Herbjorg Wassmo [Norvège]

Le livre de Dina:Les limons vides-Les vivants aussi-Mon bien-aimé est à moi

Dina est un livre comme je les aime : un livre qui vous emporte, un livre que l’on empoigne, un livre qui vous attrape, et ne vous lâche qu’à la dernière ligne.
Dina est une histoire comme je les aime : des personnages, une belle portion d’anticonformisme, un peu dépaysement, une once d’étrange, quelques notes de musique, le tout littérairement bien arrangé, un petit « je ne sais quoi » qui vous entraine inexorablement page après page sans temps mort, et sas lassitude.
Sans rien dévoiler de ce que fut la vie de Dina, j’ai aimé cette atmosphère un peu surannée, cette ambiance désuète, ce climat rempli de référence bibliques, dans une Norvège pétrie par la religion Luthérienne. Et pourtant, on ne peut pas dire que Dina soit la rigueur morale. Elle rebelle sauvageonne, forte comme personne ne l’est autour d’elle, redoutablement intelligente. Dina veut vivre Sa vie, et se donne les moyens de la vivre, assume pleinement ce qu’il y a de viril, et bestial en elle.
« L’jour où Dina fera sa demande, celui auquel elle s’adressera aura pas besoin d’poser de questions ! Il aura qu’à répondre ! »

Dina a à bien des égards, un côté aussi attachant que repoussant. Comment ne pas être attendrie par cette musicienne dans l’âme.
« Savoir jouer les notes ne veut pas dire qu’on a le pouvoir d’émouvoir. La musique a une âme, comme les gens. Il faut aussi la faire entendre… »
Quand Dina joue du violoncelle, c’est son corps entier qui s’empare de son instrument. J’imaginais parfaitement Dina et le violoncelle ne faisant plus qu’un.
L’étrange dans ce livre représente une part non négligeable. Dina, est entourée des fantômes de son existence qui ne la laissent jamais tranquille bien longtemps.
« Le chagrin c’est toutes les images qu’on ne peut pas voir, mais qu’il faut porter quand même. »
J’ai aimé l’importance que l’auteur accorde à son environnement naturel, en insistant sur l’extrême solitude des régions septentrionales, et de la nécessaire adaptation à la nature des habitants.

LA VERANDA AVEUGLE

Un roman sombre.
L’histoire de Tora, la petite rouquine, la « fille du Schleu », a pour cadre un village de pêcheurs en Norvège dans les années 50.
La vie est dure dans sa maison misérable qui abrite plusieurs familles, « la maison des milles » :
« Dans cette maison des Mille étaient venus s’installer les pauvres. Ceux qui ployaient sous le faix et étaient pauvres en biens de ce monde. Parfois aussi pauvres d’esprit. »

Tora vit avec sa mère Ingrid qui travaille durement ; une femme fatiguée, résignée qui parle peu à Tora, qui ne lui a jamais dit la vérité sur son passé, son passé de femme « tondue » à la libération parce qu’elle a aimé un ennemi allemand, le père de Tora.
« Mais personne ne pouvait empêcher Tora de prononcer au fond d’elle-même le nom de Wilhelm. Elle cachait ce nom tout près d’elle, tout près, tout près, comme s’il s’agissait d’un oisillon blessé dont il ne fallait pas révéler l’existence, de peur que les gens ne s’avisent de le tuer à coups de pieds. »

Avec Ingrid et Tora, vit Henrik, infirme de guerre alcoolique et violent. La vie de Tora est une vie de peur, de « péril » :
« Le péril : elle n’aurait pu dire à quel moment elle en avait pris conscience. »[…] Elle aurait voulu appeler sa mère, la sentir tout près d’elle. Mais elle ne parvenait pas à émettre le moindre son.[…] Des mains. Des mains surgissant de l’obscurité. Ainsi se manifestait le péril. De grosses mains dures qui serraient et agrippaient. »
Et le péril que Tora redoute le plus est Henrik :il frappe et viole l’enfant sans qu’elle puisse rien à dire à sa mère et à son entourage…
« Henrik frappait plus fort que quiconque de sa main valide. […] Quand Henrik tapait, Tora se ratatinait et paraissait se serrer autour de son poing comme un chiffon. »
Tora, sauvage, est silencieuse sur sa douleur, personne ne voit rien…ou ne veut rien voir…
« Personne à qui s’adresser. Et s’il y avait eu quelqu’un pour lui affirmer qu’il ne fallait pas désespérer, que ce genre de chose s’était déjà produit dans le monde, et que tout finirait par se cicatriser, elle aurait pris une expression innocente pour demander : De quoi s’agit-il ? Que s’est-il passé ? »

Le monde de Tora est un monde de pauvreté, de silence, de peur et de honte…
Sa mère ne peut, ne sait la protéger.
Heureusement Tora a ses refuges : ses courses solitaires dehors…son monde imaginaire …son rêve d’une famille à Berlin… le grenier de son oncle Simon avant qu’il soit incendié… la tendresse et la joie de vivre de sa tante Rakel…les livres…l’amitié d’une adolescente voisine, Soleil (une pauvre gamine, aînée de sept enfants dont la mère a perdu la raison)… l’amitié qui la lie à Frits, un gamin sourd et muet, dans sa maison « sans la moindre parcelle de péril » où l’on lit, écoute de la musique, où l’on se sourit…

La véranda aveugle est le premier volume poignant d’une trilogie dont les deux autres volumes sont La Chambre silencieuse et Ciel cruel .
Le portrait bouleversant d’une belle enfant se débattant seule dans son enfance sordide…

Cent ans- Gaïa (février 2011)-560 pages

Citation :

Sara Susanne, Elida et Hjørdis, sont respectivement l’arrière-grand-mère, la grand-mère et la mère de la narratrice. Cent ans est le roman de leurs vies, des hommes qu’elles voulaient et des hommes qu’elles ont eus, des enfants auxquels elles ont donné naissance. C’est aussi l’histoire d’une petite fille qui se cache au grenier pour l’éviter, lui. Elle a un crayon jaune qu’elle taille avec son couteau de poche et qui lui sert à écrire.

Le cadre est rude, hostile, froid, désert ; c’est le nord de la Norvège, les hivers sont longs et sombres. Mais la mer y est généreuse : elle nourrit et donne du travail aux hommes. Et les femmes ?
Dans ces contrées, elles font des enfants, sans se poser de questions, parce que c’est comme cela, c’est la vie. Leur vie, elles la vivent librement. Elles épousent contre l’avis de leurs mères, donnent leurs enfants en nourrice quand il faut s’en aller faire soigner l’homme plus au sud.
1842-1942 : cent ans séparent la naissance de Sara Suzanne et celle d’ Hjørdis. Entre les deux il y aura Elida, Hjørdis. Quatre femmes pour presque 600 pages qui défilent, qui se laissent apprivoiser sans qu’on s’en aperçoive vraiment malgré ce foisonnement de personnages, malgré ces fratries nombreuses où parfois l’on se perd pour mieux se retrouver plus tard.
Quatre femmes pour 6 cahiers qui constituent ce livre. Les cahiers qu’ Herbjørg, enfant griffonnait dans le grenier, en secret ?
Six cahiers qui commencent par la narratrice relatant ses souvenirs, sa famille avec le « je » de celle qui s’implique, et puis qui se poursuivent avec l’évocation de l’une d’entre elles, dans le désordre….Certes il faut suivre…mais qu’à cela ne tienne c’est bien pensé, bien écrit. Il y a dans cette histoire, dans la façon d’offrir au lecteur une lumière qui manque dehors.
L’histoire de la Norvège n’est jamais loin, l’ambiance y est particulière. J’ai aimé le livre de Dina avec lequel je faisais la connaissance de cet auteur. Et c’est comme chez « Felix Potin », on y revient !! Gaïa a la bonne idée de rééditer, en un seul volume le fils de la providence d’une part, et l’Héritage de Karna d’autre part. Nul doute que j’y reviendrai un de ces jours…

Un long chemin

Citation :

Norvège, hiver 1944-1945. Traqué par l'occupant nazi pour faits de résistance, un homme tente de fuir à travers les montagnes avec sa femme et son fils de cinq ans. Plusieurs jours de marche forcée par des températures rudes avant d'atteindre la Suède dans un silence terrifiant et un immense prix à payer : celui des corps usés, submergés par la fatigue et les douleurs. Destin tragique d'une famille ordinaire, Un long chemin raconte le lent retour à l'existence de ces héros discrets, oubliés par l'histoire, qu'une nuit d'enfer glacé aura marqué à tout jamais

Et encadré par une préface qui annonce l'intention humaniste, le refus de la guerre et de la souffrance et une postface qui s'attache à l'individu et laisse un peu plus de place aux réels protagonistes de cette histoire vraie romancée.

On ne peut pas en vouloir aux protagonistes dramatiquement éprouvés, on ne peut pas en vouloir non plus aux intentions... par contre j'avoue que très très vite à travers le point de vue du gamin de cinq ans passé à la moulinette cuculo-misérabiliste je me suis dit que ça pourrait être difficile. Et ça se lit bien, vite,, c'est affreux, on passe par le personnage de la femme puis du gamin encore, parfois le bonhomme. Toujours toujours toujours plombé par ce misérabilisme qui est comme une attention légitime qui aurait mal tourné, trop d'horreur surmonté avec courage, trop de cuculterie dans les pensées de ce gamin, l'impression qu'on veut vous soutirer de l'émoi avec ces pages. Les faits sont pourtant là et beaucoup se suffisent à eux-mêmes. J'ai été modérément emballé aussi sur la fin par ce qui ressemblait à des visions simplistes de psychologie, encore... la douleur puis la honte... un vrai festin ! avec du sirop par dessus.

C'est relativement plat et beaucoup trop. Je préfère lire des témoignages plus simples de héros ou héroïnes, victimes, de ces périodes sombres.

Je ne pense pas y revenir, cette intrusion dans l'esprit des personnages, très réduite, m'a plus rebuté que touché.

Plouf.

Même si c'est loin d'être ce qu'elle a écrit de mieux, je ne pense vraiment pas que ce soit un auteur pour toi Animal.

Difficile de mettre l'horreur dans la bouche d'un enfant, sans tomber dans le trop "sentimental".
Jcrois que ce n'est pas un livre pour moi non plus.

Je le crois aussi. Si tu veux en essayer un, commence par Le véranda aveugle.

Arabella a écrit:

Même si c'est loin d'être ce qu'elle a écrit de mieux, je ne pense vraiment pas que ce soit un auteur pour toi Animal.

je ne serai pas contre un petit développement.

animal a écrit:

Arabella a écrit:

Même si c'est loin d'être ce qu'elle a écrit de mieux, je ne pense vraiment pas que ce soit un auteur pour toi Animal.

je ne serai pas contre un petit développement.

Le livre manque d'oranges, peut-être ?

ou alors d'oranges et de sous entendus occasionnels...

Cela date mais j'avais commencé par la trilogie qui commence avec Le véranda aveugle et j'avais vraiment été scotchée. Cela raconte le quotidien dans un coin reculé de Norvège après la guerre, le personnage principal est une enfant/adolescente, née d'un père allemand pendant la guerre, rejetée en partie par la communauté du fait ce cette origine. Noir, vraiment très noir. Comme c'est loin du mal à donner des détails, mais une lecture vraiment prenante. Une description intéressante d'un monde en train de disparaître, et le personnage principal attachant. Cela dit pas le genre de livre que je relirai.
Puis j'avis lu le livre que tu viens de finir Animal, et j'avais presque la sensation que ce n'était pas le même auteur, ni au niveau de l'écriture ni de l'univers. Et encore beaucoup plus tard, un cycle, L'héritage de Karna dont j'aurais du mal à dire quelque chose, tant je l'ai trouvé insipide. En fait j'ai vu après que c'était la suite d'un autre cycle, Le livre de Dina, qui semble être la production la plus lue de l'auteur, et j'aurais sans doute du commencer par là, mais là pour le coup j'ai pas trop envie.
L'essentiel de la production consiste en fait dans des cycles romanesques, avec une héroïne comme personnage principal, qui se bat contre le monde entier, avec comme cible principal un lectorat féminin. Je ne pense pas que ce serait trop ton univers de prédilection, mais tu as le droit de persévérer.

merci. je vais sans doute m'abstenir.

J'ai commencé La fugitive.
Ca avait l'air pas mal. Une femme écrivain qui tourne un peu en rond dans sa vie et son écriture.
Et puis, plouf !
Plus rien.
Le soufflé retombe.
L'ennui...

Cent ans

Saga familiale sur cinq générations, par laquelle l'auteur espère gérer la lourdeur des sévices (jamais clairement nommés mais tout à fait clairement compréhensibles) exercés par son père pendant son enfance, sous l'oeil apparemment naïf de sa mère.

C'est vu du côté des femmes, et donne de beaux portraits de femmes battantes, voyant leurs rêves emportés par le travail et les ribambelles d'enfants. les hommes, à part le fameux père, sont plutôt vus du côté de leurs faiblesses, et l'amour ou en tout cas l'attachement dans les couples atténue la rudesse des conditions de vie.

On trouve les péripéties habituelles de ce genre de produit : naissances, mariages, décès, déceptions, secrets et aventures diverses..., de petites notes socio-historiques sur la Norvège au fil du siècle , sans tomber dans les cuculteries qui est avaient tant plu à animal dans Un long chemin
Mais, il faut le reconnaître, il y a un style assez primaire et vraiment beaucoup de longueurs.

(je me bidonne encore).