Ivo Andric [ex-Yougoslavie]

Le pont sur la Drina

Je rejoins complètement votre enthousiasme sur l'oeuvre. L'ambition du propos semble d'abord représenter un pari risqué et audacieux mais le style coule de source et relie chaque évènement avec une formidable aisance. Ivo Andric insiste toujours sur la confrontation entre le pont, véritable personnage à part entière, figé, imposant, imperturbable face au passage du temps et les hommes, soumis aux tourments et aux blessures de leur époque, marqués par un présent éphémère.
Le pont est alors un espace de rencontres, d'harmonies, de dangers et de souffrances. Les anecdotes sont nombreuses et un fil conducteur est toujours maintenu : il y a la perception d'une tristesse, d'une sensation de gâchis avec malgré tout l'hypothétique espoir d'un avenir. La construction de l'édifice est le reflet d'une démesure qui semble toujours hanter le regard des êtres.

Le Pont sur la Drina
Au XVIème siècle, un vizir décida d’édifier un pont qui enjambe une rivière presque infranchissable dans une zone reculée de l’empire ottoman. Dès sa construction, la ville de Visegrad qui borde ses rives va se transformer, devenir un lieu de rencontre ou d’opposition des différentes communautés composant les Balkans : les Bosniaques musulmans, les serbes orthodoxes, les juifs mais aussi les croates catholiques ou encore les tsiganes. De cette société en patchwork, l’équilibre des pouvoirs passe du Turc ottoman à l’austro-hongrois. Par de courts chapitres, Ivo Andric se penche sur les histoires parfois dramatiques, drôles qui agitent cette ville, la remodelant sans cesse mais gardant son équilibre par ce pont qui unit les deux rives de la ville, trait d’union commun à tous ses habitants, donnant au final une unité à cette diversité.
Dans un style simple, Ivo Andric sait nous dévoiler cette âme des Balkans, complexe et fière par des chapitres courts qui s’échelonnent chronologiquement depuis l’édification du pont jusqu’à sa destruction. Il s’attache à chaque fois à une personne, le plus souvent humble et effacée, dont le destin ou plus simplement les péripéties pourraient être symboliques d’une période donnée, avec pour fil conducteur ce fameux pont.
Andric nous donne des clefs pour mieux comprendre cette région à l’histoire et à la géographie pour le moins embrouillée. Et on ne peut s’empêcher de confronter cette lecture au terrible conflit qui a touché cette région dans les années 80. Et on comprend que cette région ne sera jamais à l’abri d’un nouveau conflit : les Balkans ont dans leur gêne cette éternelle confrontation, terrible lutte qui oppose chacun à tous. A moins qu’il n’y ait un pont qui permette aux gens de se retrouver sur sa kapia pour discuter du monde en sirotant un café à la turque ?

Merci de ton commentaire 3G. C'est un auteur, et un livre, que j'affectionne vraiment beaucoup.

ça va être noté alors !

Une excellente idée, Bédou.

Amateurs de romans historiques , vous devriez y trouver votre compte .
Un grand voyage dans le temps et l'espace .
Nous sommes en Bosnie , sous l'empire ottoman et en plein milieu des guerres Napoléoniennes .
Une chronique qui ne s'avère pas si tranquille que ce que cette appellation sous-entend habituellement donc !
Andric dépeint avec intelligence et talent une société où s'entremêlent , se heurtent , s'aiment et se déchirent chrétiens catholiques ou orthodoxes , musulmans , civilisation orientale et occidentale .
Enjeu politique , Travnik voit passer nombre de consuls et de dignitaires de tous bords : la vie y est mouvementée , dangereuse pour qui représente un danger pour la politique en place . La façon de raconter , très orientale , a de quoi charmer le lecteur , il se dégage un certain parfum envoûtant sous la plume d'Andric  . Les personnages sont hauts en couleur , la narration palpitante avec moults rebondissements qui tient le lecteur en haleine , les descriptions quasi ethnologiques ainsi que celles plus précisemment psychologiques sont pertinentes et éclairées bien que n'échappant pas à une certaine lourdeur , à vouloir trop disséquer les comportements  .
Malgré toutes ces qualités , je me suis un peu ennuyée . Parce que ce n'était pas le moment pour moi .

merci Eglantine, je tenterai plutôt comme prévu, le Pont de la Drina.