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Sujet: Re: Georges Perec Mer 22 Juin 2011 - 17:10
bix229 a écrit:
J' ai un peu de mal à reconnaitre que je ne ' arrive pas à aimer autant Pérec que je le devrai. A part La vie mode d' emploi... Il est tellement sympa Pérec !
Sinon :
- Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour : Ed Folio Classiques.
Oui, j'ai exactement la même impression. Une personnalité très symphatique mais un auteur plutôt décevant en dehors de sa grande œuvre "la vie mode d'emploi". Doit-on l'aimer forcément s'il n'est l'auteur que d'un bon libre?
eXPie Abeille bibliophile
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Sujet: Re: Georges Perec Ven 24 Fév 2012 - 22:09
A propos de l'inédit de Pérec, «le Condottière», qui sort le 1er mars 2012 :
Citation :
En décembre 1966, GeorgesPerec déménage. Comme tous les gens qui déménagent, il fourre des vieux papiers dans des valises. Perec, qui a obtenu le Renaudot l’année d’avant avec « les Choses », met sa paperasse inutile dans une valoche, et ses œuvres de jeunesse dans une autre, en carton bouilli, selon Claude Burgelin, excellent préfacier de l’ouvrage. Il veut garder les manuscrits, et jeter les papiers. Il fait l’inverse. C’est ainsi que Perec a perdu «le Condottière» (il l’écrivait comme ça, avec un accent grave). Il en était désolé, il en disait dans «W ou le souvenir d’enfance» : «premier roman abouti que je parvins à écrire». Dix ans après la mort de l’écrivain, en 1982, David Bellos, son traducteur en langue anglaise et biographe, en retrouve des doubles, dont deux en Yougoslavie.
On est en mai 1959. Un an et demi plus tard, le refus de Gallimard tombe :
On a trouvé le sujet intéressant et intelligemment traité, mais il semble que trop de maladresse et de bavardages aient braqué plusieurs lecteurs. Et même quelques jeux de mots, par exemple: «Un bon Titien vaut mieux que deux Ribera.»
Hé hé, un bon jeu de mots à la Traversay !
La fin de l'article :
Citation :
"A Jacques Lederer, il écrit : Le laisse où il est, pour l’instant du moins. Le reprendrai dans dix ans, époque où ça donnera un chef-d’œuvre, ou bien attendrai dans ma tombe qu’un exégète fidèle le retrouve dans une vieille malle t’ayant appartenu et le publie."
La totalité de l'article est à lire en totalité ici.
Sophie Sage de la littérature
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Sujet: Re: Georges Perec Dim 26 Fév 2012 - 20:09
Je suis en train de lire La vie mode d'emploi et je suis fascinée et sidérée par le talent de l'auteur, son exhaustivité, sa façon de décrire les petits riens qui composent un immeuble, des appartements et qui me ramènent à mon enfance. On s'y croirait, on voit tous les objets qu'il décrit. Mais aussi, c'est le genre de roman qui me fait me sentir bien ignorante par certaines références qu'il présente de manière évidente mais dont, moi, je n'ai jamais entendu parler.
eXPie Abeille bibliophile
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Sujet: Re: Georges Perec Jeu 31 Mai 2012 - 22:27
Photographié le 22 mai 2012 dans l'église Notre-Dame de Dijon, devant une fresque attribuée à un peintre de l'entourage de Van der Weyden... à moins qu'il ne s'agisse d'une oeuvre de Gaspard Winckler ?
- Le Condottière. 203 pages. La Librairie du XXI° siècle. Seuil. Préface de Claude Burgelin. GeorgesPerec s'est vu refusé la publication du Condottière en 1960. A la suite d'une erreur (il a jeté la mauvaise valise), il pensait avoir perdu le texte du roman, "le « premier roman abouti que je parvins à écrire », dit-il dans W ou le souvenir d'enfance.", introduction, page 8 ). Au début des années 1990, David Bellos enquête pour écrire une biographie de Perec. Il retrouve les doubles de certains textes que l'on pensait définitivement perdus, dont Le Condottière.
Le roman commence ainsi :
Citation :
"Madera était lourd. Je l'ai saisi sous les aisselles, j'ai descendu à reculons les escaliers qui conduisaient au laboratoire. Ses pieds sautaient d'une marche à l'autre, et ces rebondissements saccadés, qui suivaient le rythme inégal de ma descente, résonnaient sèchement sous la voûte étroite. Nos ombres dansaient sur les murs. Le sang coulait encore, visqueux, suintait de la serviette-éponge saturée, glissait en traînées rapides sur les revers de soie, se perdait dans les plis de la veste, filets glaireux, très légèrement brillants, qu'arrêtait la moindre rugosité de l'étoffe, et qui perlaient parfois jusqu'au sol, où les gouttes explosaient en tachetures étoilées." (page 33).
On sent qu'il a peaufiné le début, c'est quasiment "sur-écrit".
Le narrateur, Gaspard Winckler, a tué Madera. Il n'est pas dans une très bonne situation...
Citation :
"Il allait mourir. L'idée le rassurait comme une promesse. Il était vivant, il allait être mort. Et puis après ? Léonard est mort, Antonello est mort et moi-même je ne me sens pas très bien. Une mort bête. Victime des événements. Victime d'une malchance, d'une maladresse, d'une faute." (page 38).
C'est censé être sérieux (la situation est grave), mais en même temps c'est humoristique ("je ne me sens pas très bien")... en fait, on n'y croit pas vraiment...
Mais continuons. Gaspard Winckler est faussaire de profession. Officiellement, il est restaurateur d'art.
Citation :
"Il avait derrière lui la plus prestigieuse des carrières. Un Vinci, sept Van Gogh, deux Rubens, deux Goya, deux Rembrandt, deux Bellini. Une cinquantaine de Corot, une douzaine de Renoir, une trentaine de Degas, exportés massivement en Amérique du Sud et en Australie en 1930 et 1940, des Metsys et des Memling et de véritables tombereaux de Sisley et de Jongkind, entre 1920 et 1925, au début de son association avec Rufus et Madera." (page 89).
Qu'est-ce qui l'a poussé à tuer ledit Madera ?
Citation :
"En rentrant de Paris, j'ai décidé de travailler d'une nouvelle façon. Jusqu'alors, j'avais toujours travaillé comme n'importe quel faussaire, comme Van Meegeren, Icilio ou Jérôme [le "maître" de Winckler]. Je prenais trois ou quatre tableaux de n'importe qui, je choisissais un peu partout des éléments, je remuais bien, et je construisais un puzzle. Mais pour Antonello, ça ne marchait pas. Au départ, si tu veux, j'avais quelques idées préconçues, celles que donne une connaissance sommaire d'Antonello : la rigidité, l'exactitude quasi maniaque, la sécheresse des décors, la distribution des manières beaucoup plus flamandes qu'italiennes et, si l'on veut, une admirable maîtrise du sujet, ou, plus exactement encore, une peinture de la maîtrise. Aucune ambiguïté, aucun balancement dans les regards et dans les gestes, un équilibre et une force constamment affirmés. [...] mais le Condottière est à peu près le seul portrait aussi fort d'Antonello. Les autres sont toujours en deçà, un peu plus neutres, un peu plus mièvres ; je n'avais aucun point de départ pour un puzzle ; j'avais un portrait, un seul, et les autres, à côté de lui, n'étaient guère que comme des esquisses, des préparations. Ça annonçait le Condottière et c'est tout." (pages 123-124).
On trouve, bien avant La Vie mode d'emploi, la fascination du puzzle.
Quelques portraits d'Antonello da Messina (1430-1479) : 1/ Tout d'abord, Le Condottière (1474-1476), Musée du Louvre ;
Portraits antérieurs au Condottière : 2/ Portrait d'homme (1473), National Gallery, Londres. On ne peut quand même pas dire qu'il soit mièvre. 3/ Portrait de jeune homme (vers 1472-1473), Musée Thyssen-Bornemisz, Madrid ; 4/ Portrait de jeune homme (1473-1474), Philadelphia Museum of Art ; 5/ Portrait de jeune homme (1474), Staatliche Museen, Gemäldegalerie, Berlin.
Portraits postérieurs au Condottière : 6/ Portrait d'homme (1475-1476), Galerie Borghèse, Rome ; 7/ Portrait d'homme (1476), Museo Civico di Arte Antica, Turin ; 8/ Portrait de jeune homme (1476-1477), Staatliche Museen, Gemäldegalerie, Berlin.
(pour la totalité de ces oeuvres, les magnifiques Saint Jérôme dans son cabinet d'étude et La Vierge de l'Annonciation, la très belle Pietà, voir sur la page de wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_œuvres_d'Antonello_de_Messine consacrée à la liste des oeuvres d'Antonello)
Dernière édition par eXPie le Jeu 31 Mai 2012 - 22:57, édité 5 fois
eXPie Abeille bibliophile
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Sujet: Re: Georges Perec Jeu 31 Mai 2012 - 22:28
Citation :
"Pour peindre un Condottière, il faut savoir regarder dans la même direction que lui... Tu cherchais cette victoire immédiate, ces signes distinctifs de l'omnipotence, ce triomphe. Tu cherchais ce regard clair comme une épée, tu oubliais qu'un homme, avant toi, l'avait trouvé, en avait rendu compte, l'expliquant parce que le dépassant, le dépassant parce que l'expliquant. Dans un même mouvement. La peinture triomphale ou la peinture du triomphe ? Tu te laissais avoir par cette gueule de vache, cette admirable tête de salaud, cette sensationnelle binette de truand. Mais il te fallait faire renaître, dans leur simplicité et dans leur force, les rapports - singulièrement simplifiés du reste - que ce personnage, guère plus à tout prendre qu'un barbare mal dégrossi, se payait le luxe d'avoir avec le monde. Pouvais-tu le comprendre ? Pouvais-tu comprendre que ce colonel mercenaire ait l'idée de se faire tirer le portrait par l'un des plus grands peintres de son temps ? Pouvais-tu admettre qu'au lieu d'un débraillé gueulard - le pourpoint dégrafé, les aiguillettes à la diable -, il ne fût revêtu que d'une tunique admirablement anonyme, sans autre ornement qu'un bouton de nacre à peine apparent ? Pouvais-tu comprendre cette absence de colliers, de médailles, de fourrures, ce col à peine apparent, cette absence de plis dans la tunique, cette exceptionnelle rigueur de la toque ? Comprenais-tu que cette sécheresse, cette sobriété de la tenue, avait pour conséquence immédiate qu'elle laissait au visage seul le soin de définir le Condottière ? C'est bien de cela qu'il s'agissait. Les yeux, la bouche, la petite cicatrice, la contraction des muscles de la mâchoire à eux seuls exprimaient parfaitement, sans la moindre ambiguïté, la position sociale, l'histoire, les principes et la méthode de ton personnage..." (pages 128-129).
Le repas d'Emmaus, de Van Meegeren (un faux Vermeer), regardé par Dirk Hannema, alors directeur du musée Musée Boijmans Van Beuningen (Rotterdam) et Hendrik Luitwieler, restaurateur. Photo Frequin, 1938. Ils ne savent pas qu'ils contemplent un faux...
Perec ne peut pas s'empêcher de faire quelques blagues bon enfant : "Un bon Titien vaut mieux que deux Ribera." (page 81; si on lit trop vite, on risque de ne pas remarquer la blague), "Tu n'étais bon qu'à faire des faux" (page 104), et un peu de provocation : "Entre faire des faux Chardin et faire des vrais Vieira da Silva, je préfère encore faire des faux Chardin." (page 138).
La quatrième de couverture parle de "roman policier", ce que le livre n'est pas. Les motivations de Gaspard Winckler sont vite éclaircies. L'essentiel du livre, c'est l'interrogation sur la vie d'un faussaire, ce qu'est ou peut être une oeuvre de faussaire, et plus généralement comment on peut faire du neuf avec du vieux (et on sait à quel point les emprunts, citations, etc., ont nourri l'oeuvre de Perec, permettant effectivement de se nourrir de vieux pour faire du neuf).
La première moitié du roman est franchement très lourde. Passages du "je" au "tu" et vice-versa, longs, très longs passages dans lesquels le jeune Perec se regarde écrire, parfois un peu dans le genre "nouveau roman"... et on s'ennuie. Puis, il y a parfois de bonnes phrases, et finalement de bonnes pages, au milieu de pages qui font du surplace à force de tourner à vide. Le plus intéressant, c'est quand Perec parle de peinture.
Citation :
"Le Condottière ne bouge pas : on ne peut rien pressentir, on ne peut rien imaginer, on ne peut rien ajouter à sa présence. Le Melanchton de Cranach balance entre l'intelligence d'un regard, la finesse d'un sourire, la fermeté des mains : tel est le politique ; l'homme de Memling est un sanglier qui prie, une chevelure hirsute, un coup large. Le Robert Cheseman de Holbein n'a que la morgue d'un seigneur, le luxe lumineux du costume, la simple intelligence du veneur. Le Condottière est toujours plus que cela. Il les regarde tous les trois. Il pourrait les mépriser, secrètement ou ouvertement. N'importe lequel d'entre eux, un jour ou l'autre, pourra avoir besoin de lui. Il ne les méprise pas, ce serait déjà s'abaisser et sa position est trop forte [...]" (pages 178-179).
1/ Cranach l'Ancien, Philipp Melanchthon. 1543. Galleria degli Uffizi (il existe plusieurs portraits de Melanchthon par Cranach). 2/ Memling, Portrait d’un homme à la monnaie. 1473. Anvers, Koninklijk Museum. 3/ Holbein le Jeune : Portrait de Robert Cheseman. 1533. Mauritshuis, La Haye.
Le Condottière est une oeuvre bancale, à l'histoire assez faible, il faut bien le dire, et aux longueurs très nombreuses. Mais il a un intérêt indéniable : en plus de bons passages, quand on a dans la tête Un Cabinet d'Amateur, La Vie mode d'emploi, Un Homme qui dort, etc., on voit d'où vient Perec, et à quel point certaines obsessions étaient présentes dès le début. A noter, également, que la préface de Claude Burgelin est intéressante, mais suppose que l'on connaît déjà les oeuvres principales de l'auteur. Du coup, il mentionne des éléments de certains livres qu'on pourrait aimer ne découvrir qu'en lisant les livres en question.
Ce n'est donc vraiment pas le roman par lequel aborder Perec, il vaut même mieux déjà beaucoup l'apprécier avant de lire ce livre.
Dernière édition par eXPie le Jeu 31 Mai 2012 - 23:00, édité 3 fois
eXPie Abeille bibliophile
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Sujet: Re: Georges Perec Jeu 31 Mai 2012 - 22:28
Annexe :
Deux faussaires dont il est fait mention plusieurs fois dans Le Condottière : Van Meegeren et Icilio Federico Joni.
A gauche, photo de Han Van Meegeren à son procès (il a 57 ans). A droite, son autoportrait, alors qu'il avait à peu près 35 ans.
Quatre oeuvres de Van Meegeren : trois faux Vermeer et un faux Frans Hals :
1/ Portrait de femme assise à son bureau (1935-1936) ; 2/ Portrait de femme jouant du luth (vers 1933 ; Rijksmuseum). Ces deux toiles, très proches de tableaux connus, ont été retrouvées non vendues dans la maison de Van Meegeren après guerre. 3/ La troisième toile, Les Disciples d'Emmaus (1936), est une oeuvre plus "originale", puisqu'il n'existe pas de vrais Vermeer connus sur des thèmes religieux. 4/ Un faux Frans Hals, car si les faux Vermeer sont les oeuvres les plus connues de Van Meegeren, il ne s'y cantonnait pas.
On pourra faire un petit quizz : "Vermeer ou Meegeren", sur http://reverent.org/vermeer_or_meegeren.html On pourra aussi voir la petite vidéo ci-dessous.
Icilio Federico Joni (Sienne, 1866-1946) est moins connu. Son créneau à lui, c'était les peintres moins renommés (Sano di Pietro...), ou des oeuvres mineures de grands peintres. Il a écrit une biographie qui brosse un vaste panorama de la vie provinciale de l'Italie à la fin du XIX° siècle (source : http://www.answers.com/topic/i-cilio-f-ederico-joni )
Trois faux de Icilio Federico Joni :
1/ Madonne et enfant, dans le style de Pietro Lorenzetti ; 2/ Christ de douleur entre deux personnes, dans un style proche de Mantegna. ; 3/ Triptyque, dans le style du XV° siècle. On trouvera plus de reproductions sur : http://www.falsidautore.siena.it/w2d3/v3/view/falsidautore/pagine/sezioni/tre/index_en.html
Sur le même site, on y trouvera aussi des oeuvres d'un autre faussaire, Umberto Giunti, sans doute l'auteur d'un fameux Boticcelli, la Madonne au Voile (probablement peint entre 1920 et 1929 ; acheté par la National Gallery en 1930 ; quatre ans plus tard, le nouveau directeur trouvait que la Madonne avait "un charme particulier, comme une star de film muet", et même qu'elle ressemblait à Jean Harlow. Après guerre, des tests ont pu montrer qu'il s'agissait bien d'un faux, et que les trous de vers du bois avaient été effectués à la perceuse... voir : http://chelseamia.corriere.it/2010/07/ et http://theartofcopies.wikispaces.com/The+Madonna+of+the+Veil%3B+Botticelli%2C+%3F )
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Georges Perec Mar 12 Juin 2012 - 22:26
Le Voyage d'Hiver. 33 pages. La Librairie du XX° siècle. Editions du Seuil. "C'est à l'occasion du numéro spécial consacré à GeorgesPerec que le Magazine Littéraire (n°193, mars 1983) a publié Le Voyage d'hiver, une nouvelle inédite parue dans le bulletin Hachette Informations n°18, mars-avril 18-1980.", est-il expliqué en fin du petit ouvrage (ce petit texte est également trouvable dans "GeorgesPerec, Romans & récits", La Pochothèque, et là, méfiance ! il ne faut surtout pas lire la première page en italique, qui sert de notice : elle raconte tout, dès la première phrase - même pas le temps de fermer les yeux - , c'est très triste et vraiment pas correct pour ceux qui auraient voulu ne pas savoir... cette notice aurait eu sa place en postface...C'est à croire que l'auteur de la notice a peur que, cette notice eût-elle été mise en postface, les lecteurs ne l'eussent point lue !).
C'est l'histoire d'un professeur de lettres, Vincent Degraël, qui passe quelques jours dans la propriété des parents d'un de ses collègues.
Citation :
"La veille de son départ, alors qu'il explorait la bibliothèque de ses hôtes à la recherche d'un de ces livres que l'on s'est promis depuis toujours de lire, mais que l'on n'aura généralement que le temps de feuilleter négligemment au coin du feu avant d'aller faire le quatrième au bridge, Degraël tomba sur un mince volume intitulé Le Voyage d'hiver, dont l'auteur, Hugo Vernier, lui était absolument inconnu, mais dont les premières pages lui firent une impression si forte qu'il prit à peine le temps de s'excuser auprès de son ami et de ses parents avant de monter le lire dans sa chambre." (pages 7-8 ).
A mesure qu'il lit le texte, Vincent Degraël a une impression de déjà lu... "comme le simple goût d'une gorgée de thé vous ramène tout à coup trente ans avant en Angleterre" (page 15) Etonnant, non ? Degraël va faire une découverte énorme...
Un court texte bien dans le style Perec, avec ses obsessions, son vertige. Très bien.
anagramme Agilité postale
Messages : 909 Inscription le : 29/08/2008
Sujet: Re: Georges Perec Sam 30 Juin 2012 - 12:35
A l'occasion du trentième annivesaire de la mort... de la "Disparition" pour mieux dire : plaque émaillée en hommage de GeorgesPerec par Christophe Verdon.
Invité Invité
Sujet: Re: Georges Perec Sam 30 Juin 2012 - 13:29
C'est bien vu! Cette plaque va vraiment être posée ?
krys Sage de la littérature
Messages : 2093 Inscription le : 06/09/2009 Age : 65 Localisation : sud ouest
Sujet: Re: Georges Perec Sam 30 Juin 2012 - 13:41
excellent le coup de la plaque
anagramme Agilité postale
Messages : 909 Inscription le : 29/08/2008
Sujet: Re: Georges Perec Dim 1 Juil 2012 - 17:33
Je ne sais pas, Nezumi.
Esperluette Sage de la littérature
Messages : 1660 Inscription le : 09/04/2012
Sujet: Re: Georges Perec Mar 25 Déc 2012 - 19:06
Bel hommage à Perec avec cette plaque.
GeorgesPerec, Les choses, 1965. (Prix Renaudot)
L’histoire :
Sylvie et Jérôme abandonnent rapidement la poursuite de leurs études pour décrocher un emploi de psychosociologue qui leur permet de réaliser des sondages sur les habitudes consuméristes des personnes. Ce travail pourra peut-être leur permettre d’accéder à un bien être matérialiste. Mais cette course effrénée n’est-elle pas un leurre ?
L’écriture :
L’intrigue n’est en fait qu’un prétexte de la part de Georges Pérec qui veut, me semble-t-il, rendre le lecteur actif, en sollicitant sa réflexion, certes, mais pourquoi pas aussi sa collaboration à l’œuvre.
Le livre débute sur un inventaire dressé au conditionnel présent de tous les objets qui pourraient figurer dans un appartement. La volonté exhaustive et délibérée d’établir cette longue liste peut décourager le lecteur peu habitué à se retrouver face à un listing qui a priori est plutôt rébarbatif et rebutant. Pourquoi ce choix ? Est-ce une façon de montrer les aspirations chimériques et sans cesse renouvelées du jeune couple qui semble passer son temps à vouloir posséder toujours plus ? En quoi consiste leur vie au juste ? A rêver d’un bien être toujours plus confortable ? A accéder à un emploi mieux rémunéré ?
Je vous mets les premières lignes assez déroutantes dans la mesure où le lecteur a l'impression de feuilleter un magazine d'art déco sans les images.
L'œil, d'abord, glisserait sur la moquette grise d'un long corridor, haut et étroit. Les murs seraient des placards de bois clair, dont les ferrures de cuivre luiraient. Trois gravures, représentant l'une Thunderbird, vainqueur à Epsom, l'autre un navire à aubes, le Ville-de-Montereau, la troisième une locomotive de Stephenson, mèneraient à une tenture de cuir, retenue par de gros anneaux de bois noir veiné, et qu'un simple geste suffirait à faire glisser. La moquette, alors, laisserait place à un parquet presque jaune, que trois tapis aux couleurs éteintes recouvriraient partiellement. (p.9)
Alors qu’en pensez-vous ? Particulier, n’est-ce pas ?
Ensuite, leur histoire continue, narrée principalement à l’imparfait, temps de la répétition, de l’habitude par excellence. Ainsi se passe leur vie dans une monotone rengaine emplie d’aspirations qui tournent en boucle dans une sorte de ressassement impitoyable dont ils ne parviennent pas à s’extraire tant ils sont englués dans leur problème d’acquisition, dans leur vacuité désespérée à vouloir paraître.
Jérôme avait vingt-quatre ans, Sylvie en avait vingt-deux. Ils étaient tous les deux psychosociologues. Ce travail, qui n'était pas exactement un métier, ni même une profession, consistait à interviewer des gens, selon diverses techniques, sur des sujets variés. C'était un travail difficile, qui exigeait, pour le moins, une forte concentration nerveuse, mais il ne manquait pas d'intérêt, était relativement bien payé, et leur laissait un temps libre appréciable. (p.29)
Leur vie hélas semble alterner entre une ferveur fantasmée enthousiaste et un désespoir tragique. Le couple a du mal à trouver un juste équilibre entre l’être et le paraître :
D’autre fois, ils n’en pouvaient plus. Ils voulaient se battre et vaincre. Ils voulaient lutter, conquérir leur bonheur. Mais comment lutter ? Contre qui ? Contre quoi ? Ils vivaient dans un monde étrange et chatoyant, l’univers miroitant de la civilisation mercantile, les prisons de l’abondance, les pièges fascinants du bonheur ! (p.91)
Mais il s’agit le plus souvent de désillusion où du Godard semble s’être invité.
«(…) c’était un univers ratatiné, un monde à bout de souffle qui ne débouchait sur rien. Leur vie n’était pas conquête, elle était effritement, dispersion » (p.93)
L’épilogue, au futur, permettrait peut-être de trouver une solution à leur problème. Mais visiblement, l’enjeu se situe ailleurs. Perec n’entend pas fournir de solution seulement sa vision d’un couple dans les années 60.
Mais il ne leur sera pas si facile d’échapper à leur histoire. Le temps, encore une fois, travaillera à leur place. L’année scolaire s’achèvera. La chaleur deviendra délicieuse. (p. 149)
Une piste qui me vient à l’esprit est de prendre la suite du récit pour écrire ce récit au présent en poursuivant cette réflexion en pleine période de crise. Ainsi ce livre ne fait que renvoyer le lecteur à sa propre réalité, à sa perception de son rapport aux objets, aux autres.
C’est seulement le livre terminé que le lecteur arrive à un constat : quelles sont les intentions de l’auteur ? Veut-il dénoncer la société de consommation ? S’agit-il d’une prémonition de mai 68 ? Ou au contraire souhaite-t-il inciter le lecteur à poursuivre cette réflexion, cet « exercice de style » ? Et le bonheur où réside-t-il ?
De plus, l’histoire de ce couple trouve dans notre société actuelle du « à peine acheté déjà périmé » un écho assez effrayant, je trouve.
Harelde Zen littéraire
Messages : 6465 Inscription le : 28/04/2010 Age : 49 Localisation : Yvelines
Sujet: Re: Georges Perec Mer 20 Nov 2013 - 15:44
Les choses
Sylvie et Jérôme sont parisiens, jeunes et psychosociologues (comprendre « enquêteurs pour un institut de sondages »). Ils sont bien loin d’être riches, possèdent un minuscule deux-pièces au cœur de la capitale et passent leur temps à compter leur argent – les fins de mois ne sont pas toujours simples.
Pourtant, ils aiment le luxe. Et surtout l’argent qu’il suppose. Ils rêvent de richesses, mais sans se donner les moyens de leurs chimères : c’est la fortune qui devra les trouver et non l’inverse. Le problème, c’est que ladite fortune ne semble pas pressée de les dénicher…
Dans une logique de « tout tout-de-suite » et de « toujours plus », le couple vieillit lentement. La trentaine approche. Et avec elle, on attend d’eux une plus grande stabilité, une plus grande régularité. La routine métro-boulot-dodo menace chaque jour davantage : insupportable pour eux si épris de liberté. D’autant que la rengaine est toujours la même : faire carrière, se marier, fonder un foyer, élever des enfants, entretenir d’un pavillon, déjeuner chez les beaux-parents le dimanche… tout cela exige des efforts auxquels ils ne parviennent pas à se résoudre. Le couple végète, donc. S’épuise. Etouffe. Et menace de se disloquer. Il y a de la souffrance dans cette destinée à toujours convoiter l’inaccessible, à ne jamais se satisfaire de ce qu’on a.
Désireux de rompre avec cette spirale, Sylvie et Jérôme aimeraient recommencer leur vie ailleurs, autrement. Quitter Paris et ses tentations, renouer avec la vie simple de la province, de la campagne. Le retour aux vraies valeurs. On leur propose deux postes d’enseignants en Tunisie. Le déracinement est bien plus violent qu’escompté, mais ils décident de franchir tout de même le pas. Ils manquent néanmoins de se désister lorsqu’ils apprennent que ce sera Sfax – modeste ville du grand sud – et non Tunis. Mais ne pouvant reculer, ils montent toutefois dans le bateau et traverse la Méditerranée, vers l’inconnu.
Ecrit en 1965, ce livre est intemporel, indémodable et toujours d’actualité. Les personnages de Perec sont deux purs produits de la société de consommation, avides de posséder. Posséder pour posséder : la possession étant à ce niveau un but, une finalité et non plus un simple moyen d’accéder à un idéal quelconque. Paradoxe de ce couple regrettant la monotonie d’une existence sans passion tout en refusant de faire le moindre geste en vue d’un changement. La routine étant ici un pis-aller ayant un certain confort malgré tout.
Le roman de Perec est très particulier. L’écriture est exclusivement narrative et débute au conditionnel. Narration statique, immobile tout comme les objets qui sont décrits de façon méticuleuse et qui sont les vrais héros du roman. Une description que j’ai trouvée plutôt froide malgré les nombreuses touches de couleur dont elle émaille le texte. Un rythme très lent qui n’est jamais parvenu à me passionner.
eXPie Abeille bibliophile
Messages : 15620 Inscription le : 22/11/2007 Localisation : Paris
Sujet: Re: Georges Perec Sam 7 Mai 2016 - 10:53
Ah, un "nouveau" Perec : L'attentat de Sarajevo.
Citation :
Après le Condottière, publié en 2012, voici le dernier roman resté inédit de GeorgesPerec. L’Attentat de Sarajevo a été dicté à une fille qui savait taper à la machine à l’automne 1957, au retour de six semaines passées en Yougoslavie. Le voyage a été une réussite, on le constate par les conséquences qu’il a eues dans la carrière de Perec, et on en a la confirmation par une lettre de l’écrivain à son ami Jacques Lederer : «Rappelle-toi au fait que ma "guérison" part du jour où j’ai pris le train pour Belgrade.» Le biographe David Bellos, dans GeorgesPerec, une vie dans les mots, fait de cette citation la première phrase du chapitre qu’il consacre au livre, le premier que le jeune GeorgesPerec ait réussi à mener à bien. Ce n’est pas rien. Il avait 21 ans.
«C’était tout de même une drôle de chose que de venir à Sarajevo pour commettre un attentat.» C’est l’unique réflexion drôle d’un roman qui ne l’est pas, et qui fut refusé, à juste titre (mais avec des encouragements), par le Seuil et par Julliard, où Maurice Nadeau avait alors transporté sa collection «Les lettres nouvelles». [...] En alternance avec la pseudo histoire d’amour, Perec analyse le procès des responsables de l’attentat de Sarajevo en 1914, celui qui a entraîné la Première Guerre mondiale. On retrouvera ce montage alterné dans W. ou le souvenir d’enfance. C’est une des raisons - ils en ont d’autres - pour lesquelles les perecquiens s’intéressent à l’Attentat de Sarajevo.
Totalité de l'article à lire sur : http://next.liberation.fr/livres/2016/05/06/sarajevo-mon-amour_1450935
majeanne Main aguerrie
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Sujet: Re: Georges Perec Sam 18 Juin 2016 - 12:47
Je viens de lire une cinquantaine de pages de "Espèces d'Espaces" et j'aime beaucoup. J'ai déjà ri plusieurs fois, notamment en découvrant à la fin du livre un "Répertoire de quelques-uns des mots utilisés dans cet ouvrage" parmi lesquels "jambon 37" ; "bigoudis 66".....
Sa réflexion sur comment utiliser différemment les pièces dans un appartement ou sur l'importance d'une pièce inutile est extraordinaire : c'est pour moi un plaidoyer contre les intégrismes divers et variés dont nous souffrons aujourd'hui. Visionnaire, drôle, bienveillante, intelligente...C'est ainsi que me semble son écriture.
Je n'ai lu de lui jusqu'à maintenant que "La vie mode d'emploi" et "W ou le souvenir d'enfance" et tout me plaît. Je n'ai qu'un regret : qu'il ne soit pas là aujourd'hui pour mettre un peu de respiration dans la vie et dans l'écriture.
PS : Je lis "Espèces d'espaces" dans une édition de poche, bibliothèque Médiations chez Denoël/Gonthier, malheureusement emprunté en bibliothèque.