Carson McCullers

Reflets dans un oeil d'or


Un fort militaire, dans le Sud. Le capitaine Penderton est taciturne, ambitieux, et légèrement méprisant. Sa femme, Leonore, aime les réceptions, les fêtes, être le centre d'intérêt. Elle est un peu idiote, mais sa beauté fait qu'on lui pardonne tout, notamment d'avoir des amants. Le dernier en date est le Commandant Langdon, homme simple, cordial, qui fait tout pour fuir le cloisonnement étouffant de sa maison où essaye de se terrer autant que possible son épouse, Alison. Alison Penderton est cardiaque, en fait, depuis la mort de sa fille en bas-âge, elle a une santé fragile et sombre régulièrement dans la dépression. Elle s'oblige de temps en temps à sortir aux dîners, mais ne trouve du réconfort qu'avec son domestique philippin Anacleto, jeune homme exubérant rêvant d'opéra et de ballets. Alison rêve de divorce et de fuite loin avec Anacleto.
Dans ce petit monde en fragile équilibre va s'imiscer insidieusement la présence du soldat Williams. Solitaire, se méfiant de la compagnie des êtres humains en général, il va éprouver une fascination contemplative pour Eleonore Penderton alors que le Capitaine Penderton le découvrant nu en pleine nature, va devenir obsédé par le petit soldat.



Un roman qui nous amène peu à peu vers l'inéluctable, la tension montant pratiquement à chaque page. Un petit monde qui s'effrite lentement, et qui finira par exploser. Reflets dans un œil d'or m'a fait penser à une sorte de spirale se resserrant au fur et à mesure de l'histoire comme un nœud coulant autour du cou d'un condamné.
Les personnages sont voués à la destruction, à la fin de leur existence.

Pas un seul des personnages n'attire réellement la sympathie ou l'empathie du lecteur, c'est comme si Carson McCullers avait voulu mettre en avant le pire de l'humain, et montrer combien tous ces êtres, malgré leurs différences et leurs haines respectives, ont un point commun : la solitude. Cela n'aide pas vraiment à les "aimer" mais peut-être à les comprendre. En tout cas à mettre en avant les tentatives désespérées de l'Homme d'essayer de rompre avec cet état d'incommunicabilité tout en s'y enfonçant de plus en plus par fierté, par lâcheté, par fascination du morbide.

Question écriture, je n'ai pas trouvé que c'était extraordinaire, et malheureusement il y avait quelques coquilles d'impression et quelques tournures de phrases assez étranges, voir des répétitions carrément lourdingues.
Un style assez classique neutre qui semble rester en surface. Ce livre a apparemment été écrit dans une sorte d'enthousiasme frénétique par McCullers (elle explique dans un courrier à son époux qu'elle écrit parfois six pages par jour, alors que son rythme habituel était d'une seule page la journée), cette rapidité explique peut-être l'impression de survol. Ce livre ressemble plus à une chronique journalistique améliorée qu'à un roman littéraire.

Heureusement l'histoire est prenante, glauque, obscur. McCullers n'en fait pas des tonnes, et évite tout : le pathos, la colère, l'amour. Tout est viscéral, primitif presque, et forcement irraisonné. L'Homme mené par ses instincts. Un livre troublant, parce que bien plus profond et complexe qu'il n'en a l'air.

Un auteur à creuser.

Citation :

Tout d'abord le capitaine ne voulut pas croire ce qu'il voyait. A deux mètres de lui, appuyé conter un chêne, le jeune soldat que le capitaine détestait le regardait. Il était complètement nu. Son corps svelte luisait au soleil du soir. Il fixait le capitaine d'un regard vague, impersonnel, comme s'il regardait un insecte d'une espèce nouvelle pour lui. Le capitaine était trop paralysé par la surprise pour bouger. Il essaya de parler, mais sa gorge n'émit qu'une sorte de râle. Tandis qu'il regardait le soldat, celui-ci tourna les yeux vers le cheval. Oiseau-de-feu était toujours couvert de sueur et sa croupe était marquée de sillons sinistres. En un après-midi, le pur-sang s'était transformé en une pauvre bête de labour."

Tous vos commentaires sur cet auteur ne donnent vraiment envie de la découvrir, ce sera donc la prochaine sur ma liste d'auteurs à découvrir. En ce moment, je suis très littérature américaine, je ne sais pas pourquoi

Je ne saurais trop te conseiller Le coeur est un chasseur solitaire Epi, c'est une véritable merveille.

Arabella a écrit:

Je ne saurais trop te conseiller Le coeur est un chasseur solitaire Epi, c'est une véritable merveille.

Je note, je note

Ah oui, Le Coeur, c'est son meilleur, ai-je trouvé, même si les spécialistes (ou proclamés tels) trouvent Frankie Addams meilleur (thèmes plus profonds blablabla).
Mais Le Coeur, c'est son meilleur (je me souviens d'un argument définitif employé par quelqu'un pour prouver que Bach est le plus grand compositeur de tous les temps : "si quelqu'un n'est pas d'accord, qu'il vienne, je lui casse la gueule" - bon, je n'irai pas jusque là, hein... )

En plus, le Coeur, c'est son premier roman. Mieux vaut donc commencer par là !

Je viens de terminer "Le coeur est un chasseur solitaire"

Dans le sud des Etats-Unis, dans une ville, les destins de 5 personnages se croisent. Une adolescente blanche et pauvre Mick qui rêve de devenir compositeur de musique, Blount un révolté socialiste ivrogne qui y échoue après avoir promené sa colère dans diverses régions, un sourd-muet solitaire Singer après l'enfermement d'un autre sourd-muet lequel a été seul ami pendant 10 ans et Copeland un médecin Noir qui vit pour son ferme idéal, que sa race se libère et aspire à la connaissance, Biff un patron de bar restaurant miteux que fréquentent l'adolecente, le sourd-muet et le révolutionnaire.
Le sourd-muet reçoit dans sa chambre ces personnages qui se confient à lui parce qu'ils ont le sentiment qu'il les comprend et qu'ils leur importe. Ils se livrent à lui comme ils ne pourraient le faire entre-eux.Parler au sourd-muet c'est comme un exutoire.
Mais le seul qui importe à Singer c'est son ami sourd-muet interné, seule son absence le hante.

Ce que j'en pense : la description des personnages, de leurs sentiments, l'ambiance sont très justes.
Ces personnages sont moralement solitaires et ils n'arrivent pas finalement à se comprendre. (N'est-ce pas toujours le cas ?)
Je n'aurai pas voulu ignorer ce livre mais malgré l'excellent souvenir que j'en garderai, à la fin de ma lecture je ressens un manque ; j'aurai aimé une écriture plus "enlevée".


je continuerai de faire sa connaissance

Beaucoup de finesse et de douleur dans les quatre romans que j'ai lus:Reflets...,Le coeur...,Frankie Adams et L'horloge sans aiguilles.

Bédoulène a écrit:

Je n'aurai pas voulu ignorer ce livre mais malgré l'excellent souvenir que j'en garderai, à la fin de ma lecture je ressens un manque ; j'aurai aimé une écriture plus "enlevée".

Mmm.. une écriture plus "enlevée" n'irait-elle pas à l'encontre du sujet du roman ? Ne nuirait-elle pas au livre, plutôt que de lui apporter quelque chose ?

C'est ce que j'ai ressenti Expie, mais tu as peut-être raison. Je vais attendre d'avoir un peu de recul car je le répète j'ai beaucoup apprécié.

eXPie a écrit:

Ah oui, Le Coeur, c'est son meilleur, ai-je trouvé, même si les spécialistes (ou proclamés tels) trouvent Frankie Addams meilleur (thèmes plus profonds blablabla).
Mais Le Coeur, c'est son meilleur (je me souviens d'un argument définitif employé par quelqu'un pour prouver que Bach est le plus grand compositeur de tous les temps : "si quelqu'un n'est pas d'accord, qu'il vienne, je lui casse la gueule" - bon, je n'irai pas jusque là, hein... )

En plus, le Coeur, c'est son premier roman. Mieux vaut donc commencer par là !

Je ne suis pas une spécialiste (enfin si, peut-être finalement ) mais je trouve également que son meilleurs est Frankie Addamns

Nouvelle édition de Frankie Addams, traduction de Jacques Tournier, le
meilleur connaisseur de Carson McCullers - en tout cas celui qui l'aime le plus-, préface d'Arnaud Cathrine. - Stock.
Précipitez vous !

Je ne vais pas commencer une année sans parler de Carson MCCullers...

KROUCHY, KAZOUCHY, KALOUCHY, KAZIR

Si vous tombez d'une falaise
Plus légèrement qu'un duvet
Et qu'en ouvrant les yeux vous voyez le soleil -
C' est que vous dormiez.

Si vous etes traqué par un homme hagard
Au milieu des sables mouvants
C'est que vous faites un cauchemar -
Et vous vous réveillez tremblant

Si vous voyez des roses fleurir en hiver
Des maisons grimacer comme des sorcières
C'est que vous revez.
Un reve qu'est ce que ça veut dire ?
Kroucy, Kazouchy, Kalouchy, Kazir.
Voilà ce qu'un reve veut dire.

Carson McCullers : Sweet as a pickle and clean as a pig - Comptines -

Et puis un rappel : Qui etes vous Carson McCullers et Retour à Nayak,
à la recherche de Carson McCullers, par Jacques Tournier, qui aimait tellement Carson, qu'il ne s'est pas contenté de la traduire...

bix229 a écrit:

Nouvelle édition de Frankie Addams, traduction de Jacques Tournier, le
meilleur connaisseur de Carson McCullers - en tout cas celui qui l'aime le plus-, préface d'Arnaud Cathrine. - Stock.
Précipitez vous !

Tu as bien raison de le souligner !
Pour la peine, voici la couverture :

Découvert Carson McCullers cette année (enfin la précédente ; merde encore une de passée ) avec "Reflets dans un oeil d'or", et pour tout dire, je sais pas trop quoi en penser, dudit bouquin comme de son auteur.

Paradoxalement, je trouve ce roman à la fois plat et d'une relative finesse. Plat dans le sens où j'avais l'impression de flotter dans le récit sans trouver grand chose à quoi me raccrocher, l'histoire m'a semblé assez banale, le style assez conventionnel ne m'a par ailleurs pas donné l'impression d'avoir très bien vieilli (surtout si je compare ce bouquin à ce qu'écrivait un John Fante à la même époque) et j'ai vraiment tardé à trouver de l'intérêt aux personnages et à leur histoire. C'est pourtant le seul véritable charme que j'ai trouvé à ce bouquin, la relative complexité dans le caractère de chacun, leurs souffrances, leurs contradictions, leurs frustrations, cette somme de détails qui les rend finalement assez "vivants".

Le roman est court, et c'est ce qui l'a en partie sauvé à mes yeux, je ne me serais pas vu tenir 300 pages, pas meme 200 avec si peu d'éléments pour attiser ma curiosité et aller au bout.

J'ai découvert cet auteur il y a maintenant presque 10 ans sur les conseils de ma prof de français que j'aimais beaucoup. J'avais lu Le coeur est un chasseur solitaire et Frankie Addams et j'avais bien aimé à l'époque. Il m'en reste de bons souvenirs.

Hank :

Citation :

je trouve ce roman à la fois plat et d'une relative finesse.

Citation :

la relative complexité dans le caractère de
chacun, leurs souffrances, leurs contradictions, leurs frustrations,
cette somme de détails qui les rend finalement assez "vivants".

J'avais eu la même impression, mais j'avais bien aimé ses romans.