C'est brillant, très réussi, mais cela manque d'une certaine sensibilité, dont était tellement rempli Le coeur est un chasseur solitaire. C'est donc ce livre que je conseillerais en premier à ceux qui voudraient découvrir l'auteur.

Je n'ai pas vu le film, mais je trouve que le sujet se prête merveilleusement bien à une adaptation cinématrographique, et qu'Elisabeth Taylor ne peut qu'être parfaite dans ce rôle.

Carson Mc Cullers fait partie des écrivains dont je me sens pratiquement
incapable de dire un mot. Parceque je l'aime et l'admire depuis longtemps,
et qu'il est difficile de bien parler de ce qu'on aime.
Quand on aime, on n'analyse pas. On n'aime pas analyser...
Meme chose pour Faulkner (surtout pour lui), Henry James, Bouvier ou
Tunstrom et Sebald.
Heureusement d'autres l'ont fait et c'est très bien ainsi...

Il va bien falloir que me décide à parler de S et de O...!

bix229 a écrit:

Carson Mc Cullers fait partie des écrivains dont je me sens pratiquement
incapable de dire un mot. Parceque je l'aime et l'admire depuis longtemps,
et qu'il est bien difficile de parler de qu'on aime.
Quand on aime, on n'analyse pas. On n'aime pas analyser...
Meme chose pour Faulkner (surtout pour lui), Henry James, Bouvier ou
Tunstrom et Sebald.

C'est vrai Bix, lorsque je parle d'un auteur que j'idolatre, j'ai en permanence la sensation de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir mis le centième de ce qu'il aurait fallu dire, de réduire et de déformer l'auteur. Faulkner, James, Joyce, Condrad, Eschyle et tant d'autres pour qui mes pauvres mots ne pourront que paraître dérisoires. Mais en même temps j'ai espoir que même si je n'arrive pas à leur faire honneur, je pourrais peut êtr convaincre quelqu'un de les découvrir.
En ce qui concerne Carson McCullers, j'ai finalement trouvé plus facile de parler de Reflets dans un oeil d'or que de Le coeur est un chasseur solitaire, qui est un tel chef d'oeuvre, un livre tellement bouleversant, que d'en parler eût été sans doute trop difficile.

Reflets dans un oeil d'or est un vraiment à part dans l'oeuvre de McCullers, non ?

Concernant le film, il est très bien, étouffant comme il faut, et pas mal "Tennessee Williamsien" (je ne sais plus si c'est ce livre ou un autre qu'elle avait écrit en travaillant dans la même maison que Tennessee Williams ; le fait que ce soit John Huston qui ait réalisé le film rajoute sans doute au caractère étouffant).

Le problème, si l'on commence par ce livre - que je n'avais que moyennement aimé, en fait - c'est que l'on peut ne pas découvrir le reste de l'oeuvre, vraiment différente, beaucoup plus subtil (elle en fait un peu trop dans Reflets, non ?) : Le coeur est un chasseur solitaire, Frankie Adams, L'Horloge sans aiguilles... qui ont une certaine unité de thème, la solitude, Dieu, la musique, le désir d'aller voir ailleurs, etc.

Alors, il vaut mieux aborder McCullers par Le Coeur est un chasseur solitaire.
En plus, c'est son premier roman (dommage pour son mari, le livre a eu du succès - ils avaient convenu que chacun écrirait un livre à tour de rôle pendant que l'autre travaillerait pour gagner de quoi subsister - cf la bio de Josyanne Savigneau)
Les critiques ont tendance à dire que Frankie Addams lui est supérieur, je ne sais pas...
Pour revenir au film Reflets dans un Oeil d'Or, il est ressorti il y a quelques années avec une tentative de revenir aux teintes originales du film, dorées.
Il me semble que pour reconstituer la copie originale avec les teintes dorées (dont, dit imdb.com, à chaque scène, un objet seul n'est pas doré ; très conceptuel), on a fait appel à des cinéphiles avertis qui avaient vu la version d'origine ("trop doré.. pas assez doré", etc.). Le public ayant été, à l'époque, déconcerté, c'est la copie "normale" qui avait été diffusée.

Le recueil "Illuminations et nuits blanches" permet, j'imagine, de prolonger le plaisir McCullersien. Je l'ai depuis des années mais pas encore lu. Comme ça, je sais que je n'ai pas encore tout lu, c'est bien (je mets de côté l'adaptation théâtrale de Frankie Addams, normalement très bien, mais pas disponible en France, sauf erreur).
Je copie ainsi je ne sais plus quel personnage de roman qui, adorant Dickens, je crois, gardait toujours sur lui la seule nouvelle qu'il n'avait pas lue. Lorsqu'il sentirait la mort approcher, il pourrait sortir le fin opuscule et finir l'oeuvre de son héros.

eXPie a écrit:

pas mal "Tennessee Williamsien"
[...]Le recueil "Illuminations et nuits blanches" permet, j'imagine, de prolonger le plaisir McCullersien.

Et ce vocabulaire est est très Expien...hein?...

Il ne me semble pas y avoir de commentaire sur La ballade du café triste
(Stock et Biblio).

Encore une fois un titre magnifique et qui définit bien l'atmosphère de
cette nouvelle, que je mettrai au meme niveau que Le coeur est un chasseur solitaire pour la qualité de l'atmosphère, des personnages et bien
entendu du style...

Je note Frankie Adams, L'Horloge sans aiguilles (eXPie) et La ballade du café triste (Bix). McCullers est le genre d'écrivain dont je ressens le besoin de tout lire de toute façon.

Arabella a écrit:

La ballade du café triste (Bix). McCullers est le genre d'écrivain dont je ressens le besoin de tout lire de toute façon.

Je suis sûre que ce livre va te plaire - c'était mon premier livre de Carson McCullers - et tout de suite après j'avais vu le film sublime avec Vanessa Redgrave

j'ai découvert par Reflets dans un oeil d'or et je n'ai pas eu l'impression que ça m'ai gêné pour continuer quelques mois après avec L'horloge sans aiguilles et Le coeur est un chasseur solitaire.

j'avais accroché avec Reflets... et même en mettant le contexte (de ma lecture) de côté... je ne pense pas que ça bloque, les tonalités sont un peu différentes, mais c'est plutôt hardcore dans en général

animal a écrit:

j'ai découvert par Reflets dans un oeil d'or

je peux m'imaginer que si on découvre Carson McCullers avec ce livre, qu'on a envie de continuer.. moi j'en ai lu d'autres livres d'elle avant - et comparant avec ceux-là, Reflets dans un oeil d'or ne peut que "perdre"

rétrospectivement je ne suis pas sûr, je dirai que Reflets est plus dur... ça doit pouvoir être envisagé comme une qualité ?

animal a écrit:

rétrospectivement je ne suis pas sûr, je dirai que Reflets est plus dur... ça doit pouvoir être envisagé comme une qualité ?

Si pour toi Reflets était plus dur, c'en est une qualité.. mais en ce qui concerne ma sensation de lecture la Ballade du Café était déjà beaucoup plus 'dur'.. pour moi même 'déprimant' ..

Les livres peuvent décider de notre humeur. Et quand il s'agit de Carson Mc Cullers, Paula Fox, Richard Brautigan, Jean Rhys,Antonio Lobo Antunes, Raymond Carver, J.D. Salinger... ils peuvent carrément nous emmener
au bord de la dépression...!
Sans parler de Simenon -je ne parle pas des Maigret- dont l'oeuvre se nourrit du temps, de l'ennui, de la vacuité...

Je crois qu'il faut lire ces grands mélancoliques avec précaution. Ne serait ce que par justice pour eux...!

c'est là qu'il faut noter les noms dans un coin Bix ?

je n'ai pas encore lu la Ballade du café triste (pourtant je l'ai sous la patte), si je disais plus sec plutôt que plus dur ?

animal a écrit:

, si je disais plus sec plutôt que plus dur ?

on peut se mettre d'accord là-dessus
Bien que je dois vraiment dire - pour Carson McCullers, j'ai ressenti Reflets presque 'léger' - avec les soirées à jouer aux cartes, cocktails et la vie un peu 'frivole'...