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| António Lobo Antunes [Portugal] | |
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Auteur | Message |
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GrandGousierGuerin Sage de la littérature
Messages : 2669 Inscription le : 02/03/2013
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Ven 23 Mai 2014 - 19:30 | |
| Et il me plairait d'avoir l'avis d'un lecteur célinien ... Max ??? | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Jeu 19 Juin 2014 - 19:00 | |
| Les chroniques d' Antonio Lobo Antunes se suffisent à elles-memes.
Elles reflètent ce que l' auteur voit, sent, entend, écoute, imagine, est. Ses souvenirs aussi : l' enfance, les amis, les femmes. La guerre en Angola.
J' ai l' impression qu' elles lui permettent une certaine liberté, une forme d' écho et de soulagement par rapport à ses livres de douleur.
Et c' est du meilleur Antunes. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Sam 21 Juin 2014 - 19:48 | |
| Livre de chroniques III
Parlant de lui-meme, il écrit dans Antonio 56 1/2 :
A vingt ans, il croyait que le temps résoudrait les problèmes : à cinquante, il se rendit compte que le problème était le temps. Il avait tout misé sur l' acte d' écrire..., en quete du livre qu' il ne corrigerait plus, si intensément qu' il ne pouvait plus se souvenir des évènements qui avaient eu lieu pendant qu' il écrivait. L' intensité de ce travail lui faisait rejeter toute influence et tout modèle extérieur, le condamnant à la solitude... tandis que le vent et la désillusion faisaient chaque nuit claquer la persienne.
.../... L' ardeur des jeunes écrivains ou aspirants écrivains qui lui envoyaient manuscrits et lettres le confondait : comment admettre qu' il put exister des etres disposés à vivre quotidiennement, dans l' affliction et l' angoisse ? Lui n' avait jamais décidé d' écrire des livres : quelque chose ou quelqu' un le poussait à les écrire et il bénissait le ciel de voir que ses proches étaient des etres libres qui le considéraient avec l' indulgence qu' inspirent ceux qui ont perdu une jambe au service d' une cause insensée...
.../... Les apprentis écrivains connaissaient-ils le prix à payer pour une seule page ? La différence entre le pur et l' impur ? Le moment où l' on doit travailer et celui où il faut s' arreter ? Savaient-ils que le succès n' apporte rien...? Les aspirants écrivains savaient-ils que ne pas atteindre le but visé est, dans le meilleur des cas, le plus amer des triomphes ? Que le roman achevé nous laisse trop exsangue pour nous provurer de la joie et qu' aussitot après l' angoisse de ne pas réussir le prochain commence à nous ronger ?
Livre des chroniques III, pp. 15-16 | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Dim 22 Juin 2014 - 9:34 | |
| En bleu, ce sont de citations ,n'est ce pas , bix? | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Dim 22 Juin 2014 - 15:27 | |
| - topocl a écrit:
- En bleu, ce sont de citations ,n'est ce pas , bix?
Oui, je les écris toujours en bleu. | |
| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Dim 13 Juil 2014 - 16:47 | |
| Siffler dans le noir
Lorsque les vicissitudes m' obligent à réfléchir sur moi-meme, je découvre un homme aussi gauche avec ses sentiments que d' autres le sont avec leurs mains. je suis incapable de visser le moindre boulon de tendresse sans que la clef ne m' échappe et un simple coup de marteau me blesse aussitot...
Lorsque mes parents m' ont dit imprudemment, il y a bien des années
- Cesse tes divagations
ils m' ont révélé à mon insu, la seule région où je me sente à l' aise. Totalement dépourvu de sens pratique, comme l' affirment les gens dépourvus d' imagination pour se consoler, j' ai sauté à pieds joints dans le tiroir des reves d' où je ne sortirai que pour rejoindre celui des morts, et je suis sur que je ne sentirai pas la différence...
- Cesse tes divagations
ce qui me fit préssentir, enore en culottes courtes, la part manquante de mon destin. Et je me mis aussitot à écrire, ou plutot à jouer du piano dans les nuages, sautant de livre en livre comme les endimanchés de pierre en pierre pour ne pas salir leur beau pantalon...
A la question angoissée
- Que veux-tu faire dans la vie ?
je répondais invariablement
- Siffler dans le noir
ce qui m' a sauvé de la politique, de la critique littéraire et des ambitions du pouvoir, car j' ai toujours préféré aux requins avides les séraphins déboussolés et aux forces de la nature les petites faiblesses où le plaisir se cache. Je suppose que l' inquiétude nait de l' écart entre la réalité et les projets revés : celle-ci m' a protégé des tentations de gloire mondaine des intellectuels, à savoir le privilège d' etre admis sans invitation dans un salon où l' on n' est pas désiré...
Quand on m' a conseillé
- Cesse tes divagations
on m' a surtout donné le courage de dire la vérité. Ecrire, c' est faire pleurer sans tendre un mouchoir...
Contrairement à ce que l' on croit, les lecteurs ne sont pas des amis mais des compagnons, comme pour Ulysse et le général de Gaulle qui revendiquent, de manière diférente, le meme privilège : celui de faire ensemble un long voyage, bien qu' on puisse résumer l' Odyssée par cette phrase
- J' ai ma femme qui m' attend
ce qui prouve bien que toute épopée a une dimension domestique...
Lorsqu' on lui apportait un texte, un projet de pièce, une partition, une chorégraphie, Diaghilev calait son monocle dans son orbite, et demandait
- Etonnez-moi.
Les éditeurs devraient etre tout aussi exigeants.... mais nous préférons choisir le plat auquel nous sommes habitués plutot que de consulter le menu, et cela explique pourquoi le médiocre émerveille tant les académiciens qui ont réduit le Portugal à une paroisse de province où les horloges se sont figées dans le temps qui n' existe plus. Aussi, lorsque je me rappelle la suggestion
- Cesse tes divagations
j' ai envie de faire de chaque page un bateau en papier pour le laisser voguer le long des caniveaux dans l' espoir qu' une autre main l' aborde comme une sorte d' Inde où j' aurais échoué par hasard, accompagné par l' écho d' un sifflement dans le noir et le froncement de
sourcils d' une mère. La mienne, Dieu merci, a toujours visé un peu plus haut que la ligne d' horizon, et elle n' imagine pas combien je lui suis reconnaissant d'avoir considéré ses enfants davantage
comme une exigence morale plutot qu' une raison d' etre.
Livre des chroniques III, pp. 129-133
Comme Alexandre Vialatte dans ses chroniques, Antonio Lobo Antunes dans les siennes, libère l' humour qui n' est en effet que la politesse du désespoir.
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| | | Pointvirgule Espoir postal
Messages : 30 Inscription le : 22/06/2015 Localisation : l'union
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Mar 23 Juin 2015 - 12:02 | |
| Revenue d'un voyage au Portugal (véritable coup de coeur pour ce pays) j'ai voulu lire un écrivain portugais parlant du Portugal. J'ai porté mon choix sur La splendeur du Portugal et je ne l'ai pas regretté ! Je pense qu'on retrouve dans ce roman ses thèmes de prédilection (le Mozambique, l'exil, la nostalgie d'un passé révolu avec ses drames et ses non-dits). Ce qui m'a accroché c'est son style avec peu de dialogues mais beaucoup de monologues intérieurs, le passage du je à il ou elle dans une même phrase, les personnages à deviner... et aussi bravo les traducteurs !
Il faut faire un petit effort pour rentrer dans son roman mais une fois que l'on en a compris la construction la lecture devient passionnante.
Sa façon d'écrire me fait penser à Faulkner qui utilise aussi ce style. Qu'en pensez-vous ? | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Mar 23 Juin 2015 - 13:35 | |
| toujours contente quand je vois quelqu'un parler de cet auteur... surtout en bien je ne saurais pas te répondre concernant Faulkner, je trouve la façon de faire d' Antonio Lobo Antunes tellement à part, il n'y a que lui qui sait faire du ALA mais je ne peux que t'encourager de découvrir d'autres livres de lui, à partir du moment qu'on adhère à son écriture, tous ses livres deviennent accessibles | |
| | | Pointvirgule Espoir postal
Messages : 30 Inscription le : 22/06/2015 Localisation : l'union
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Mar 23 Juin 2015 - 14:06 | |
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| | | bix229 Parfum livresque
Messages : 24639 Inscription le : 24/11/2007 Localisation : Lauragais (France)
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Mar 23 Juin 2015 - 16:51 | |
| "Sa façon d'écrire me fait penser à Faulkner qui utilise aussi ce style. Qu'en pensez-vous" ?
Tu as raison, Pointvirgule, Lobo Antunes peut faire penser à Faulkner, en ceci qu' ils ont de commun une grande exigence de style. Un style qui s' est affiné de livre en livre. Et qui le rend aisément reconnaissable. Il y a aussi la noirceur et la poésie qui caractérisent son œuvre. Une noirceur étayée par l' expérience fondamentale et tragique de la guerre qu' Antunes a vécu en Angola. La difficulté des rapports humains et la souffrance et la solitude qu' elles produisent. Bref, un grand écrivain, aujourd' hui gravement malade.
J' ajoute que tu peux aussi lire ses Chroniques, qui sont moins difficiles d' accès, plus familières, puisque l' auteur parle de ses observations quotidiennes, de ses souvenirs et qui ressemblent parfois à des ébauches de nouvelles... | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Jeu 10 Sep 2015 - 21:32 | |
| Le cul de Judas - Citation :
- En effet, selon les prophéties de ma famille, j'étais devenu un homme : une espèce d'avidité triste et cynique, faite de désespérance cupide, d'égoïsme et de l'urgence de me cacher de moi-même, avait remplacé à jamais, le plaisir fragile de la joie de l'enfance, du rire sans réserves ni sous-entendus, embaumé de pureté, et que de temps en temps il me semble entendre, voyez-vous, la nuit, en revenant chez moi, dans une rue déserte, résonnant dans mon dos en cascades moqueuses.
Echoué dans la nuit d'un bar lisboète, un homme vieillissant drague une femme inconnue à la recherche d'une brève étreinte consolatrice. Dans son paquetage, bien au fond, sa jeunesse embrigadée dans le conformisme d'une famille bourgeoise, et par-dessus 27 mois de guerre en Angola, dont il revient étranger au monde, dévasté, errant.. Et curieusement ça marche,comme le lecteur, l'auditrice muette suit jusqu’au bout cet « irrémédiable naufrage » l’égrènement logorrhéique de cette inhumaine absurdité, la confession violente et crue de cette désespérance. - Citation :
- Parce que c'est cela que je suis devenu ou qu'on m'a fait devenir : une créature vieillie et cynique qui rit d'elle-même et des autres du rire envieux, maigre, cruel des défunts, le rire sadique et muet des défunts, le rire répugnant et gras des défunts, et en train de pourrir de l'intérieur, à la lumière du whisky, comme pourrissent les photos dans les albums, péniblement, en se dissolvant lentement dans une confusion de moustaches.
Ce livre a réveillé en moi le souvenir de Meroé, d'Olivier Rolin, pour l'Afrique, et du Crabe Tambour de Pierre Schoenoerffer pour la guerre qui ne vous lâche pas. Ce sont des mondes d'homme cassés par la vie, avec ce que cela implique de cynisme, d'amertume, d'autodérision, de haine de soi et des autres : « la farce tragique et ridicule de ma vie. » Et là où Arabella a été agacée par - Arabella a écrit:
- l'impression de répétitions et redites
,j'ai plutôt été envoûtée par cette litanie d'obsessions lancinantes. - Citation :
- janvier se terminait, il pleuvait, et nous allions mourir, nous allions mourir et il pleuvait, il pleuvait,et assis dans la cabine de la camionnette, à côté du chauffeur, le béret sur les yeux, la vibration d'une infinie cigarette à la main, j'ai commencé mon douloureux apprentissage de l'agonie.
Là comme souvent la femme est le refuge nourricier, l'espoir d'un havre, son avilissement n’empêchant pas une adulation . Il y en a beaucoup, de la légitimes aux putains noires, mais j'aurai du mal à être d'accord avec la remarque d'Arabella : - Arabella a écrit:
- rapport de personnage principal / auteur avec les femmes, considérée uniquement comme des objets sexuels sans aucune consistance.
, quand je lis : - Citation :
- J'en avais marre, Sofia, et tout mon corps implorait le calme que l'on ne rencontre que dans les corps sereins des femmes, dans la courbure des épaules des femmes où nous pouvons reposer notre désespoir et notre peur, dans la tendresse sans sarcasme des femmes, dans leur douce générosité, concave comme un berceau pour mon angoisse d'homme, mon angoisse chargée de la haine de l'homme seul, ce poids insupportable de ma propre mort sur le dos.
Comme cela a déjà été dit le style d'Antunes est souvent magnifique, lyrique, dérangeant, drôle, poétique, sublime dans l'exaltation de la noirceur et des abîmés de l'âme – un peu trop, parfois, ai-je trouvé, lassée de reprendre mes phrases au début pour en retrouver la cohérence. Et je chipoterai encore en disant que le chapitrage par lettres de l'alphabet ( et dieu sait si j'aime les alphabets !) m'a paru vaguement maniéré (comme s'il avait besoin de ça!) Quoiqu'il en soit, j'arrête mes remarques critiques car Le cul de Judas est un livre très fort parce qu'il nous parle de la vie, de la mort et de l'amour, il nous les crache magistralement à la figure, partagés que nous sommes entre le dépeçage de l'Afrique par de jeunes Portugais hagards et l’atmosphère lugubre de ce bar où se reconnaissent les solitudes. | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Ven 11 Sep 2015 - 2:55 | |
| ça fait plaisir de lire tout ça... j'espère qu'il t'a donné assez d'envies pour en faire une deuxième lecture un de ces jours | |
| | | topocl Abeille bibliophile
Messages : 11706 Inscription le : 12/02/2011
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Ven 11 Sep 2015 - 8:32 | |
| Seulement "un de ces jours". Ca n'est pas le genre d'auteur dont on peut enchainer les lectures. il faut une pause digestive! | |
| | | shanidar Abeille bibliophile
Messages : 10518 Inscription le : 31/03/2010
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Ven 11 Sep 2015 - 10:46 | |
| J'avoue que je ne m'attendais pas à un commentaire aussi élogieux, je craignais que le style (parfois étourdissant) de Lobo Antunes t'épuise, mais c'est passé et je suis contente que tu sois restée assise longuement à écouter la voix de griot, la voix de poète, la voix murmure de l'auteur ! J'ai bien sûr ressorti mon exemplaire du livre et je ne cesse de piocher dedans, riant de certaines phrases, m'épuisant à d'autres, un peu fébrile, doucement bercée... | |
| | | kenavo Zen Littéraire
Messages : 63288 Inscription le : 08/11/2007
| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] Ven 11 Sep 2015 - 12:11 | |
| - topocl a écrit:
- Ca n'est pas le genre d'auteur dont on peut enchainer les lectures. il faut une pause digestive!
tout à fait d'accord avec toi... | |
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| Sujet: Re: António Lobo Antunes [Portugal] | |
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