Au fil de nos lectures

animal a écrit:

Je colimaçonne en cours de route (et je pourrai recycler les bouts de papier qui marquent les pages) :

Citation :

L'Arsenal royal d'Enfield Lock est une colonie insulaire, autrefois enclavée, indépendante, désormais bonne pour la curée. Elle est entourée d'eau et donc désirable pour les promoteurs immobiliers. Le château d'eau néorenaissance, à moins que  ce ne soit un beffroi, sera préservé tandis que les baraquements moins élevés seront transformés en appartements pour primo-accédants, en parc immobilier. En périphérie, la nature des terrains gouvernementaux change. A l'origine, le travail c'était la vie, la liberté (la chaussée pavée menant à ce qui ressemble à une guérite de gardien provoque un authentique frisson de camp de concentration); maintenant le travail est secondaire, il se déroule ailleurs. Les quartiers dortoirs sont devenus la principale industrie. Loisir obligatoire, encore une fois. L'usine s'avérait être une ruche de balcons peu fonctionnels, d'antennes paraboliques surveillant l'eau qui stagne.

Tu colimaçonne bien, ça me rappelle un tas de lectures et de réflexions en vrac.

Citation :

Citation :

Rouler est une technique de méditation, qui donne accès à des souvenirs du futur : rouler est prophétique.

Voilà une magnifique illustration de la flèche du temps selon Jung et Pichon (de l'à-venir à ce-qui-a-été )

Parfois la nuit, quand il se retournait d'une certaine façon, il faisait cliqueter le jouet, ce qui le réveillait. Le bruit semblait toujours très fort, mais ne paraissait jamais déranger ses frères au sommeil lourd. Apparemment, il lui fallait toujours beaucoup de temps, bien que ce fût au maximum une demi-heure, pour se rendormir après le criquet. En attendant le sommeil, il écoutait la respiration légère de la chienne à la porte de sa chambre. Parfois Schatzie gémissait un peu dans ses rêves, ou reniflait comme si quelque chose l'intriguait. D'autres fois, ses frères parlaient, ou même se dressaient sur leur séant et se disputaient avec un autre invisible ou lui donnaient des ordres. Une nuit Franz avait pointé un doigts sur Markus et avait lancé d'une voix grave et surexcitée: Tu as oublié de réparer la jauge à carburant. Parce que le bruit du criquet le réveillait, il en vint à savoir quelque chose que ses frères ignoraient. Il comprit que son père restait parfois debout la moitié de la nuit à chanter pour sa mère.

La chorale des maîtres bouchers de Louise Erdrich

Bien sûr quand on a pas lu le bouquin depuis le début on ne comprend pas le contexte et on ne comprend pas pouquoi ce moment est si important. En tout cas j'ai eu les larmes aux yeux!

Fichtre, c'est intrigant...

C’était moi, ce n’était pas moi.
Moi qui, de ma vie, n’avait jamais connu la dépression, pour qui la vie était indissociable de l’écriture, pour qui l’écriture n’était qu’amour des lettres et passion d’inventer des histoires, vint un jour où je tombais muette.
Je devins analphabète. Incapable de lire et d’écrire. Dépouillée de ces lettres qui étaient mes yeux, mes oreilles, mes compagnes de route. J’oubliai l’alphabet. Les A, les B, les C… Tous s’envolèrent comme de rouges cerfs-volants, avant de se pendre aux fils, aux poteaux, aux toits et aux branche des arbres. Je ne pus en sauver aucun. Leur ficelle me resta dans les mains. Les mots étaient mes créatures miraculeuses ; Ils se dispersèrent et s’évanouirent un à un. Je devins incapable de penser, de rêver, d’écrire.

L’imagination est une jeune fille au teint de pêche. Aussi séduisante qu’une ondine, aussi trompeuse qu’une ondine. Si tu tentes de l’enlacer, elle te glisse entre les bras. Tu ne peux la retenir. Quant à la réalité, c’est une vieillarde bossue et édentée. Il est difficile de la regarder en face.

Lait noir d'Elif Shafak

Tu es tombée sur du lourd on dirait...

Ben en fait pas tellement. Bien sûr la depression postnatale, c'est lourd. Mais elle le traite avec beaucoup d'humour. Donc à part quelques pages à fendre le coeur au début et à la fin...le reste n'est pas trop lourd.

bix229 a écrit:

Maintenant je sais comment traduire "abscons" : abstiens-toi d' etre con.

Yvette Szczupak-Thomas : Un diamant brut : Vzelay-Paris, 1938-1950. - Métailié

Prends ça, Heidegger !

Promis, j'arrête.

Sullien a écrit:

bix229 a écrit:

Maintenant je sais comment traduire "abscons" : abstiens-toi d' etre con.

Yvette Szczupak-Thomas : Un diamant brut : Vezelay-Paris, 1938-1950. - Métailié

Prends ça, Heidegger !

Promis, j'arrête.

Tu ne crois pas si bien dire ! Après en avoir bavé comme c' est pas possible à la campagne, elle a été  adoptée -c' était une orpheline- à 12 ans par des intellos plus interéssés qu' interessants.
Elle a beaucoup appris et ils lui ont sauvé la mise, mais il lui a fallu payer cash...
Heureusement elle avait de la ressource. Intellligence, curiosité, dons évidents et divers.
Et des qualités d' écriture qui gagnent vraiment à etre connues.
Grace en soit rendue à Anne Marie Métailié et à ceux qui lui ont envoyé le manuscrit !

Je l'ai noté Bix!

Un petit extrait de La corde raide d'Arthur Koestler

Mes amitiés masculines furent, à quelques exceptions près, aussi intenses et aussi brèves que mes liaisons, et pour des raisons analogues. Au cours des premières rencontres avec des hommes remarquables, j'avais tendance à m'éprendre intellectuellement d'eux. L'ombre d'Hélène avait ici son parallèle dans l'ombre du grand shaman, que j'avais l'impression de rencontrer enfin. De même, dans une camaraderie avec un nouveau compagnon de table, l'image du camarade de jeu qui m'avait manqué ressuscitait. Ces lunes de miel d'amitié étaient régulièrment suivies par une seconde phase pendant laquelle l'illusion s'évanouissait, et la nouvelle acquisition était "dévaluée" comme une monnaie d'inflation. Qu'il s'agît d'un écrivain ou d'une rencontre de bistro, le processus était le même. La familiarité grandissante a pour effet mortel de vous permettre de prévoir les réactions de l'autre et, lorsque cela se produit, la qualité stimulanteet la tension créatrice d'une relation disparaissent. (...) Le processus de dévaluation s'accomplissait sans amertume, mais avec une lassitude croissante pour ces rapports mentaux, dont le caractère trop prévisible provoquerait bientôt la satiété, puis la répugnance.

un petit extrait (de La peau de l'ours) avec une pensée pour eXPie :

Citation :

On me fait monter dans le premier des dix wagons de ce train qui ne transporte que des bêtes déclassées, rachetées à des cirques pour être négociées à nouveau.
Un convoi d'animaux composé de deux voitures-cages réservées aux lions, de deux autres aménagées pour les éléphants, tandis que les six dernières, plate-formes couvertes de bâches plutôt que wagons, s'entassent pêle-mêle, enfermées dans des sabots, le reste des bêtes. Je suis enchaîné entre un zèbre de Grévy (...)

pia a écrit:

Je l'ai noté Bix!

Un petit extrait de La corde raide d'Arthur Koestler

Mes amitiés masculines furent, à quelques exceptions près, aussi intenses et aussi brèves que mes liaisons, et pour des raisons analogues. Au cours des premières rencontres avec des hommes remarquables, j'avais tendance à m'éprendre intellectuellement d'eux. L'ombre d'Hélène avait ici son parallèle dans l'ombre du grand shaman, que j'avais l'impression de rencontrer enfin. De même, dans une camaraderie avec un nouveau compagnon de table, l'image du camarade de jeu qui m'avait manqué ressuscitait. Ces lunes de miel d'amitié étaient régulièrment suivies par une seconde phase pendant laquelle l'illusion s'évanouissait, et la nouvelle acquisition était "dévaluée" comme une monnaie d'inflation. Qu'il s'agît d'un écrivain ou d'une rencontre de bistro, le processus était le même. La familiarité grandissante a pour effet mortel de vous permettre de prévoir les réactions de l'autre et, lorsque cela se produit, la qualité stimulanteet la tension créatrice d'une relation disparaissent. (...) Le processus de dévaluation s'accomplissait sans amertume, mais avec une lassitude croissante pour ces rapports mentaux, dont le caractère trop prévisible provoquerait bientôt la satiété, puis la répugnance.  

Intéressant cet extrait. Tu te reconnais un peu aussi là-dedans ?

Non pas vraiment. ça a du m'arriver quelques fois, mais je ne me reconnais pas dans cet extrait. Je trouve que c'est bien décortiqué.

il faudrait que je relève d'autres choses que des passages à la c...

From Tempête de JMG Le Clézio (c'est une fille de 13 ans qui parle/pense) :

Citation :

D'ailleurs il n'a pas le physique d'un prof. Il n'est pas très grand, un peu voûté, mais il a de belles épaules, et quand il ne met pas sa casquette il a beaucoup de cheveux frisés avec des fils blancs, c'est très élégant.