Dans
« Le Pain Nu », Mohamed Choukri raconte les violences et l'errance d'une vie de vagabondage dans les années quarante.
Le narrateur, le jeune Mohammed, se sépare tôt de sa sordide famille. Il connaîtra la famine, la violence des bas-fonds, la sexualité auprès des prostitués, le vin et le kif avec ses amis,la drogue,l’ homosexualité noyée dans l'alcool après avoir subi les violences d'un père alcoolique...
Il fait les poubelles, «
celles des Européens de préférence, car elles étaient plus riches » et trouve «
refuge parmi les grandes pierres du port. Il sera docker. Le plus jeune, le plus frêle […] il saura déjouer la fatalité et sera un traître à l’ordre… » ditTahar Ben Jelloun qui traduisit «
Le pain nu », récit autobiographique très sombre en 1980.
Analphabète jusqu’à l’âge de 21 ans, le jeune Mohamed décide d’aller à l’école après avoir rencontré l’écrivain Mohamed Sebbagh :
« J’étais presque aussi grand que l’instituteur […] j’avais la volonté ». Il entre ensuite à l’École normale et devient à son tour instituteur puis professeur et se met finalement à l’écriture.
Cette autobiographie jugée subversive a d’abord été publiée en anglais en 1973, grâce à Paul Bowles, écrivain et ami de l’auteur qui le fait connaître aux Etats-Unis. Mohamed Choukri fréquente aussi Jean Genet et Tennessee Williams
En 1981 paraît la version française, traduite par Tahar Ben Jelloun. Cette œuvre est alors devenue un livre-culte.
Il faudra attendre 2000-2001 pour que l’ouvrage soit publié en arabe. Il ne paraîtra au Maroc qu’en... 2000. Cette censure était motivée par l’évocation des expériences sexuelles multiples du narrateur.
"
Je me suis aperçu que l'écriture pouvait aussi s'avérer une manière de dénoncer, de protester contre ceux qui m'avaient volé mon enfance, mon adolescence et une partie de ma jeunesse. C'est à ce moment seulement que mon écriture est devenue engagée". Et puisque le pain des gens est politisé, écrire pour en parler ne saurait qu'être un engagement "politisé", a dit Mohamed Choukri.
Ce roman écrit en 1952 a fait découvrir Mohammed Choukri comme un écrivain important de la littérature marocaine de langue arabe.
«
Le Pain nu est un roman fascinant. Une confession brusque et radicale de l’auteur sur son enfance. Une vie d’enfant de la rue de Tanger. Ce sont les tribulations tristes et désespérées d’un enfant abandonné à lui-même, comme il y en a tant aujourd’hui, de Tanger à Bogota, d’Alger à Kinshasa. Mohammed Choukri n’a jamais eu la chance de connaître un espace familial. Il a connu la rue avec ses habits de misère, la drogue, l’exploitation sexuelle et toutes les maladies. La vie l’a déchiré en mille morceaux dès son plus jeune âge. C’est de ça qu’il parle dans Le Pain nu » (extrait d’un article d’Azzedine Mabrouk, El Watan novembre 2000).