Wong-Kar-Wai

je me suis un peu posé la question aussi pour "La Lame", ça aurait risqué de donner trop de matière explicite au film au détriment du flottement ? la durée du film ? L'équilibre baston/flottement ? Avec ce personnage aussi on se demande un peu pourquoi les scènes chocs comme celle avec le petit truand à l'air idiot.

Pour les choix du film on voit dans le générique beaucoup de scènes de combats (un peu comme les ratées dans les films de kung fu mais en pas l'air ratées), ça donne l'impression qu'il y en a des kilomètres en plus et que la tournure finale de l'affaire, une compensation du bancal ? se fait au montage.

Je me demande d'ailleurs s'ils n'ont pas tenté deux versions du film avec une pour l'asie et une pour l'export (si j'étais moins flemmard j'irai chercher).

Kannskia a écrit:

coline a écrit:

Kannskia a écrit:

De mon côté, en dehors de vous, je ne reçois que des échos de gens qui ont failli piquer un roupillon en pleine séance alors je vais m'abstenir.

Cela rejoint peut-être ce que je disais à propos des membres du club d'arts martiaux.

J'ai retrouvé plusieurs spectateurs de ma connaissance à la sortie et eux étaient tout comme moi enchantés.
C'est une oeuvre artistique, voire poétique, ce n'est pas un film d'action comme on les conçoit habituellement.
Ne renonce peut-être pas trop vite Kannskia!

Les retours que j'ai eu viennent de cinéphiles, ils savent qui est Wong Kar-wai et à quoi s'attendre

Je n'ai encore rien vu de lui et d'autres films, parmi ses réalisations, m'appellent plus (comme 2046 ou In the mood for love) alors je préfère réserver ma première impression pour ceux-là.

Si tu n'accroches pas avec 2046 ou In the mood for love, n'hésite surtout pas à voir ses films plus anciens, comme Chungking Express ou Les Anges déchus, qui comportent certes des coquetteries, mais qui sont plus vivants, avec une caméra qui avance plus, des personnages moins glacés, des cadres moins pensés ou qui crient moins que tout est maîtrisé...

animal a écrit:

Je me demande d'ailleurs s'ils n'ont pas tenté deux versions du film avec une pour l'asie et une pour l'export (si j'étais moins flemmard j'irai chercher).

Il n'y a qu'une version mais j'aurais apprécié une heure de plus pour le développement des personnages et du contexte historique.

traversay a écrit:

animal a écrit:

Je me demande d'ailleurs s'ils n'ont pas tenté deux versions du film avec une pour l'asie et une pour l'export (si j'étais moins flemmard j'irai chercher).

Il n'y a qu'une version mais j'aurais apprécié une heure de plus pour le développement des personnages et du contexte historique.

Peut-être qu'une partie du manque se trouve ici :

Citation :

le cinéaste était alors encore affairé à en polir la version internationale (écourtée de vingt minutes par rapport à celle qui triomphait déjà sur les écrans chinois)

(source : ici).
Ça arrive souvent avec les films Chinois, j'ai l'impression, qu'on nous en coupe (Les Trois Royaumes de John Woo, par exemple).

rien que par curiosité j'espère la voir un de ces quatre la version avec au moins les vingt minutes... ou une autre qui n'aura pas tout à voir ?

animal a écrit:

rien que par curiosité j'espère la voir un de ces quatre la version avec au moins les vingt minutes... ou une autre qui n'aura pas tout à voir ?

J'ai l'impression que c'est une pratique anglo-saxonne... Murakami Haruki est coupé en anglais, et même Nuages Flottants, le roman de Fumiko Hayashi (adapté par Naruse) a été raccourci en anglais : "Where necessary, slight abridgment of the original text has been made" (voir ici). 328 pages en anglais, 418 pages en français (comparaison de deux versions grand format, ce qui ne préjuge pas de la police de caractères...).

mouais, c'est un peu mystérieux quant au pourquoi, un film comme Kung Fu Hustle/Crazy Kung Fu a aussi sa version export, toujours pleine de castagne et de comédie mais un poil moins crade (il me semble) et sans doute avec des morceaux de comédie en moins ? pas forcément compréhensible vu le film ?

animal a écrit:

mouais, c'est un peu mystérieux quant au pourquoi, un film comme Kung Fu Hustle/Crazy Kung Fu a aussi sa version export, toujours pleine de castagne et de comédie mais un poil moins crade (il me semble) et sans doute avec des morceaux de comédie en moins ? pas forcément compréhensible vu le film ?

C'est toujours ce que les importateurs pensent que le public va apprécier ou non (mais est-ce que certains passages coupés pourront vraiment faire la différence entre apprécier un film et ne pas l'apprécier ?)...
On ne peut sans doute pas comprendre ces gens : j'ai bien peur qu'ils n'aiment pas le cinéma (bon, pour le film de John Woo, ça se justifie peut-être : des discussions d'une heure sur l'histoire de la Chine peuvent vraiment être incompréhensibles pour nous... mais si seulement on avait le choix...).

Josef Von Sternberg? Non, Wong Kar Wai sublimant une Zhang Ziyi impériale aussi bien dans l'autorité des combats que dans le mélodrame.

Wong Kar Wai est avec Terrence Malick, et quelques rares autres metteurs en scène, un cinéaste qui sculpte la matière cinématographique, qui peint avec sa caméra et qui transforme l'espace de projection en rêverie poétique du temps perdu. Malick cherche le divin dans chaque brin d'herbe et Wong Kar Wai fragmente le temps et l'espace pour ranimer la beauté du geste et la nostalgie des amours perdues. The Grandmaster est un film qui nous raconte que l'amour est un rêve et que la vie ressemble à un opéra. Il est un esthète dont le maniérisme touche au sublime tout en faisant courir le risque de créer une distance avec le récit et de décourager le spectateur impatient. J'ai eu un peu peur au début et progressivement le film m'a embarqué pour décoller dans la 2e heure et atteindre des sommets d'émotion et de beauté dans les 20 dernières minutes.

On sent que le film a été réduit de sa matière initiale et on attendra probablement le DVD pour apprécier l'ensemble. Wong Kar Wai dit lui-même qu'il l'a raccourci et remonté pour moins égarer le spectateur dans un labyrinthe temporel en recréant une certaine chronologie plus lisible. Il y a des impasses frustrantes mais le résultat en l'état est déjà assez subjuguant.

Je retiens parmi tant d'images somptueuses un combat amoureux dans un escalier, un singe observateur énigmatique, un affrontement d'anthologie dans une gare et le regard de souffrance d'une Zhang Ziyi révélant son amour manqué et déambulant dans les ruines de son passé. Toute cette fin est du très grand Wong Kar Wai et ce GrandMaster un nouveau chef d'oeuvre dans sa filmographie même s'il n'est pas exempt de défauts (ces fausses larmes inutiles et cette musique parfois trop appuyée...). Mais un chef d'oeuvre n'a pas besoin d'être parfait. Je suis heureux de retrouver cet immense cinéaste en grande forme.

eXPie a écrit:

Si tu n'accroches pas avec 2046 ou In the mood for love, n'hésite surtout pas à voir ses films plus anciens, comme Chungking Express ou Les Anges déchus, qui comportent certes des coquetteries, mais qui sont plus vivants, avec une caméra qui avance plus, des personnages moins glacés, des cadres moins pensés ou qui crient moins que tout est maîtrisé...

J'aurais bien voulu les voir ces deux-là, mais les DVD sont malheureusement épuisés et vendus à des prix exhibants.
Ma découverte d'In the mood for love reste un souvenir impérissable ; j'ai rarement autant été sous le charme d'un film.

The Grandmaster

J'ai été systématiquement déçu par Wong Kar-Wai depuis la fin des années 90, avec la sensation d'être confronté à une esthétique qui étouffe la mise en scène, statique et désincarnée.
En s'appropriant les codes du film de kung fu (et de manière plus large le wu xia pian), il retrouve une gestuelle du mouvement, une fluidité chorégraphique lancinante qui parvient à émouvoir. Je regrette beaucoup l'usage systématique du ralenti mais la beauté saisissante des plans esquisse une tristesse, une méditation, la contemplation d'une perte et d'une transmission qui ne peut que s'évanouir.
The Grandmaster m'a touché dans sa rigueur poétique, sans cependant m'emporter. Je n'ai pas été séduit comme vous par l'interprétation de Zhang Ziyi, qui surjoue trop souvent une sécheresse et une froideur (alors même que le parcours de son personnage sonne comme une évidence, et la séquence de la gare évoquée par Marko est en effet magnifique).
Le récit suit un crescendo intense dans sa deuxième partie, mais je n'ai absolument pas compris la pertinence de la citation insistante d' Il était une fois en Amérique (la musique, la fumerie d'opium). Un équilibre tombe à plat et le discours de conclusion apparait laborieux.
Si la maîtrise stylistique de Wong Kar-Wai est en tout cas indéniable, il y a encore trop d'occasions manquées pour que je sois réconcilié avec son cinéma.

Marko a écrit:

Josef Von Sternberg? Non, Wong Kar Wai sublimant une Zhang Ziyi impériale aussi bien dans l'autorité des combats que dans le mélodrame.

Wong Kar Wai est avec Terrence Malick, et quelques rares autres metteurs en scène, un cinéaste qui sculpte la matière cinématographique, qui peint avec sa caméra et qui transforme l'espace de projection en rêverie poétique du temps perdu. Malick cherche le divin dans chaque brin d'herbe et Wong Kar Wai fragmente le temps et l'espace pour ranimer la beauté du geste et la nostalgie des amours perdues. The Grandmaster est un film qui nous raconte que l'amour est un rêve et que la vie ressemble à un opéra. Il est un esthète dont le maniérisme touche au sublime tout en faisant courir le risque de créer une distance avec le récit et de décourager le spectateur impatient. J'ai eu un peu peur au début et progressivement le film m'a embarqué pour décoller dans la 2e heure et atteindre des sommets d'émotion et de beauté dans les 20 dernières minutes.

Magnifique commentaire auquel j'adhère complètement tout en n'ayant pas les mots pour le dire aussi bien.

sentinelle a écrit:

coline a écrit:

Sublime! C'est le seul adjectif qui me vient en sortant du cinéma!
Il n'y a jamais trop de beauté!...Ce serait faire la fine bouche que de reprocher à ce film son caractère esthétique, il est éminemment esthétique mais il n'est pas que cela et il touche par ce que Traversay a bien fait de souligner: son romantisme et sa mélancolie.
J'ai adoré!
Je ne veux faire aucune restriction.
Ce n'est pas si souvent que je me sens aussi gâtée au cinéma!

J'ai adoré également et je ne me suis pas ennuyée une seconde. Pas beaucoup de restriction non plus. Allez oui, une petite : pourquoi le personnage de la Lame est-il à point à peine ébauché ? Manque de temps, de moyens ? Volonté de l'introduire dans le récit de par son importance même si on n'en fait pas grand chose en final ? Un personnage que j'aurais voulu mieux connaitre en tout cas et qui aurait mérité plus de développement. Une belle réussite et un grand plaisir de cinéma.

Petit problème pour moi aussi avec la Lame...mais sans frustration.
J'étais toute envoûtée par Ip Man et Gong Er.

Avadoro a écrit:

J'ai été systématiquement déçu par Wong Kar-Wai depuis la fin des années 90, avec la sensation d'être confronté à une esthétique qui étouffe la mise en scène, statique et désincarnée.
(...)
Si la maîtrise stylistique de Wong Kar-Wai est en tout cas indéniable, il y a encore trop d'occasions manquées pour que je sois réconcilié avec son cinéma.

Je comprends ce ressenti et je me disais un peu la même chose au début du film (comme au début de la plupart de ses films d'ailleurs, même avant In the mood for love). Mais cette impression de distance et de désincarnation finit à chaque fois par s'effacer derrière la force de sa vision qui est d'une poésie quasi proustienne extrêmement belle et personnelle. Cette obsession du temps qui se ralentit ou s'accélère, de ces émotions qui naissent toujours à retardement ou en décalé, de ces occasions manquées comme de ces amours vécues rétrospectivement mais jamais dans l'instant, finit par composer une oeuvre incroyablement touchante et pénétrante qui hante après la projection. Ce sont des films à revoir comme on relirait en boucle la Recherche de Proust. Il y a des similitudes ou des points de convergence. Dans cette quête de perfection esthétique comme dans cette nostalgie des illusions de la vie, de ce qui reste toujours inachevé ou incomplet (comme ses films toujours en devenir). Et ce qui pouvait paraître "statique" ou "étouffant", peut-être trop cérébral a priori, finit par devenir envoûtant et unique. De ce point de vue 2046 était probablement à la fois son film le plus étouffant et le plus sublime. J'aime aussi particulièrement Happy Together.

The Grandmaster

Et bien je n'ai pas été vraiment convaincue par ce film, même s'il a d'indéniables qualités, et que le réalisateur a évidemment du talent. Je ne sais pas, c'est l'ensemble en tant que tel qui ne m'a pas séduite, même si les composantes prises une à une, si on le examine sont réussies. Et j'ai eu particulièrement du mal avec les longues scènes de kung-fu. L'aspect mélo, même si assumé, m'a un peu agacé aussi. Au fond, il y a un côté reprendre des choses, respecter des codes, le spectateur se trouve en terrain connu, peut être trop. J'aurais préférée être d'avantage surprise. Là j'ai eu peu la sensation d'assister à une démonstration de savoir faire à partir de canons établis, très bien exécutée, à la perfection si on veut. Mais la perfection ce n'est pas forcément ce qu'il a de plus passionnant. Pas envie d'analyser tout ça, un petit sentiment d'ennui, d'ailleurs partagé, des gens sont sortis du film au milieu, même si de nombreuses scènes sont prenantes.